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Suivi des progrès aux USA - Suivi USA octobre 2011





SUIVI USA OCTOBRE 2011

 
À quoi pourra-t-on mesurer les progrès internes que les USA sont à même de réaliser dans la prochaine décennie[1]  ?
 
BASE SEPTEMBRE 2011
 
(a)À la réforme financière
 
Elle ne se limite pas à la réforme des règles du jeu et les ratios qui s’appliquent à l’ensemble de la profession. Ces nouvelles règles de régulation approfondie des acteurs de la finance et de prévention des risques systémiques constituent un cadre à l’intérieur duquel les responsables bancaires et financiers doivent réapprendre à pratiquer leur métier de base. Il consiste à financer avec discernement la vieille et la nouvelle économie, plutôt que d’encourager la docilité illimitée des spéculateurs. L’idée fait son chemin, mais à pas comptés, tant les intérêts personnels sont encore prévalents et le poids du passé prégnant. En effet, la caste financière américaine, quelques milliers d’individus, conserve un poids exorbitant sur la gestion de l’économie du pays, notamment à travers la banque de l’ombre, non réglementée, qui draine d’immenses fonds spéculatifs.
 
(b)À la croissance économique
 
Certes l’économie redémarre et elle continue à créer des emplois, mais le progrès se mesurera d’abord dans la durée au fait que l’Amérique redonnera la priorité aux investissements d’avenir générateurs de création de richesse : l’éducation, la recherche, le capital-risque et les infrastructures…[Dans le domaine de la recherche, les États-Unis possèdent encore des atouts incontestables. En 2011, sur les 12 Nobel attribués, 6 sont revenus à des chercheurs américains, autant que pour le reste du monde]. En tout état de cause, les retombées des nouveaux investissements d’infrastructure et de technologie prendront des années à se matérialiser. Compte tenu des hommes en cause, les États-Unis devront sans doute modérer leurs dépenses militaires ainsi que leurs engagements sociaux de retraite et de santé, et réapprendre à faire de l’investissement dans les nouvelles technologies et dans les banques de proximité pour financer les PME américaines.
Pour y parvenir ils devront basculer d’un déficit intérieur et extérieur sans retenue et d’une financiarisation à outrance de leur économie vers un financement du développement des activités et services traditionnels et de pointe, intégrant de multiples innovations. Ils ont commencé à le faire, notamment dans le domaine médical, des télécommunications et de la biologie. De telles politiques de longue haleine vont de pair avec la conquête de nouveaux marchés à l’étranger. Dans cette perspective, la crise de 2008 est un catalyseur précieux. La mutation pourrait avoir lieu au cours des deux prochaines décennies. Les changements de mentalité ont débuté. On commence à parler de la création d’une banque des infrastructures. Mais on est encore loin du compte, ce qui explique l’atonie récente de l’économie américaine. Souvenons-nous qu’il n’y a pas de bonne finance sans bonne industrie. Or les États-Unis ont besoin d’avoir accès à des liquidités suffisamment abondantes et bon marché, pour être en mesure de financer la prochaine étape de leur redéploiement industriel.
 
(c) À la politique internationale
 
En outre, le progrès deviendra perceptible à travers le monde si la puissance américaine se retire des conflits du passé, y compris ceux qui s’éternisent aujourd’hui, sans pour autant laisser derrière elle des situations chaotiques de guerres civiles ou régionales. Il est tout de même extraordinaire de s’enliser dans une guerre en Afghanistan tandis que les guérillas de la drogue ont fait 20 000 morts à quelques portées de fusil de la Californie, sans que les États-Unis aient pu guérir ce cancer sont ils sont en partie la cause. L’imposition de la force demain continuera à comporter la maîtrise des armements de supériorité, mais elle exige dès à présent la capture précoce, universelle, efficace de l’information exacte qui permette l’action chirurgicale partout et en tout temps. Ce n’est pas seulement l’Amérique qui est menacée, c’est le fluide mondial qui est susceptible d’être pollué. Là encore les États-Unis ont, avec très peu d’autres nations, une avance extraordinaire, non plus comme gendarme du monde, mais comme agent hygiénique en chef.
Pour ce faire, il leur faudra désormais investir massivement dans leurs services diplomatiques qu’ils pourront financer grâce à une décrue sélective de leurs dépenses militaires.
 
(d)À l’évolution du Moyen-Orient
 
L’Amérique est à un tournant au Moyen-Orient : elle peut décrocher et focaliser sa présence militaire sur quelques pays notamment pétroliers ou employer sa force, sa diplomatie et son prestige avec discernement et discrétion comme dans le cas de l’Égypte pour inspirer une autre politique. Son retrait brutal entraînerait la montée en puissance de deux anciens empires sous leur forme moderne : la Turquie et l’Iran. Le risque de bras de fer et de bouleversements contagieux dans l’ensemble de la région sont significatifs et concernent au premier rang Israël. L’Amérique le sait et entend agir de façon responsable. L’autre politique qui pourrait aller de pair avec une présence militaire plus restreinte et sélective, s’inspirerait de Lord Beveridge. Il écrivait en 1947, en exergue de son livre sur la Sécurité Sociale : « La pauvreté extrême engendre la violence extrême ». Dans cet esprit, l’Amérique pourrait prendre l’initiative d’apporter son soutien et donc d’aider à légitimer un plan de reconstruction et de développement pour les populations les plus pauvres et les plus nombreuses du Moyen-Orient. Le leadership économique et financier en reviendrait aux pays de la région qui s’engageraient à suivre cette voie. L’Europe, les États-Unis et certains pays d’Asie apporteraient un savoir-faire industriel et un appui méthodologique. La violence pourrait décroître. L’espoir renaîtrait chez les jeunes au chômage. Une lente marche vers la démocratie pourrait s’amorcer.
 
