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Sociologie - Le lien social (1)


LE LIEN SOCIAL (1)

 

Extraits de « Le lien social et la personne » de Jean-Michel Le Bot

 

I/ LES SCHÈMES DE LA RELATION

 

      Relations réversibles entre                         Relations non réversibles entre

    auteurs de gestes équivalents                    auteurs de gestes non substituables

 Symétrie ÉCHANGE PRODUCTION Connexité génétique
 Asymétrie négative PRÉDATION PROTECTION Connexité spatiale
 Asymétrie positive DON TRANSMISSION Connexité temporelle


Distribution des relations selon le type de rapports entre les termes (Descola reprenant les définitions de Testart, 2005 ).

 

Le don : « là où il est avant tout un geste à sens unique qui consiste à abandonner quelque chose à quelqu’un sans anticiper de compensation autre que la reconnaissance éventuelle du destinataire » (Ph. Descola, « Par-delà nature et culture », 2005). Il apparaît que chez les Indiens de la côte nord-ouest américaine, comme dans les Plaines, don et contre-don dominent aussi bien dans les rapports entre personnes que dans les rapports avec les esprits. 

L’échange : « seul, il comporte l’obligation de rendre et transforme les partenaires en débiteur et créancier » L’échange, chez les mêmes Indiens, est précisément la caractéristique des dieux et des esprits (Descola et Testart « Critiques du don », 2007).

La prédation : sans cette troisième forme de relation sociale, il s’agit d’une prise qui n’entraîne pas plus d’obligation pour celui qui s’y livre que le don n’entraîne d’obligation pour celui qui en bénéficie. Si l’on ne retient que l’aspect illicite et réprouvé de cette opération on peut parler de vol, de capture ou d’appropriation indue ». (« Puisque le rapt et le viol ne sont pas licites, on est conduit à la captation au sens de la persuasion et à la séduction, en tant que mobilisation de la parole et du corps », Cochoy, « La captation des publics », 2004).

Mais la prédation qui s’enracine dans un mécanisme central de la préservation du vivant (la relation prédateur/proie) est suffisamment répandue à toutes les époques et sous toutes les latitudes pour que l’on puisse y voir une forme de relation sociale en tant que telle.

La production : « la relation, ici est clairement irréversible dans la mesure où l’antécédence génétique du producteur sur son produit ne permet pas à celui-ci de produire en retour son producteur (même s’il peut contribuer à l’entretenir), le plaçant ainsi dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’entité à qui il doit don existence, au moins au titre de condition initiale ».          

C’est à Marx que Descola se réfère alors avant de se demander si la relation de production possède la même prééminence partout ailleurs que dans les sociétés occidentales. De fait ce terme de production par un effet d’ethnocentrisme semble lié à la prédominance de la pensée économique dans les sciences sociales.

La protection : le prototype de cette relation, Descola l’a défini comme la relation entre le parent et l’enfant. Sans jamais être réciproque, cette relation peut néanmoins s’inverser avec le temps, quand les enfants devenus adultes, par exemple, prennent soin de leurs parents devenus vieux. Dans tous les cas, la relation est inégale car l’offre d’assurance et de sécurité par quoi elle se manifeste revient à celui qui est en mesure de l’accorder.       

Cette relation de protection peut s’enchaîner, lorsque le protecteur est protégé à son tour par plus puissant que lui (Descola ne l’évoque pas mais on peut penser au système féodal). Si le principe est dans la relation entre le parent et l’enfant, la protection peut se révéler aussi dans d’autres relations : dans celle du citoyen à l’Etat, dans telle espèce protégée par ses défenseurs, dans celle d’Etat à Etat (protectionisme) qui n’est pas sans inconvénient.  

