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Synthèses - Intempestivia sapientia





INTEMPESTIVIA SAPIENTIA
 
D’après Lucien Jerphagnon dans « Connais-toi toi-même et fais ce que tu aimes[1] ».
 
La naissance d’Homo sapiens
 
« Par chance, l’homme ne s’est pas vu seul », relève Lucien Jerphagnon. Il savait depuis l’enfance les mille et une façons dont les dieux s’y étaient pris pour fabriquer, à partir de quoi, parfois à partir de rien, et comment s’étaient passés tous les matins du monde. Les dieux s’occupaient de tout. Ils avaient tout leur temps : ils étaient immortels. Étonnamment semblables pourtant aux mortels, vivant en plus surnaturel, les mêmes aventures. Ils n’étaient pas commodes, et mieux valait ne pas se les mettre à dos. Si l’on n’en vivait pas mieux, du moins le monde était plus cohérent, et ce qui restait d’angoisse s’éclairait d’un soupçon d’espérance. Paradoxalement, avec l’extension au monde des notions de cause et d’effet, c’étaient les mythes qui gratifiaient l’Homo sapiens de la première forme du rationnel. Mais quelle foi accordait-on à ces bandes dessinées célestes et infernales ? À cela on ne répond de façon précise qu’en considérant la mutation qui survint au VIIe siècle avant notre ère, du moins à nous en tenir à l’Antiquité gréco-romaine, dans la manière de regarder le monde. En effet, plutôt que sur leur mystérieuse cause première, c’était sur « la nature des choses » qu’on s’avisait de réfléchir.
En observant les astres, en méditant sur des figures dessinées sur le sable comme le faisait Archimède, en regardant l’ombre portée des pyramides comme Thalès, en associant les nombres aux figures comme Pythagore, on voyait tout autrement le monde. La physique était née, et l’Homo sapiens l’était, mais cette fois pour de bon. Et c’était bien un cadeau des dieux que de découvrir qu’il n’était pas besoin de remonter jusqu’à eux pour rendre compte de tout ce qu’ils avaient mis à la portée des hommes : l’air, la terre, l’eau, le feu…Quant aux dieux eux-mêmes, on s’en faisait une idée moins rustique. Xénophane de Colophon l’a bien vu : « Les Éthiopiens voient les dieux noirs avec un nez épaté ; les Thraces les voient avec les yeux pers[2] et des cheveux flamboyants ». Et il renchérit ; si les bœufs, les chevaux, les lions avaient des dieux, on voit bien de quoi ils auraient l’air. Cela dit, Xénophane n’en croyait pas moins à une divinité à l’origine du monde. En effet, « ce n’est pas dès le commencement que les dieux ont tout dévoilé aux mortels, mais en cherchant, et, avec le temps, ceux-ci ont découvert le meilleur ». La physique allait conduire à la philosophie.
 
« Sapientia » n’a pu se satisfaire de l’enfermement : là où Rome régnera, Athènes rayonnera
 