(e) À une nouvelle alliance avec l’Europe
 
Cette évolution trouvera résonance si l’Amérique réussit à construire un nouveau projet commun avec l’Europe, fondé sur leur complémentarité et leurs valeurs partagées. Le déni de reconnaissance à l’égard de l’Europe n’est pas une politique qui maximalise les chances d’une renaissance économique et géopolitique des États-Unis notamment dans les rapports de force avec la Chine. Les États-Unis commencent-ils à le comprendre ? Une telle reconnaissance nécessiterait de tisser de nouveaux liens humains de confiance entre de nombreux responsables des deux rives de l’Atlantique, sans doute à travers une redéfinition des missions, des méthodes de travail, voire des outils de collaboration. Cela deviendrait indispensable le jour où la Chine renâclerait devant la poursuite de l’unilatéralisme monétaire américain et l’implicite suzeraineté qu’il implique, ou dans l’hypothèse de nouvelles difficultés au Moyen-Orient qui pourraient exiger de mobiliser à bon escient ses alliés d’antan.
 
(f)   À la participation active dans la mise en place d’une nouvelle gouvernance à l’échelle mondiale
 
Comment favoriser à l’avenir la poursuite d’une progression générale des échanges et des niveaux de vie à un moment où le principal interlocuteur des États-Unis est devenu le « reste du monde » ?
Il est clair que les problèmes de gouvernance qui se posent sont d’une rare complexité. Ils interréagissent entre eux et les facteurs internes à chaque pays, régionaux et internationaux s’enchevêtrent. La création d’un centre mondial de la gouvernance que les États-Unis pourraient impulser permettrait de réaliser peu à peu des avancées importantes pour toutes les parties concernées. Les régions développées [s’y trouveraient associées, notamment la Chine, le Japon, l’Inde et l’Europe. Tel est, semble-t-il, le rôle envisagé pour le G20 – à présidence annuellement tournante –, et décliné selon plusieurs thèmes : G20 agricole, G20 économie et finance, B(usiness)20, L(abour)20, etc.].  
 
 
(a)À la réforme financière
 
VENT DE RÉGULATION CONTRE LE « TRADING ÉCLAIR »
(Article de GRAHAM BOWLEY – New-York Times du 22 octobre 2011)
 
Aux États-Unis et ailleurs, les autorités régulatrices sé­vissent contre les transactions électroniques à grande vitesse qui envahissent aujourd'hui les salles des marchés. Leur souci est l'effet amplificateur, sur une volatilité déjà importante, de cette technique qui se propage à toutes les grandes places boursières de la planète.
Selon ses détracteurs, le tra­ding haute fréquence (THF) a un coût : la perte de confiance des investisseurs ordinaires dans les marchés, et en fin de compte, dans l'équité du systè­me financier. "Pratiquer le THF a quelque chose de sacrilège", affirme Guy Wyser-Pratte, un grand nom de Wall Street. "C'est à l'origine de cette énor­me volatilité. Ces gens-là font fortune, alors que le public est complètement piégé par ce gen­re de méthodes."
Récemment, aux États-Unis et en Europe, des traders ont dû payer une amende pour avoir illégalement manipulé les cours pour prendre de vitesse les
autres investisseurs. De nou­velles réglementations sur ce type de transaction éclair sont également à l'étude, et au cours des prochaines semaines, un organisme régulateur international se prononcera. Les respon­sables européens, canadiens et américains envisagent aussi de prélever des commissions sur les transactions, afin d'en limi­ter le volume ou de financer une surveillance accrue.
Le plus gros souci des régu­lateurs est peut-être lié à leur ignorance de la dynamique des marchés boursiers informatisés dont ces sociétés font partie et au risque que la machine s'emballe à tout moment. Certains voient dans la brusque dégringolade du 6 mai 2010, quand le Dow Jones a chuté de 700 points en quelques minutes pour remonter aussi vi­te, une mise en garde contre les difficultés à venir. Le 6 octobre, le marché a été à la baisse toute la journée avant sa hausse ful­gurante de 4 % dans la dernière heure de cotation.
"Ce krach éclair a été une son­nette d'alarme pour le marché", explique Andrew Haldane, en charge de la stabilité financière à la Banque d'Angleterre.
Le secteur de la finance, comme d'autres, affirme que la grande majorité de ces transactions sont légitimes et qu'elles augmentent le nombre d'acheteurs et de vendeurs sur les marchés en réduisant consi­dérablement leur coût pour les investisseurs ordinaires. Pour Adam Sussman, directeur de recherche chez Tabb Group, spécialiste des marchés, "nous commençons tout juste à com­prendre la réalité du « Nous sommes sur une place boursiè­re électronique, qu'est-ce que ça veut dire ? »
Le THF a décollé au milieu de la dernière décennie. Avec le trading algorithmique, le volu­me d'échanges quotidiens d'ac­tions aux États-Unis est passé à 8 milliards contre environ 6 milliards en 2007. Ce type de transactions a gagné les places boursières internationales.
Les autorités britanniques ont remarqué de singuliers mouvements dans le cours de certaines actions de la bourse de Londres. Elles ont pu re­monter jusqu'à une société ca­nadienne émettrice de milliers d'ordres informatisés appa­remment conçus pour tromper les investisseurs. En août, elles ont condamné la société Swift Trade à 13,1 millions d'amende pour du "layering", pratique consistant à émettre puis annu­ler des ordres, sans intention de jamais les exécuter.
Les régulateurs du monde entier envisagent de sanction­ner les traders qui multiplient les ordres aussitôt annulés, ou même d'introduire un laps de temps minimum pendant lequel une position doit rester ouverte. L'une des mesures les plus controversées vient de la Com­mission européenne : une taxe sur les transactions financières spéculatives. Celle-ci toucherait les sociétés de THF et réduirait les volumes d'échanges.
Au Canada, un éminent ré­gulateur propose d'augmenter les commissions applicables aux plus gros traders. Et aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a présenté l'an dernier un sys­tème de contrôle rassemblant des informations en temps réel sur les transactions de toutes les places boursières du pays.
Selon David Shillman, direc­teur associé de la division opé­rations et marchés de la SEC, ce contrôle "fournira aux régu­lateurs un nouvel outil critique pour surveiller les marchés et poursuivre les contrevenants".
 
