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Théologie 2 - Christologie 5

CHRISTOLOGIE 5
 
COMMENTAIRES SUR LUC
 
L’Evangile de l’Enfance   
– Paraboles                                                                                      
           . Le bon Samaritain
           . Le fils prodigue et le mauvais riche                   
           . L’intendant infidèle
L’apparition de Jésus à Emmaüs
 
L’EVANGILE DE L’ENFANCE
 
L’"Evangile de l'Enfance" de Luc fait suite aux trente et un versets de Matthieu consacrés à la prime jeunesse de Jésus[i][1,18 à 2,23] ; mais c'est bien chez Luc qu'il prend toute son importance.
 
Ses origines
 
Dans son étude remarquable "Structure et Théologie de Luc 1-2", R. Laurentin discute les problèmes multiples et complexes que posent les deux premiers chapitres de l'évangile de saint Luc. Ces chapitres reflètent la mentalité et les aspirations des milieux les plus fervents de l'ancienne économie aux approches de l'ère chrétienne. Même les cantiques qui scandent la narration : le Magnificat [1,46-55], le Benedictus [1,68-79] et le Nunc Dimitis [2,29-32], loin de trahir une influence quelconque de la liturgie proprement chrétienne, comme s'ils n'étaient que des emprunts à cette liturgie introduits artificiellement dans le texte lucanien, n'expriment en réalité que ces idées familières aux cercles les plus pieux du judaïsme tardif. Comme l'indiquent les réminiscences constantes de ces cantiques aux Ecritures antérieures, ces idées, on les retrouve sans peine dans l'Ancien Testament, notamment dans la seconde partie du Livre d'Isaïe (surtout pour le Nunc Dimitis), et plus encore dans les Psaumes des "pauvres "(des anawim) (surtout pour le Magnificat et le Benedictus).
Il faut encore parler du style singulier de Lc.,1-2, qui contraste violemment avec le grec presque classique de la Dédicace [1,1-4]. Ce style a poussé certains critiques à supposer l'utilisation par Luc d'un original sémitique, hébreu plutôt qu'araméen; tandis que d'autres commentateurs préfèrent parler d'un pastiche du grec de la Septante[ii]. Nous pouvons suggérer ici une comparaison avec le début des Actes des Apôtres [2,42 à 5,42] où Luc décrit la première communauté chrétienne. Le vocabulaire et les expressions si souvent inattendues de cette section du livre, la doctrine archaîque dont elle témoigne, doctrine en net retrait par rapport aux conceptions théologiques chères à saint Luc (cf. notamment le titre christologique de "Serviteur de Dieu" et la timidité des perspectives universalistes), l'absence de polémique anti-juive, l'assiduité des chrétiens au temple, nombre de détails topographiques, institutionnels ou historiques, ce sont là autant d'indices que l'auteur des Actes n'a pas créé avec son imagination ce qu'il raconte, mais qu'au contraire il rédige à partir de sources solides, plus précisément "d'après les souvenirs de la communauté de Jérusalem [Ac.,2,41 ; 5,42]". Et l'on doit admettre qu'il a respecté ses sources.
De même il est certain que, pour la composition de ses récits de l'enfance, le troisième évangéliste a utilisé une ou plusieurs sources en ne les retouchant que discrètement. "En effet, d'après R. Laurentin, les ressemblances...entre Luc 1-2 et le reste de Luc sont fort ténues et sans contacts terminologiques précis. Là même où l'évangile de l'enfance semble annoncer la suite du troisième évangile, il demeure archaïque, enveloppé. Son expression est fonction de l'Ancien Testament, et non des logia ultérieurs de Jésus. Ses anticipations ne font jamais l'effet d'anachronismes, d'aérolithes chrétiens rompant la trame de pensée juive. Enfin un des principaux thèmes de Luc, l'universalisme, ne débouche pas dans l'évangile de l'enfance. L'objet de l'espérance, c'est le retour du fils d'Israël au Seigneur [1,16], la restauration du règne dans la "maison de Jacob" [1,33], le salut d'Israël [1,54], les promesses faites à Abraham [1,55,73], la délivrance du peuple [1,68] et sa victoire sur les ennemis. La joie messianique est pour Israël [2,10].
L'ouverture universaliste de 2,32, [cf.1,79] ne dépasse pas le stade d'Isaïe 42,6 et 49,6, implicitement cité ; l'illumination des nations semble envisagée, moins en fonction des nations que du peuple élu ; c'est moins une grâce pour elles qu'un cortège de gloire pour Israël[iii]".
Où l'évangéliste a-t-il puisé les renseignements précieux qu'il a rassemblés en Luc 1-2, renseignements qui, répétons-le, reflètent non pas la mentalité proprement chrétienne, issue de l'Evangile, ce qui serait un anachronisme flagrant, mais celle des juifs les meilleurs de l'ancienne économie lors de la venue du Christ sur la terre ? C'est là un problème captivant qui a maintes fois été abordé et résolu en des sens fort divers.
 
(Le Père Feuillet a travaillé à donner un éclairage nouveau en opérant notamment le rapprochement entre les grandes scènes christologiques et mariologiques de Luc 1-2 et la tradition johannique. Ce rapprochement, dont les éléments lucaniens sont présentés ci-après dans notre troisième rubrique, a d'autant plus d'intérêt que l'apôtre Jean a été lié de façon très spéciale aux cercles baptistes d'une part et à la Vierge Marie d'autre part).
 
L'Annonciation comparée à quatre annonces de naissance ou de vocation figurant dans l'Ancien Testament
 
Le contenu de cette rubrique initiée par le Père Feuillet s'inscrit dans sa préoccupationd'apporter des arguments en faveur de l'origine de l'évangile de l'enfance que nous venons d'évoquer. Ainsi, à la suite d'autres exégètes, a-t-il été amené à faire le rapprochement du récit de l'Annonce faite à Marie avec quatre narrations d'annonces qui concernent des naissances miraculeuses ou des vocations surnaturelles qui figurent dans l'Ancien Testament : la naissance d'Isaac [Gn.,17-18], la vocation de Moïse [Ex.,3-4], la vocation de Gédéon [Jg.,6], la naissance de Samson [Jg.,13].
On a identifié dans ces annonces un schéma narratif comportant cinq éléments caractéristiques : l'apparition,letroubledubénéficiaire de l'apparition, le message divin, l'objection du bénéficiaire, le signe. Pour nous permettre de faire d'une façon plus précise les rapprochements, l'auteur a indiqué, élément par élément, les versets concernés. Après nous être livrés à la transcription de l'ensemble, il nous est apparu qu'il n'était pas souhaitable de fournir cette compilation de textes au lecteur, sauf à courir le risque d'affaiblir le sens spirituel qui s'attache à chacun d'eux (c'est toujours le risque des compilations hors contextes)[iv]. Aussi avons-nous choisi de ne retranscrire ici que les versets relatifs à la Vierge Marie et à Moïse. Ces deux exemples montreront à l'envi que l'on peut servir la preuve tout en échappant aux stéréotypes. 
 
1. L'apparition :
 
MARIE
[Lc.,1,26-28].
 
(26)Le sixième mois, l'Ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth,(27)à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David;et le nom de la Vierge était Marie.(28)Il entra et lui dit:"Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi". 
 
MOISE
[Ex.,3,2-6]
 
L'Ange de Yahvé lui apparut, dans une flamme de feu, du milieu d'un buisson...Yahvé vit qu'il faisait un détour pour voir, et Dieu l'appela du milieu du buisson. "Moïse, Moïse", dit-il, et il répondit:"Me voici". Il dit : "N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte". Et il dit:"Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob".
 