« Les sociétés n’aiment guère qu’on bouscule leur manière de penser et de vivre le quotidien », souligne Lucien Jerphagnon. Elles redoutent les possibles répercussions sur le politique, le religieux, ou les deux mêlés. Comme si l’idéal était, en somme, l’exacte coïncidence de toutes les consciences individuelles et de la conscience collective, elle-même inspirée, sinon modelée, par l’axiologie des pouvoirs en place. Bref, il faut penser poliment.C'est tout juste ce que Marcel Aymé appelait «le confort intellectuel» ; c'est aussi ce qu'on met de nos jours sous le concept de « politiquement correct ». Dans cette optique, le fait même que la philosophie naisse de l'étonnement, comme nul ne le conteste depuis Platon et Aristote, entraîne nécessairement des mutations dans la façon de penser de ceux à qui advient cette surprise. Du coup, la nouvelle vision du monde née de cet imprévu va déranger plus ou moins celle qui avait cours jusque-là, et qu'on regardait comme allant de soi. D'où le risque auquel s'expose le bénéficiaire de cette révélation, pour peu qu'il s'avise de la diffuser, voire de la prôner comme la bonne façon de voir le monde et les hommes. Il est toujours difficile, souvent périlleux, de naviguer vent debout, ou simplement à contre-courant.
Ce fut, bien sûr, le cas lorsque l'extension territoriale de Rome fit se rencontrer deux cultures dont un ouvrage de Paul Veyne a précisé les spécificités respectives, et suivi les relations au cours des siècles qui aboutiront à un «empire gréco-romain[3] ». Fascinant affrontement de deux consciences collectives ! D'un côté, les Romains, sûrs, comme le chante Virgile, d'être mandatés par les dieux pour gouverner le monde. De l'autre, les Grecs, se sachant l'unique peuple dont la civilisation s'impose d'elle-même. Heureux face-à-face entre deux complexes de supériorité, dont chacun des partenaires saura tirer le meilleur parti.
Côté Grecs, une stabilité politique dont Plutarque, Épictète, Aelius Aristide ont bien vu les avantages.
Côté Romains, la progressive conquête du conquérant par le conquis, comme l'a dit Horace, puisque c'est Rome hellénisée qui hellénisera l'Occident. Là où Rome régnera, Athènes rayonnera.
Le génie romain de l'adaptation avait tôt compris que s'helléniser n'était pas s'aliéner, mais devenir soi-même.
 
Les ressentis de l’« Intempestivia sapientia[4] » à Rome
 
« Aussi l'art grec de bâtir, de décorer, puis de dire s'imposera-t-il, rencontrant de moins en moins de résistance. Dans la Rome moderne d'un Martial, d'un Juvénal, la mode voudra qu'on cite du grec à propos de tout et de rien, suscitant leur ironie malicieuse. Toutefois, il n'en alla pas de même au cours des siècles pour la philosophie », ainsi qu'il ressort des quelques exemples que Louis Jerphagnon s’est plu à rappeler.
 
Au temps de la République, les philosophes se trouvent mêlés aux rhéteurs
Premier épisode
On tient d'Aulu-Gelle qu'en 173 av. J.-C., « un senatus-consulte fut voté concernant les philosophes et les rhéteurs », et il fut décidé « que le préteur M. Pomponius aviserait, veillerait, dans la mesure où il le jugerait conforme à l'intérêt public et à son devoir, à ce qu'il n'y en ait point à Rome ». Aulu-Gelle poursuit, relatant que, douze années plus tard, on porta un nouveau décret, cette fois contre les seuls rhéteurs, car, dit le texte, « ces nouveautés étrangères à la coutume traditionnelle des ancêtres ne nous plaisent pas ». Cela se passait, précise Aulu-Gelle,«endes temps trop rudes, que la culture grecque n'avait pas encore affinés » (Nuits attiques, XV, 11). L'amalgame, du reste provisoire, des deux professions en dit long. Sont touchés à la fois les gens de pensée et les gens de parole. Autrement dit, à travers les activités confondues des uns et des autres, ce qu'on bannit, ce sont les débats, sinon d'idées – les Romains n'étant guère passionnés par les spéculations –, du moins d'opinions. Tout cela, en effet, menace de déstabiliser une société fondée sur le respect pointilleux du mos maiorum, autrement dit sur l'indéfinie reconduction des valeurs qui déterminaient la façon de penser et de vivre des ancêtres.
 
Second épisode
Cicéron, Plutarque, Aulu-Gelle et Macrobe font état de cet autre épisode dont la mémoire aura décidément survécu au temps. En 156-155 av. J.-C., trois Grecs arrivent à Rome en mission : ïl leur faut défendre les intérêts d'Athènes accusée d'avoir pillé la ville d'Orôpos, et condamnée à une amende. On notera que c'est à des philosophes que les Athéniens s'en sont remis : à Diogène de Babylone le stoïcien, à Critolaos le péripatéticien, et à Carnéade, le maître de la Nouvelle Académie. Les trois intellectuels mettent à profit leur passage pour donner des conférences qui ont grand succès auprès des jeunes. Celles de Carnéade notamment : dissertant de la justice, il avait démontré du jour au lendemain le pour et le contre avec un égal brillant.
En ces temps où prévalait l'influence du vieux Caton, viscéralement attaché au mos maiorum, fond de tout enseignement, l'affaire ne traîna pas. Caton obtint du Sénat qu'on fît droit à la requête d'Athènes, écourtant ainsi le séjour à Rome de personnages aussi sulfureux, qu'il ne fallait à aucun prix laisser répandre leurs doctrines subversives.
Cependant, à mesure que Rome s'ouvre à la culture grecque, la philosophie suscite un intérêt grandissant, encore que nuancé de méfiance. Seuls, deux grands noms sous la république : Cicéron, familier de tous les systèmes, et l'épicurien Lucrèce.
 
