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Parcours hellénique - Cogito socratique









LE COGITO SOCRATIQUE

Cette affirmation « première », ce « cogito », nous est parvenu via Platon et Aristote[1]. Il est exprimé dans LEBANQUET (Platon) et dans L’ÉTHIQUE À NICOMAQUE (Aristote).


Au cours du « BANQUET » des platoniques, c’est la prêtresse DIOTIME, rencontrée par Socrate dans sa jeunesse, qui est invoquée par lui. Socrate, en effet, se défile et laisse à DIOTIME le soin de chanter la gloire de l’amour (le sage, très ambigu, se borne à rapporter les propos d’une absente).

La prédication posthume de DIOTIME (6e discours) insiste sur la précession du lien social tout-puissant qu’instaure le « démon » Eros, intermédiaire entre ciel et terre, intercesseur entre le divin et l’humain. Elle se montre plus réservée dans ses louanges que ses rivaux[2], son Eros n’est qu’un « demi-dieu ». Mais, en réalité, elle lui confère un rôle nettement plus considérable.

EROS, suggère-t-elle, est enfant de POROS (ressource, ingéniosité, inventeur des passages, découvreur des issues) et de PENIA (misère et aporie). Le premier fréquente les dieux ; la seconde se fait engrosser par le premier ivre-mort. L’Eros, cher au cœur de DIOTIME, hérite davantage du père que de la mère ; il incarne l’énergie fondamentale par quoi « la nature mortelle cherche selon ses moyens à se perpétuer » (207 d).


A/ Les deux vérités fondamentales de la philosophie occidentale, héritées de Socrate, via Platon


1) Première vérité : l’homme n’est pas la mesure de toutes choses

Il ne dépend pas du mortel de n’être pas mortel. Il n’appartient pas à sa finitude de s’exonérer, une fois pour toutes de la faillibilité et du mal.


2) Deuxième vérité : si l’homme n’est pas responsable de « tout[3] », il est responsable de lui-même, et cela totalement

Tel est le lot d’un individu occidental, qui ne peut s’en prendre qu’à lui-même de ce qu’il fait et de ce qu’il ne fait pas. Telle est l’unique authenticité d’un être : se choisir libre ou s’enfermer dans la servitude.


B/ Le Cogito de Socrate, via
LE BANQUET
de Platon


N’en déplaise à Heidegger, un cogito plus incisif encore que celui de Descartes et de Sartre est consacré dès Le Banquet. Ironiquement, c’est à DIOTIME, notre prêtresse d’éternité qu’il échoit de signaler que, non seulement l’éternité et l’immortalité, mais encore l’identité et la permanence dans le temps sont interdites à un individu contraint à tout instant de se réinventer.

Après avoir défini le pouvoir de la création (poiein) comme l’« acheminement du non-être à l’être », Platon, par le truchement de DIOTIME, assigne au mortel non seulement la possibilité mais la nécessité de se refaire et de sans cesse se recréer. Physiquement d’abord, « Cet être qui en lui n’a jamais les mêmes choses, on l’appelle néanmoins le même !alors qu’au contraire perpétuellement, mais non sans certaines pertes, il se renouvelle dans ses cheveux, dans sa chair, dans ses os, dans son sang, bref dans son corps tout entier ». Spirituellement encore : « En outre, ce n’est pas seulement du corps, mais aussi en ce qui concerne l’âme, de nos dispositions, de notre caractère, des opinions, des penchants, des plaisirs, des peines, des craintes ; car en chaque individu, tout cela ne se présente identiquement ; il y en a au contraire qui naissent et d’autres qui se perdent » (207 de).

Un être temporel ne se maintient qu’au prix d’une réinvention ininterrompue. Son déracinement continu l’oblige à se ressusciter, détaché de ce qui n’est plus, attaché à ce qu’il n’est pas encore, responsable sans excuse ni recours. Dieu est « hors de cause », remarque Platon[4]. Car heureuse ou malheureuse, l’aventure humaine est une création (poiesis[5]) humaine.