2. Le trouble du bénéficiaire de l'apparition :
 
MARIE
[Lc.,1,29]
 
A cette parole, elle fut troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation.
 
MOISE
[Ex.,3,6]
 
Alors Moïse se voila la face, car il craignait de fixer son regard sur Dieu.
 
3. Le message divin :
 
MARIE
[Lc.,1,30-33]
 
Et l'ange lui dit : "Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son père ; il règnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n'aura pas de fin". 
 
MOISE
[Ex.,3,7-10]
 
Yahvé dit:"J'ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs;oui je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, une terre qui ruisselle de lait et de miel...Maintenant va, je t'envoie auprès de Pharaon, fais sortir d'Egypte mon peuple, les Israélites".
 
4.L'objection du bénéficiaire :
 
MARIE
[Lc.,1,34]
 
Mais Marie dit à l'ange:"Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?"
 
MOISE
[Ex.,3,11]
 
Moïse dit à Dieu:"Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et faire sortir d'Egypte les Israélites?"
 
[Ex.,4,10]
 
Moïse dit à Yahvé:"Excuse-moi mon Seigneur, je ne suis pas doué pour la parole, ni d'hier, ni d'avant-hier, ni même depuis que tu adresses la parole à ton serviteur, car ma bouche et ma langue sont pesants".
 
[Ex.,4,13]
 
Moïse dit encore:"Excuse-moi, mon Seigneur, envoie je t'en prie, qui tu voudras".
 
5. Le signe :
 
MARIE
[Lc.,1,36.37]
 
"Et voici qu'Elisabeth, ta parente, vient elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle est à son sixième mois, elle qu'on appelait la stérile, car rien n'est impossible à Dieu !"
 
MOISE
[Ex.,3,12]
 
Dieu dit:"Je serai avec toi, et voici le signe qui te montrera que c'est moi qui t'ai envoyé. Quand tu feras sortir le peuple d'Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne".
 
[Ex.,4,2-9]
 
Yahvé lui dit:"Qu'as-tu en main ?-Un bâton, dit-il. Jette-le à terre, lui dit Yahvé. Moïse le jeta à terre, le bâton se changea en serpent et Moïse fuit devant lui. Yahvé dit à Moïse:"Avance la main et prends le par la queue". Il avança la main, le prit, et dans sa main, il redevint un bâton. "Afin qu'ils croient que Yahvé t'es apparu, le Dieu de leurs pères,le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac etle Dieu de Jacob".
Yahvé leur dit encore:"Mets ta main dans ton sein". Il mit la main dans son sein puis la retira, et voici que sa main était lépreuse, blanche comme neige. Yahvé lui dit:"Remets ta main dans ton sein, et voici qu'elle était revenue comme le reste de son corps. "Ainsi s'ils ne te croient pas et ne sont pas convaicus par le premier signe, ils croiront à cause du second signe. Et s'ils ne croient pas, même avec ces deux signes, et qu'ils n'écoutent pas ta voix, tu prendras de l'eau du Fleuve et tu la répandras par terre, et l'eau que tu auras prise au Fleuve se changera en sang sur la terre sèche".
 
[Ex.,4,17]
 
"Quant à ce bâton, prends le dans ta main, et c'est par lui que tu accompliras les signes".
 
La présence de ces cinq éléments répétitifs dans ces différentes évocations autorise-t-elle à penser que Luc, dans son récit de l'Annonciation, en 1,26-38, aurait eu recours à un schéma analytique de cette sorte qui se serait imposé à lui, comme cela se serait produit pour les différents auteurs inspirés de l'Ancien Testament ? Même si l'Inspirateur est Unique, on ne peut Lui prêter aucune systématisation de cet ordre ; mais sur un plan strictement humain, on aurait également tort de nier toutes les possibilités de rapprochement qui s'offraient à l'évangéliste.
< Par exemple, relève le Père Feuillet, ainsi que Maldonat l'avait déjà noté, il y a une analogie certaine entre les paroles adressées par l'ange à Gédéon en Jg.,6,12 : "Yahvé est avec toi, vaillant guerrier !" et les paroles que Gabriel adresse à Marie en Lc.,1,28. Surtout il est clair que le récit évangélique de l'Annonciation évoque l'annonce de la naissance miraculeuse d'Isaac. On notera la formule "trouver grâce devant Dieu" commune à Gn.,18,3 et à Lc.,1,30. L'affirmation de Lc.,1,37 : "rien n'est impossible à Dieu", est empruntée à Gn.,18,14. Cette évocation de Gn.,18 est d'ailleurs pleine de sens : à l'acte de foi d'Abraham, point de départ de l'ancienne alliance, répond l'acte de foi de Marie, point de départ de la nouvelle alliance.
Dans le même temps, nous nous devons de relever une différence qui est considérable. Dans aucune des annonces surnaturelles de l'Ancien Testament qui nous sont offertes comme parallèles, l'acceptation du bénéficiaire n'est explicitement mentionnée ; en particulier, en Gn.,18, il n'est soufflé mot du consentement d'Abraham. Au contraire le consentement de foi de Marie est hautement souligné et joue un rôle capital dans la réalisation du mystère de l'Incarnation. On s'en rend compte à la fin du récit lorsque Gabriel, après avoir délivré son message, reste encore devant Marie pour recevoir son accord, alors que dans les autres annonciations l'ange s'éloigne dès la fin de son message :
 
Gn.,18,16, "les (trois hommes qui étaient apparus) se levèrent de là et se dirigèrent vers Sodome".
 
Jg.,13,20, "Or comme la flamme montait de l'autel vers le ciel, l'ange de Yahvé monta dans la flamme de l'autel sous les yeux de Manoah et de sa femme".
 
La virginité de Marie joue un rôle non moins important : choisie délibérément, cette virginité montre une fois encore la grandeur de Marie "et la place de son initiative personnelle dans le plan de Dieu. La stérilité n'était qu'une tare physique avant d'être assumée dans la prière ; la virginité est dans son principe même un acte pleinement humain par lequel Marie se dévoue à Dieu" ; elle élève ainsi le récit lucanien de l'Annonciation bien au-dessus des annonces de naissances miraculeuses faites dans l'Ancien Testament à des femmes stériles. La virginité de Marie est "obéissance dans la foi parfaite (Dieu veut pour son Fils une mère vierge), mais elle est en même temps choix personnel, collaboration effective à l'oeuvre de Dieu. Les femmes stériles de l'Ancien Testament collaboraient à l'oeuvre de Dieu dans l'ordre de la nature. Marie a renoncé dès l'abord à ce plan naturel, et c'est dans l'ordre de la foi qu'elle s'offre tout entière".
Nous ne pouvons discuter dans le détail la comparaison que l'on a instituée entre Lc.,1,26-38 et les quatre scènes de l'Ancien Testament qui viennent d'être mentionnées. Il nous paraît évident que l'on a exagéré les ressemblances ; G. Graystone démontre ces exagérations en ce qui concerne Abraham, Samson et surtout Gédéon[v]. Au reste, d'autres parallèles vétérotestamentaires doivent entrer en ligne de compte, notamment l'oracle d'Is.,7,14. 15[vi], sur la naissance de l'Emmanuel ; ce serait même là, à certains égards le parallèle le plus proche, si l'on admet que le prophète Isaïe a déjà entrevu la conception et la naissance virginale de Jésus[vii]. De toute façon, on a exagéré les conclusions que l'on pouvait tirer des ressemblances objectivement constatées ; celles-ci n'autorisent nullement à supposer un schéma préexistant que saint Luc se serait borné à reproduire.
Certaines ressemblances avec l'Ancien Testament ne sont pas intentionnelles ; elles découlent de la nature même des choses et de l'analogie des situations. Il faut en particulier se rappeler qu'il y a des constantes dans l'action divine révélatrice qui commence dans l'ancienne alliance et se poursuit dans la nouvelle économie[viii]. Cela répond à ce que l'on pourrait appeler les habitudes du Dieu de la révélation judéo-chrétienne, dont les plus grandes interventions, celles de l'ère de la grâce, sont marquées par le silence, l'obscurité et l'humilité, et en même temps par une proximité inouïe entre Dieu et les hommes, proximité qui culmine avec l'arrivée du Christ.
 