C'est sous les Césars que la philosophie gagnera en influence
Lassée d'une guerre civile de cent ans, la vieille répu­blique avait fini par remettre ses multiples magistratures entre les mains d'un seul, qu'on appellerait tout au long de l'histoire César Auguste, du nom du premier titulaire. Récupérée par les courants politiques, la philosophie allait connaître des fortunes diverses, selon la situation du moment et les personnes en place. Ainsi, « la révolution romaine », pour le dire comme sir Ronald Syme[5], n'avait guère plu à la classe dominante s'estimant frus­trée des pouvoirs discrétionnaires dont elle tirait jusque- là profit. Tenant cette confiscation pour une atteinte à la liberté en soi, les notables invoquèrent les thèses des cyniques et des stoïciens, cela afin de donner à leur opposition au nouveau régime une justification philoso­phique. De là nombre de malentendus personnels entre tel empereur et tels philosophes, qui y perdirent la vie : Paetus Thraseas sous Néron, Helvidius Priscus sous Vespasien. De là aussi la fronde que menèrent cyniques et stoïciens contre les empereurs flaviens. Fronde qui trouva son dénouement en 93 par un édit de Domitien expulsant de Rome et d'Italie les philosophes. C'est à cette occasion, selon Aulu-Gelle, qu'Épictète se retira définitivement à Nicopolis. Tacite précise que « l'on ne se déchaîna pas seulement contre les auteurs, mais contre leurs livres eux-mêmes et que l'on chargea les triumvirs de brûler en plein forum les ouvrages des plus illustres esprits» (Vie d'Agricola, II). Tenu au courant par ses services de renseignements, auxquels Tacite fait allusion, Domitien avait su mettre à profit une situation plutôt défavorable aux philosophes depuis un temps trop d'individus douteux se prétendaient tels, suscitant les sarcasmes de plus d'un auteur.
Passé le règne du « Néron chauve », comme l'appelait Juvénal (Satires, IV, 38), la philosophie n'en continua pas moins à prospérer dans le monde romain avec les stoïciens tout spécialement auprès des Césars. On s'appuya aussi, des siècles durant, sur les traités néo-pythagoriciens Peri basileias d'Ecphante, Diotogène et Sthénidas, qui assimilaient le César en place au Roi idéal tel qu'on le concevait dans les temps hellénistiques : mandaté par les dieux, garanti par les sages[6].
 
