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Suivi des progrès aux USA - Suivi USA janvier 2012




SUIVI USA JANVIER 2012
 
À quoi pourra-t-on mesurer les progrès internes que les USA sont à même de réaliser dans la prochaine décennie ? 
 
BASE SEPTEMBRE 2011
 
     (a)À la réforme financière
 
Elle ne se limite pas à la réforme des règles du jeu et les ratios qui s’appliquent à l’ensemble de la profession. Ces nouvelles règles de régulation approfondie des acteurs de la finance et de prévention des risques systémiques constituent un cadre à l’intérieur duquel les responsables bancaires et financiers doivent réapprendre à pratiquer leur métier de base. Il consiste à financer avec discernement la vieille et la nouvelle économie, plutôt que d’encourager la docilité illimitée des spéculateurs. L’idée fait son chemin, mais à pas comptés, tant les intérêts personnels sont encore prévalents et le poids du passé prégnant. En effet, la caste financière américaine, quelques milliers d’individus, conserve un poids exorbitant sur la gestion de l’économie du pays, notamment à travers la banque de l’ombre, non réglementée, qui draine d’immenses fonds spéculatifs.
 
     (b) À la croissance économique
 
Certes l’économie redémarre et elle continue à créer des emplois, mais le progrès se mesurera d’abord dans la durée au fait que l’Amérique redonnera la priorité aux investissements d’avenir générateurs de création de richesse : l’éducation, la recherche, le capital-risque et les infrastructures…[Dans le domaine de la recherche, les États-Unis possèdent encore des atouts incontestables. En 2011, sur les 12 Nobel attribués, 6 sont revenus à des chercheurs américains, autant que pour le reste du monde]. En tout état de cause, les retombées des nouveaux investissements d’infrastructure et de technologie prendront des années à se matérialiser. Compte tenu des hommes en cause, les États-Unis devront sans doute modérer leurs dépenses militaires ainsi que leurs engagements sociaux de retraite et de santé, et réapprendre à faire de l’investissement dans les nouvelles technologies et dans les banques de proximité pour financer les PME américaines.
Pour y parvenir ils devront basculer d’un déficit intérieur et extérieur sans retenue et d’une financiarisation à outrance de leur économie vers un financement du développement des activités et services traditionnels et de pointe, intégrant de multiples innovations. Ils ont commencé à le faire, notamment dans le domaine médical, des télécommunications et de la biologie. De telles politiques de longue haleine vont de pair avec la conquête de nouveaux marchés à l’étranger. Dans cette perspective, la crise de 2008 est un catalyseur précieux. La mutation pourrait avoir lieu au cours des deux prochaines décennies. Les changements de mentalité ont débuté. On commence à parler de la création d’une banque des infrastructures. Mais on est encore loin du compte, ce qui explique l’atonie récente de l’économie américaine. Souvenons-nous qu’il n’y a pas de bonne finance sans bonne industrie. Or les États-Unis ont besoin d’avoir accès à des liquidités suffisamment abondantes et bon marché, pour être en mesure de financer la prochaine étape de leur redéploiement industriel.
 
     (c) À la politique internationale
 
En outre, le progrès deviendra perceptible à travers le monde si la puissance américaine se retire des conflits du passé, y compris ceux qui s’éternisent aujourd’hui, sans pour autant laisser derrière elle des situations chaotiques de guerres civiles ou régionales. Il est tout de même extraordinaire de s’enliser dans une guerre en Afghanistan tandis que les guérillas de la drogue ont fait 20 000 morts à quelques portées de fusil de la Californie, sans que les États-Unis aient pu guérir ce cancer sont ils sont en partie la cause. L’imposition de la force demain continuera à comporter la maîtrise des armements de supériorité, mais elle exige dès à présent la capture précoce, universelle, efficace de l’information exacte qui permette l’action chirurgicale partout et en tout temps. Ce n’est pas seulement l’Amérique qui est menacée, c’est le fluide mondial qui est susceptible d’être pollué. Là encore les États-Unis ont, avec très peu d’autres nations, une avance extraordinaire, non plus comme gendarme du monde, mais comme agent hygiénique en chef.
Pour ce faire, il leur faudra désormais investir massivement dans leurs services diplomatiques qu’ils pourront financer grâce à une décrue sélective de leurs dépenses militaires.
 
     (d) À l’évolution du Moyen-Orient
 
L’Amérique est à un tournant au Moyen-Orient : elle peut décrocher et focaliser sa présence militaire sur quelques pays notamment pétroliers ou employer sa force, sa diplomatie et son prestige avec discernement et discrétion comme dans le cas de l’Égypte pour inspirer une autre politique. Son retrait brutal entraînerait la montée en puissance de deux anciens empires sous leur forme moderne : la Turquie et l’Iran. Le risque de bras de fer et de bouleversements contagieux dans l’ensemble de la région sont significatifs et concernent au premier rang Israël. L’Amérique le sait et entend agir de façon responsable. L’autre politique qui pourrait aller de pair avec une présence militaire plus restreinte et sélective, s’inspirerait de Lord Beveridge. Il écrivait en 1947, en exergue de son livre sur la Sécurité Sociale : « La pauvreté extrême engendre la violence extrême ». Dans cet esprit, l’Amérique pourrait prendre l’initiative d’apporter son soutien et donc d’aider à légitimer un plan de reconstruction et de développement pour les populations les plus pauvres et les plus nombreuses du Moyen-Orient. Le leadership économique et financier en reviendrait aux pays de la région qui s’engageraient à suivre cette voie. L’Europe, les États-Unis et certains pays d’Asie apporteraient un savoir-faire industriel et un appui méthodologique. La violence pourrait décroître. L’espoir renaîtrait chez les jeunes au chômage. Une lente marche vers la démocratie pourrait s’amorcer.
 
     (e) À une nouvelle alliance avec l’Europe
 
Cette évolution trouvera résonance si l’Amérique réussit à construire un nouveau projet commun avec l’Europe, fondé sur leur complémentarité et leurs valeurs partagées. Le déni de reconnaissance à l’égard de l’Europe n’est pas une politique qui maximalise les chances d’une renaissance économique et géopolitique des États-Unis notamment dans les rapports de force avec la Chine. Les États-Unis commencent-ils à le comprendre ? Une telle reconnaissance nécessiterait de tisser de nouveaux liens humains de confiance entre de nombreux responsables des deux rives de l’Atlantique, sans doute à travers une redéfinition des missions, des méthodes de travail, voire des outils de collaboration. Cela deviendrait indispensable le jour où la Chine renâclerait devant la poursuite de l’unilatéralisme monétaire américain et l’implicite suzeraineté qu’il implique, ou dans l’hypothèse de nouvelles difficultés au Moyen-Orient qui pourraient exiger de mobiliser à bon escient ses alliés d’antan.
 
     (f) À la participation active dans la mise en place d’une nouvelle gouvernance à l’échelle mondiale
 
Comment favoriser à l’avenir la poursuite d’une progression générale des échanges et des niveaux de vie à un moment où le principal interlocuteur des États-Unis est devenu le « reste du monde » ?
Il est clair que les problèmes de gouvernance qui se posent sont d’une rare complexité. Ils interréagissent entre eux et les facteurs internes à chaque pays, régionaux et internationaux s’enchevêtrent. La création d’un centre mondial de la gouvernance que les États-Unis pourraient impulser permettrait de réaliser peu à peu des avancées importantes pour toutes les parties concernées. Les régions développées [s’y trouveraient associées, notamment la Chine, le Japon, l’Inde et l’Europe. Tel est, semble-t-il, le rôle envisagé pour le G20 – à présidence annuellement tournante –, et décliné selon plusieurs thèmes : G20 agricole, G20 économie et finance, B(usiness)20, L(abour)20, etc.].  
 