« OCCUPY WALL STREET » ; CE QU’EN PENSENT LES BANQUIERS
(Article de NELSON D. SCHWARTZ et ERIC DASH – New-York Times du 22 octobre 2011)
 
En public, les banquiers disent entendre la colère contre Wall Street des manifestants qui campent sur le pas de leur porte, mais se sentir incompris. En privé, c'est une tout autre histoire.
"La plupart des gens y voient l'action d'un groupe disparate très sexe, drogue et rock'n roll", avance un gestionnaire de fonds spéculatifs.
"Il ne s'agit pas d'un soulèvement de la classe moyenne", renchérit un autre, cadre supérieur depuis des années dans le secteur bancaire. "Ce sont des marginaux qui n'ont que ça à faire."
Jusqu'ici pacifiques, les manifestations devant les agences de Bank of America, J. P Morgan Chase et Wells Fargo, de San Francisco à Peoria, dans l'Illinois, sont étrangement similaires à celles que l'on voit devant les bureaux de Citibank à Athènes, à Hong Kong et sur d'autres marchés étrangers. Alors que le mouvement "Occupy Wall Street" s'étend à toutes les métropoles, une question se pose ouvertement : Les banquiers se rendent-ils compte de ce qui se passe ?
À Wall Street, certains affichent leur dédain. D'autres disent comprendre la détresse des protestataires, mais ne pas savoir du tout comment la soulager. Une poignée d'entre eux compatit. Mais quelques-uns se sentent personnellement visés. On devrait plutôt nous montrer de la gratitude, disent-ils.
"Qui paie les impôts d'après vous ?" lance un gestionnaire de portefeuille chevronné. "Les services financiers sont l'une des dernières activités que nous avons su conserver dans ce pays – et nous sommes plutôt bons. Alors, protégeons-les. Si l'on veut plus de délocalisations, continuons à les attaquer. Ces gens sont juste des râleurs."
D'une manière générale, les banquiers repoussent les arguments des protestataires qu'ils jugent crédules et néophytes. Mais rares sont ceux qui acceptent de le dire tout haut. "Quiconque s’avise de le faire en public devient une cible parfaite", ajoute l'un d'eux.
John Paulson, la star des fonds spéculatifs, qui a gagné des milliards pendant la crise en pariant sur l'effondre ment du marché hypothécaire, constitue l'exception. Il va même jusqu'à défendre la minuscule frange des hauts salaires attaqués par le mouvement des indignés américains.
"1% des New Yorkais les plus riches paie plus de 40 % de tous les impôts sur le revenu, ce qui procure de gros avantages à tous nos concitoyens de la ville et de l'État", assure le financier. Le 11 octobre, des protestataires ont manifesté devant sa maison.
Leurs messages ne concordent pas du tout. Leurs griefs sont légion, même si beaucoup voient Wall Street comme le symbole par excellence des inégali­tés de revenus et de "l'injustice écono­mique", contre laquelle ils vitupèrent. L'indignation est à son comble devant les banques que l'on renfloue, alors que leurs clients voient leurs maisons saisies, tout comme devant les gros­ses primes ou énormes indemnités de départ qu'elles ont distribuées si tôt après le début de la crise.
Tout récemment, Bank of America a indiqué avoir versé 11 millions de dol­lars (8 millions d'euros) comme prime de départ à Sallie Krawcheck et Joe Price, deux responsables contraints de quitter leur poste après un rema­niement de la direction, alors qu'un licenciement collectif d'environ 30 000 employés vient d'être annoncé. "Wall Street continue de sous-estimer la colère des citoyens et des électeurs", pré­vient Douglas Elliott, ancien banquier d'affaires qui a rejoint la Brookings Ins­titution, un think tank de Washington.
La plupart des financiers disent voir dans ce mouvement de protesta­tion une réaction contre le taux élevé de chômage et le ralentissement de la croissance, les deux grands fléaux de l'économie américaine depuis 2008. Faute de message cohérent, la foule finira bien par se disperser, dit-on à Wall Street – surtout quand le temps se rafraîchira. "Pour nous, cela restera un mouvement qui a fait beaucoup de bruit pour rien", assure un responsable financier.
D'autres dirigeants, moins nom­breux, prennent ces protestations au sérieux. Ils y voient le signe d'un schis­me économique de plus en plus marqué dans le pays. Vikram Pandit, directeur général de Citigroup, a même déclaré qu'il serait heureux de s'entretenir avec les manifestants quand ils le sou­haiteront, parce que, dit-il, "leur res­senti est tout à fait compréhensible".
Et il ajoute que les protestataires devraient considérer Citigroup et les autres établissements comme "les garants d'une finance responsable et continuer à nous demander des comptes".
 