Parmi les réminiscences de l'Ancien Testament qui sont intentionnelles, certaines peuvent fort bien faire partie de l'évènement tel qu'il s'est déroulé. Par exemple, à supposer, comme nous le pensons, que notre récit de l'Annonciation provienne en définitive de la Vierge Marie, n'est-il pas normal d'admettre que Gabriel, annonçant la naissance surnaturelle de Jésus, a fort bien pu faire allusion à la naissance surnaturelle d'Isaac, qui en était une ébauche, au même titre que la naissance surnaturelle de Jean-Baptiste à partir d'Elisabeth stérile (cf.Lc., 1,36)[ix] ?
Cependant nous reconnaissons volontiers que la plupart du temps, dans les Evangiles en général et dans les récits de l'enfance en particulier, les références à l'Ancien Testament seront plus volontiers tenues pour l'oeuvre de la rédaction évangélique, et il est bien vrai que dans ce cas en un certain sens elles limitent l'historicité. S'il est exact par exemple que la multiplication des pains de Mc.,6,35-44 est racontée en référence à la multiplication des vingt pains d'orge par Elisée en 2 R 4,42-44, ce qui paraît probable, cette réminiscence laisse supposer qu'il y a une accentuation littéraire de traits qui faisaient ressembler le second prodige au premier. Mais cette réminiscence voulue est destinée à marquer la continuité de l'histoire du salut, le ministère d'Elisée apparaissant ainsi comme une ébauche lointaine de celui du Christ. On peut donc dire que si l'auteur a sacrifié quelque chose des détails précis et des notae individuantes, c'est au profit d'une vérité historique supérieure. En revanche on n'a absolument pas le droit de supposer que les multiplications des pains de nos Evangiles, parce qu'elles rappellent celles d'Elisée, ne serait qu'un symbole didactique, alors que le dessein de l'évangéliste est de narrer des faits réels, et même d'attester le point culminant de l'histoire du salut. Le même raisonnement doit être tenu à propos des récits de l'enfance, et tout particulièrement à propos du récit de l'Annonciation >.
 
L'historicité de l'ensemble des évangiles de l'enfance
 
Cette historicité peut s'apprécier à partir de deux considérants : en premier lieu en fonction des sources des textes de Matthieu et de Luc telles qu'on est en mesure de les identifier ; en second lieu en fonction de leurs contenus respectifs.
 
Origine la plus probable de Mt.,1-2 :
 
En ce qui concerne la généalogie du début, il est permis de songer à une source écrite qui fixait la descendance davidique de Jésus. Pour le reste il s'agit plus probablement de sources orales recueillies en milieu palestinien et mises en oeuvre par l'évangéliste. Centrés sur Joseph qui était originaire de Bethléem et de la maison de David [cf.,Lc.,2,4.5], ayant pour cadre géographique principal Jérusalem et Bethléem, les récits de l'enfance de Matthieu doivent provenir, non point comme ceux de Luc, des cercles baptistes et de la Vierge Marie, mais des milieux judéo-chrétiens de Jérusalem ; ils nous disent coment en ces milieux on se racontait les origines de Jésus.
 
L'indépendance et les convergences des récits de Mt. et de Lc.
 
Les différences profondes qui viennent d'être résumées entre les récits de l'enfance de Matthieu et de Luc manifestent leur indépendance. Leur accord sur un certain nombre de points importants n'en est que plus éloquent et "appuie l'historicité de l'ensemble", comme le disent L. Cerfaux et J. Cambier. A la suite de J. Schmid, on peut relever les convergences suivantes :
. la conception et la naissance de Jésus ont été miraculeuses ; la conception de Jésus est l'œuvre du Saint Esprit ; Joseph n'est que le père légal de Jésus, et non son père naturel [Mt.,1,18 ; Lc.,1,26-38].
. la conception de Jésus eut lieu alors que Marie et Joseph étaient fiancés (ou mariés), mais avant que Joseph n'ait reçu Marie dans sa maison [Mt.,1,18 ; Lc.,1,27].
. au contraire, au temps de la naissance de Jésus, Marie et Joseph habitaient ensemble [Mt.,1,24.25 ; Lc.,2,5].
. nous sommes renvoyés pareillement aux "jours du roi Hérode", par Matthieu pour le temps de la naissance de Jésus [2,1], par Luc pour le temps de l'annonce à Zacharie [1,5].
. les deux évangélistes nous apprennent que le nom de Jésus avait été indiqué par un ange : à Marie d'après Lc.,1,31, à Joseph d'après Mt.,1,21. Dans dans le premier cas, c'est Marie qui doit donner le nom à l'enfant, et dans l'autre, c'est Joseph, parce qu'il transmet le droit messianique à l'enfant ; "dans l'Ancien Testament, c'est tantôt le père, tantôt la mère, et il est naturel qu'ils se soient entendus".
. Jésus naît de la race de David [Mt.,1,1 ; Lc.,1,32], dans la tribu de Juda et à Bethléem, la cité de David [Mt.,2,5.6 ; Lc.,2,11].
. après la naissance de Jésus la sainte famille vient se fixer à Nazareth [Mt.,2,23 ; Lc.,2,39].
 
Nous devons maintenant attirer l'attention sur une convergence doctrinale qui, au point de vue marial, offre un intérêt considérable. Nous avons expliqué longuement comment, d'après Luc, Marie en devenant par l'opération du Saint Esprit la Mère virginale de Jésus, devient par le fait même la Mère du nouveau peuple de Dieu. Il est extrêmement significatif que Matthieu nous suggère la même chose, de façon d'ailleurs très différente et tout à fait indépendante.
 
Dans Matthieu la révélation faite à Joseph de la conception virginale de Jésus [1,18-25] est très étroitement liée à la généalogie du Christ qui ouvre l'évangile [1,1-17]. Cette généalogie commence ainsi : "Livre de la Genèse de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham". Le même mot de genèse est repris au début de l'annonce faite à Joseph : "Or telle fut la genèse de Jésus-Christ".
 
Quel est le sens de la généalogie ? A. Vögtle discute les diverses explications qui en ont été données. Matthieu appelle le Messie fils de David, fils d'Abraham, parce qu'ils sont les principaux dépositaires des promesses messianiques. N'a-t-il pas voulu remonter plus haut encore, jusqu'à Adam ? Bien qu'à la différence de Luc [3,23-38] il ne relie pas explicitement la généalogie du Christ au premier père de l'humanité, on est en droit de supposer que l'emprunt à Gn.,2,4 et 5,1 de l'expression caractéristique "livre de la genèse" est destinée à évoquer les origines du monde, comme si l'entrée du Christ dans l'histoire devait marquer un nouveau commencement de l'humanité. S'il en est ainsi, la reprise du mot "genèse" au début du récit de la conception virginale de Jésus est pleine de sens : cette conception se réalise sous l'action de l'Esprit divin, c'est-à-dire sous l'action de la même énergie créatrice et vivifiante que nous voyons en Gn.,1,2 présider aux origines de l'univers entier et dont l'intervention est également impliquée dans la présentation yahviste de la création du premier homme [Gn.,2,7] : Dieu anime le premier homme de son propre souffle. Cela voudrait dire que Jésus, né grâce à une intervention de l'Esprit saint, a été compris par Matthieu comme un nouveau premier homme, point de départ d'une nouvelle humanité, d'un nouveau peuple de Dieu, c'est-à-dire de l'Eglise, thème qui, comme on le sait, est cher au premier évangéliste.  
 