La nouvelle religion, le christianisme, assimilé à la seule vraie philosophie
Avec Constantin et ses successeurs, l'empire était passé au christianisme. Comme l'a montré de façon minutieuse Anne-Marie Malingrey[7], l'usage va s'installer de regarder la nouvelle religion comme une philosophie, au sens où on l'entend aujourd'hui d'une vision du monde. Mais, peu à peu, ainsi que l'ont fait Eusèbe de Césarée, Augustin et bien d'autres, on en viendra à la tenir pour la seule vraie, dès lors que les autres écoles émanent du paganisme, et donc à l'imposer comme telle. C'est dans cette perspective qu'il nous faut consi­dérer les deux derniers épisodes de la présente étude.
1)      C'est dans l'Alexandrie du Ve siècle qu'enseignait Hypatia, la fille du mathématicien Théon. Savante, de mœurs  irréprochables, la jeune femme enseignait Platon dans la ligne néoplatonicienne, mais aussi Aristote et les stoïciens. À ses cours se pressait l'intelligentsia alexandrine. Synésios de Cyrène tenait d'elle sa forma­tion philosophique. Devenu chrétien, il lui garderait autant de respect que de reconnaissance. Mais en mars 415, à la suite d'une série d'émeutes entre partisans de deux ennemis avérés, le préfet Oreste – un fidèle audi­teur d'Hypatia – et l'évêque Cyrille, un commando de moines intercepte la litière de la jeune femme qui ren­trait chez elle. Ces hommes de main entraînent la philosophe dans une église, la dénudent et la tuent à coups de tessons. Après quoi ils dépècent son corps avant d'en brûler les restes sur la place publique (Socrate, Histoireecclésiastique ,VII, 15).
2)      On est au VIe siècle, sous Justinien. Derniers feux de l'empire, derniers efforts pour la reconquête territoriale et la réunification de ce que les siècles ont dispersé. Cela même se traduit sur tous les plans : militaire, policier, juridique, et bien sûr religieux, l'unité religieuse garantissant, dans la tradition romaine, l'unité politique. Redoutant le danger que représentait selon lui le prestige de la pensée païenne, Justinien, en 529, décrète la fermeture de l'école d'Athènes et, trois ans plus tard, il confisque les biens des platoniciens.
« Nous interdisons, dit le texte, qu'aucun enseignement soit professé par ceux qui sont malades de la folie sacrilège des Hellènes[8] » — entendez : la philosophie et le droit. À la conversion, Damascios et les derniers penseurs préférèrent l'exil chez les Perses.
Cette liste ne se prétend pas exhaustive. Étrangère aux différends de personne à personne, comme il arriva plus d'une fois, elle retient tout juste les conflits entre deux entités.
a)      D'une part, les pouvoirs politiques, toujours décidés à faire prévaloir dans la pensée commune les valeurs, les fantasmes, les automatismes de leur choix, toutes choses devant aller de soi indéfiniment.
b)      D'autre part, il y avait ces intellectuels aussi divers que les écoles de pensée dont ils se réclamaient, et qui attestaient qu'une autre vision du monde était possible, génératrice de comportements différents. Engendrée par les philosophes, une autre organisation du monde se profilait, là où précisément tout était censé aller de soi et pour toujours. Cela, des pouvoirs apparemment aussi divers que la Rome républicaine, la Rome des Césars, l'empire chrétien d'Orient, l'avaient pareillement compris. Tous avaient évalué la portée de semblables initiatives, et leurs conséquences pratiques, ce qui chaque fois s'était traduit en termes de périls qu'il fallait conjurer par décret. Née de l'étonnement, la sagesse des penseurs pouvait-elle apparaître rassurante aux yeux de dirigeants ? À tout le moins, pour reprendre le mot de Tacite que je cite en exergue, rappelant l'aventure du stoïcien Musonius[9], qui, en pleine crise de régime, se mêlait aux soldats pour les moraliser, et s'en était tiré de justesse, il était fatal que la philosophie apparût hors de saison, intempestiva sapientia. Au reste, ne l'est-elle pas toujours ? Socrate l'a su mieux que personne.
 
