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Parcours habermassien - Entre foi et savoir (1)






ENTRE FOI ET SAVOIR (I)

Habermas débute son ouvrage « Entre naturalisme et religion » par une nouvelle lecture très éclairante de Kant :

« [Voici] pourquoi la philosophie kantienne de la religion m’intéresse ; elle offre en effet un point de vue qui permet de se demander comment il est possible de s’approprier l’héritage sémantique des traditions religieuses sans effacer la frontière qui sépare les univers de la foi et du savoir. Dans l’avant-propos du Conflit des facultés, Kant rappelle lui-même – et il ne s’agit sans doute pas là d’une manière de se protéger – que ‘la foi médiatisée souffre d’un déficit théorique que celle-ci ne nie pas’. Compenser ce déficit revient ‘à satisfaire un besoin de la raison’, nous dit Kant, qui estime en outre que les suggestions contenues dans les théologies dogmatiques que nous transmet l’histoire peuvent nous aider ‘plus ou moins’ à y parvenir. Ainsi, sous l’angle de la foi médiatisée par la raison, ‘la révélation, comme source d’une dogmatique en soi contingente, est perçue comme non fondamentale, mais non, pour autant, comme accessoire ou superflue’ ».

 


CRITIQUE KANTIENNE DE LA RELIGION

La domestication de la religion par la raison serait-elle une question d’autothérapie philosophique ?


Kantécartece point de vue : « Ce n’est pas à l’hygiène de la pensée philosophique qu’elle œuvre, mais à mettre en garde le public en général contre deux formes de dogmatisme. D’un côté, c’est le Kant éclairé, qui, contre une orthodoxie ecclésiastique figée tenant les « principes naturels de la moralité pour secondaires », souhaite faire valoir l’autorité de la raison et de la conscience morale individuelle. De l’autre, c’est le Kant moraliste qui se retourne contre le défaitisme éclairé de l’incroyance et souhaite, contre le scepticisme, sauver les contenus de foi et les obligations qui, présents dans la religion, peuvent être justifiés dans les limites de la simple raison. La critique de la religion va ainsi de pair avec l’idée qu’il y a quelque chose à sauver et que c’est en se l’appropriant qu’on le sauvera.

Lefondamentalismereligieuxque l’on peut observer aujourd’hui, et pas seulement

à la [périphérie] du christianisme, redonne à la critique de la religion une triste actualité. Chez nous, toutefois, depuis l’époque de Kant, les accents se sont déplacés. Ici, dans l’Occident européen, le temps des oppositions entre des compréhensions anthropocentrique et théocentrique de soi et du monde qui s’affirment de manière agressive est révolu. Nous avons plus intérêt désormais à tenter de récupérer les contenus bibliques dans une foi de la raison qu’à combattre

la soutane et l’obscurantisme. Car n’ayant plus guère à sa disposition qu’une théorie de la justice[1], la raison pure pratique ne peut plus être parfaitement sûre, à l’aide des seuls outils qu’elle en retire, d’être à même de contrecarrer une modernisation qui tend à sortir des rails. Lui fait défaut la créativité d’un langage qui ouvre au monde et fasse que se régénère, à partir de ses ressources propres, une conscience normative qui s’étiole de tous côtés.


Il est aisé de penser la morale de l’égal respect pour chacun indépendamment du contexte religieux dans lequel elle s’enchâsse


La morale de l’égal respect pour chacun vaut indépendamment du contexte religieux dans lequel elle s’enchâsse, quel qu’il soit. Kant concède, ailleurs, qu’il nous est difficile d’appréhender de manière évidente le sens catégorique de la validité inhérente aux obligations morales, c’est-à-dire « la coercition morale, sans penser en même temps un autre et sa volonté (dont la raison universellement législatrice n’est que le porte-parole) à savoir Dieu ». Mais cette figure qui aide à l’« évidente appréhension » n’est là que pour « renforcer le mobile de notre propre raison législatrice. Que nous considérions que le législateur moral est Dieu ou que nous considérions au contraire qu’il s’agit de la raison ne change rien au contenu des lois morales – « La religion ne se distingue de la morale en aucun point par la matière, c’est-à-dire l’objet car elle concerne les devoirs en général ». A l’instar d’une discipline philosophique, une doctrine religieuse n’est possible qu’au sens de l’application critique de la théorie morale à des traditions historiques données. Dès lors, la philosophie de la religion n’est pas non plus une partie de l’éthique, développée à partir de la raison pratique seule.


