THÉOLOGIE 3
Présentation - Dieu, tout-puissant, a sa propre façon d’être et d’étendre son règne
Il s’agit là de méditer avec Jean-Luc Marion ce que Schelling nommait « la liberté de Dieu à l’égard de sa propre existence ». Cet auteur, dans son récent « Dieu sans l’être » (1982), tente de rendre problématique cette évidence où les philosophes issus de la métaphysique conviennent avec les théologiens issus du néo-thomisme : Dieu avant toute chose a à être.
Affirmation que Marion commente : « Ce qui veut à la fois dire qu’avant les autres étants, il aurait à être ; et qu’avant toute autre initiative, il aurait aussi à prendre celle d’être. »
Alors, pour le cartésien qu’il est, le doute s’installe : « et si Dieu n’avait pas d’abord à être, puisqu’il nous a aimé le premier, quand nous n’étions point ? Et si nous devions, pour l’envisager, non pas l’attendre dans l’horizon de l’être, mais nous transgresser nous-mêmes en risquant d’aimer l’amour –à nu, à cru ».
Et pourtant, il faut bien voir que cet amour nous reste essentiellement inaccessible, de sorte que « la suspension qui délivre Dieu de l’être ne nous devient praticable qu’en sa face négative – la vanité, que déverse la mélancolie sur le monde des étants ».
Ainsi, nous éprouvons la vanité par la mélancolie et comme le précise encore Marion, « nous éprouvons, par défaut, l’irréductibilité de l’amour. Bref, la mélancolie nous ouvre à la distance ». Voilà notre statut d’homme.
En définitive, « c’est parce que Dieu ne relève pas de l’être qu’il advient en nous et qu’il y advient comme un don. Ainsi que l’écrit Y. Bonnefoy,dans Le leurre du seuil (Paris, 1975) – ‘Dieu qui n’est pas, mais qui sauve le don’ –, il le sauve précisément « parce qu’il n’est pas et n’a pas à être ».
Dernier constat : « car le don n’a pas d’abord à être mais à se déverser dans un abandon qui, seul, le fait être ; Dieu sauve le don en le donnant avant que d’être ».
Voilà le statut de DIEU, de DIEU le Père.
Reste encore à cerner le don, l’amour, ou ce qui revient au même la charité. A l’évidence, constate Marion, « l’amour se fait plus qu’il s’analyse ; l’une des manières de le faire, en ce qui concerne Dieu, tient à l’Eucharistie : le Verbe y quitte le texte pour prendre corps ». Voilà le statut du Fils de Dieu fait homme.
« Le don eucharistique consiste en ceci que l’amour y fait corps avec le nôtre – de corps ». De sorte que si le Verbe se fait corps aussi, sans doute pouvons-nous en notre corps, dire le Verbe en une parole non-muette mais effective : la charité. Nous pouvons vivre sa présence et parler longuement de lui : théologie.
Trois statuts se trouvent ainsi précisés:
– CELUI DU PÈRE : DIEU ET LA DOUBLE IDOLÂTRIE
ou COMMENT, PAR L’AGAPÈ, DIEU S’EXONÈRE DES DEUX CONCEPTS DE L’IDOLÂTRIE
– CELUI DE L’HOMME : ENTRE IDOLE ET ICÔNE
ou LA POSSIBILITÉ D’UN REGARD QUI N’AIME RIEN ET QUE RIEN N’AIME
– CELUI DU FILS : LE SITE EUCHARISTIQUE DE LA THÉOLOGIE
ou LES TRACES ET LES MONU1MENTS DE L’AVÈNEMENT DU CHRIST