Il est permis de supposer que le nom d'Emmanuel "Dieu avec nous" rapporte avec complaisance dans le récit matthéen de la conception virginale [1,23], n'est pas sans relation avec la perspective essentiellement ecclésiale du premier évangile, et qu'il a été, lui aussi, regardé par l'auteur comme une annonce obscure de l'Eglise. Cela ressort du fait que le nom d'Emmanuel est mis à la suite de celui de Jésus dont la signification sotériologique est indiquée aussitôt après : "C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés". Après la pensée du salut procuré par Jésus, vient celle de l'Eglise, du nouveau peuple de Dieu, suggéré par le titre d'Emmanuel. Que Matthieu accorde une grande importance à cette nouvelle désignation, c'est ce qui ressort du fait qu'il se donne la peine de la traduire : "On lui donnera le nom d'Emmanuel, nom qui se traduit : "Dieu avec nous". A la différence de Marc qui explique les noms araméens qu'il emploie[x], le premier évangéliste n'a pas l'habitude de donner des traductions de ce genre. Ecrivant pour des Palestiniens qui comprennent le langage sémitique, il utilise d'ordinaire sans aucune explication des termes sémitiques : raca [5,22], mammôna [6,24], corbona [27,6]. Ici exceptionnellement il traduit. Le seul autre cas du même genre qu'on puisse citer est la traduction du cri de détresse de Jésus crucifié [27,46]. On est fondé à croire qu'en attirant l'attention sur la signification exacte du mot "Emmanuel" l'évangéliste a voulu faire allusion à la future Eglise et à la présence avec elle et en elle du Seigneur ressuscité.  
 
Il faut maintenant remarquer les termes dont se sert Matthieu pour exprimer la conception virginale : "Ce qui a été engendré en elle l'a été par le fait de l'Esprit Saint, ou bien vient de l'Esprit Saint [1,20]". Dans l'Ancien Testament, l'Esprit intervient lors de la restauration eschatologique comme créateur d'une vie nouvelle qui est celle de la terre et du peuple messianique : cf., avant tout Is.,32,15 ; 44,3-5 ; Ez.,37. En Mt.,1,20, il apparaît comme l'auteur de la naissance humaine du Messie. Mais que l'apparition du Messie ne doive pas être en l'occurrence dissociée de celle du peuple messianique, c'est ce que montre le fait suivant. L'expression "naître de l'Esprit" (gennesthai ek pneumatos) est totalement absente de l'Ancien Testament et ne se trouve dans le Nouveau Testament qu'en deux endroits : en premier lieu en Mt., 1,20, où elle est appliquée à la conception virginale de Jésus ; en second lieu dans l'entretien avec Nicodème du quatrième évangile, où trois fois de suite elle est appliquée à la génération surnaturelle des chrétiens [Jn.,3,5.6.8].
Mêmes convergences dans ces propos et même conclusion. Dans l'évangile de Matthieu, comme dans celui de Luc, la conception virginale est orientée vers l'apparition d'un nouveau peuple de Dieu. Saint Thomas d'Aquin exprime de façon admirable le lien mystérieux qui unit entre elles la conception surnaturelle de Jésus sous l'action de l'Esprit et la régénération baptismale qui fait les fils adoptifs de Dieu[xi]. En parlant ainsi, il reste fidèle à la pensée de Matthieu et de Luc. Est-il téméraire d'affirmer que Marie, en devenant en un tel contexte Mère de Jésus, est déjà constituée fondamentalement Mère du nouveau peuple de Dieu ?  
 
PARABOLES LUCANIENNES
 
Tout cela Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole;pour que s'accomplisse l'oracle du prophète:J'ouvrirai la bouche pour dire des paraboles je clameraideschoses cachées depuislafondation dumonde[xii] [Mt.,13,34.35].
 
Exégèses patristiques
 
ORIGENE
 
Avant même d'exposer une nouvelle exégèse de ce Père de l'Eglise, il n'est peut-être pas inutile de redonner quelques éléments de sa biographie[xiii] :  
Théologien et exégète renommé, Origène naquit à Alexandrie vers 185 dans une famille chrétienne. Son père, Léonide, mourut martyr en 202.
- A dix huit ans, il fut chargé par Démétrius, évêque d'Alexandrie, d'un enseignement catéchétique, c'est-à-dire de la formation et de l'initiation des futurs baptisés. A partir de ce moment toute sa vie fut consacrée à la prédication et à l'exégèse de l'Ecriture, mais dans un certain esprit: celui de Pantène[xiv] et de son successeur au "didascalée"[xv], Clément d'Alexandrie, qui considéraient la culture grecque, littéraire et philosophique comme une préparation indispen- sable à la réception de l'enseignement chrétien. C'est pourquoi il suivit à Alexandrie les cours du "maître des disciplines philosophi- ques", le fameux Ammonios Saccas. A la façon de Clément, Origène conçoit le christianisme comme une philosophie, c'est-à-dire comme un style de vie. Mais il est moins humaniste que lui et il insiste beaucoup sur l'ascétisme: jeûnes, veilles, pauvreté. (On a cru voir dans sa célèbre mutilation volontaire un rapport étroit avec le texte évangélique:"Il y a des eunuques qui se sont rendus tels eux-mêmes pour le royaume de Dieu[xvi]"). Lorsqu'il entra dans sa vingt-huitième année, il prit la tête de l'école catéchétique d'Alexandrie à la suite de Clément (filiation Pantène-Clément-Origène); il forma d'innombrables disciples. Le rayonnement de son enseignement fut si grand que même les milieux païens s'intéressèrent à lui. L'activité, la renommée, peut-être aussi la hardiesse des vues d'Origène semblent avoir provoqué sa rupture avec son évêque Démétrios, qui trouva l'occasion de le faire condamner lorsque, au cours d'un voyage en Palestine, il fut ordonné prêtre par les évêques de la province (230). Cette ordination était en effet illégale en raison de sa mutilation volontaire. Un synode réuni par Démétrios en 231, interdit à Origène de séjourner et d'enseigner à Alexandrie. Il s'installa donc définitivement à Césarée de Palestine sous la protection de l'évêque Théoctite grâce à qui il put poursuivre son enseignement et sa prédication[xvii].- Son enseignement lui valut une réputation universelle, d'autant qu'il parcourut l'Orient, et alla même jusqu'à Rome[xviii]. Il mourut à Tyr vers 253 des suites de tortures subies durant la persécution de Décius.
 
Parabole du Bon Samaritain[Lc.,10,25-37] : Homélie 34
 
Sur le texte : Maître,que dois-je faire pour posséderla vie éternelle?
jusqu'au passage où il est dit : Va et toi aussi fais de même.
 
