VOLCKER OU VICKERS
Les électeurs français, bien, malgré eux, sont invités à se pencher sur la « FINANCE ».
La proposition de séparer les activités de dépôts des activités spéculatives dans les banques offre-t-elle toute garantie pour les particuliers et les entreprises ? À voir le nombre de faillites de banques strictement de dépôts qui se sont produites aux États-Unis au cours de l’année 2011, il ne le semble pas. En effet, dans différents États, 23 de ces établissements ont été déclarés en faillite ; les dix plus importants représentaient un ensemble d’actifs de plus de 9 milliards et le coût total pour le fonds de garantie s’est élevé à plus de 2 milliards. La recherche de la protection des déposants se trouve donc ailleurs.
Une solution a été proposée aux USA par Paul Volcker, un des conseillers économiques du président Barack Obama, qui dirige le Conseil pour la reconstruction économique (Economic Recovery Advisory Board). Durant la crise financière de 2007-2008 Volcker a été extrêmement critique envers les banques, jugeant que leur réponse à la crise avait été inadéquate. Ainsi a-t-il plaidé pour plus de régulation, insistant pour que les banques de dépôts ne puissent s'engager dans des opérations risquées (gestion sur fonds propre, capital-investissement, investissements dans des fonds de pension). Le 21 janvier 2010, le président Obama, faisant siennes ces suggestions a proposé une nouvelle réglementation bancaire qu'il a surnommée « The Volcker Rule », en référence aux fortes plaidoiries de Volcker en leur faveur. Une version différente est envisagée par les Anglais sous le nom de loi Vickers. Cette régulation envisagée pour 2015 par le gouvernement de David Cameron a pour ambition de séparer au sein de chaque groupe bancaire la banque de détail de la banque de financement et d’investissement (BFI).
Aujourd’hui plusieurs banquiers français, notamment Frédéric Oudéa de la Société Générale, et François Pérol de la BPCE reconnaissent qu’il est « parfaitement légitime de dire que l’on ne souhaite pas que les dépôts de Français ou de contribuables soient mis à risque par des activités spéculatives sans intérêt pour l’économie. Ils se disent prêts à discuter de la manière de renforcer encore ce point ».
Ils ne font cependant pas mystère de leur préférence pour la loi Volcker qui va s’imposer aux États-Unis et ils envisagent même de prendre les devants pour éviter la version britannique (Vickers). « Je crois que ce serait une mauvaise loi, plaide F. Oudéa, car il est nécessaire dans les activités de marchés de distinguer ce qui est spéculation de ce qui est nécessaire au financement de l’entreprise ».
La loi Vickers qui repose sur une filialisation de la banque de détail, poserait une difficulté majeure aux groupes mutualistes construits sur une logique inverse où la BFI est filiale de la banque de réseau , comme Natixis dans le groupe BPCE par exemple.
Deux logiques différentes
Les approches de Washington et de Londres diffèrent profondément (alors qu’on cherche à nous les vendre comme équivalentes). Selon Fabrice Asvazadourian, associé du cabinet Roland Berger, « l’approche américaine est à la fois plus ciblée et radicale. Les Américains veulent interdire les activités spéculatives pour compte propre des banques et maîtriser le risque sur les produits dérivés en incitant très fortement leur traitement dans un processus identique à celui des actions cotées. Cette approche a des implications plus évidentes et une mise en œuvre plus simple pour l’industrie financière ». Elle a surtout le mérite pour les banques françaises (et sans doute européennes) d’être déjà largement dans les tuyaux : depuis quatre ans les établissements ont drastiquement réduit leurs activités de fonds propres et ils poursuivent le mouvement alors que des équipes entières sont parties rejoindre les hedge fund.
Personnellement, François Pérol va même jusqu’à formuler l’interdiction qui pourrait être faite aux banques : « Je suis d’accord pour interdire aux banques toute activité spéculative lorsqu’elle agit pour son compte ». Elle a le mérite d’être claire et précise.