 

 
     (b)À la croissance économique
 
QUI SONT CES 1% d’AMÉRICAINS RICHISSIMES ?
(Article de SHAILA DEWAN et de ROBERT GEBELOFF – New-York Times du 20 janvier 2012) [20]
 
Il s'agit d'un groupe plus large et plus diversifié qu'il n'y parait.
 
KINGS POINT, New York –
Il y a quel­ques mois, Adam Katz était un homme d'affaires prospère parmi tant d'autres cinq enfants, une_maison à huit mil­lions de dollars, une société immobi­lière familiale, et sa passion, Talon Air, compagnie aérienne charter.
Mais aujourd'hui, aux États-Unis, l'écart colossal entre les très riches et tous les autres – le 1 % par rapport aux 99 % – est un fait communément admis. "De nos jours, faire partie du 1 % n'est pas très bien vu, n'est-ce pas ?" lance-­t-il.
Adam Katz appartient donc à un club dont le nom évoque ces "grosses légu­mes" que des chauffeurs véhiculent de leur manoir à Manhattan et vice- versa.
En réalité, c'est un groupe beaucoup plus large et plus diversifié, qui com­prend des podologues et des clercs, `ceux qui sont partis de rien et d'autres nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Ils vivent à New York et à Los Angeles, à Denver et à Dallas. Leur statut financier va des ménages qui gagnent 380 000 dollars par an (300000 euros) aux milliardaires comme War­ren Buffett et Bill Gates.
Dans une année donnée, le un pour cent supérieur des salariés touche près d'un cinquième du revenu avant impôts du pays, environ le double de ce qu'était leur part il y a 30 ans. Selon l'organisa­tion Tax Policy Center, ils paient un peu plus de 25 % de toutes les taxes fédéra­les.
Ils s'accordent presque tous à dire que les riches peuvent et doivent ap­porter une plus grande contribution financière au pays, "Ça ne me dérange pas de payer un peu plus d'impôts ou de contribuer aux programmes qui aident les pauvres", affirme Anthony Bonomo. Ce républicain de Manhasset dirige une société d'assurance spécialisée dans les erreurs médicales.
Mais il refuse d'être rendu respon­sable des malheurs du pays. "Ceux qui campent dans ce parc tous les jours, pourquoi ne cherchent-ils pas un em­ploi? Pourqtioi blâment-ils les autres?"
Pour beaucoup, 99 contre 1 est une distinction artificielle qui ignore le tra­vail acharné et la moralité. "Cela ne de­vrait pas compter, proteste Adam Katz, qui souligne qu'il crée des emplois et contribue à des causes charitables. Je ne blesse personne. J'aide beaucoup de gens."
La plus forte concentration de ce fa­meux club des 1 % aux États-Unis se trouve dans la tranquille étendue de Long Island, dans l'Etat dé New York, immortalisée par F. Scott Fitzgerald dans Gatsby le magnifique sous le nom de West Egg et East Egg. La récession ne semble pas avoir prise sur cette par­tie nord-ouest du comté de Nassau qui inclut Great Neck, Manhasset et Port Washington.
Anu Chandok, 36 ans, cancérologue, . dit des difficultés économiques du pays: "Je les vois vraiment autour de moi, C'est juste qu'elles ne m'ont pas encore affecté personnellement."
La région compte parmi ses habitants Anthony Scaramucci, l'investisseur ridiculisé pour avoir demandé pourquoi Barack Obama tapait sur Wall Street "comme sur une piňiata". Bernard Ma­doff a habité ici, et de nombreuses vic­times de son arnaque y vivent encore. Mais tout le monde n'a pas fait fortune à Wall Street: c'est le cas de Susan lsaacs, auteur de romans policiers.
Dans la région, les très riches expli­quent généralement leur succès par du talent et un travail acharné. Les statis­tiques montrent qu'ils ont trois fois plus de chances que les 99 % restants de travailler plus de 50 heures par semaine. Ceux qui sont mariés sont aussi suscepti­bles que les autres d'avoir deux revenus, mais les hommes gagnent généralement 75% de l'argent du ménage, contre 64 % chez les plus modestes.
La plupart d'entre eux ne s'attardent pas sur les avantages conférés par des facteurs comme l'origine ethnique ou la famille. Des études montrent que les Blancs jouissent d'une plus grande mobi­lité sociale que les Noirs et que le niveau d'éducation des parents est un présage de réussite crucial. La famille est im­portante pour les très riches, le taux de mariage y est presque le double de celui des autres. Ils ont plus d'enfants, mais pas plus de voitures, que les familles de la classe moyenne et de la haute bour­geoisie. L'éducation est essentielle. La grande majorité est titulaire d'un diplô­me universitaire.
Mais parmi les familles aisées de Nas­sau, beaucoup considèrent appartenir pratiquement à la classe moyenne. La vie est si chère ici, assurent-ils, qu'on n'a pas grand-chose avec 380 000 dollars. Ils n'ont pas tort. S'il faut cette somme pour appar­tenir au 1% supérieur du pays, à Stamford, dans le Connecticut, cela requiert 900 000 billets verts, contre 200 000 à Clarksville, dans le Tennessee, une aubaine. Le re­venu moyen de ces 1%, selon le Tax Policy Center, est de 1,5 million de dollars, et on estime qu'en 2011, les super-riches – le dixième supérieur du groupe – ont gagné en moyenne 6,8 millions.
L'écart entre riches et pauvres varie considérablement. À Manhattan, les 1 % touchent au moins 790000 dollars, soit 12 fois le revenu moyen de la presqu'ile. À Macon, en Géorgie; le seuil est à 270 000 dollars, environ six fois le revenu médian. Les médecins sont la profession dont les membres sont les plus susceptibles d'ap­partenir au 1% (un sur cinq). Mais à Man­hattan, gestionnaires de portefeuilles et banquiers, très nombreux, les ont rem­placés. David Mejias, avocat spécialiste du divorce et des blessures corporelles, assure que le système favorise les profes­sions libérales et les chefs d'entreprise qui peuvent déduire de leurs impôts une partie du coût de leurs voitures, voyages et dîners. "Avant même que nous touchions notre paye, la plupart de nos frais nous ont été remboursés", souligne-t-il.
À une époque où les Américains en difficulté éprouvent de la colère devant l'enrichissement des plus fortunés, ces derniers sont nombreux à dénoncer ce qu'ils appellent la lutte des classes. L'un d'eux nous assure que son avion est toujours prêt à décoller. Un investisseur admet qu'il est injuste que les revenus de ses placements soient moins imposés qu'un salaire. Mais, pour lui, faire porter le Chapeau aux riches n'est pas la solution. "Si vous payez 50 millions de dollars en impôts, est-ce juste ou injuste ? s'interroge-t-il. Quand une taxe est mise au point spécifiquement pour 0,1% de l'économie, difficile de ne pas se sentir visé."
Peut-être aurait-il trouvé un certain réconfort à voir la petite pancarte apparue un jour d'automne pendant les manifestations "Occupy Wall Street". "Nous sommes les 100 %" y lisait-on.
 