La religion naturelle, c’est-à-dire la religion dans les limites de la simple raison, est fondée à contester au théologien l’interprétation des Ecritures au seul profit de l’amélioration morale de l’homme


La foi d’Eglise, qui s’appuie sur des vérités révélées, se présente toujours au pluriel, alors que ce qui se dégage de purement moral de la religion naturelle se « communique à chacun » [est univoque] : « Il n’y a qu’une (vraie) religion ; en revanche il peut y avoir maintes formes de foi ». La religion n’a pas besoin, à partir de la raison pure pratique, de statuts, ni d’aucune forme d’organisation ; elle s’ancre dans l’intimité même « de la disposition du cœur à observer tous les devoirs humains, non dans des statuts ou des observances ». Les doctrines bibliques constituent l’enveloppe que l’on ne doit pas confondre avec le contenu de la religion assimilable par la raison.

De ces prémisses, s’ensuit la prétention du philosophe « instruit par la raison » à contester au théologien « instruit par les Ecritures » l’interprétation de la Bible, eu égard à l’essentiel de la religion – « lequel réside, dit Kant, dans la dimension pratique et morale (de ce que nous devons faire) ». Il érige ainsi la raison en critère de l’herméneutique devant guider la foi d’Eglise et fait du même coup de « l’amélioration morale de l’homme [qui] constitue la fin propre de toute religion fondée sur la raison, le principe suprême de toute interprétation des Ecritures ».


Est-ce à dire que l’herméneutique rationnelle soit amenée à s’affranchir de tous les dogmes ?


Sur la base anthropocentrique [qui vient d’être précisée], l’herméneutique rationnelle doit aussi mettre de côté un certain nombre de dogmes qu’elle considère comme historiques et par conséquent accessoires, tels par exemple ceux relatifs à la Résurrection en tant que réanimation physique. Elle doit aussi dépouiller de leur signification essentielle certains dogmes centraux tels que ceux portant sur l’incarnation de Dieu dans la personne du Christ pour, par exemple réinterpréter la grâce divine dans un impératif à l’action par soi-même : « Les passages des Ecritures qui semblent contenir un abandon purement passif à une puissance extérieure produisant en nous la sainteté doivent donc être lus de telle façon que par là il devienne clair que nous devons travailler nous-mêmes au développement de cette disposition morale ». C’est sous le devoir d’astreinte morale intramondaine que se récupère le contexte sotériologique historique du péché, de la pénitence et de la réconciliation et par là même la confiance eschatologique en la puissance rétroactive d’un Dieu rédempteur. Mais médiatiser par la subjectivité le renvoi à la raison pure pratique de l’homme de tous les traits transcendantaux de la foi est une opération qui a un prix. Face à la question de savoir si, dans l’activité morale, nous devons partir de « la foi en ce que Dieu a fait pour nous, [ou de] ce que nous devons faire pour nous en rendre digne (en quoi que cela puisse consister), Kant tranche en faveur de la valeur intrinsèque du mode de vie moral : « Ce qu’au sens moral l’homme est ou doit devenir, bon ou mauvais, il doit l’avoir fait ou le faire par lui-même ». Il ne gagne assurément aucun droit au bonheur à se comporter moralement, tout au plus, se révèle-t-il en agissant de la sorte digne de faire l’expérience du bonheur.


Faut-il en déduire que l’affaire de la philosophie de la religion ne peut aller au-delà de la critique de la religion ?


Pour Kant, cependant, l’affaire de la philosophie de la religion va au-delà de la critique de la religion. Lorsqu’il rappelle à la théologie que « considérée pour elle-même, la loi morale ne promet certes pas le bonheur », il est bien clair que la philosophie de la religion a aussi un rôle constructif qui est de renvoyer la raison aux sources religieuses pour que la philosophie puisse y trouver en retour une sollicitation et dès lors en apprendre quelque chose. Bien que, dans les lois morales elles-mêmes, « il n’y a[it] pas la moindre raison » de découvrir « un lien nécessaire », entre le fait qu’une personne moralement méritante soit digne de bonheur et le bonheur qui lui serait en effet proportionnellement congruent, le fait de voir souffrir quelqu’un injustement est un phénomène qui nous touche au plus profond. Notre indignation devant le cours injuste du monde nous dit de la manière la plus claire qui soit « que, au terme, il ne peut pas en aller de même selon qu’un homme s’est conduit de manière honnête ou insincère, équitable ou cruelle, alors que, approchant de la fin de sa vie, il n’a, du moins en apparence, obtenu aucun bonheur pour ses vertus ou aucune punition pour ses crimes. C’est comme si [nous] percev[ions] en [nous]-mêmes une voix [nous] disant qu’il devrait en être autrement ».


Pour Kant, le rôle de la doctrine chrétienne ne peut être passé sous silence, eu égard à la visée des postulats de Dieu et de l’immortalité présumés procéder de la raison


Pour lui, c’est indéniable, lorsque la religion aborde, eu égard aux conséquences de l’agir moral dans l’histoire et la société, la particulière insensibilité des commandements moraux valant de manière inconditionnée, son message s’accompagne d’une promesse : « Considérée pour elle-même, la loi morale ne promet certes pas le bonheur […]. Maintenant, la doctrine morale chrétienne comble ce manque […] en présentant le monde, dans lequel les êtres raisonnables se consacrent de toute leur âme à la loi morale, comme un royaume de Dieu, où la nature et les mœurs entrent dans une harmonie étrangère […] grâce à un saint auteur qui rend possible le souverain bien [que la raison] déduit ».