(c)À la politique internationale
 
LES ÉTATS-UNIS QUITTENT L’IRAK AU PAS DE COURSE
(Article de TIM ARANGO et MICHAEL. S. SCHMIDT – New-York Times du 28 octobre 2011)
 
BAGDAD — Outre le retrait des der­nières troupes américaines annoncé par Barack Obama le 21 octobre, les difficultés budgétaires des États-Unis imposent une réduction drastique des programmes diplomatiques, écono­miques et culturels naguère présentés comme des facteurs vitaux pour stabi­liser l'Irak, nouer une alliance durable et arracher le pays à l'emprise grandissante de l'Iran.
Cet été encore, le département d'État envisageait d'ouvrir un consulat à Mossoul, dans le Nord, et d'y affecter 700 personnes. Peu avant, au prin­temps, Washington réfléchissait à l'opportunité d'installer un consulat à Kirkouk, une ville à l'atmosphère explo­sive du fait de ses tensions ethniques. Tous ces plans ont été enterrés ou ajour­nés sine die et les demandes de certains dirigeants irakiens pour l'ouverture de représentations diplomatiques dans le Sud, majoritairement chiite et sous l'in­fluence très marquée de l'Iran, ont été rejetées sans autre forme de procès.
Mis bout à bout, ces replis militaires et diplomatiques des États-Unis traduisent une réalité : l'Irak tournera la page américaine bien plus vite et bien plus complètement que bon nombre d'obser­vateurs ne l'avaient prévu. C'est là une excellente nouvelle pour une grande partie des habitants de ces deux pays, qui n'en peuvent plus de ces quelque huit années de guerre et d'occupation - mais certains redoutent le pire.
"Les États-Unis ne devraient pas tourner le dos à l'Irak, estime Labid Abawi, vice-ministre des Affaires étrangères. Ce pays a besoin de l'Améri­que et l'Amérique a besoin de lui."
Cette évolution des relations inter­vient à un moment délicat pour l'Irak et pour la région. Tout autour, des nations connaissent des mutations importantes. En renversant ou en affaiblissant des dirigeants soutenus par l'Occident, le printemps arabe a donné des ailes à l'Iran. La Syrie, elle, est engluée depuis plusieurs mois dans des troubles dont les dirigeants irakiens redoutent qu'ils ne débordent de l'autre côté de la frontière, rouvrant une brèche exploitée en leur temps par les combattants d'al-Qaida.
Et la situation intérieure est très loin d'être stabilisée. Vingt mois après un scrutin national, les principaux blocs politiques du pays n'arrivent pas à se mettre d'accord sur la désignation des ministres de la Défense et de l'Inté­rieur. Le Parlement ne s'est pas encore prononcé sur la répartition légale de la manne pétrolière et gazière. Et la question de la tutelle de Kirkouk – à Bagdad ou à la province autonome kurde – n'est toujours pas tranchée.
Certains responsables américains affirment ne pas avoir renoncé à aug­menter sensiblement les programmes diplomatiques et culturels – les deux pierres angulaires de ce que l'on appelle le "soft power".
Le 22 octobre à Douchanbé, au Ta­djikistan, la secrétaire d'État Hillary Clinton évoquait devant des journalistes les liens de son pays avec l'Irak, tout en menaçant l'Iran à mots à peine couverts. "Alors que s'ouvre ce nouveau chapitre dans nos relations avec un Irak souve­rain, voici notre message aux Irakiens : l'Amérique sera à vos côtés pour vous aider à installer la démocratie. Quant aux pays de la région, et notamment aux voisins de ce pays, nous leur rappelons que les Etats-Unis défendront leur sécu­rité et leurs intérêts avec leurs alliés et leurs amis — dont l'Irak fait partie".
Mais le déploiement diplomatique américain sera beaucoup plus mo­deste qu'on ne l'imaginait, victime des contraintes budgétaires comme de la prise de conscience que le retrait des troupes américaines rend le travail des diplomates nettement plus périlleux. Les projets ambitieux du département d'État ont été élaborés alors que les militaires insistaient pour maintenir 20 000 soldats sur place en 2012.
Les réactions à Bagdad ont été timi­des, signe sans doute des sentiments partagés de la population. De nombreux Irakiens — et notamment les Kurdes, les intellectuels laïcs et les sunnites – ont fait part de leur inquiétude face au dé­part des soldats américains.
"L'annonce de ce retrait total est une victoire pour l'Irak, mais nous devons nous méfier de l'influence de l'Iran et de ses tentatives de contrôle sur notre pays", observe Haidar al-Mulla, porte- parole et député d'Iraqiya, le parti qui a remporté une majorité de sièges lors des législatives de l'an dernier.
Mais pour d'autres, à l'instar de ceux qui viennent de célébrer la fermeture d'une grande base américaine à Mos­soul, ce départ est un bon signe. Étu­diants, poètes et responsables locaux ont brandi le drapeau irakien le 24 octo­bre et placardé des affiches proclamant "Félicitations à la ville de Mossoul en ce grand jour qui a vu partir les dernières troupes d'occupation".
Les discussions en 2010 autour du rôle futur des États-Unis en Irak, au sein
du gouvernement américain comme entre les deux pays, ont crûment révélé l'affaiblissement de la capacité des pre­miers à forger le destin du second mais aussi le désintérêt relatif du Congrès, plus préoccupé par des enjeux de po­litique intérieure. Les plans du dépar­tement d'État doivent encore obtenir l'aval des Irakiens et, pour leur finance­ment, celui du Congrès.
Les interrogations autour de l'avenir de l'Irak sont sans ambiguïté : un gou­vernement fragile penchera-t-il vers l'autoritarisme ou vers une démocratie stable ? Les États-Unis laisseront-ils un héritage positif ?
Christopher Hill, ancien ambassa­deur américain en Irak, exprime son ap­préhension : le maintien d'une présence peut-elle forger cette alliance solide que les États-Unis espéraient alors même que le conflit a fait tant de victimes de part et d'autre et vidé les coffres du Tré­sor américain ? "Nous pouvons déclarer que l'Irak est notre allié, conclut M. Hill, mais une invasion ne sera jamais le so­cle idéal pour une alliance."
 