1. Il y a beaucoup de préceptes dans la Loi, mais le Sauveur a seulement retenu dans l'Evangile, en une sorte de résumé ceux dont l'observance conduit à la vie éternelle. C'est à quoi se rapporte la demande qu'un docteur de la Loi adressait à Jésus : "Maître, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ?" On vous a lu aujourd'hui le texte de S. Luc. Jésus répondit : "Qu'y a-t-il d'écrit dans la loi ? Qu'y lis-tu ? - Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même(a)". "Tu as bien répondu, dit Jésus, fais cela et tu vivras(c)" de la vie éternelle, sans aucun doute ; telles furent la question du docteur de la Loi et les paroles du Sauveur concernant la vie éternelle. Ce précepte de la Loi nous enseigne en même temps d'une façon très claire à aimer Dieu. "Ecoute, Israël, dit le Deutéronome, le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu", et, "tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton esprit" et la suite, et "le prochain comme toi-même(c)". Et le Sauveur a rendu témoignage à ces vérités quand il dit : "A ces deux commandements se rattachent toute la Loi ainsi que les Prophètes(d)". 
2. Mais le docteur de la Loi "voulant se justifier lui-même" et montrer que personne n'était son prochain, reprit : "Qui est mon prochain ?" Le Seigneur énonce alors la parabole, dont voici le début : "Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho", et la suite. Il enseigne que cet homme qui descendait n'a été le prochain de personne sinon de celui qui a voulu garder les commandements et se préparer à être le prochain de quiconque a besoin de secours. C'est ce qui est noté pour conclure la parabole : "Lequel de ces trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme tombé aux mains des brigands ?" Ni le prêtre, ni le lévite n'ont été son prochain mais selon la réponse du docteur de la Loi lui-même : "Celui qui a pratiqué la miséricorde" a été son prochain, d'où ces mots du Sauveur : "Va, toi aussi fais de même".
 
Interprétation traditionnelle de la parabole
 
3. Selon le commentaire d'un ancien[xix] qui voulait interpréter la parabole, l'homme qui descendait représente Adam, Jérusalem le paradis, Jéricho le monde, les brigands les puissances ennemies, le prêtre la Loi, le lévite les prophètes, et le Samaritain le Christ[xx]. Les blessures sont la désobéissance, la monture le corps du Seigneur, le "pandochium", c'est-à-dire l'auberge ouverte à tous ceux qui veulent y entrer, symbolise l'Eglise. De plus, les deux deniers représentent le Père et le Fils ; l'hôtelier le chef de l'Eglise, chargé de l'administrer ; quant à la promesse faite par le Samaritain de revenir, elle figurait le second avènement du Sauveur.
 
Sens christologique
 
4. Cette interprétation est spirituelle et séduisante mais on ne doit pas penser pour autant qu'elle puisse s'appliquer à tout homme[xxi]. "Tout homme, en effet, n'est pas descendu (volontairement) de Jérusalem à Jéricho", et ce n'est pas pour ce motif que tous les hommes demeurent dans le siècle présent, mais le Christ, lui, "y a été envoyé et y est venu à cause des brebis perdues de la maison d'Israël(e)".
L'homme qui "descend de Jérusalem à Jéricho tombe aux mains des brigands" précisément parce qu'il a lui-même voulu descendre[xxii]. Les brigands ne peuvent être que ceux dont le Sauveur dit : "Tous ceux qui sont venus avant moi ont été des voleurs ou des brigands(f)". Il ne tombe d'ailleurs pas au milieu de voleurs mais "de brigands" bien plus terribles que de simples voleurs puisqu'ils ont volé et couvert de plaies cet homme qui, "descendant de Jérusalem", était tombé entre leurs mains. Quelles sont ces plaies ? Quelles sont ces blessures dont l'homme est atteint ? Les vices et les péchés.
5. Puis les brigands, après l'avoir dépouillé de ses vêtements et couvert de blessures, ne le secourent pas dans sa nudité et, après l'avoir roué de coups encore une fois, l'abandonnent ; c'est pourquoi l'Ecriture dit : "L'ayant dépouillé et couvert de blessures, ils s'en allèrent, le laissant" non pas mort, mais "à demi mort". Or voici que par le même chemin descendaient "un prêtre" d'abord, puis "un lévite", qui avaient peut-être fait du bien à d'autres personnes mais n'en firent pas à celui "qui était descendu de Jérusalem à Jéricho". Le prêtre, à mon avis figurant la Loi, voit le Samaritain et de même le lévite qui, selon moi, représente les Prophètes, le voit aussi. Tous deux l'ont vu mais ils passèrent et l'abandonnèrent là. Mais la Providence laissait cet homme à demi mort aux soins de celui qui était plus fort que la Loi et les Prophètes, c'est-à-dire du Samaritain, dont le nom signifie "gardien". C'est lui qui "ni ne sommeille ni ne dort en veillant sur Israël(g)".
C'est pour secourir l'homme à demi mort que le Samaritain s'est mis en route ; il ne descend pas "de Jérusalem à Jéricho" comme le prêtre et le lévite, ou plutôt, s'il descend, il descend pour sauver le moribond et veiller sur lui. Les Juifs lui ont dit : "Tu es samaritain et un démon te possède(h)". Après avoir affirmé n'être pas possédé du démon, Jésus ne voulut pas nier qu'il fût samaritain, car il se savait gardien.
6. Aussi, après être venu jusqu'à l'homme à demi mort, l'ayant vu baigner dans son sang, il en eut pitié et s'approcha de lui pour devenir son prochain. "Il banda ses blessures, versa de l'huile mêlée de vin", et ne dit pas ce qu'on lit dans le prophète : "Il n'y a ni pansement ni huile ni bande à appliquer(i)". Voilà le Samaritain dont les soins et les secours sont nécessaires à tous ceux qui sont malades, et il avait spécialement besoin du secours de ce Samaritain, l'homme qui, "descendant de Jérusalem, était tombé entre les mains de brigands" qui l'avaient blessé et laissé pour mort. Mais afin que vous sachiez que la Providence divine conduisait ce Samaritain, descendu pour soigner cet homme "tombé aux mains des brigands", il est clairement spécifié qu'il portait avec lui des bandes, de l'huile et du vin ; à mon avis, ces objets, le Samaritain ne les emportait pas avec lui pour cet unique moribond mais pour d'autres aussi, blessés de diverses façons et qui avaient également besoin de bandes, d'huile et de vin.
7. Il avait de l'huile dont l'Ecriture dit : "Que l'huile fasse luire le visage(j)", le visage sans aucun doute de celui qui avait été soigné. Pour calmer l'inflammation des blessures, il les nettoie avec de l'huile, et avec du vin mêlé de je ne sais quel produit amer. Puis il "chargea le blessé sur sa monture", c'est-à-dire sur son propre corps : il a, en effet, daigné assumer l'humanité. Ce Samaritain "porte nos péchés(k)" et souffre pour nous ; il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c'est-à-dire dans l'Eglise qui accueille tous les hommes, ne refuse son secours à personne et où tous sont conviés par Jésus : "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai(l)".
8. Et après avoir conduit le moribond à l'auberge, il ne le quitte pas immédiatement, mais demeure avec lui toute une journée pour soigner ses blessures, non seulement pendant le jour, mais encore durant la nuit, lui consacrant ainsi toute sa sollicitude et son savoir-faire. Lorsque, le matin, il s'apprêtait à partir, il prélève sur son argent, sur ses fonds personnels, "deux deniers" de bon aloi, et il en gratifie l'aubergiste, sans aucun doute l'ange de l'Eglise, en lui prescrivant de soigner consciencieusement et de mener jusqu'à la guérison cet homme que lui-même avait soigné un temps trop bref. Quant aux deux deniers donnés à l'ange pour qu'il soigne bien l'homme à lui confié, ils représentent, me semble-t-il, la connaissance du Père et du Fils et la connaissance de ce mystère : le Père est dans le Fils et le Fils dans le Père[xxiii]. Promesse est également faite à l'hôtelier de lui rembourser immédiatement tous les frais que nécessite la guérison du moribond. 
9. Ce gardien des âmes est apparu vraiment plus proche des hommes que la Loi et les Prophètes, "en faisant miséricorde à celui qui était tombé entre les mains des brigands" et il s'est montré son prochain non pas tellement en paroles mais en actes. Il nous est donc possible, suivant ce qui est dit : "Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ(m)", d'imiter le Christ et d'avoir pitié des hommes "tombés aux mains des brigands", d'aller à eux, de bander leurs plaies, d'y verser de l'huile et du vin, de les charger sur notre propre monture et de porter leurs fardeaux et c'est pour nous y exhorter que le Fils de Dieu ne s'adresse pas seulement au docteur de la Loi mais à nous tous : "Va, toi aussi, et fais de même". Si nous agissons de la sorte, nous obtiendrons la vie éternelle dans le Christ Jésus, "à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen."
 