 
L’AMÉRIQUE N’EST PAS UNE ENTREPRISE
(Article de PAUL KRUGMAN – New-York Times du 20 janvier 2012) [21]
 
"Et la cupidité – je pèse mes mots – non seulement sauvera Teldar Paper, mais elle sauvera aussi cette entreprise en difficulté qu'est l'Amérique".
C'est sur ces paroles que Gordon Gekko, le financier du film Wall Street, sorti en 1987, concluait son célèbre discours "la cupidité est bonne". Gekko aura ce qu'il mérite. Mais dans la vraie vie, sa philosophie a triomphé et les politiques qui s'appuient sur ce mantra expliquent en grande partie pourquoi les revenus du centile le plus riche ont augmenté tellement plus vite que ceux de la classe moyenne.
Aujourd'hui pourtant, c'est le reste de sa phrase qui m'intéresse, quand il compare l'Amérique à une entreprise. Là aussi, l'idée a fait des émules. C'est l'argument massue de la campagne électorale de Mitt Romney : il prétend en effet que l'économie américaine défaillante a besoin d'un homme d'affaires reconnu.
Cette affirmation a bien entendu suscité la curiosité de certains, qui ont passé sa carrière à la loupe. Et durant ses années chez Bain Capital, un fonds de capital-investissement, il y avait effectivement du Gordon Gekko en lui. Visiblement, loin de l'image du capitaine d'industrie à la main sûre, il était plutôt affecté aux rachats et ventes d'entreprises, souvent aux dépens des employés. Et son affirmation, invérifiable, qu'il est un "créateur d'emplois" ne joué pas non plus en sa faveur.
Mais c'est l'idée même que l'Amérique aurait besoin d'un homme d'affaires accompli à sa tête qui me gêne : ce pays n'est pas, en fait, une entreprise. Il s'agit de mener une politique économique judicieuse, non de maximiser les bénéfices d'une société. Quant aux hommes d'affaires – aussi doués soient-ils – ils n'ont en général aucun talent particulier pour remettre un pays sur les rails de la croissance.
Pourquoi une nation ne fonctionne-t- elle pas comme une entreprise ? Déjà, parce l'enjeu dépasse la simple question des pertes et des profits. Ensuite, l’économie d'un Etat est plus complexe qu'une entité privée, aussi importante soit-elle.
Néanmoins, le point le plus pertinent par rapport à la situation actuelle, c'est le fait que même les entreprises gigan­tesques vendent l'essentiel de leur pro­duction à d'autres gens et non à leurs propres employés – alors que même les petits Etats achètent à eux-mêmes la plupart de leurs produits et que le client le plus important de grandes na­tions comme l'Amérique est le pays lui-­méme, et de loin. Certes, on parle d'éco­nomie "mondiale". Mais six employés américains sur sept travaillent dans le secteur tertiaire, globalement préser­vé de la concurrence internationale, et même nos usines écoulent l'essentiel de leur production sur le marché inté­rieur. Si vous envisagez les choses sous l'angle des politiques, le fait que nous soyons nos propres clients représente une énorme différence.
Voyez ce qui se passe quand une en­treprise se lance dans une réduction drastique des coûts. Pour ses diri­geants (mais pas pour ses employés), plus on réduit la voilure, mieux c'est.
C'est différent lorsqu'un gouver­nement taille dans ses dépenses en pleine récession. Regardez la Grèce, l'Espagne ou l'Irlande, où de sévères mesures d'austérité ont été adoptées. À chaque fois, le chômage a explosé parce que les coupes claires dans les dépenses publiques touchent surtout les producteurs locaux. Et à chaque fois, la réduction des déficits a été moindre que, prévu parce que les re­cettes fiscales ont fondu avec la chute de la production et de l'emploi.
Avoir fait carrière en politique n'est pas forcément une meilleure carte de visite pour gérer l'économie d'un pays qu'être homme d'affaires. Mais M. Romney affirme que son parcours fait de lui le candidat idéal pour la prési­dence. Vous ai-je dit que le dernier chef d'entreprise à avoir occupé laMaisonblancheétaitun certain Herbert Hoo­ver (à moins, bien sûr, de compter George W. Bush) ? Et puis M. Romney comprend-il la différence entre diriger une société et gérer une économie ? Comme bon nombre d'observateurs, j'ai été quelque peu surpris la derniè­re fois qu'il a défendu son bilan chez Bain : il a affirmé avoir fait comme l'administration Obama lorsqu'elle a renfloué l'industrie automobile – et mis des ouvriers au chômage. J'aurais pensé que le candidat se serait gardé d'évoquer une politique particulière­ment efficace que le Parti républicain, lui compris, avait vilipendée à l'épo­que.
Mais ce qui m'a vraiment frappé, c'est la manière dont il a qualifié l'ac­tion de l'actuel président : "Il a agi ainsi pour tenter de sauver l'entrepri­se". C'est faux. Il l'a fait pour sauver le secteur et, partant, des emplois. Notre challenger saisit-il la nuance ?
L'Amérique a certainement besoin d'une politique économique plus ef­ficace que les mesures actuelles – et si cette situation déplorable est en grande partie le fait des Républicains et de leur opposition suicidaire à toute proposition constructive, le président Obama a commis de graves erreurs. Mais les choses ne s'arrangeront pas avec l'installation dans le bureau Ovale, l'an prochain, d'un type qui considère que son job sera d'organiser le rachat par emprunt de l'entreprise America Inc.
 
LE JAPON FAIBLE ET RÉSIGNÉ N’EST QU’UN MYTHE
(Article de EAMONN FINGLETON – New-York Times du 20 janvier 2012) [22]
 