POLITIQUE ÉTRANGÈRE: ZÉRO POINTÉ POUR LES CANDIDATS RÉPUBLICAINS
(Editoriaux du Times du 28 octobre 2011)
 
Pendant un temps, nous étions inquiets. Les candidats à la nomination républi­caine pour les présidentielles étaient peu prolixes sur la sécurité nationale et la po­litique extérieure. Maintenant que cer­tains ont abordé ces questions, sans doute auraient-ils mieux fait de s'abstenir. Les postulants ont réussi à éliminer l'idée bien ancrée que leur parti a les clés d'une sécurité nationale efficace. Les États-Unis, impliqués dans deux guer­res, ont envoyé plus de 100 000 soldats à l'étranger. La Chine est en plein essor, les relations avec le Pakistan se gâtent, et l'Iran et la Corée du Nord se dotent peu à peu de l'arme nucléaire. C'est le chaos au Moyen-Orient. Malgré tout, les candi­dats avancent des analyses largement er­ronées et des solutions plus désastreuses encore, dont aucune n'indique une réelle
compréhension ou de nouvelles idées.
Certains ont timidement tenté de res­susciter les notions, absurdes aujourd'hui, de l'ère Reagan sur le leadership améri­cain. Accuser Obama de faiblesse et de laxisme est grotesque quand on regarde tout ce qu'il a accompli pour réparer les dégâts causés par son prédécesseur à la réputation du pays. Et n'oublions pas le détail de l'assassinat d'Oussama ben La- den. Les candidats républicains semblent conscients que leur meilleur atout est la critique du président. Pour les affaires ex­térieures, cependant, ils ne sont pas sûrs des tenants et des aboutissants.
Comment décrire autrement la réponse de Rick Perry, gouverneur du Texas, lors d'un récent débat, sur ce qu'il ferait si les talibans prenaient le contrôle des armes nucléaires pakistanaises ? Il s'est embrouillé dans les noms et les faits pour finir par accuser Washington d'avoir refusé de vendre des avions de combat F-16 à l'Inde, qui avait en réalité décliné la transaction.
Même ces approximations étaient plus souhaitables que l'affirmation d'Herman Cain qu'il est inutile qu'un "dirigeant" connaisse les noms de ceux qui gouver­nent des pays comme "l'Ouzbéki-béki­stan-stan". Il doit savoir qui est Islam Karimov, un despote au bilan effroyable en matière de droits de l'homme et dont le pays est une voie d'approvisionnement stratégique vers l'Afghanistan pour l'ar­mée américaine.
Récemment, Mitt Romney et Jon Huntsman Jr. ont publié des livres blancs sur la politique étrangère. Mais ils sont bien maigres, manquent d'idées nouvelles et fourmillent de questions sans réponses.
Parmi les propositions plus détaillées du premier, ancien gouverneur du Massachusetts, figure l'augmentation du budget défense à hauteur de 4% du PIB. Même si cette mesure était judicieuse, nous aimerions savoir où il pense trouver l'argent.
M. Huntsman désire un retrait rapide d'Afghanistan, mais l'ancien sénateur Rick Santorum défend l'idée d'une offensive musclée pour la victoire, sans expliquer en quoi elle consiste. MM. Romney et Perry peinent à se positionner et leurs déclarations ambiguës empêchent enco- re aujourd'hui de savoir s'ils souhaitent un retrait ou non.
M. Romney a claironné qu'il consulterait les responsables du commandement militaire en Afghanistan – exactement ce qu'a fait Barack Obama. La majorité des candidats à l'investiture républicaine se déclarent pro-Israël et contre l'arme nucléaire en Iran – sans avancer la moindre idée applicable pour soutenir le premier et contrecarrer le second. Quant au recours à la force militaire, dans un discours en août, M. Perry a affirmé la nécessité "d'aller combattre l'ennemi chez lui, où qu'il soit, avant qu'il frappe sur notre territoire". Puis il a dénoncé un "aventurisme militaire". Quand se propose-t-il exactement de faire appel à l'armée ? Personne ne le sait.
Ces candidats coopéreront-ils avec la Chine ou l'affronteront-ils ? Comment veiller à ce que le printemps arabe mène à la démocratie ? Peut-on rendre plus fructueuses les relations avec le Pakistan ? Les électeurs américains ont le droit à des positions mûrement réfléchies. Ce qui n'est pas le cas.
 