Kant traduit, certes, l’idée biblique du « royaume de Dieu » par le concept métaphysique de « souverain bien », mais il ne le fait pas comme on pourrait s’y attendre dans la perspective de la critique de la métaphysique, en rappelant à l’ordre une raison spéculative délurée. Limiter la raison théorique en la débarrassant du poids des questions auxquelles elle ne peut pas répondre n’est pas le problème de la philosophie de la religion : sa tâche est a contrario d’étendre l’usage de la raison pratique au-delà de la législation morale propre à une rigoureuse éthique du devoir pour lui permettre d’atteindre les postulats de Dieu et de l’immortalité, qui sont présumés procéder de la raison.


Pour Kant, il y a un intérêt à donner au règne des fins un statut intelligible

Dès la préface de son ouvrage sur la religion, Kant attire l’attention sur le fait que la pure foi religieuse a une portée qui excède celle de la simple conscience du devoir moral dont elle se distingue par là même : en tant qu’êtres raisonnables, nous trouvons un intérêt à promouvoir une fin ultime, alors que nous ne pouvons enpenser la réalisation que si nous la concevons comme l’ heureuse cumulation, obtenue par une puissance suprême, des conséquences secondaires de nos actions morales inconditionnées, pour nous tout à fait imprévisibles. Certes, pour l’agir juste, nul besoin de fin. La moindre idée de fin détournerait l’agent moral de l’inconditionnalité du commandement catégorique qu’il observe. Il reste qu’« il est impossible que la raison demeure indifférente à la manière dont il faut répondre à la question : Que peut-il résulter de notre agir juste et vers quoi, à supposer même que cela ne soit pas de notre complet ressort, pourrions-nous orienter nos faits et gestes comme vers une fin […] ? « Le seul moteur qui fait que la foi religieuse pure est foi, c’est le besoin qu’a la raison, par-delà la conscience morale, d’admettre une puissance à même de fournir [aux lois morales et aux actions fidèles à ces lois] autant d’effet qu’il est possible dans le cadre d’un monde, cet effet étant en harmonie avec la fin morale ultime ».


Kant pense que ce besoin et cet intérêt sont censés procéder de la raison et que c’est à la raison pratique elle-même de le montrer


Pour en faire la preuve, nous ne pouvons pas escompter que la philosophie rencontre la doctrine historique de la religion, il faut que cela ait déjà été établi dans la théorie morale (et que cela ait été encadré par la critique de la faculté téléologique de juger, et par conséquent étayé par les réflexions heuristiques de la philosophie de la nature). Le concept antique de « souverain bien » sert de passerelle, pour autant qu’il puisse être, par identification au concept biblique de « royaume des cieux », investi de contenus eschatologiques. De fait, si Kant peut aller à tâtons vers une doctrine des postulats qui confère encore à la raison pratique la force d’insuffler confiance en « une promesse de la loi morale », c’est en anticipant subrepticement la capacité de la sémantique religieuse à ouvrir le monde.


Kant décline la forme d’un vivre-ensemble comme un effet collectif espéré résultant de toutes les fins individuelles, si chacun les poursuivait dans le respect des lois morales


La raison pratique n’a compétence strictement que sur les exigences morales, dont elle fait pour tout individu un devoir, conformément à la loi morale. Même si, en son sein, toutes les personnes sont pensées dans une union puisque, citoyennes d’une entité morale commune, elles légifèrent et agissent fidèlement à la loi morale, le « règne des fins » n’en est pas moins une idée, lui aussi, qui n’ajoute rien au contenu de la loi morale adressée à chaque individu. Certes, avec cette idée transcendantale, Kant décline la forme d’un vivre-ensemble (correspondant dans une certaine mesure, à l’ordre républicain), qui s’établirait si les lois morales étaient universellement observées (si, en l’occurrence, « chacun faisait ce qu’il doit »). Mais pour que ce règne intelligible se transforme en règne de ce monde, encore faut-il que cette idée ne se limite plus à ne guider moralement que l’agir individuel, mais qu’elle se traduise en idéal d’un état socio-politique qu’il s’agirait de réaliser par la coopération dans le monde phénoménal. Dans la philosophie de la religion, à travers ce qu’il appelle une entité éthique commune, Kant opère de fait une telle translation. Mais dans le cadre de sa théorie morale, il fait un pas intermédiaire en introduisant la conception du « souverain bien », qui esquisse également « l’accord parfait entre la morale et le bonheur » comme un état dans le monde. Cet idéal toutefois n’est pas présenté comme un but qu’il s’agit de poursuivre en coopérant, mais comme un effet collectif espéré résultant de toutes les fins individuelles, si chacun les poursuivait dans le respect des lois morales.