(a) Deut.,6,5 ; (b) Lév.,18,5 ; (c) Deut.,6,4.5 ; (d) Mt.,22,40 ; (e) Mt.,15,24 ; (f) Jn.,10,8 ; (g) Ps.,121,4 ; (h) Jn.,8,48 ; (i) Is.,1,6 ; (j) Ps.,104,15 ; (k) Mt.,8,17 ; (l) Mt.,11,28 ; (m) 1 Cor.,4,16.
 
 
AMBROISE
 
Traité sur l'Evangile de Luc[xxiv].
 
Les extraits qui vont suivre figurent dans les livres VII et VIII de cet ouvrage désigné par Augustin sous le nom d'"Exposé de l'Evangile selon S. Luc". Ce titre pourrait induire le lecteur en erreur dans la mesure où Ambroise[xxv] n'y explique pas tout saint Luc et que ses commentaires ne sont pas limités aux seuls écrits du 3ème évangile. Parfois, il confronte Luc avec un autre évangéliste, Matthieu surtout ; au livre X notamment, la Passion et la Résurrection sont commentées sur la base d'un véritable synopse[xxvi]. Il faut voir là un effort de regroupement opéré par Ambroise pour faire un ensemble relativement complet à partir de ses discours qui s'échelonnent sur une période importante de son épiscopat (sans doute entre 377 et 389).
 
Exégèse.
 
< On a parlé des "interprétations allégoriques d'Ambroise où se volatilise parfois la lettre de l'Ecriture", tout en ayant aussitôt ajouté à sa décharge : "Ne regrettons pas cet excès, puisque c'est en entendant l'évêque de Milan commenter allégoriquement la Bible qu'Augustin découvrira "que la lettre tue et l'esprit vivifie". Nous avons, en effet, sur ce point le témoignage d'Augustin qui, de 385 à 387, fut le plus illustre des auditeurs d'Ambroise. Le jeune professeur africain qui venait enseigner à Milan n'avait recueilli que déception de ses premiers contacts avec l'Ecriture : dans "sa lettre" il ne rencontrait que difficultés, problèmes insolubles ; il s'en était retiré découragé "tué par la lettre". Les sermons de l'évêque lui rendirent courage ; il s'en voulait de s'être laissé aller au désespoir,
et maintenant ne se lassait pas d'entendre Ambroise résoudre les énigmes, soulever le voile des mystères, donner le sens spirituel[xxvii]>.
 
Dogmatique.
 
< Il serait exagéré, souligne Dom Gabriel Tissot, irrévérencieux, voire inexact, de dire que la théologie de S. Ambroise est théologie de circonstance, calculée pour les besoins d'une cause. Mais enfin, dans son cas, comme dans celui de la plupart des Docteurs de l'Eglise, de ceux-là surtout qui eurent charge d'âmes, il faut bien admettre le rôle des adversaires rencontrés, des hérésies qu'ils ont dû combattre. On connaît sur ce point la pensée de saint Augustin, qui ferait presque des hérétiques les principaux bienfaiteurs de la théologie catholique : par leurs outrances mêmes et leurs témérités, ils ont obligé les Pères à étudier de plus près, à préciser, à formuler plus attentivement la doctrine >.
 
Christologie.
 
< La personne du Christ n'apparaît pas seulement au centre de la doctrine de S. Ambroise, elle inspire sa piété. C'est, chez lui, le dévouement ardent du magistrat à son souverain, du soldat à son empereur, dévouement accru par la présence des ennemis et des rebelles. Cette "devotio", au sens étymologique et premier, s'exprime par endroits en de tels accents, qu'elle semble devancer de plusieurs siècles ce qu'au moyen âge on a nommé la devotio moderne : tels passages de l'enfance du Christ ne seraient pas désavoués par un S. Bernard ou un S. Bonaventure >.
 
Parabole du fils prodigue[Lc.,15,11-32]
 
Sur le texte : Il dit encore : "Un homme avait deux fils...jusqu'à ce passage où il est dit : il était perdu et il est retrouvé".
 