BONNE NOUVELLE DE LA PLANÈTE TERRE
(Article de BILL KELLER – New-York Times du 28 octobre 2011)
 
Les sacs de couchage trempés et l'anarchisme réchauffé d'" Occupy Wall Street" vous ennuient ? Vous en avez marre de la course à la présidentielle qui rase vraiment les pâquerettes ? Les signes annonciateurs de la prochaine dépression vous dépriment ?
Je vais vous réconforter : j'ai trouvé quelques perles d'espoir cachées dans des endroits que vous n'avez proba­blement pas remarqué ces derniers temps, les nouvelles dominantes étant si décourageantes que vous n'osez plus vous aventurer au-delà de la première page du journal.
J'admets que certaines de ces pé­pites viennent de pays où vous n'avez sans doute pas envie de vivre. Mais je les offre comme preuve que, parfois, notre espèce navrante nous surprend. Peut-être pourrions-nous en tirer une leçon, ou quelque encouragement. Cela servira au moins à nous rappeler – à un moment où nos propres politiciens sont en compétition pour le titre de plus ardent défenseur de "l'exception amé­ricaine" – que nous ne sommes pas le pinacle de la civilisation.
Commençons avec la Slovaquie, la moitié la moins célèbre de l'ancienne Tchécoslovaquie. Au début du mois, cette courageuse petite nation a été la dernière – parmi 17 pays européens – à approuver un plan de sauvetage des­tiné à renflouer les membres en danger comme la Grèce et le Portugal pendant que ceux-ci tentent de refréner leurs ar­deurs dépensières. Après 16 réponses positives, le Parlement slovaque tenait dans ses mains le destin de l’Europe. Et les citoyens ont dit "non !" Les oppo­sants contestaient l'idée que les Slova­ques, qui sont parmi les moins fortunés des Européens, devraient payer pour secourir leurs voisins prodigues et les banquiers déraisonnables.
Après le vote, le gouvernement est tombé. Puis une nouvelle coalition tem­poraire s'est mise au travail et a ratifié l'accord. La Slovaquie a ainsi accompli deux choses. En signalant qu'elle s'im­patientait, elle a fait plus peur aux ban­quiers qu'un mois de manifestations à Wall Street. Et puis, une fois l'avertis­sement donné, le pays est reparti sur de nouvelles bases et a offert à l'Europe une chance supplémentaire, ce qui té­moigne d'une grande maturité pour une petite nation qui, il n'y a pas si long­temps, était sous la coupe de l'URSS.
Passons au Liberia. Ce pays d'Afri­que de l'Ouest est connu pour avoir traversé 25 années troubles impliquant des enfants soldats, des diamants de sang, des viols et des mutilations, entre autres atrocités. Il est toujours en rui­nes, le dénuement, l'analphabétisme et la corruption y règnent, mais désor­mais les élections y sont libres, justes, sérieuses et respectées.
Le 11 octobre, le pays a organisé un scrutin présidentiel dans lequel les deux meilleurs candidats étaient diplô­més de Harvard – et ne s'en cachaient pas ! La titulaire du poste, Ellen John­son Sirleaf, ancienne économiste de la Banque mondiale et récente lauréate du prix Nobel de la Paix, semblerait être le candidat le plus qualifié pour bon nombre d'autres scrutins dans le monde, y compris peut-être chez nous. Son principal rival, Winston Tubman, est également passé par Cambridge et la London School of Economics.