Kant met en œuvre tous les moyens conceptuels pour élever l’engendrement du souverain bien au rang d’un devoir moral


Bien que le commandement, selon lequel chacun devrait faire du plus grand bien possible dans le monde (un accord général parfait de la morale et du bonheur) la fin ultime de son action, ne puisse être contenu dans les lois morales, pas plus d’ailleurs que ne peuvent être justifiés l’ensemble des devoirs concrets à partir de la loi morale (« lorsqu’il est question du principe de la morale, la doctrine du souverain bien […] peut être totalement négligée et mise de côté »), Kant aimerait nous convaincre que le « respect de la loi morale » est déjà impliqué par l’intention du souverain bien ». Nous devons nous représenter le souverain bien comme « l’objet entier de la raison pure pratique », parce que c’est un commandement de celle-ci même, de faire tout ce qui est possible pour contribuer à l’engendrer ». Ce commandement supramoral ne peut être compris que si l’on sait qu’il répond à la question : Pourquoi être tout simplement moral ?


Le mobile qui réside dans l’idée du plus grand bien possible, s’il ne collabore pas au bonheur personnel, contient néanmoins une perspective de bonheur proportionné à la dignité du sujet


« Sans fin aucune, il ne peut en effet y avoir de volonté, même si, lorsqu’il ne dépend que de la nécessité légale des actions, il faut en faire abstraction ». Faut-il dès lors subordonner à une fin la décision de s’en tenir tout simplement à des lois morales plutôt que de faire du mal ? Mais si toutes les fins sont soumises à un jugement moral, comment est-il possible qu’une fin ultime doive encore « procéder » de toutes les fins légitimes pour justifier l’être-moral lui-même ? Kant se contente de renvoyer au fait que le besoin de collaborer à la réalisation de la fin ultime, celle-ci ne pouvant être pensée que sous la condition d’un agir intégralement moral, est nécessairement désintéressé : « Chez l’homme, par conséquent, le mobile qui réside dans l’idée du plus grand bien possible dans le monde auquel il puisse collaborer n’est pas non plus le bonheur personnel qui serait ce faisant visée, mais seulement cette idée comme fin en soi, et par conséquent [?] sa poursuite comme devoir. Elle ne comporte pas en effet de perspective de bonheur au sens strict ; elle ne contient que la perspective d’un bonheur proportionné à la dignité du sujet, quel qu’il soit. « Or, une détermination de la volonté qui se limite, elle-même et son intention de prendre part à une telle totalité, à cette condition n’est pas intéressée ». Le caractère désintéressé n’est cependant pas ce qui donne sens à un devoir ; il est le cas échéant une présupposition lorsqu’il s’agit d’accomplir un devoir déterminé, qui va à l’encontre de ce qu’on souhaiterait. En fin de compte, Kant doit admettre qu’il s’agit dans ce cas, d’une « détermination de la volonté d’une espèce particulière », qui ne peut pas être mise sur le même plan que les « devoirs » tels qu’il les comprend habituellement.


Kant, en s’obstinant à passer par un devoir pour promouvoir le souverain bien, postule l’existence d’une cause de la nature et cherche également à obtenir un renforcement de la confiance de la conscience morale en elle-même


Le postulat de l’existence de Dieu nous laisse entrevoir une réponse. Dès l’instant où nous acceptons ce type de devoir par excès, la question s’impose de savoir à quelles conditions, une observation des lois naturelles devrait pouvoir réaliser le souverain bien dans un monde dominé par la causalité naturelle. La raison pratique ne peut contribuer aussi peu que ce soit à faire de cette fin un devoir porteur d’une obligation morale que si sa réalisation n’est pas d’entrée de jeu impossible. Il faut qu’elle puisse être pensée comme possible. Du même coup avec ce devoir qui excède manifestement les capacités humaines, la raison pratique réclame par conséquent de nous que nous tablions sur l’existence d’une intelligence souveraine qui harmonise les conséquences entraînées par notre respect des lois morales ; conséquences que nous ne sommes pas à même d’appréhender d’une façon prévisionnelle avec le cours du monde en tant qu’il est piloté par les lois naturelles : « Nous devons chercher à promouvoir le souverain bien (qui doit donc être, malgré tout, possible). Ainsi est également postulée l’existence d’une cause de la nature dans son ensemble qui, distincte de la nature, contiendrait la raison du lien qui les unit, à savoir l’accord exact entre le bonheur et la moralité ».