212. Et n'ayons pas peur si nous avons gaspillé en plaisirs terrestres le patrimoine de dignité spirituelle que nous avions reçu ; car le Père a remis au Fils le trésor qu'Il avait, la fortune de la foi ne s'épuise jamais. Aurait-on tout donné, on possède tout, n'ayant pas perdu ce que l'on a donné. Et ne redoutez pas qu'Il ne vous accueille pas : car "Dieu ne prend pas plaisir à la perte des vivants(a)". Voici qu'Il vient à votre rencontre : Il se penchera sur votre cou - car le Seigneur redresse ceux qui sont brisés(b)" - Il vous donnera le baiser, qui est gage de tendresse et d'amour. Il vous fera donner robe, anneau, chaussures. Vous en êtes encore à craindre un affront, Il vous rend votre dignité ; vous redoutez un supplice, Il vous donne un baiser ; vous craignez des reproches, Il apprête un festin. Mais il est temps d'expliquer la parabole même.
213. "Un homme avait deux fils ; et le plus jeune lui dit : donnez-moi ma part de fortune".
Vous voyez que le patrimoine divin se donne à ceux qui demandent. Et ne croyez pas que le père soit en faute pour avoir donné au plus jeune : il n'y a pas de bas-âge pour le Royaume de Dieu, et la foi ne sent pas le poids des ans. En tout cas celui qui a demandé s'est jugé capable ; et plût à Dieu qu'il ne se fût pas éloigné de son père !    
il n'aurait pas éprouvé les inconvénients de son âge. Mais une fois parti à l'étranger - c'est donc justice que l'on gaspille son patrimoine quand on s'est éloigné de l'Eglise - après, dit-Il, qu'ayant quitté la maison paternelle il fut parti à l'étranger, dans un pays lointain...
214. Qu'y a-t-il de plus éloigné que de se quitter soi-même, que d'être séparé non par les espaces, mais par les moeurs, de différer par les goûts, non par les pays, et, les excès du monde interposant leurs flots, d'être distant par la conduite ? Car quiconque se sépare du Christ s'exile de la patrie, est citoyen du monde. Mais nous autres "nous ne sommes pas étrangers et de passage, mais nous sommes citoyens du sanctuaire et de la maison de Dieu" ; car "éloignés que nous étions, nous avons été rapprochés par le sang du Christ(c)". Ne soyons pas malveillants envers ceux qui reviennent du pays lointain, puisque nous avons été, nous aussi, en pays lointain, comme l'enseigne Isaïe ; vous lisez : "Pour ceux qui résidaient au pays de l'ombre mortelle, la lumière s'est levée(d)". Le pays lointain est donc celui de l'ombre mortelle ; mais nous qui avons pour souffle de notre visage le Seigneur Christ(e), nous vivons à l'ombre du Christ ; et c'est pourquoi l'Eglise dit : "J'ai désiré son ombre, et je m'y suis assise(f)". Donc celui-là, vivant dans la débauche, a gaspillé tous les ornements de sa nature : alors vous qui avez reçu l'image de Dieu, qui portez sa ressemblance, gardez-vous de la détruire par une difformité déraisonnable. Vous êtes l'ouvrage de Dieu ; ne dites pas au bois : "Mon père, c'est toi(g)" ; ne prenez pas la ressemblance du bois, puisqu'il est écrit : "Que ceux qui font les (idoles) leur deviennent semblables(h)".
215. "Il survint une famine en cette contrée" : famine non des aliments, mais des bonnes oeuvres et des vertus. Est-il jeûnes plus lamentables ? En effet, qui s'écarte de la parole de Dieu est affamé, puisque l'on ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu(i)". S'écartant de la source on a soif, s'écartant du trésor on est pauvre, s'écartant de la sagesse on est stupide, s'écartant de la vertu on se détruit. Il est donc juste qu'il vint à manquer, ayant délaissé les trésors de la sagesse et science de Dieu(j) et la profondeur des richesses célestes. Il en vint donc à manquer et à sentir la faim, parce que rien ne suffit à la volupté prodigue. On éprouve toujours la faim quand on ne sait se combler des aliments éternels.    
216. Il alla donc s'attacher à un des citoyens : celui qui s'attache est pris au filet, et il semble que ce citoyen soit le prince de ce monde. Bref, il est envoyé à sa ferme - celle dont l'acheteur s'excuse du Royaume(k) - et il fait paître les porcs : ceux-là sans doute dans lesquels le diable demande à entrer, ceux qu'il précipite dans la mer de ce monde(l), ceux qui vivent dans l'ordure et la puanteur.
217. Et il souhaitait, est-il dit, se garnir le ventre de glands : car les débauchés n'ont d'autre souci que de se garnir le ventre, leur ventre étant leur dieu(m). Et quelle nourriture convient mieux à de tels hommes que celle qui est, comme le gland, creuse au-dedans, molle au-dehors, faite non pour alimenter, mais pour gaver le corps, plus pesante qu'utile ?
218. Il en est qui voient dans les porcs les troupes des démons, dans les glands la chétive vertu des hommes vains et le verbiage de leurs discours qui ne peuvent être d'aucun profit : par une vaine séduction de philosophie et par le tintamarre sonore de leur faconde ils font montre de plus de brillant que d'utilité quelconque. Mais de tels agréments ne sauraient durer.
219. Aussi, "personne ne les lui donnait" : car il était dans la région où il n'y a personne, parce qu'elle ne contient pas ceux qui sont. Car "toutes les nations sont comptées pour rien(n) ; mais il n'y a que Dieu pour "rendre la vie aux morts et appeler ce qui n'est pas comme ce qui est(o).
220. "Et revenant à lui, il dit : que de pain ont en abondance les mercenaires de mon père !" Il est bien vrai qu'il revient à lui, s'étant quitté : car revenir au Seigneur, c'est se retrouver, et qui s'éloigne du Christ se renie. Quant aux mercenaires, qui sont-ils ? N'est-ce pas ceux qui servent pour le salaire, ceux d'Israël ? Ils ne poursuivent pas ce qui est bien par zèle pour la droiture ; ils sont attirés non par le charme de la vertu, mais par la recherche de leur profit. Mais le fils, qui a dans le coeur le gage du Saint Esprit(p), ne recherche pas les profits mesquins d'un salaire de ce monde, possédant son droit d'héritier. Il existe aussi des mercenaires qui sont engagés pour la vigne. C'est un bon mercenaire que Pierre - Jean, Jacques - à qui on dit : "Venez, je ferai de vous des pêcheurs d'hommes(q). Ceux-là ont en abondance non les glands, mais les pains : aussi bien ont-ils remplis douze corbeilles de morceaux. O Seigneur Jésus, si vous nous ôtiez les glands et nous donniez les pains ! car vous êtes l'économe dans la maison du Père ; oh ! si vous daigniez nous engager comme mercenaires, même si nous venons sur le tard ! car vous engagez même à la onzième heure, et vous daignez payer le même salaire : même salaire de vie, non de gloire ; car ce n'est pas à tous qu'est réservée la couronne de justice, mais à celui qui peut dire : "J'ai combattu le bon combat"(r).
221. Je n'ai pas cru devoir me taire sur ce point, parce que certains, je le sais, disent qu'ils réservent jusqu'à leur mort la grâce du baptême ou la pénitence. D'abord comment savez-vous si c'est la nuit prochaine qu'on vous demandera votre âme(s) ? Et puis, pourquoi penser que n'ayant rien fait tout vous sera donné ? Admettons qu'il y ait une seule grâce, un seul salaire ; autre chose est le prix de la victoire, celui auquel tendait, non sans raison, Paul qui, après le salaire de la grâce, poursuivait encore le prix pour le gagner(t), sachant que si le salaire de grâce est égal, la palme n'appartient qu'au petit nombre.
 
(a) Sag.,1,13 ; (b) Ps.,145,8 ; (c) Ep.,2,19 ; (d) Is.,9,2 ; (e) Lam.,4,20 ; (f) Cant.,2,3 ; (g) Jr.,2,27 ; (h) Ps.,123,2.8 ; (i) Lc.,4,4 ; (j) Col.,2,3 ; (k) Lc.,14,18 ; (l) Mt.,8,32 ; (m) Phil.,3,19 ; (n) Is.,11,17 ; (o) Rm.,4,17 ; (p) 2 Cor.,1,22 ; (q) Mt.,4,19 ; (r) 2 Tim.,4,7 ssq. ; (s) Lc.,12,20 ; (t) Phil.,3,14.
 