Comment expliquer un tel décalage entre l’image et la réalité ? Que peuvent retirer les USA et l’Europe de l’expérience japonaise ?
Il est vrai que les prix de l’immobilier n’y ont jamais retrouvé les sommets indécents brièvement atteints lors de la phase ultime et délirante du boum. Ni la bourse de To­kyo, d'ailleurs.
Si l'on se fie au guide Michelin, Tokyo s'enorgueillit d'abriter 16 des meilleurs restaurants du monde (Paris, son dau­phin, en compte dix). Mais la solidité de l'économie et du peuple japonais trans­paraît de bien des manières. Plusieurs faits bruts ne cadrent pas avec l'image économique dégradée que l'on a du pays :
l'espérance de vie moyenne à la naissance aprogressé de 4,2 ans (passant de 78,8 à 83 ans) entre 1989 et 2009, ce qui signifie que désormais, un Japonais moyen vit 4,8 années de plus qu'un Américain. Grâce, essentielle­ment, à des soins de santé de meilleure qualité.
le Japon a aussi fait des avancées remarquables au niveau de ses infra­structures Internet. Selon une enquête récente d'Akamai Technologies, sur les 50 villes au monde offrant le débit le plus rapide, l'archipel en compte 38, contre trois seulement pour les États-Unis.
depuis la fin de l'année 1989, le yen a gagné 87 % face au dollar et 94 % face à la livre sterling. Depuis la création de l'euro, il aprogressé de 26 %.
le chômage s'établit à 4,2 %, soit pra­tiquement la moitié du taux américain. Il atteint 22,9 % en Espagne, 8,5 % en Italie et 8,3 % au Royaume-Uni.
d'après le site shyscraperpage.com, qui recense les grands immeubles, 81 bâ­timents de plus de 150 mètres de haut ont été construits à Tokyo depuis le début des "décennies perdues" - contre 64 à New York, 48 à Chicago et sept à Los Angeles.
l'excédent courant – l'indicateur le plus général des échanges – a atteint 196 milliards de dollars (154 milliards d'euros) en 2010, un chiffre qui a plus que triplé depuis 1989. Sur la même période, les Etats-Unis s'enfonçaient dans le déficit, passé de 99 à 471 milliards de dol­lars. Celui de l'Union européenne atteig­nant 262 milliards de dollars, avec trois pays faisant figure de lanternes rouges : l'Espagne (63,6 milliards), l'Italie (61,9 milliards) et la France (53,2 milliards). Alors que, dans les années 1990, tous les experts prévoyaient une montée en puis­sance de la Chine, pénalisant d'abord le Japon, au grand bénéfice des États-Unis, l'histoire leur a donné tort : les expor­tations nippones vers la Chine ont été multipliées par plus de 14 depuis 1989 et les échanges bilatéraux Tokyo-Pékin restent plutôt stables.
Ivan Hall et Clyde Prestowitz Jr., tous deux spécialistes du Japon, le soulig­nent : cette notion trompeuse de "décen­nies perdues" ne résiste pas à un séjour sur l'archipel. Dès l'atterrissage, les visiteurs trouvent des espaces sensiblement agrandis et modernisés – en total contraste avec les symboles fatigués d'infrastructures en déclin comme les aéroports Kennedy à New York, Heath­row à Londres ou Roissy à Paris. Wil­liam Holstein, qui connaît bien le pays, rentre d'un séjour là-bas. "Il y a un décal­age spectaculaire entre ce que décrit la presse américaine et ce que l'on constate de visu, souligne-t-il. Les Japonais sont mieux habillés que les Américains. Ils conduisent des voitures dernier cri. Et les infrastructures sont constamment rénovées et optimisées",
Alors pourquoi considérons-nous le Japon comme un perdant ? Si l'on se base sur les chiffres du PIB, les États- Unis l'ont largement supplanté pendant des années. Mais même ainsi, l'écart est bien moins prononcé qu'on ne le pensait : le PIB par habitant ajusté des Etats- Unis, mesuré depuis 1989, a progressé de 1,4 % par an en moyenne – contre 1 % pour le Japon. Un examen de cer­taines statistiques suggère qu'en fait, le pays pourrait bien avoir dépassé les États-Unis. Shadowsstats. com, un site qui traque les erreurs dans les données économiques américaines, a calculé que, pour ces dernières décennies, la croissance du pays avait été surestimée de 2 points par an ! Dans la mesure où ces chiffres seraient proçhes de la réalité, ce facteur seul pourrait faire passer les États-Unis derrière le Japon en termes de PIB par habitant.
Si le pays souffrait vraiment, cela transparaîtrait à coup sûr dans le faible taux d'adoption des gadgets hi-tech. Or, les Japonais font régulièrement partie des premiers mordus de ces nouveaux joujoux. En fait, tout cela est plutôt une histoire de qualité que de quantité. Le guide Michelin décerne à Tokyo le titre de capitale mondiale de la gastronomie, devant Paris. Mais comment exprimer cela en termes de PIB ?
Une des erreurs d'appréciation ma­jeure des Occidentaux tient à ce que pratiquement tout le monde, à Tokyo, profite du pessimisme ambiant. Les commer­ciaux étrangers peuvent se réfugier der­rière cet alibi idéal quand ils ne réalisent pas leurs objectifs de vente. Les fonda­tions japonaises y trouvent une excuse parfaite pour rejeter poliment les sol­licitations d'organismes sans but lucratif dans le besoin. Idem pour le ministère des Affaires étrangères, qui peut ainsi tempérer les attentes des pays bénéfici­aires de son aide.
L'idéologie économique a aussi joué un rôle. Bon nombre d'experts, surtout dans les groupes de réflexion de droite, sont des partisans du laisser-faire si acharnés qu'ils rejettent le modèle nip­pon, très différent, avec son système de santé socialiste et ses réglementations omniprésentes. Pendant la bulle bour­sière de la fin dés années 1980, cette phi­losophie avait perdu du terrain, mais elle a ressurgi après le krach.
Et les négociateurs commerciaux nippons ont constaté un renversement d'humeur quasi miraculeux dans les capi­tales étrangères après l'effondrement boursier de 1990 : si le Japon suscitait jusque-là beaucoup de jalousie, les partenaires commerciaux américains et européens ont basculé dans la compas­sion. Toujours prompts à s'adapter, les Japonais en jouent dorénavant. La réus­site du pays est d'autant plus impression­nante que ses principaux concurrents ne sont pas restés les bras croisés. Depuis 20 ans, le monde a connu une révolution industrielle accélérée grâce au "ciblage" de la fabrication dans de nombreux pays d'Asie de l'Est. Pour autant, le Japon a conforté son excédent commercial. Il faut voir en lui une source d'inspiration, non une menace. Si une nation trouve assez d'énergie pour se tirer d'affaire, elle peut retourner une situation apparemment désespérée à son avantage. La réhabili­tation permanente des infrastructures japonaises a certainement de quoi faire réfléchir.
 
LE HIGH-TECH FAVORISE LA PRODUCTION EN RÉSEAU
(Article de CHARLESDUHIGG et KEITH BRADSHER – New-York Times du 27 janvier 2012) [24]
 
Pour la plupart des produits, du fait de la taille des usines à l’étranger conjuguée à la flexibilité, l’application et les compétences industrielles de la main d’œuvre locale, le « Made in the USA », n’est plus une option viable. Un ancien dirigeant d’Apple raconte que sa société a pu compter sur une usine chinoise pour modifier la fabrication de l’iPhone quelques semaines seulement avant qu’il ne sorte en rayon. A la dernière minute, la firme avait redessiné l’écran de l’appareil, forçant à modifier la chaîne d’assemblage. Les nouveaux écrans ont commencé à arriver vers minuit. Un contremaître a réveillé 8.000 ouvriers dans les dortoirs de l’entreprise. On leur a donné chacun un biscuit et une tasse de thé, et une demi-heure plus tard, ile commençaient à insérer des écrans en verre dans les cadres biseautés. Et ceci pendant douze heures d’affilée ». Aucune usine américaine ne peut s’aligner », observe l’ancien dirigeant.
Apple emploie 43.000 personnes aux États-Unis et 20 000 à l'étranger. Un très grand nombre d'autres travaillent pour des sous-traitants, et 700 000 de plus fabriquent et assemblent les iPhone, iPad et autres produits Apple. Mais les usines qui les emploient sont presque toutes im­plantées en Asie, en Europe et ailleurs, là où la vaste majorité des concepteurs en électronique produisent leurs marchandises. "Apple est un exemple de la difficulté de créer des emplois pour la classe moyenne américaine aujourd'hui, explique Jared Bernstein, conseiller économique à la Maison Blanche jusqu'à l'an dernier. Si c'est ça l'apogée du capitalisme, il y a de quoi s'inquiéter".
Le scénario se répète dans d'autres sociétés aux États-Unis, en Europe et ailleurs. L'externalisation est devenue monnaie courante dans des centaines de secteurs. Mais si Apple est loin d'être seul, son exemple permet de comprendre pourquoi le succès de certaines grandes marques ne se traduit pas par une créa­tion d'emplois importante dans le pays.
"Autrefois les industriels se sentaient obligés d'employer des Américains, même quand financièrement, ce n'était pas le meilleur choix, signale Betsey Stevenson, économiste en chef au ministère du Tra­vail jusqu'en septembre. Cette attitude n'a plus cours. Les bénéfices et l'efficacité l'ont emporté sur la générosité." La direction d'Apple, considère comme une erreur de mesurer la contribution d'une entreprise en comptabilisant simplement ses salariés – mais souligne qu'elle emploie plus de travailleurs aux Etats-Unis que jamais et que sa réussite a été bénéfique pour l'économie : elle crée des emplois chez les opérateurs téléphoniques, les so­ciétés de transport, etc. "Nous ne sommes pas obligés de résoudre les problèmes de l'Amérique, déclare un cadre actuel de la marque. Nous devons simplement faire le meilleur produit possible."
 