Ce faisant, Kant visait à dépasser la métaphysique pour faire une place à la foi : trouver pour la raison une posture équivalant à celle que permet la foi


Certes, Kant voulait dépasser la métaphysique pour faire une place à la foi. Mais la foi n’est pas tant pour lui une question de mode qu’une question de contenu. Il cherche à trouver par la raison une posture équivalant à celle que permet la foi – à l’habitus cognitif du croyant : « La foi (prise dans son sens strict, et donc non seulement la foi religieuse, mais aussi la foi médiatisée par la raison) est une confiance dans le fait qu’un objectif sera atteint, dont la promotion est pour nous un devoir, mais dont la possibilité de réalisation , en revanche, ne nous est pas discernable ». Ce que Kant explique dans la note en bas de page : « Elle est une confiance dans la promesse de la loi morale, non toutefois en tant que promesse contenue dans la loi morale, mais en tant que promesse que j’ajoute [souligné par Habermas], et ce à partir d’une raison moralement suffisante ». Kant souhaiterait ainsi retenir un aspect de la promesse, déduction faite de son caractère sacré. La connaissance morale serait ainsi immunisée contre le découragement introspectif, et à même de s’ouvrir à la dimension d’une promesse tenant dans la perspective de réussir quelque chose dans le monde fini, laquelle pourrait alors s’additionner à toutes les actions morales qu’on y mène.

D’une façon explicite, ce que veut Kant, ce n’est donc pas, en premier lieu, récupérer les contenus religieux par la voie conceptuelle, mais intégrer à la raison, le sens pragmatiste propre à la modalité religieuse de la foi. Il commente lui-même dans le même passage ce qu’il essaie de faire disant que ce serait une « imitation flatteuse » du concept chrétien de fides. La foi médiatisée par la raison conserve en effet le caractère spécifique de ce que l’on tient pour vrai, et qui conserve à la fois : du savoir moral, la référence à des raisons convaincantes, de la foi religieuse, l’intérêt dans la réalisation d’espérances existentielles.

Si l’on admet avec Adorno que Kant n’a pu penser le désespoir, on perçoit malgré tout dans sa démarche qu’il cherche à dégager philosophiquement l’entité éthique commune à partir de la métaphore d’un règne de Dieu sur terre

Si l’on admet que l’« impossibilité de penser le désespoir » est bien ce qui explique la démarche de Kant qui, en dépit des problèmes que lui posent ses propres présuppositions s’escrime à penser qu’il est nécessaire de compléter la loi par le devoir de réaliser la fin ultime ; par cette démarche, on perçoit clairement ce qui a pu l’intéresser, avant tout, dans la tradition judéo-chrétienne. Plutôt que la promesse de l’existence de Dieu dans l’au-delà (ou de l’immortalité de l’âme), c’est la perspective du règne de Dieu sur terre : « La doctrine du christianisme, quand même on ne l’envisagerait pas encore comme doctrine religieuse, donne […] un concept du souverain bien (du règne de Dieu) qui satisfait à lui seul aux exigences les plus strictes de la raison pratique ». L’idée eschatologique d’un Dieu qui produit des effets dans l’histoire, ce qui va bien au-delà de tous les idéaux platoniciens, permet de traduire l’idée du « règne des fins » et de la faire passer des sphères transcendantales mais blafardes de l’intelligible dans une utopie intramondaine. L’homme y gagne l’assurance de pouvoir, par son agir moral, promouvoir la réalisation de cette « entité éthique commune » que Kant dégage philosophiquement à partir de la métaphore d’un règne de Dieu sur terre.


Kant parvient à préciser ce qui, dans la religion, peut compenser ce qui manque à la raison pratique, en le formulant alors comme un « besoin de la raison »


L’histoire nous accorde en quelque sorte un crédit en nous livrant la religion positive avec son trésor d’images stimulantes pour l’imagination ; sans ce crédit, la raison pratique serait privée du stimulus épistémique qui la conduit à formuler les postulats à l’aide desquels elle peut s’efforcer de traduire en convictions recevables par la raison un besoin déjà préalablement articulé dans une langue religieuse. La raison pratique trouve déjà présent dans les traditions religieuses un quelque chose qui promet de compenser un manque qui se formule alors comme un « besoin de la raison » – à condition bien sûr qu’il parvienne à s’approprier, selon ses propres critères rationnels, ce déjà-là transmis par l’histoire.

Kant ne s’avoue pas cette dépendance épistémique puisqu’il accorde à la religion positive et à la foi de l’Eglise une fonction instrumentale. Il postule que les hommes n’ont besoin des modèles évocateurs, des biographies exemplaires des prophètes et des saints, des promesses et des miracles, des images suggestives et des récits édifiants en tant qu’ils y trouvent des « occasions » de surmonter leur « incrédulité morale », et d’expliquer cet état de fait par les faiblesses de la nature humaine. La révélation raccourcit le chemin que doivent parcourir les vérités de la raison pour se diffuser. Elle rend accessibles, sous une force doctrinale, des vérités auxquelles les hommes, même sans directives autoritaires, « par le simple usage de leur raison eussent déjà dû parvenir d’eux-mêmes ». C’est ainsi que, la « foi purement morale » finit par se dégager des voiles conventionnels de la foi d’Eglise : « Les voiles […] doivent être déposés […]. Les rênes de la sainte tradition, avec ses appendices, statuts et observances, si, en leur temps, ils ont bien rendu service, deviennent petit à petit superflus quand ils ne se transforment pas finalement […] en carcan ».