La transmission : cette relation est celle « qui permet l’emprise des morts sur les vivants par l’entremise de la filiation ». C’est toute la question de l’héritage : biens, prérogatives, indépendance politique, caractères physiques ou mentaux…On pensera ici aux, dans le cas occidental, aux monuments aux morts ou à la vieille formule juridique selon laquelle « le mort saisit le vif ». Si l’héritage existe d’une certaine manière partout, quand bien même le patrimoine transmis peut être très variable, ce n’est que « dans certaines circonstances que ce processus de cession prend la forme d’une véritable dette des vivants à l’égard des morts, les premiers se considérant comme des débiteurs des seconds pour à peu près tout ce qui concerne l’existence ». Pour Nietzche, qui voit dans ces rapports l’origine du rapport de droit privé entre le débiteur et le créancier, « l’importance de cette dette ne fait que grandir parce que les esprits puissants ne cessent de s’intéresser à la race et de lui accorder, de par leur force, de nouveaux avantages et de nouvelles avances ». 

 

La distinction entre ces deux grands groupes de schèmes s’accorde avec la distinction de relations de parité et de relations de paternité dont l’une des figures possibles est donné par la distinction entre alliance et filiation, classique en anthropologie de la parenté (Deliège,2005). C’est ainsi que Jean-Pierre Vernant nous explique que le mariage dans la Grèce antique est « un fait de commerce contractuel entre deux groupes familiaux », commerce dont la femme est un élément, mais qu’il est aussi ce qui permet « aux hommes d’une lignée de faire souche d’une progéniture et d’assurer ainsi la survie de leur maison » (Vernant, 1996). Le rôle de la femme dans le mariage est de « sceller une alliance entre groupes antagonistes. Au même titre qu’une rançon, elle peut clore une vendetta. Et on trouve dans le mariage l’exigence de contrepartie, qui signe l’échange et le distingue aussi bien du don que de la transmission (transfert de troisième type). Le mariage grec, tel que le décrit Vernant, s’inscrit bien sur le versant de l’alliance, en tout cas, dans l’échange comme type de transfert. Mais il montre aussi qu’une théorie des formes sociales ne peut pas s’intéresser seulement aux transferts. Elle doit également prendre en compte toutes les relations que Descola appelle irréversibles entre termes (gestes d’auteurs) non équivalents : relations de production, de protection et de transmission qui s’articulent toutes, finalement autour d’un aspect de la filiation (Descola y fait implicitement référence, parlant par exemple d’antécédence génétique dans la production, qui renvoie ainsi à la génitalité de la procréation (gonos) aussi bien que de la fortune (tokos).    

En tant que telles, les formes sociales précèdent effectivement les hommes qui s’y adaptent, mais sauf à revenir à la posture structuraliste de Lévi-Strauss, on voit mal comment ne pas voir que les formes instituées sont instituées par les hommes.

 

II/ DE L’INDIVIDU À LA PERSONNE

 

Dans le Dictionnaire critique de sociologie de Boudon et Bourricaud (2004) l’individu fait son apparition dans l’article « individualisme » qui se réfère d’emblée à lui, sans prendre la peine de le définir. Il se contente d’affirmer que, dans les sociétés industrielles modernes, « l’individu est considéré comme une unité de référence fondamentale, à la fois pour lui-même et pour la société ». Jean-Michel Le Bot (a), à la suite de Jean Gagnepain, refusant cette évidence, propose de distinguer trois niveaux dans ce qui fait la condition humaine :

1.      l’individu biologique  (le corps biologique comme « support » avec son anatomie et sa physiologie) ;

2.      le sujet socialisable et socialisé, qui intériorise ou « incorpore » ce qui lui vient de son environnement social (l’« ambiance » dont parle Lacan) ;

3.      la personne autonome, capable de construire sa propre histoire, d’en être à la fois l’auteur et l’acteur.      

    
L’individu biologique
 

La définition qui vient d’en être donnée coïncide largement avec celle qu’en donne Gagnepain comme être vivant dont on ne peut pas séparer les constituants au-delà d’un certain point sous peine de le tuer (et de conduire à sa minéralisation). L’individu s’oppose ainsi au minéral et cette définition s’applique au vivant dans son ensemble, qu’il soit végétal ou animal, des ù

Etres unicellulaires jusqu’à l’homme.