C/ Dans le droit-fil du cogito socratique, la « création de soi par soi » est baptisée « praxis » par Aristote


Dans l’« Ethique à Nicomaque », Aristote distingue la production-fabrication (à laquelle il réduit le poiein de la poésie) et l’action-praxis (le prottein). La première, fabrication poiein, édifie une œuvre extérieure, ainsi la poésie et le poète, font deux ; de même la sculpture et le sculpteur. Sans la seconde, action-praxis, l’œuvre ne se laisse pas séparer de celui qui œuvre (l’être moral se sculpte lui-même et de même l’être immoral). La praxis qui nous rend responsable de notre bien comme de notre moi, s’avère expérience fondamentale de la liberté : « Un autre signe de la liberté c’est de vivre comme on veut étant donné que la servitude est de vivre comme on ne veut pas [6] ».

La liberté de l’individu décide en dernière instance : ceux qui agissent « ne le font nullement afin d’imiter des caractères, mais c’est par leurs actions que se forgent leurs caractères [7] ». Conformément au cogito socratique, la praxis précède le caractère (éthos) qu’elle construit, comme pour Heidegger (première mouture) et Sartre, l’existence (Dasein) précède l’essence ou l’identité « naturelle » de l’individu. Autonome dans ses désirs, la praxis se dévoile connaissance de soi. Perception, mémoire, pensée sont intuitions d’elles-mêmes, capacité intérieure de distinguer le vrai du faux [apophantique], capacité ascétique d’un être dans l’erreurd’affronterl’erreur.«Rienn’estpurement vrai…Ondira qu’il est vrai que

l’homme est mauvais : oui, car nous connaissons bien le mal et le faux[8] ».

La vie, parce qu’elle est praxis, porte en elle ses propres fins. Les fins animales sont instinctives et définitives, les fins humaines infiniment amovibles. Flottant destin du mortel qui meurt er renaît à chaque seconde. De cet enracinement dans le déracinement, apanage de l’existant qui se vit comme pleinement temporel, trois conséquences découlent, incontournables, bien qu’embarrassantes : toute vie humaine est amour d’elle-même – l’amour déracine – l’amour est un indépassable défi.


1) Toute vie humaine est amour d’elle-même

Elle implique le choix de vivre : exister c’est préférer exister. Au fond du fond et en dernière instance, il n’existe pas de différence entre vie et bonheur de vivre, zein et euzein, disent les Grecs anciens. « Peut-être trouve-t-on une part qui est belle dans le seul sort de vivre », remarque Aristote sans omettre une restriction nécessaire, « pourvu que l’existence ne soit pas surchargée de peines excessives ». De cet excès de peine, la mort qu’on reçoit, la mort qu’on donne, ou celle qu’on se donne nous laisse arbitrer. Il est évident que la plupart des gens endurent beaucoup de souffrances, attachés qu’ils sont à la vie, comme s’il y avait en elle je ne sais quel gage de bonheur et quelle douceur intrinsèque[9]».

Il devient absurde par conséquent de réclamer un « sens de la vie », en distribuant des « raisons de vivre », comme l’exigent les postmodernes qui prétendent en manquer. Le sens, la raison, le bonheur de la vie ne sont pas fioritures qui viennent enjoliver le sapin de Noël que nous sommes. Foin d’hypocrisie ! Si vous vivez et tant que vous vivez, c’est que vous avez goût à la chose. A écarter la mort, consciemment ou sans y penser, vous vous estimez en meilleure posture que votre funèbre dépouille. Le sens de la vie colle à la vie « comme à la jeunesse sa fleur ».


2) L’amour déracine

Puisque la vie est à elle-même sa propre fin, autant de libres choix, autant de finalités, à chacun de les juger suprêmes ou non. Il n’y a pas moyen ni lieu de rassembler ces mille fleurs en un seul bouquet. Le pluralisme des valeurs et des tables de valeurs est indépassable. La République de Platon pêche par la prétention absurde de « réduire la symphonie à la monophonie ». Les mortels n’ont pas tous à marcher du même pas. « Il n’y a pas une perfection unique pour tous les citoyens, pas plus que pour tous les membres d’un chœur, chef de chœur aussi bien que simple choriste[10] ! » La polyphonie des talents comme des capacités et la division du travail font le ressort d’une cité prospère. Plus généralement, vertus et biens se disent de façons multiples, « il n’y a pas de science unique, ni de l’être ni du bien[11] » ! Aristote se démarque des naïvetés « platoniques » propres aux épigones du maître, « dire que les êtres tendent vers un seul bien, ce n’est pas vrai ». L’homme occidental est « relativiste », non par faiblesse d’âme, perversion ou débilité, mais par lucidité philosophique. Son côté volatil peut favoriser tolérance et pudeur, voire contrecarrer ses pulsions despotiques et totalitaires.