Kant s’achemine vers une « entité éthique commune » et la développe lorsqu’il en examine l’application à une histoire existante


Habermas, non sans avoir remarqué que cette approche est fort différente de celle, critique, indiquée dans la Religion dans les limites de la raison, qui conduit à voir dans la foi d’Eglise un simple « véhicule » de diffusion[2], va montrer comment Kant s’achemine vers une « entité éthique commune ».

Précisément, lorsque nous comprenons la création d’un « royaume de Dieu sur terre » – même s’il est « absurde de dire que les hommes devraient établir un royaume de Dieu – comme le résultat d’un effort de coopération du genre humain lui-même, les institutions du salut qui apparaissent d’abord sous une forme plurielle jouent un rôle important sur le chemin pénible qui conduit à l’« Eglise véritable ». Le mouvement qui mène au plus près du royaume de Dieu est « présenté sous la forme sensible d’une Eglise […], dont il incombe […] aux hommes, comme une œuvre qui leur est laissée, et qui peut être exigée d’eux, de fonder l’établissement ».

L’institution de la paroisse, qui se comprend comme « peuple de Dieu soumis à des lois éthiques », incite Kant, dans la philosophie de la religion, à forger un concept qui procure à l’héritage métaphysique blafard du « souverain bien » une incarnation plastique sous la configuration concrète d’une forme de vie. Kant développe le concept d’« entité éthique commune », non dans le cadre de la cohérence interne de la philosophie pratique, mais lorsqu’il en examine l’application « à une histoire existante ». A l’évidence, ce n’est pas seulement que la « religion dans les limites de la simple raison » importe, depuis les traditions religieuses, tout ce qui, avant la raison, avait consistance, c’est aussi, et bien plutôt, que celle-ci reçoit par là des impulsions qui contribuent à élargir son domaine d’exercice, en principe strictement réservé à la déontologie. Lors de la reconstruction des contenus « doctrinaux transmis par l’histoire et la révélation » que la raison peut s’approprier, c’est en particulier cette contribution fournie par les communautés de foi organisées en vue d’« établir un royaume de Dieu sur terre » qui retient l’intérêt de Kant. La « doctrine appliquée de la religion » développe donc, pour traduire le « chiffre » du royaume de Dieu sur terre, un concept d’« entité éthique commune » conforme à la raison et oblige, par là même, la raison pratique à aller au-delà de l’autolégislation purement morale pour aborder le « règne des fins ».

La théorie morale, redit Habermas, accorde au « règne des fins » un statut intelligible qui n’a nul besoin de recevoir un complément terrestre. Cette idée s’adresse aux destinataires individuels de la loi morale, respectivement. Elle ne requiert aucune réalisation sous la forme d’une entité morale commune, puisque le modèle qu’elle propose et qui postule une « union systématique des êtres raisonnables par des lois objectives communes », ne suppose pas le devoir d’une quelconque coopération, c’est-à-dire d’une participation à une pratique commune.

Le « règne des fins » révèle seulement in abstracto la souveraineté des lois morales valant catégoriquement – abstraction faite des conséquences factuelles que peut entraîner une action dans le monde complexe des phénomènes. Le caractère public de ce mundus intelligibilis reste dans une certaine mesure virtuel. A cet égard, l’entité commune que forment les citoyens d’une république organisée selon des lois juridiques en est la contrepartie réelle. La moralité pensée dans l’intériorité ne peut se manifester extérieurement qu’à travers le médium contraignant du droit et ne laisser de traces visibles que dans un comportement légal.

Ce dualisme strict de l’intérieur et de l’extérieur, de la moralité et de la légalité, Kant l’abandonne quand il traduit l’idée d’une Eglise universelle invisible s’imposant à toutes les communautarisations religieuses dans ce concept d’« entité éthique commune ». Le « règne des fins » sort ainsi de la sphère de l’intériorité et adopte – par analogie à une paroisse qui inclurait l’humanité toute entière – une forme institutionnelle. : « Une union des hommes sous de pures lois de vertu peut être dite éthique et même, pour autant que ces lois ont un caractère public, éthique civile (par opposition à juridique civile) ». Que la théorisation et la conceptualisation philosophiques dépendent ici épistémiquement de la source d’inspiration de la tradition religieuse est extrêmement net.