Dans cet ensemble, certains végétaux et animaux se caractérisent par une reproduction sexuée (eucaryotes) : il faut la rencontre de deux individus de sexe différent ou parfois seulement de deux cellules de type différent pour donner naissance à un nouvel individu. Cela ne nécessite pas nécessairement de copulation ou d’accouplement : les végétaux sont capables de reproduction sexuée et beaucoup de vertébrés et d’invertébrés marins par exemple, se contentent de rejeter leurs gamètes mûrs dans l’eau (oursins, étoiles de mer, huîtres, moules, harengs…). Par contraste avec cette reproduction sexuée sans accouplement, le biologiste Jacques Ruffié, en 1986, insistait sur « le pouvoir socialisant de l’accouplement qui suppose un contact direct, souvent précédé et suivi de multiples échanges entre les partenaires ». Ce phénomène est important d’un point de vie sociologique, même s’il convient, à ce niveau de mettre le terme « socialisant » entre guillemets, car la sociabilité humaine ne se réduit pas à la sociabilité biologique. Ainsi, la reproduction sexuée donne lieu à un sorte de série biologique d’individus mâles et femelles où il est possible, comme le faisait Freud, de distinguer d’une part la sexualité et d’autre part la génitalité pensées en termes de stades, la vie sexuelle prégénitale de l’enfant venant s’organiser à la puberté sous le primat des zones génitales.

a) La sexualité désigne la différence et la complémentarité de deux individus, mâle et femelle, entièrement marqués dans leur être, au-delà de leur seule aptitude différentielle à contribuer à la procréation, par le sexe auquel ils appartiennent (plumage et chant chez les oiseaux, voix et caractères sexuels dits « secondaires » dans l’espèce humaine, etc.)     

b) La génitalité quant à elle désigne la mise au monde (partirution), mais également tous les soins au petit que nécessite la période de maturation extra-utérine plus ou moins longue selon les espèces qui sépare la naissance de la maturité. 

On voit ainsi que la sexualité, qui rend deux individus fonctionnellement complémentaires, les assujettit également (quoique de manière variable selon les espèces) à un petit qui représente biologiquement leur avenir en tant qu’espèce.

 
Le sujet social
 

Au même titre, vraisemblablement, que d’autres espèces animales, l’homme est également un sujet unifié, capable d’incorporer dans une sorte de « mémoire » ce qui lui vient de son environnement. C’est ce produit de la socialisation que Bourdieu définissait précisément comme « habitus », à titre d’histoire incorporée, faite nature.

Pierre Changeux dans ses échanges avec Paul Ricœur, en 1998, n’a pas manqué d’y faire référence :

« La notion d’habitus telle que nous la propose Bourdieu, fait partie selon moi des « concepts-passerelle » potentiellement utile dans les diverses disciplines qu’il réunit. Le concept lie la notion d’apprentissage à celle d’empreinte de l’environnement social et culturel. […] Je le comprends sur le modèle de l’acquisition du langage, où l’apprentissage joue un rôle déterminant en mobilisant des structures neurales d’accueil innées et propres à l’espèce humaine. L’enracinement des processus neuronaux d’apprentissage est tel chez Bourdieu que, dans ses Méditations pascaliennes, il mentionne explicitement ‘le renforcement ou l’affaiblissement des connexions synaptiques’. »

 
Le développement du cerveau

De fait, il est maintenant démontré que si le développement du cerveau se fait sous le contrôle des gênes de développement, tout n’est pas génétique dans ce développement. Après la naissance, le réseau de connexions synaptiques poursuit son développement sous l’influence de facteurs extérieurs. L’étude du système visuel montre par exemple que si un œil est affecté par une maladie qui réduit l’apport de la lumière, les fibres provenant de cet œil ne parviendront pas à se connecter au cortex visuel et ne seront pas fonctionnelles. Des expériences faites sur le singe montrent que ce phénomène est réversible dans certaines limites temporelles.

La poursuite du développement cérébral sous l’influence de facteurs extérieurs ne concerne pas seulement ce parcours des fibres à la rencontre de leur cible pendant la période embryonnaire et les débuts de la vie extra-utérine. Les connexions de voisinage peuvent se distendre [restent labiles] pendant toute la vie, même si c’est avec une intensité décroissante. Comme le précise Marc Jeannerod dans ‘Le cerveau intime’(2005) : « C’est de cette manière que notre cerveau, modelé par notre propre activité, par nos interactions avec le monde extérieur, par les influences que nous avons reçues au cours de notre éducation, connaît notre histoire et notre parcours ».