La poursuite inéluctable du mythique s’opposant au rationnel
 
« Les visions du monde », comme le montre Lucien Jerphagnon,  se succèderont au cours des âges, et cependant les mythes vont demeurer. Des siècles durant, naturel et surnaturel, mythique et rationnel vont coexister de façon pacifique, s’éclairant l’un l’autre. Les deux plans de vérité étaient regardés comme compatibles : il ne serait venu à l’idée de personne d’opposer les règles de la géométrie et les légendes de la mythologie. Il fallait des mathématiques pour construire un temple, et des prières pour l’inaugurer. Ainsi les hommes ont-ils longtemps selon les deux dimensions, la mythico-religieuse et la philosophique et aucune des deux ne prétendait évincer l’autre, indépendamment des préférences de tout un chacun. Trois observations à ce propos.
Dans le polythéisme :
1)      l'idée de dieu n'était pas affectée du même coefficient de transcendance que dans les religions monothéistes ;
2)      aucune réglementation dogmatique ne s'imposait aux fidèles : tout reposait sur des traditions ancestrales qu'on observait sans toujours bien comprendre ;
3)      on ne prenait guère les légendes au pied de la lettre ; on en décryptait le sens symbolique grâce à la méthode allégorique mise au point par Théagène de Rhégiurn au Ve siècle av. J.-C.
Philon d'Alexandrie en usera d'ailleurs en milieu juif ; Clément d'Alexandrie, Origène, Ambroise, en milieu chrétien. Bref, on pouvait croire raisonnablement. Ainsi Varron (IIe-Ier siècle av. J.-C.), dans sa célèbre théologie tripartite, distinguait trois plans, chacun correspondant à une attente spécifique : la théologie mythique, celle des poètes ; la théologie civile, qui honore les dieux officiels aux moments voulus de l'année, et enfin la théologie des philosophes, qui traite de la nature des dieux. Une phénoménologie avant la lettre. Cela durera jusqu'à l'hégémonie des religions monothéistes, chacune tenant sa croyance pour la seule authentique. Les autorités religieuses sont alors tentées de subordonner le rationnel au mythique, certains même de l'évincer carrément, avec ou sans l'appui des autorités civiles. D'où les aberrations de l'Inquisition, de l'affaire Galilée, du créationnisme hostile à Lamarck et Darwin, etc. C'est d'ailleurs en réaction contre cette dictature de la foi que s'est levée une résistance plus ou moins ouverte mais décidée, qui commence à la Renaissance avec Rabelais et Montaigne. Elle se précise au XVIIe siècle avec « le grand rationalisme », comme dit Merleau-Ponty : Descartes, les cartésiens, Pascal. Elle se radicalise au XVIIIe siècle avec les Encyclopédistes, Voltaire, Diderot, et se ridiculise à la Révolution, avec la déesse Raison... Chassez le mythe, il revient au galop. Au cours du XIXe siècle, l'idéologie rationaliste se dégrade en sectarisme avec ce que Merleau-Ponty a appelé «le petit rationalisme », tandis que prolifèrent les intégrismes religieux. Leursempoignadessontàlafoisnavrantesetdistrayantes.«La vérité est plurielle », dit fort justement Paul Veyne. Peut-être serait-il bon de chercher à concilier l'une et l'autre aspiration, l'appétit de savoir et le goût d'espérer ?
« Le rationnel retiendrait le mythico-religieux de délirer ; le mythico-religieux retiendrait l'homme sur la pente de la chosification ». Mais ce disant, peut-être, Lucien Jerphagnon a-t-il versé lui-même dans l'illusoire, autrement dit dans ce qu'on appelle aujourd'hui... un mythe ?


[1] Edité par Albin Michel en février 2012, ce livre réunit nombre de textes de l’auteur étalés sur plusieurs décennies et parus dans diverses revues et magazines. Le hasard a voulu, note l’éditeur, que pour cette compilation entreprise dès 2009, son auteur ait pu remettre ses ultimes corrections le 22 août 2011, peu de temps avant sa mort qui intervint le 16 septembre suivant.
[2] Pers, c’est-à-dire perses, persans, d’une couleur entre le vert et le bleu.
[3] P. Veyne, L'Empire gréco-romain, Seuil, 2005.
[4] Tacite, Histoires, III. 81.
[5] R. Syme, La Révolution romaine, trad. R. Stuvéras, Galli­mard, 1978.
 
[6] Voir L. Jerphagnon, Les Divins Césars. Idéologie et pouvoir dans la Rome impériale, Tallandier, 2e éd., 2004.
[7] A.-M. Malingrey, Philosophia, Klincksieck, 1961.
[8] Malalas, Chronographia, éd. Dindorf, p. 449-451.
[9] Musonius Rufus, v. 20 ou 30 ap. J.C. avait ouvert à Rome une école célèbre quand il fut impliqué dans une conjuration contre Néron et banni. Il retourna à Rome sous Galba ou Vitellius.



Date de création : 12/03/2012 @ 11:44
Dernière modification : 12/03/2012 @ 11:55
Catégorie : Synthèses
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