En introduisant auprès de l’état juridique civil propre à l’entité politique commune, l’état éthique civil propre à une entité commune seulement organisée selon des lois de vertu, Kant offre de la « fin ultime des êtres de raison de ce monde » une nouvelle lecture, intersubjectiviste. De son côté, le devoir de collaborer à la réalisation de la fin ultime prend lui aussi un autre sens. Jusqu’ici, la « promotion » du souverain bien devait plutôt être pensée comme quelque chose qui « procédait », sans intention de la part des hommes, de la somme des suites, imprévisibles dans leur complexité, et des conséquences secondaires qu’entraînaient l’ensemble des actions morales. L’étrange devoir de contribuer à la réalisation de la fin ultime ne pouvait avoir, non plus, par conséquent, d’influence directe sur l’orientation de l’agir – à la rigueur pouvait-il en avoir une sur la motivation à agir. Seules les lois morales en fonction desquelles chaque personne décide pour elle-même ce que le devoir commande dans chaque situation de faire, ont la capacité d’orienter. Quand bien même l’état idéal où vertu et bonheur convergent n’est-il pas seulement référé au salut personnel, mais à la réalisation du « bien suprême dans le monde », le superdevoir qui requiert de réaliser cet état demeure quant à lui sans contenu véritable, car il ne peut guère être accompli que par la voie indirecte de l’observance individuelle des simples devoirs.

 


Chaque individu est « immédiatement » confronté à la loi morale. Mais cela change dès lors que, au souverain bien que chaque honnête homme espère promouvoir par un agir moral constant, se substitue la vision de la forme de vie que Kant conceptualise à travers l’entité éthique commune. Les pratiques locales d’une vie communautaire – qui incarnent dans une approximation plus ou moins grande, et serait-ce d’une manière contournée et anticipée, cette forme de vie – peuvent, en effet, constituer des « points de ralliement » pour tenter désormais une approximation progressive par la coopération : « Car une victoire du bon principe sur le mauvais ne peut être espérée qu’ainsi. Est en outre déployé par la morale législatrice, à part les lois qu’elle prescrit à chaque individu, un drapeau de la vertu comme point de ralliement pour tous ceux qui aiment le bien, afin qu’ils se rassemblent sous lui ». Sous cette perspective, le devoir qui incombait à chaque individu de promouvoir le souverain bien se transforme en un devoir qui incombe désormais aux membres des diverses communautés déjà existantes de s’unir en un « Etat éthique », c’est-à-dire en un royaume de la vertu toujours plus englobant, et toujours plus inclusif.


Ce ne sont que les postulats de Dieu et de l’immortalité qui peuvent permettre à la raison de récupérer les intuitions inhérentes à cette idée d’un mouvement tendant à s’approcher du royaume de Dieu sur terre


Habermas montre que, en s’attachant à cette projection, nous avons surtout une intuition qui suggère que le juste doit rechercher un soutien dans les biens concrets que des formes de vie meilleures ou rendues meilleures prodigueraient. Même sans la certitude d’une assistance divine comme horizon qui à la fois limiterait nos actions et s’ouvrirait à elles, nous aspirons à ces images, par lesquelles nous nous laissons guider, de formes de vie qui ne déçoivent pas les espoirs qu’on y place et qui font un bout de chemin avec la morale – mais ce n’est

ni sous la forme de l’entité éthique commune que nous propose Kant, ni dans les limites strictes de ce qui est moralement dû. Elles nous inspirent et nous encouragent à aller prudemment – mais à retourner aussi sans cesse avec obstination – vers ce type de coopérations qui, si souvent échouent parce qu’elles ne peuvent réussir que dans des circonstances heureuses.


On doit la doctrine des postulats à l’introduction d’un devoir problématique, qui entraîne que ce qui doit être fait outrepasse ce que peuvent les hommes, et ce aussi loin que l’exige la résorption de cette asymétrie par l’extension du savoir à la foi.

On retrouve là encore le dilemme dans lequel Kant s’empêtre du fait du caractère contradictoire de ses intentions, qui le placent à la fois à l’égard de la religion, dans une position d’héritier et dans une position d’opposant. D’un côté, il considère la religion comme une source de la morale, qui satisfait aux critères de la raison ; de l’autre, il y voit un lieu de ténèbres qui doit être purgé par la philosophie de l’obscurantisme et de l’exaltation. Tenter de s’approprier par la réflexion les contenus religieux est inhérent à l’objectif propre à une critique de la religion qui est de parvenir à un jugement philosophique sur la vérité et la fausseté. La raison ne peut vouloir à la fois conserver et manger le gâteau de la religion. Pour autant, l’intention constructive sur laquelle repose la philosophie kantienne de la religion mérite que nous continuions de nous intéresser si nous souhaitons savoir quel enseignement nous pouvons tirer, pour l’usage de la raison pratique, de ce que sont capables d’articuler les religions universelles – et ce, dans les conditions d’une pensée postmétaphysique.