Par ailleurs, la théorie de l’efficacité synaptique qui date des années 1940, explique qu’un synapse appartenant à un circuit fréquemment utilisé devient plus efficace alors que l’efficacité d’un synapse peu utilisée diminue. Ce mécanisme va conduire au stockage des informations. S’il y a diminution de l’activité synaptique, il y aura un délestage d’informations (oubli). Le renforcement de la force synaptique est appelée « potentialisation ». Ainsi, cette théorie de l’efficacité synaptique rend compte de l’apprentissage et de la mémoire. Marc Jeannerod donne l’exemple d’une expérience simple, dans laquelle une personne doit apprendre à jouer une séquence de notes avec sa main droite sur un piano. Au fil des répétitions, elle apprend à reproduire la séquence de mieux en mieux. La mesure de l’excitabilité de la zone du cortex moteur gauche qui contrôle l’exécution des mouvements des doigts de la main droite montre que la quantité de courant électrique pour provoquer la contraction d’un muscle de la main est plus faible à la fin de l’expérience qu’au début.

 

C’est la fonction d’incorporation qui construit l’autonomie du sujet

Parler de conditionnabilité ou d’épigenèse des synapses sous l’influence de l’environnement, en effet, ne suffit pas. Il faut encore rendre compte de ce qui fait l’unité corporelle. C’est ce que cherche à faire Jean Gagnepain (en 1991) en posant l’hypothèse d’une fonction d’incorporation , ou encore de somasie « qui confère à l’individu organique, en lui donnant naturellement des frontières, l’autonomie d’un sujet » (b).

Cette fonction de somasie (ou d’incorporation) permet de préciser ce qui conditionne la mise en place de l’habitus, défini et précisé à juste titre comme histoire incorporée. L’accès au soma (c), parce qu’il introduit une certaine permanence du sujet, au-delà des situations dans lesquelles est placé l’individu, permet une certaine décentration, tant dans l’espace que dans le temps.

 

« Le monde, écrit Bourdieu, en 1997, est compréhensible, immédiatement doté de sens, qui, grâce à ses sens et à son cerveau, a la capacité d’être présent à l’extérieur de lui-même, dans le monde, et d’être impressionné et durablement modifié par lui, a été longuement (dès l’origine) exposé à ses régularités ».

 

Tout le problème de l’asomasique n’est-il pas précisément d’être celui pour qui il n’y a plus de monde faute qu’il y ait un « corps », de ne pouvoir par conséquent « être présent à l’extérieur de lui-même » faute justement de poser une frontière de « corps » qui seule définit un « soi-même » corrélatif d’un monde « extérieur » en même temps qu’elle permet « l’incorporation des structures du monde » qui définit l’habitus comme « système de disposions ».  

 

(a) Dans « Le lien social et la personne », Presses universitaires de Bretagne, Rennes, décembre 2010.

(b) Cette conception de l’incorporation n’est pas sans lien avec ce que Lacan avait identifié dès 1936 comme l’enjeu du stade du miroir à partir duquel, se mettent en place les identifications : « Il y a là une première captation par l’image où se dessine le premier moment de la dialectique des identifications » (Lacan, 1966). On remarque, d’ailleurs, que les psychanalistes lacaniens voient précisément la raison de l’autisme, défini comme « ratage de l’image du corps », dans un ratage de la mise en place du stade du miroir (Laznik-Penot et Landa, 1993). On reprochera toutefois à Lacan et aux lacaniens l’accent trop exclusif mis en l’occurrence sur l’image du corps qui, de même que le « signifiant » renvoie encore et toujours à de la représentation (perception et signification).

Cette mise en place du stade du miroir est sans relation avec la mise en place du miroir lui-même qui n’intervient dans les foyers européens que vers le XIXe siècle. Narcisse avait vu sa propre image au bord de la fontaine. 

(c) Ensemble des cellules qui constituent la masse corporelle à l’exception des cellules sexuelles ou germen.



Date de création : 18/02/2011 @ 14:15
Dernière modification : 18/02/2011 @ 18:17
Catégorie : Sociologie
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