3) L’amour est un indépassable défi

A l’origine de la sociabilité, de la civilité et du civisme, il reste inutile de postuler une nature bienveillante qui parlerait d’une même tessiture à tous les cœurs. Au contraire, le dénuement, la Hilflosigkeit freudienne, le déracinement originaire constitue un fondement plus solide, il légitime la nécessité de se réunir. Seul, l’homme naît démuni devant l’adversité. Il lui faut donc inventer des lois pour faire pièce à « la perversité humaine insatiable[12] ».

Libre à nos penseurs de la postmodernité de vitupérer pareille exigence « sécuritaire » à la base de nos Etats de droit. Libre aux gourous, qui embarquent pour les plages de la Californie, d’estimer qu’il faut une mentalité de « flic » pour plaider avec Socrate « il est impossible que le mal disparaisse[13] ». Libre aux insensés, qui se croient parvenus à la fin de l’histoire, de dormir debout. Personnellement, A. Glucksmann préfère l’effort du philein[14] ». (l’allié de l’autre) qui transforme la nécessité de survivre ensemble en bonheur polyphonique de vivre. Aristote encore et pour finir : « La société naît pour vivre, mais existe pour bien vivre



[1]Cesujetestissuduchapitre« Le cogito occidental » de l’ouvrage récent d’André GLUCKSMANN intitulé « Les deux chemins de la philosophie » Paris, Plon, sept. 2009, p. 205-210.

[2] Les trois premiers orateurs ont célébré l’amour du côté de « l’amant » (Phèdre, Pausanias, le docteur Erysimaque). Dans les deux discours qui suivent la gouvernance des échanges sexuels et sentimentaux échappent à « l’amant », sans pour autant s’inverser en faveur de « l’aimé ». C’est la relation qui préside, l’amour rend amoureux les amoureux (Aristophane, Agathon).

[3] De l’Univers, du soleil, de la lune et des étoiles.

[4] Platon,, La République, livre X, 617 e.

[5] Egalement, fabrication du discours, poésie.

[6] Aristote, La Politique, livre VI, 2.

[7] Aristote, La Poétique, 50 a2.

[8] Pascal, Pensées, 385.

[9] Aristote, Le Politique, livre III, 6.

[10] ibid ., livre III, 4.

[11] Aristote, Ethique à Eudème, 1218, b 30.

[12] Aristote, La Politique, livre II, 1267.

De cette insatiabilité, André GLUCKSMANN a dressé un long tableau : « Les perversités flamboyantes du marquis de Sade, de Bataille, ou, plus discrètes de Proust, sont originales par l’exposition, le style et l’écriture, aucunement par les passions et les turpitudes qu’elles peignent, l’Occident depuis son origine les a mises en scène. Les dieux, les déesses, les hommes et les femmes grecs draguent et couchent hors des nobles liens du mariage, ils courent après la jouissance et prennent leur plaisir sans souci de procréer…Les gazettes tantôt s’effarent des licences, tantôt fêtent nos libérations, mais leurs diagnostics concordent, l’immoralité galope et passe pour un fait établi. Témoin (en France) la diffusion du porno, le taux de divorces, les 45% de naissances hors mariage, les familles monoparentales la normalisation de l’homosexualité…

Experts et simples péquins s’imaginent traverser une révolution intime et universelle jamais vue. A tête reposée, l’évolution des comportements (si elle existe) paraît plus lente et moins globale. L’âge où les adolescents français perdent leur virginité n’a pas varié depuis un siècle. Notre village, à son tournant planétaire, demeure une paroisse peuplée de coucheries, tromperies, tartufferies, parfois publiées à grand tapage, parfois confinées au gré des messes basses. Rien de neuf sous le soleil de l’humanité ».

[13] Platon, Théétète, 176 a.

[14] Aristote, La Politique, livre I, 1252 b.



Date de création : 16/11/2009 @ 18:17
Dernière modification : 16/11/2009 @ 18:45
Catégorie : Parcours hellénique
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