Il y aura un second tour. Ellen John­son Sirleaf affirme aux électeurs qu'elle a les choses en main, et que Winston Tubman devra attendre son heure. Ou,comme dit le slogan de la campagne : "Le singe a encore du travail, que le ba­bouin patiente un peu". Ce qui ne marcherait probablement pas dans l'Iowa.
Allons maintenant vers le sud, au Pérou. Alors que ses homologues au Venezuela et en Équateur consolident à grand bruit leur pouvoir en nationali­sant les industries et en cherchant des noises aux États-Unis, Ollanta Humala, le nouveau président, semble préférer une approche discrète des réformes systémiques. Il a évité la rhétorique nationaliste de la gauche, nommé un gouvernement.qui encourage les inves­tissements, et revendique l'Amérique comme "partenaire stratégique".
Annonçant une campagne contre la corruption, il a récemment démis de leurs fonctions 30 des 45 généraux à la tête de la police nationale, spécialiste de l'extorsion. Bien sûr, cela a l'avantage de créer une nouvelle force de police fidèle au président, mais s'il obtient que les policiers arrêtent de demander des pots-de-vin et luttent contre la criminalité et le trafic de drogue, tous deux en progression, alors les Péruviens le remercieront. Croisons les doigts pour le Pérou.
Ensuite, applaudissons la Somalie – sans doute l'endroit le plus désolé de la terre, ravagé par les militants islamistes, les pirates, les bandits et une famine désastreuse. Les habitants de Mogadiscio se sont récemment réunis dans un stade de football pour ce que le New York Times a appelé "l'un des plus grands rassemblements depuis des années". Pour solliciter de l'argent ? Pour demander des réductions d'impôts ? Non, pour dénoncer la guérilla shebab qui soutient al-Qaida et terrorise le pays depuis des années.
Bien sûr, la Somalie n'est pas vraiment un modèle à suivre pour l'Afrique postcoloniale, mais ce n'est pas tous les jours que des gens mobilisés contre une faction armée malfaisante remplissent un stade de football. En fait, n'applaudissez pas. Envoyez-leur de l'argent, Dieu sait qu'ils en ont besoin.
Et enfin la Birmanie, ce beau pays opprimé pendant une grande partie des 50 dernières années par une junte militaire des plus excentriques dans l'horreur. Pendant des dizaines d'années, les manifestations ont été réprimées, les élections frauduleuses ou annulées, et les sanctions occidentales n'ont rencontré que l'intransigeance.
Quelques signes de dégel apparaissent. Le régime militaire a installé un nouveau gouvernement parlementaire, ouvert des pourparlers avec l'opposante Aung San Suu Kyi, et, au début du mois, a commencé à libérer les dissidents. C'est loin d'être une démocratie, mais c'est une rare lueur d'espoir.
Oui, une grande partie du Sud de l'Europe est au bord de la faillite, le printemps arabe semble tourner au vinaigre, l'économie chinoise elle-même ralentit, l'Ukraine est retombée aux mains d'un régime autoritaire, l'Iran engage apparemment des tueurs chargés de missions en Amérique et nous avons récemment appris que nos alliés afghans ont torturé de très nombreux prisonniers (où diable sont-ils allés pêcher cette idée ?). Un nombre infini de pays se conduit mal.
Je vous laisse donc maintenant retourner à votre morosité quotidienne. Mais, à la Slovaquie, au Liberia, au Pérou, à la Somalie et à la Birmanie, je dis merci ! Continuez, vous êtes sur la bonne voie !
 
(d)À l’évolution du Moyen-Orient
 
VERS UN MOYEN-ORIENT POST-ISLAMISTE
(Article de MICHAEL. J. KOPLOW – New-York Times du 22 octobre 2011)
 