Obtenir les emplois
Quelques années après les débuts du Macintosh en 1983, Steve Jobs disait fièrement que c'était "une machine faite en Amérique". Mais, en 2004, l'entreprise s'était en grande partie tournée vers des fabricants étrangers. L'Asie offrait l'intérêt de fournir une main d'œuvre  spécialisée et moins chère. Mais ce n'était pas la principale motivation d'Apple. Dans le secteur de l'informatique le coût du travail est minime par rapport à l'achat de pièces et à la gestion des chaînes d'approvisionnement qui ras­semblent les composants et les services de centaines d'entreprises. D'après un ancien cadre supérieur de la firme de Cupertino(a), le continent présentait deux atouts de taille : Le volume de production des usines en Asie "peut augmenter ou baisser plus rapidement et leurs chaînes d'approvisionnement surpassent les américaines".
L'impact de ces avantages est devenu évident en 2007 quand Steve Jobs, déçu par la matière plastique des écrans de l'iPhone, qui se rayaient facilement, à exigé qu'ils soient en verre. C'est un matériau que les fabricants de téléphones portables ont toujours évité d'utiliser. Sa mise aux mesures demande une préci­sion extrême, difficile à atteindre. Apple avait déjà choisi une compagnie améric­aine, Corning Inc, pour fabriquer du verre renforcé. Mais pour imaginer comment en faire des millions d’écrans, il fallait trouver un atelier de découpe vide, des centaines de morceaux de verre à tester et une armada d'ingénieurs. Et puis une usine chinoise a envoyé un devis. Quand une équipe d'Apple s'est rendue sur place, les propriétaires construisaient déjà un nouveau bâtiment. Un ancien de l'entreprise se souvient que le directeur a lancé : "C'est au cas où vous nous attribueriez le contrat". Le gouvernement chinois avait accepté de financer les frais de nombreuses industries, et ces subventions étaient parvenues jusqu'à l'usine. L'un des entrepôts était rempli d'échantillons de verre mis gratuitement à la disposition d'Apple. Les propriétaires offraient la collaboration d'ingénieurs à un coût insignifiant. Ils avaient construit des dortoirs sur le site afin que les employés soient disponibles 24 heures sur 24. Ils ont décroché le contrat.
A huit heures de voiture de cette usine se trouve un complexe, connu officieusement sous le nom de Foxconn City. C'est là que l'iPhone est assemblé. 230 000 personnes y travaillent six jours sur sept, passant souvent quotidiennement jusqu'à 12 heures à l'usine. Plus d'un quart de sa population active vit dans les bâtiments de l'entreprise, et de nombreux travailleurs gagnent moins de 17 dollars (13 euros) par jour.
L'ancien cadre précise qu'à la mi 2007, après que les ingénieurs d'Apple aient mis au point une méthode pour découper le verre renforcé, les premiers camions sont arrivés en pleine nuit à Foxconn City. Les managers ont alors réveillé des milliers de travailleurs, qui se sont alignés pour assembler les téléphones, à la main. Fox-conn Technology conteste ce récit et écrit que cela était impossible : "Les règles concernant les horaires de nos salariés sont très strictes". Selon la société, le travail débute soit à 7 heures soit à19 heures, et les employés sont prévenus au moins 12 heures à l'avance. Les employés contestent cette version des faits.
L'entreprise possède des dizaines d'usines en Asie, en Europe de l'Est, au Mexique et au Brésil. Elle assemble environ 40 % des produits électroniques grand public de la planète. Amazon, Dell, Hewlett-Packard, Motorola, Nintendo, Nokia, Samsung et Sony comptent parmi ses clients. Apple affirme également que la Chine a fourni un tel nombre d'ingénieurs que les États-Unis ne pouvaient pas rivaliser. Les dirigeants estimaient à 8 700 le nombre requis pour le projet de l'iPhone. Selon les analystes de la société, aux États-Unis, le recrutement aurait pris neuf mois. En Chine, 15 jours auront suffi.
Il est difficile d'estimer le surcoût que représenterait la fabrication des iPhone aux États-Unis. Cependant, selon les spécialistes, payer des salaires au niveau américain ajouterait jusqu'à 65 dollars au prix de revient de chaque appareil. Mais comme le bénéfice réalisé est souvent de plusieurs centaines de dollars pièce, l'entreprise serait encore largement bénéficiaire avec cette option.
Mais ces calculs ne veulent rien dire : embaucher des Américains ne suffirait pas, il faudrait transformer les économies nationales et mondiales. Les dirigeants d'Apple ne croient pas que le pays possède les usines ou la main d'œuvre nécessaire.
C'est en 1995 qu'Eric Saragoza entre pour la première fois dans l'usine de fabrication d'Apple à Elk Grove, en Californie, près de Sacremento. Plus de 1500 personnes y travaillent. L'ingénieur, gravit rapidement les échelons et rejoint une équipe de diagnostic de choc. Son salaire atteint 50 000 dollars. "Je me suis dit que mes études étaient enfin amorties, raconte-t-il, je savais que le monde avait besoin de gens capables de construire des choses."
Quelques années après, ses patrons expliquent où l'usine californienne se situe par rapport à ses concurrents étrangers. À Elk Grove, fabriquer un ordinateur qui coûte 1500 dollars revient à 22 dollars par machine, contre 6 à Singapour et 4,85 à Ta­ïwan. Les salaires ne sont pas la princi­pale raison de ces disparités. C'est plutôt le coût des stocks et le nombre d'heures nécessaires aux ouvriers pour achever une tâche. Certaines phases routinières sont alors exportées. Puis la robotique, qui a fait d'Apple un terrain de jeu futur­iste, permet aux dirigeants de remplacer les travailleurs par des machines. Une partie du diagnostic technique est délo­calisée à Singapour.
Puis vient le tour d'Eric Saragoza. Ap­paremment jugé trop coûteux pour un poste non qualifié, et insuffisamment qualifié pour la direction générale, il est appelé dans un petit bureau en 2002, après un travail de nuit, mis à pied et es­corté hors de l'usine.
Il y avait des perspectives d'emploi dans la Silicon Valley, mais aucune d'elles n'a abouti. "Ce qu'ils cherchent c'est des trentenaire sans famille", af­firme Eric Saragoza, qui a aujourd'hui 48 ans et est père de cinq enfants. Après quelques mois de recherche d'emploi, commençant à perdre espoir, il accepte donc un poste où il vérifie les re­tours d'iPhone et d'iPad. Chaque jour, il se rend dans l'immeuble où il travaillait auparavant comme ingénieur, et pour 10 dollars de l'heure, sans aucun avan­tage social, il essuie des milliers d'écrans de verre et teste les ports audio. Il démis­sionne après deux mois : son salaire est si bas qu'il préfère utiliser son temps à chercher un autre emploi. En octobre, quand, assis devant son MacBook, il passait sa soirée à envoy­er une nouvelle série de CV en ligne, à l'autre bout de la terre, une femme ar­rivait le matin à son bureau. Lina Lin est chef de projet à Shenzhen, en Chine, chez PCH international, qui coordonne la production d'accessoires pour divers­es entreprises informatiques, dont les étuis qui protègent les écrans de verre de l'iPad. Elle gagne un peu moins que le salaire versé par Apple à Eric Sara­goza. Son mari et elle placent un quart de leur paye en banque chaque mois."11 y a beaucoup d'emplois, explique Lina Lin. Surtout à Shenzhen,"
 