La traduction de l’idée de domination souveraine de Dieu sur terre dans le concept d’une république réglée par des lois de vertu montre de manière exemplaire que Kant lie la démarcation critique, et en même temps autocritique, du savoir par rapport à la foi à l’attention permanente qu’il faut porter à la pertinence cognitive que peuvent avoir les contenus préservés dans les traditions religieuses. La philosophie morale kantienne peut se comprendre dans son ensemble comme un essai de reconstruction discursive du devoir-être catégorique inhérent aux commandements divins. Le sens pratique de la philosophie transcendantale prise comme un tout serait ainsi de translater le point de vue transcendant de Dieu dans une perspective intramondaine ayant la même fonction et de le conserver en tant que point de vue moral. C’est à cette généalogie que se nourrit également toute entreprise visant à « désenfler » par la raison, sans le liquider, le mode de la foi.

L’idéalisme sans illusion de Kant est lui-même l’expression d’une posture cognitive qui associe, d’un côté une attitude accueillant sans réserve ni détours les récris pessimistes de la raison théorique, et, de l’autre, la détermination optimiste d’une raison pratique inébranlable. Cette combinaison préserve « un habitus de la raison », d’emblée sensible au scepticisme, de l’indifférence défaitiste et de l’autodestruction cynique. Certes, Kant se situe encore en deçà du seuil d’une conscience historique dont Hegel sera le premier à reconnaître la portée philosophique. Il comprend encore l’appropriation des contenus religieux au moyen de la réflexion à partir d’une perspective du sein de laquelle une foi purement médiatisée par la raison viendrait se substituer graduellement à la religion positive, mais il ne la comprend pas encore comme le déchiffrement généalogique d’un contexte historique d’apparition auquel la raison appartient elle-même. Mais, en un certain sens, la doctrine des postulats est déjà une manière de réconcilier la certitude de soi de la raison dans sa critique de la religion et l’intention de traduire les contenus religieux afin de les sauver.


Habermas prend soin d’indiquer à la suite, que son regard herméneutique sur la philosophie kantienne de la religion est naturellement imprégné par deux siècles d’histoire de sa réception. Dans ce cadre, il avoue garder en mémoire l’entreprise apologétique qui a donné lieu à l’œuvre la plus importante du point de vue de la philosophie de la religion, à savoir celle de Hermann Cohen, qui utilise la religion kantienne de la raison comme une clé pour interpréter en détail les sources littéraires de la tradition juive. Mais les trois figures sur lesquelles il va se concentrer dans les paragraphes 6-12, du fait qu’elles se situent dans la postérité immédiate de Kant, sont celles de Hegel, Schleiermacher et Kierkegaard ; ils ont, chacun à sa manière, réagi à la critique kantienne de la religion et à la démarcation qu’elle suppose entre la foi et le savoir, en s’en saisissant tous également, d’une manière riche en conséquence. Tous trois étaient convaincus que le critique de la religion qu’avait été Kant était resté, en tant qu’homme du XVIIIe siècle, tributaire d’une forme abstraite de pensée éclairée par la raison et avait en fin de compte dépouillé les traditions religieuses de leur substance propre. Ce qui est débattu dans cette branche de la réception kantienne, ce sont avant tout la question d’une description non réductrice du « phénomène religieux » et celle d’une juste délimitation de la raison et de la religion.


Kant a permis que la conscience séculière soit sensible à l’aiguillon de l’héritage religieux. Avec sa doctrine des postulats, il a voulu soustraire à la religion plus de substance que la raison pratique ne pouvait en vérité le supporter.

Ce qu’il avait dans l’esprit avec le mode de la foi fondée sur la raison était bien plutôt relatif à la compréhension réfléchie de soi que partagent les membres des paroisses religieuses, ou de tout groupe culturel se définissant par des traditions fortes qui impriment une identité. Cette forme de foi ressemble aux attitudes propositionnelles que nous adoptons vis-à-vis de nos propres manières de vivre en tant que nous les tenons pour authentiques. Pout vivre dans la certitude d’un mode de vie, il faut que nous soyons convaincus de sa valeur. Or, nous savons maintenant qu’il y a différentes manières de vivre, également authentiques, si bien que nos certitudes et nos prétentions à la vérité s’écartent les unes des autres – ce qui n’est pas non plus sans intérêt. Plus nous sommes sûrs d’une compréhension existentielle de soi et moins nous pouvons mêler les jugements de valeur qui la sous-tendent à des convictions morales universalisables (voire, à des assertions théoriques). En tout cas, nous n’associons pas aux orientations axiologiques qui ont pour nous une signification existentielle – et pour ceux qui partagent le même mode de vie que nous – de prétentions laissant supposer qu’elles mériteraient une reconnaissance universelle.



[1] Il pense sans doute à Rawls avec sa conception de l’« usage public de la raison ».

[2] Diffusion de la foi médiatisée par la raison.



Date de création : 21/12/2009 @ 13:29
Dernière modification : 27/12/2009 @ 14:52
Catégorie : Parcours habermassien
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