WASHINGTON
Quand les Tunisiens se rendront aux urnes demain pour désigner la première assemblée constituante depuis l'évic­tion en janvier de Zine el-Abidine Ben Ali, l'enjeu ira bien au-delà des espoirs démocratiques d'un pays qui ne compte que 10 millions d'habitants. Parce que les événements qui s'y sont déroulés ont, dans un premier temps, déclenché des vagues de protestations pour entraîner ensuite un renouveau politique dans tout le monde arabe, cette élection et ses conséquences pourraient révolutionner l'islamisme, un des mouvements idéologiques parmi les plus pérennes et suivis de ce dernier quart de siècle. La combi­naison d'un certain nombre de facteurs créerait pour les partisans de cette ten­dance le contexte idéal pour l'avènement d'un nouveau courant post-idéologique, ou paradoxalement, post-islamiste.
Depuis des décennies, les groupes po­litiques arabes, qui ont fait miroiter un état musulman idéal où la loi coranique régenterait non seulement les relations sociétales mais aussi les affaires publi­ques, constituent la force politicienne la plus puissante dans le monde arabe. Après les échecs des mouvements ré­volutionnaires socialistes et panarabes du milieu du XXe siècle, ils étaient bien placés pour récupérer ce qui restait de ferveur idéologique. Leur message était populaire et cohérent, ils inspiraient chez beaucoup le sentiment d'avoir une mission, et séduisaient de nombreuses personnes lassées de vivre sous le joug de la corruption et de dictateurs sans charisme.
Le printemps arabe a cependant pro­voqué un changement important en ac­cordant moins d'importance à l'idéologie et en plaçant au premier plan les préoc­cupations pratiques dont la démocratie et l'égalité économique. Cela a ébranlé le parti pris des despotes du Moyen-Orient qui ont longtemps affirmé que les mou­vements d'opposition étaient contrôlés par des fanatiques religieux. Le fait que le printemps arabe ne soit pas dogmati­que a pris Messieurs Ben Ah et Mouba­rak au dépourvu. Les slogans scandés par les centaines de milliers de manifes­tants de la place Tahrir, où se trouvaient aussi bon nombre d'islamistes, n'appe­laient pas la création d'un état islamique mais la chute d'un régime autoritaire et corrompu.
On pourrait même être tenté de dé­crire le paysage des affaires publiques esquissé en Tunisie et en Égypte comme post-idéologique, puisque des program­mes politiques pragmatiques et univer­sels y ont pris le pas sur les références dogmatiques très évidentes. Les islamis­tes vont devoir s'adapter à cette nouvelle réalité où le message politique et écono­mique concret qu'on adresse au peuple est plus efficace qu'un appel à la religion cousu de fil blanc.
Le Parti de la justice et du développe­ment (AKP), au pouvoir en Turquie, en est l'illustration la plus visible. On n'y dé­note que peu, voire pas du tout, d'orien­tations politiques islamistes flagrantes et il a remporté les élections trois fois de suite. L'année dernière, quand je vivais à Istanbul, j'ai été frappé par l'étalage omniprésent du nationalisme laïc qui allait des photos de Mustafa Kemal Ata­türk, le père de la Turquie moderne, sur le réfrigérateur de mon appartement de location, aux gigantesques drapeaux flottant sur les ponts du Bosphore. Dans ce pays dirigé par un parti islamiste, on ne trouve aucun symbole religieux aussi proéminent.
La raison vient en partie de l'histoire singulière de la Turquie, mais aussi de l'exercice particulier de l'islam par l'AKP qui, tout en s'enorgueillissant de la ferveur religieuse de ses membres, gouverne dans la laïcité. Le premier mi­nistre turc, Recep Tayyip Erdogan, est très apprécié dans le monde arabe, et ses récentes visites au Caire et à Tunis ont mis en évidence son style modéré.
Le parti islamiste dominant en Tunisie vient se heurter à un fondamentalisme plus radical. Ennahda, la formation poli­tique la plus populaire du pays, qui avait adopté la démocratie et accepté les in­fluences occidentales bien avant le prin­temps arabe, organise une consultation préélectorale. Son chef historique, Ra­chid Ghannouchi, avait écrit plusieurs décennies auparavant que la laïcité et la liberté sont préférables à la loi coranique et au pouvoir absolu. S'il gagne, le parti a pris l'engagemént de maintenir le Code du statut personnel qui réglemente les questions sociales comme le mariage, le divorce et la garde des enfants. C'est un net contraste avec les Frères musul­mans en Égypte, qui ont réaffirmé leur volonté d'appliquer la charia et qui se présentent sous une bannière explicite­ment islamiste.
Même si Ennahda ne recueille qu'un peu plus de 20 % des voix et a peu de chance de remporter la majorité abso­lue, il pourrait devenir le parti le plus re­présenté à l'assemblée constituante. Si tel était le cas, et s'il tenait sa promesse de ne pas transformer la Tunisie en Etat religieux tout en continuant à condam­ner les actions des salafistes les plus radicaux (ceux qui ont attaqué les uni­versités et les stations de radio), alors il pourrait transformer l'islam en tant que courant politique, et devenir à son tour un modèle.
Les partis islamistes doivent s'adapter au nouveau visage de la réalité politique. Proclamer que "l'islam est la solution" sans un programme compatible avec des sociétés plus ouvertes, cela n'est plus d'actualité. La clé du succès se trouve dans l'union de la religion et des libertés civiles et politiques.
La Tunisie a déjà ouvert la voie aux courants révolutionnaires en Égypte, à Bahreïn, au Yémen et en Syrie, et son parti "post-islamiste" pourrait donner des idées aux mouvements religieux de la région. Si le monde arabe est véritablement entré dans une nouvelle ère post-idéologique où les préoccupations tangibles prennent le pas sur les dogmes, alors les partis islamistes devront eux aussi changer de cap.


[1] Cette recension a été inspirée par l’ouvrage « Où va l’Amérique d’Obama ? », de Hervé de Carmoy, préfacé par Alexandre Adler, paru aux PUF en septembre 2011.
Cet auteur, pour avoir passé trente années à la Chase Manhattan Bank, puis aux postes les plus élevés de la Midland Bank, à Londres, a fait montre d’une bonne connaissance de l’Amérique. Les têtes de chapitre de cette étude, à l’exception des informations sur le G20, sont extraites de son ouvrage.



Date de création : 21/11/2011 @ 14:45
Dernière modification : 21/11/2011 @ 15:05
Catégorie : Suivi des progrès aux USA
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