Les perdants de l'innovation
Les économistes constatent qu'une économie en difficulté est parfois trans­formée par des événements inattendus. Au début des années 1980, par exemple, les analystes étaient désespérés par la persistance du chômage aux USA, mais Internet était encore dans les limbes. Ce que personne ne sait cependant, c'est si les Américains parviendront à convertir les innovations de demain en millions d'emplois.
Ces dix dernières années, la technolo­gie solaire et éolienne a beaucoup évolué, tandis que la fabrication de semi-con­ducteurs et les technologies d'affichage ont créé des milliers d'emplois. Mais même si nombre de ces industries ont démarré en Amérique, 1a majorité des postes se trouve à l'étranger. Les entre­prises ont fermé de grandes usines aux Etats-Unis pour les rouvrir en Chine. En guise d'explication, leurs dirigeants disent qu'ils sont en concurrence avec Apple pour les actionnaires. Si elles ne peuvent pas rivaliser avec la croissance de la marque à la pomme et ses marges de profit, elles ne survivront pas.
"De nouveaux emplois adaptés à la classe moyenne finiront par émerger, affirme Lawrence Katz, économiste à Harvard. Mais un employé d'une quar­antaine d'années possédera-t-il les compétences nécessaires ? Ou perdra­-t-il son statut social parce qu'on lui aura préféré un jeune diplômé ?"
 
(a) Cupertino est une ville américaine de Californie, située au sein de la Silicon Valley, qui abrite le siège de plusieurs sociétés d'informatique telles qu'Apple, Symantec ou HP.
                                        
PRÉMICES D’UNE REPRISE
(Article de PAUL KRUGMAN – New-York Times du 27 janvier 2012) [25]
 
Dans quel état est l'"Union" ? Franche­ment, dans un état épouvantable, écono­miquement parlant. Trois ans après l'in­vestiture de Barack Obama et deux ans et demi après la fin officielle de la récession, le chômage reste douloureusement élevé.
Mais j'ai quelques raisons de penser que nous cheminons enfin (lentement) vers un avenir meilleur. Et l'Amérique n'en serait pas là si le président Obama et la Réserve fédérale avaient cédé aux Républicains, qui en taillant dans les dépenses, qui en durcissant, dans le même temps, sa politi­que monétaire.
Comment justifier cet accès d'optimisme alors que l'horizon semble encore bouché ? Certes, les derniers chiffres sur l'économie sont un peu meilleurs, mais gardons-nous des faux espoirs. Ce ne serait pas la pre­mière fois. Non, ce qui compte, c'est que les deux principales causes de ce marasme – la bulle immobilière et l'endettement ex­cessif des ménages – semblent vouloir se résorber.
Commençons par l'immobilier : entre 2000 et 2006, la bulle a pris des proportions monstrueuses. Les prix des logements ont flambé et l'on a construit à qui mieux mieux. Lorsqu'elle a éclaté, le secteur du BTP – locomotive de l'économie pendant le soi-disant "boum Bush" – s'est effondré. Mais ce déclin était amorcé depuis prati­quement six ans ; les prix ont retrouvé leur niveau de 2003. Et après ce recul prolongé des nouvelles constructions, les Etats-Unis manquent désormais sérieusement de logements, du moins par rapport au passé.
Pourquoi diable les gens ne se portent-ils plus acheteurs ? Parce qu'avec la crise économique actuelle, la plupart de ceux qui, en temps normal, investiraient n'en ont pas les moyens ou craignent de pren­dre un tel risque, vu l'atonie du marché du travail.
Mais ce trou d'air économique tient en grande partie à la chute de l'immobilier, ce qui laisse immédiatement entrevoir la possibilité d'un cercle vertueux : de meilleures perspectives relancent les transac­tions immobilières, lesquelles provoquent un redressement du BTP qui conforte l'économie – et ainsi de suite. En passant au crible les dernières statistiques, je crois pouvoir discerner les prémices d'un frémissement : les ventes de logements redémarrent, le chômage diminue et les professionnels du bâtiment reprennent confiance.
En outre, la probabilité de voir s'enclen­cher un cercle vertueux s'accroît parce que le pays a fait de réels progrès sur le front de la dette.
Mais bien sûr, ce n'est pas ce que vous entendrez dans les débats publics actuels, qui insistent tous sur le creusement de la dette publique. Pourtant, quiconque a analysé dans le détail l'entrée en récession des Etats-Unis sait que la dette privée, en par­ticulier celle des ménages, en est le prin­cipal déclencheur : c'est l'explosion de l'endettement des foyers américains sous l'ère Bush qui a posé les jalons de la crise. Bonne nouvelle, depuis la fin 2008, cette dette privée exprimée en dollars recule, et plus encore en pourcentage du PIB.
D'accord, nous ne sommes pas vraiment sortis d'affaire – surtout si la situation en Europe venait à perturber notre reprise balbutiante. Ce qui m'amène à vous conter l'histoire suivante, tirée d'un récent rap­port du McKinsey Global Instante, qui suit l'avancement du désendettement – le processus qui permet de ramener la dette à un niveau soutenable.
Ce rapport fait état de progrès substan­tiels aux Etats-Unis, à rebours de ce qui se passe en Europe. Et bien qu'il ne le dise pas explicitement, on voit bien pourquoi ce continent s'en sort moins bien que l'Améri­que : c'est parce que ses dirigeants ont pris peur mais en se trompant de cible.
Ainsi, la Banque centrale européenne s'est préoccupée de l'inflation, allant même jusqu'à augmenter les taux d'inté­rêt en 2011 – pour faire machine arrière ensuite – au lieu de réfléchir à des moda­lités de soutien à la reprise économique. Quant à l'austérité budgétaire, censée limiter l'aggravation de la dette publique, elle a déprimé l'économie, interdisant la réduction indispensable de la dette pri­vée. Au final et malgré tous leurs beaux discours sur les méfaits de l'emprunt, les dirigeants européens ne parviennent pas à juguler leur endettement massif – alors que les États-Unis, oui.
Retraversons l'Atlantique : mon opti­misme prudent n'a rien d'une euphorie béate. L'Amérique a déjà beaucoup trop souffert, et inutilement, faute de réponse adaptée à la crise.
Elle n'a pas su accorder les conséquents dégrèvements fiscaux pour les emprunts immobiliers qui auraient permis au pays de se désendetter plus rapidement. Et même si les conditions du cercle vertueux que j'appelle de mes vœux sont en train de se mettre en place, il faudra encore at­tendre des années avant de renouer avec toutes les apparences du plein-emploi.
Mais la situation aurait pu être pire, si M. Obama avait cédé aux sirènes républicaines. Parce que, je l'ai dit, le parti voulait que la Réserve fédérale cesse d'abaisser son taux directeur et que l'État fédéral taille immédiatement dans ses dépenses – ce qui reviendrait à demander à l'Améri­que de copier l'échec de l'Europe.
Et si le processus électoral de cette an­née porte au pouvoir les tenants d'une idéologie fallacieuse, alors la fragile re­prise américaine risque bien de s'évanouir aussitôt.
 
START-UP : TRANSFORMEZ VOS ÉCHECS EN SUCCESS STORY
(Article de BJENNA WORTHAM – New-York Times du 27 janvier 2012) [26]
 
La commémoration récente du centenaire de la conquête du Pôle Sud a fait ressurgir des histoires de vie et de mort sur le septième continent. Roald Amundsen y parvient le premier, en décembre 1911. Robert Falcon Scott arrivera un mois plus tard, le 17 janvier 1912. Son calvaire sur la glace, relate dans son journal tandis qu'avec les cinq hommes de son équipage, il lutte en vain pour parcourir les 1300 kilomètres du voyage retour, a presque relégué l'exploit d'Amundsen au rang de simple parenthèse.
Un autre échec a également inspiré de nombreux ouvrages. De 1914 à 1916, Ernest Shackelton tente de traverser l'Antarctique et réussit là où Scott a échoué : ses 28 coéquipiers rentrent vivants. Cette odyssée de deux ans – après le naufrage de L'Endurance, écrasé par les glaces – et le récit des exploits de ces hommes qui ont traversé la banquise et pris la mer dans des canots de sauvetage, semblent avoir eux aussi éclipsé la prouesse d'Amundsen.
Nancy Koehn, historienne à la Harvard Business School, a récemment affirmé dans nos colonnes que son étude sur les facultés de leadership de Shackleton au cours d'une mission devenue très périlleuse "éveille un intérêt inédit chez les chefs d'entreprise". "Shackleton peut servir de modèle, écrit-elle, bien que cette expédition, évaluée à l'aune de ses objectifs, soit un échec retentissant". Quasiment plus personne aujourd'hui ne se retrouve comme ces explorateurs des pôles face à des questions de vie ou de mort, mais presque tous, nous avons à apprendre de ce que Mme Koehn appelle "la capacité de Shackleton à réagir dans des situations sans cesse changeantes".
Tiziana Lauretti a répondu à la versatilité des facteurs économiques des pratiques agricoles en se lançant dans "l'agriculture multifonctionnelle", tactique de survie à laquelle ont recours beaucoup de petites exploitations en Europe, rapportions-nous. Les visiteurs de sa propriété familiale de trois hectares, près de Pontifia, en Italie, viennent voir de nombreux animaux de ferme et ses deux paons, ou acheter de la confiture maison. Elle accueille des écoliers "qui n'ont jamais vu un œuf ailleurs que dans un supermarché ou qui se mettent de la farine plein les mains en faisant cuire une pizza dans un four à bois."Je n'arrivais pas à ga­gner ma vie en vendant simplement fraises et prunes", confie-t-elle. "Il faut choisir, soit la grande exploitation, soit la diversification, comme nous ici".
Dans un endroit comme Rochester, dans l'état de New York, survivre, c'est trouver un moyen de remplacer les emplois et le prestige perdus depuis que Kodak s'est placé sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, le 19 janvier. Il y a 30 ans, on comptait 62 000 employés dans cette entreprise qui incarnait autrefois la photographie mais qui est passée à côté de l'explo­sion du numérique qu'elle a contribué à inventer. Aujourd'hui, les effectifs sont plutôt de l'ordre de 6 200. La moitié de ces salariés travaillent encore à Rochester, dans d'autres sociétés issues du géant de la photo qui font appel aux compétences acquises chez Kodak.
Michael Alt dirige le parc de bureaux installé aujourd'hui sur les 500 hectares où travaillaient autrefois 30 000 em­ployés de Kodak et où quelques resca­pés officient maintenant dans d'autres entreprises du site. Rochester, dit-il, croit pouvoir survivre à la disparition de ce géant de l'Amérique industrielle.
"Peut-être que lorsqu'on est enseveli jusqu'au cou dans les sables mouvants, il faut se raccrocher à une corde, mais pour l'instant on n'y est pas", dit-il encore. Ce qui ne signifie pas qu'on ne tente pas de l'atteindre.      
 
     (d) À l’évolution du Moyen-Orient
 
LES DÉFIS S’ACCUMULENT POUR L’ÉGYPTE
(Éditoriaux du TIMES – New-York Times du 27 janvier 2012) [27]   
 
Dans les 12 mois qui ont suivi la chu­te du président Moubarak, les défis se sont accumulés en Égypte : brutalité du gouvernement militaire à l'encon­tre des manifestants et des partisans de la démocratie, résistance de l'ar­mée à transmettre le pouvoir à des civils ou montée en puissance des Is­lamistes lors des premières élections libres. Aujourd'hui, la dégradation de la situation économique étouffe un peu plus les espoirs d'un avenir démocratique.
Les réserves de change ont fondu, pour s'établir autour de 10 milliards de dollars (7,7 milliards d'euros), contre un niveau record de 36 milliards. Elles pourraient s'épuiser totalement d'ici mars. La livre égyptienne est chahu­tée. Or, un effondrement du cours ris­que d'attiser l'inflation et susciter de nouveaux troubles. Le chômage des jeunes frôle les 25 %, un niveau dange­reux puisque 60 % des Égyptiens ont moins de 30 ans.
Les gens veulent travailler, faire des études et avoir leur mot à dire dans la gestion des affaires publiques. Beaucoup, avec raison, sont en colère contre la férule militaire et pourraient s'emporter réellement si la situation économique devait se dégrader un peu plus. Ils jouent gros mais ne sont pas les seuls : l'Égypte est la quatrième économie du Moyen-Orient. Qu'elle se redresse ou qu'elle s'écroule, l'onde de choc se ressentira dans la région et au-delà.
Les militaires commencent à saisir l'ampleur de la menace économique et refusent visiblement de porter le cha­peau. En mai, au nom de la souverai­neté, ils ont rejeté un prêt de 3,2 mil­liards de dollars du FMI. Ils veulent bien l'argent mais sans conditions – ni réformes ni mesures d'austérité qui reviendraient à supprimer, par exem­ple, les subventions pour la nourriture et le carburant. Désormais aux abois, ils redemandent un prêt et ont reçu une délégation du FMI pour discuter d'un éventuel programme économi­que. L'institution ne se prononcera pas avant mars. Ses responsables disent ne pas souhaiter poser de conditions. Mais l’Égypte devra faire des réformes si elle veut doper l'activité privée, les investissements étrangers et la crois­sance. Et sans le soutien de la population, de telles mesures échoueront.
Dans un entretien récent à Reuters, Ashraf Badr el-Din, chef du comité économique des Frères musulmans, a laissé entendre que son parti et les autres grandes formations étaient pratiquement d'accord sur la gestion de l'économie. Si l'information est avérée, c'est encourageant. Les États- Unis, l'Union européenne et les États du golfe ont promis l'an dernier des milliards de dollars d'aide à l'Égypte mais, devant l'instabilité politique, ils n'ont pas vraiment ouvert les vannes. Pour autant que les discussions avec le FMI aboutissent, ils devraient alors tenir leurs engagements rapidement, y compris en proposant des pourpar­lers sur un accord de libre-échange.
À court terme, Washington et ses alliés n'ont sans doute guère d'in­fluence sur les chefs militaires ou les nouveaux dirigeants élus mais ils doivent tisser des relations dura­bles avec l'ensemble de la société ci­vile. Certains affirment que l'Égypte pourrait devenir, d'ici une généra­tion, l'une des dix premières écono­mies mondiales. C'est là un objectif qui mérite qu'on y travaille.
 
L’INSURRECTION SYRIENNE ASSASSINÉE
(Éditoriaux du TIMES – New-York Times du 27 janvier 2012) [28]
 
Le bilan des victimes de la répression menée par Bachar el-Assad contre son peuple s'élève désormais à 5400, selon les chiffres de l'ONU, notamment. Cependant, la communauté internationale n'a toujours pas trouvé les moyens de pression nécessaires pour forcer M. Assad à cesser ses atrocités, ou l'armée syrienne et les hommes d'affaires influents à l'évincer.
La Russie bloque depuis des mois tout projet de sanctions sévères de la part du Conseil de sécurité des Nations Unies. Vladimir Poutine préfère vendre des armes à la Syrie et déjouer les initiatives des forces démocratiques et de leurs alliés occidentaux.
Le 16 janvier, la Russie a proposé une résolution scandaleusement édulcorée qui condamne autant les manifestants que l'armée syrienne pour les violences commises, sans mentionner aucune sanction.
Les États-Unis et les autres membres de l'ONU tentent de muscler le texte, mais l'optimisme n'est pas de mise.
C'est donc aux ministres de la Ligue arabe d'admettre qu'il y a longtemps que le dictateur syrien aurait dû partir. Comme en témoigne le carnage auquel il s'est livré, il n'est prêt à aucun compromis ou accord. Bachar el-Assad a exprimé clairement son mépris pour la médiation menée par la Ligue arabe.
Le 22 janvier au Caire, les ministres auraient dû convenir de cesser leur vaine mission de surveillance et d'imposer les sanctions prises en novembre puis suspendues. Il s'agissait entre autres du gel des avoirs syriens dans les pays arabes et de l'interdiction de toute transaction avec la banque centrale syrienne. La Ligue aurait également dû insister pour que le Conseil de sécurité lui emboîte le pas.
L'embargo sur le pétrole décidé par l'UE et l'interdiction européenne et américaine de traiter avec la principale banque commerciale de Syrie, notamment, ont porté un sérieux coup à l'économie syrienne. Lundi 23 janvier, à l'initiative de l'UE, 22 personnes de plus et huit autres sociétés proches du gouvernement ont été frappées par un gel de leurs avoirs et une interdiction de visas. Il y a peu de chances que M. Assad revienne sur ses positions. Mais, avec le temps, ces pressions pourraient persuader l'armée et les cercles d'affaires influents de lâcher leur président.
Les grands de ce monde doivent continuer à condamner ces exactions, à l'instar de Barack Obama lors de sa rencontre à la Maison Blanche avec le roi Abdallah II de Jordanie. Le président américain a dénoncé "l'effroyable brutalité" en Syrie et a promis de redoubler d'efforts pour contraindre M. Assad à se retirer.
Il n'y pas d'issue facile, mais la communauté internationale doit exercer tous les recours diplomatiques et économiques possibles pour que M. Assad et ses affidés comprennent qu'ils ont fait leur temps.   
 
     (e) À une nouvelle alliance avec l’Europe
 
EUROPE : L’HIVER N’EN FINIT PAS
(Éditoriaux du TIMES – New-York Times du 20 janvier 2012) [23]
 
Le maigre prêt que la BCE a accordé aux banques de la zone euro aura briève­ment apaisé les marchés financiers. Mais le répit sera de courte durée. La décision de l'agence de notation Standard & Poor's de baisser le 13 janvier la note de neuf pays de la zone, dont celle de la France, de l'Italie et de l'Espagne, devrait rappeler aux 27 que leur stratégie de rigueur éco­nomique n'est pas efficace.
Après maints plans de sauvetage, l'UE est loin de pouvoir faire face à la crise de la dette. La Grèce, qui a négocié en octo­bre un deuxième plan d'aide de 165 mil­liards de dollars (129 milliards d'euros), est encore une fois au bord du précipice. Même le nouveau gouvernement italien de technocrates, installé en novembre avec le soutien appuyé de l'Allemagne pour mettre en place des mesures d'austérité budgétaire, montre combien il est il­lusoire de croire qu'on résoudra une crise uniquement en faisant des coupes.
"Ma politique ne sera efficace que si l’UE change la sienne", déclarait le pre­mier ministre italien Maria Monti le 11 janvier au journal allemand Die Welt.
Sans un nouveau renflouement, la Grèce risque de faire défaut pour son échéance de 19 milliards de dollars du 20 mars. Mais la chancelière allemande et le président français ont prévenu Athènes qu'elle bénéficierait de fonds supplémentaires seulement si elle honorait les termes de l'accord. Celui-ci inclut l'obligation de convaincre ses créanciers privés d'ac­cepter une décote de 50 % sur environ 260 milliards de dollars de dettes, et de procé­der à des coupes budgétaires drastiques qui, dans un contexte de récession, ont déjà obligé le gouvernement à augmenter les impôts, tailler dans les emplois et les retraites et réduire les dépenses.
Mais les pourparlers d'allégements stagnent, les fonds spéculatifs et autres investisseurs qui ont acheté de la dette auprès des banques françaises et allemandes désirant de meilleurs termes. Et la Grèce ne supportera pas une rigueur renforcée. Son PIB a reculé de 5 % l'année dernière, et a chuté de plus de 3 % en douze mois entre 2009 et 2010.
L'implosion économique empêche le pays de faire face à ses obligations financières, en réduisant les recettes et en accroissant les dépenses automatiques comme l'assurance-chômage. Malgré les restrictions, la Grèce devrait enregistrer un déficit budgétaire de 9,6 % en 2011, su­périeur d'un demi-point à la prévision. L'austérité malmène aussi la société hellène. Le taux de chômage a atteint les 18 % et s'accompagne de coûts sociaux très lourds : augmentation du nombre de sans-logis et criminalité accrue. Imposer davantage de restrictions ne serait plus une solution défendable sur le plan politique.
Il est temps de changer de cap. La Grèce a beau être une petite économie, l'Europe n'est pas en mesure d'affronter les conséquences financières de sa faillite non maîtrisée ou de son abandon de l'euro. Ce pays va sans doute avoir besoin de davantage d'argent que prévu. Selon les économistes, la décote de 50% ne sera pas suffisante pour que la dette grecque redevienne gérable. De plus, comme ses voisins faibles, elle a besoin que les économies plus fortes de l'UE, entre autres l'Allemagne, relancent leurs dépenses et, partant, boostent, notamment, les exportations grecques.
Berlin devrait maintenant avoir compris que, privés de croissance, ses voisins étranglés par les dettes ne pourront jamais les rembourser. Les problèmes européens échappent tellement û tout contrôle que personne ne sait quelle recette politique appliquer. Ce qui est certain, c'est qu'une austérité aveugle ne fera que rendre la situation pire encore.
 



Date de création : 06/02/2012 @ 10:25
Dernière modification : 06/02/2012 @ 11:10
Catégorie : Suivi des progrès aux USA
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