Parabole du mauvais riche[Lc.,16,19-31
 
Sur le texte : "Il y avait un homme riche qui se revêtait de pourpre et de lin fin...jusqu'à ce passage : Du moment qu'ils n'écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu'un ressuscite d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus".
13. "Or certain homme riche était vêtu de pourpre". C'est, semble-t-il un récit plutôt qu'une parabole, du moment que le nom même est exprimé[xxviii]. Ce n'est pas sans raison que le Seigneur a montré ici un riche ayant épuisé les délices du monde, installé aux enfers dans le tourment d'une faim perpétuelle (et ce n'est pas en vain qu'on lui voit cinq frères, c'est-à-dire les cinq sens du corps, unis par une sorte de fraternité de nature, qui brûlaient de convoitises sans mesure et sans nombre) ; par contre, Il a logé Lazare dans le sein d'Abraham, comme dans un port tranquille et un asile inviolable, de peur qu'alléchés par les plaisirs présents nous ne demeurions dans les vices, ou que, vaincus par la lassitude, nous n'esquivions la peine et les labeurs. Soit donc qu'il s'agisse de Lazare, pauvre dans le monde mais riche devant Dieu, soit de celui qui, selon l'Apôtre, est pauvre de parole, riche de foi(a) - car toute pauvreté n'est pas sainte ni toutes richesses répréhensibles, mais, comme la débauche déshonore les richesses, la sainteté recommande la pauvreté - soit donc de l'homme apostolique qui garde la vraie foi, qui ne recherche pas le diadème des paroles, le fard des raisonnements, les fastueux vêtements des phrases, il reçoit sa récompense avec usure en combattant les hérétiques : le manichéen, Marcion, Sabellius, Arius et Photin[xxix] - ceux-là sont en effet tout simplement les frères des Juifs, à qui les unit la parenté de la fausse croyance - en réprimant d'autre part les convoitises de la chair, qui, je l'ai dit sont attisées par les cinq sens, il reçoit, dis-je, sa récompense avec usure, ayant en paiement des richesses surabondantes et la rente de l'éternité.
14. Et nous ne croyons pas déplacée la pensée que ce passage concerne aussi la foi : Lazare la recueille rejetée de la table du riche ; ses ulcères, au sens littéral, feraient certainement horreur au riche dégoûté, et parmi ses festins somptueux et ses convives parfumés il ne supporterait pas l'odeur des ulcères léchés par les chiens, lui qui se lasse des senteurs de l'air et de la nature même ; encore que l'arrogance et la morgue des riches se traduisent à des signes appropriés, étant à ce point oublieux de leur condition d'hommes que, comme établis au-dessus de la nature, ils trouvent dans les misères des pauvres un assaisonnement à leurs plaisirs, se rient de l'indigent, insultent le miséreux, et dépouillent ceux dont il conviendrait d'avoir pitié.
15. Que l'on recueille donc les deux points de vue, si l'on veut - comme Lazare. Je lui trouve une resemblance avec celui qui, plusieurs fois flagellé par les Juifs(b) pour donner patience aux croyants et appeler les Gentils, offrait, pour ainsi dire, les ulcères de son corps à lécher à des chiens ; car il est écrit : "Ils se convertiront sur le soir et ils endureront la faim comme des chiens(c)". La Cananéenne a reconnu ce mystère, et il lui est dit : "Personne ne prend le pain des enfants pour le jeter aux chiens". Elle a reconnu que ce pain n'est pas le pain qui se voit, mais celui qui se comprend ; aussi répondit-elle : "Sans doute, Seigneur ; mais les petits chiens mangent aux miettes qui tombent de la table de leurs maîtres". Ces miettes viennent de ce pain ; et puisque le pain c'est la parole, et la foi à la parole, les miettes sont pour ainsi dire les dogmes de la foi. Là-dessus, le Seigneur répond, pour montrer qu'elle avait parlé en croyante : "O femme, grande est votre foi(d)". 
16. O bienheureux ulcères, qui empêchez la souffrance éternelle ! O miettes abondantes qui chassez le jeûne sans fin, qui comblez d'aliments éternels le pauvre qui vous recueille ! Le chef de la Synagogue vous rejetait de sa table, quand il repoussait les mystères intimes des écrits prophétiques et de la Loi : car les miettes sont les paroles des Ecritures, dont il est dit : "Et vous avez rejeté mes discours derrière vous(e)". Le scribe vous rejetait ; mais Paul vous recueillait avec le plus grand soin, attirant le peuple par ses souffrances. Ceux-là léchaient ses ulcères qui l'ont vu, mordu par le serpent, sans crainte secouer le serpent, et qui ont cru(f). Le gardien de la prison les a léchés : il a lavé les blessures de Paul, et il a cru. Heureux chiens, sur qui dégoutte le liquide de tels ulcères, pour combler leurs coeurs et fortifier leurs gosiers, afin qu'ils s'entraînent à garder la maison, à défendre le troupeau, à veiller aux loups[xxx].
17. Représentez-vous maintenant les ariens, appliqués aux soucis du monde, recherchant l'alliance du pouvoir royal pour attaquer avec les armes guerrières la vérité de l'Eglise. Ne vous semblent-ils pas étendus sur des lits faits de pourpre et de lin fin, défendant leur fard comme vérité, prodigues de fastueux discours, quand ils font valoir que la terre a tremblé sous le corps du Seigneur, que le ciel s'est couvert de ténèbres, que sa parole a soulevé ou apaisé les mers, et pourtant nient qu'Il soit vrai Fils de Dieu ? Faites également comparaître ce pauvre, qui sachant que le Royaume de Dieu n'est pas affaire de parole, mais de vertu(g), a exprimé sa pensée en peu de mots, disant : "Vous êtes le Fils du Dieu vivant(h). Ne vous semble-t-il pas que ces richesses soient indigentes, cette pauvreté opulente ? L'hérésie, riche, a composé quantité d'évangiles ; la foi, pauvre, a gardé le seul Evangile qu'elle ait reçu. La philosophie, riche, s'est fait nombre de dieux ; l'Eglise, pauvre, ne connaît qu'un Dieu.
18. Entre ce pauvre et ce riche, il y a donc un "grand abîme", parce qu'après la mort les mérites ne se peuvent changer : aussi nous montre-t-on le riche en enfer, désirant aspirer du pauvre un peu de brise rafraîchissante ; car l'eau est le réconfort de l'âme en état de souffrance ; d'elle Isaïe dit : "Et l'eau jaillira agréablement des sources du salut(i)". Mais pourquoi est-il torturé avant le jugement[xxxi]. Parce que pour un débauché la privation de plaisirs est un châtiment ; car le Seigneur dit encore : "Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les Prophères dans le Royaume des cieux(j)".
19. Or sur le tard ce riche se mêle d'être maître, alors qu'il est pour lui temps d'apprendre, et non d'enseigner. En ce passage le Seigneur déclare avec la dernière évidence que l'Ancien Testament est le fondement de la foi ; Il rabroue l'incrédulité des Juifs et coupe court aux ruses des hérétiques qui font trébucher l'âme faible ; car les petits sont ceux qui ne connaissent pas encore la croissance dans la vertu[xxxii].
20. Or il est permis de remarquer que plus haut la parabole de l'économe(k) et ici celle du riche contiennent un appel à la miséricorde : peut-être là enseigne-t-Il à donner aux saints, qu'Il appelle amis et auxquels Il attribue des tentes, et ici aux pauvres.
 
(a) Jac.,2,5 ; (b) 2 Cor.,11,24 ; (c) Ps.,58,15 ; (d) Mt.,15,22 ssq. ; (e) Ps.,49, 17 ; (f) Ac.,28,3 ssq. ; (g) 1 Cor.,4,20 ; (h) Mt.,16,16 ; (i) Is.,12,13 ; (j) Lc.,13,28 ; (k) Lc.,16,1 ssq.
 
Parabole de l’intendant infidèle
 
Commentaire de notre temps
 
BERNARD BRO
 
Lc.,16,1-13.
 
Sur le texte : <Il disait encore à ses disciples:"Il était un homme riche qui avait un intendant...jusqu'à ce passage : Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent">.
 
Selon le Père Bro[xxxiii], cette parabole est une des plus complexes de celles rapportées par saint Luc ; voici son commentaire :
 
< Comment le Christ pourrait-il "admirer l'astuce" d'un gestionnaire véreux qui cherche à se constituer un groupe d'amis en préméditant des malversations ? Or toute la parabole est faite pour expliquer un mot de la phrase finale. Sans ce mot, on n'aurait pas besoin de la parabole.
Si le Christ avait dit : "Faites-vous des amis avec l'argent que vous avez. Soyez généreux avec ce que Dieu vous a donné. Donnez de votre surplus, si possible donnez de votre substance, ce qui est encore mieux, et ceux à qui vous le faites vous le rendront en abondance dans l'éternité parce qu'en fin de compte c'est Dieu lui-même qui vous le rendra. Croyez-le". Cela n'est peut-être ni facile à admettre, ni à comprendre, ni à vivre. Il faut peut-être le rappeler, mais cela n'est pas paradoxal.
Le point difficile de la parabole ne vient pas de là, mais de ce qu'il s'agit d'un argent d'"iniquité". Le texte est net : "Faites-vous des amis avec les richesses d'iniquité". Tel est le mot qui contient le sens de la parabole.
On doit alors se demander si le message évangélique frappe d'injustice toutes les richesses du monde ? D'après l'Evangile, d'une certaine manière l'Histoire ne donnerait-elle pas raison aux révolutionnaires ? Toute fortune ne serait-elle pas mauvaise, parce qu'elle rendrait le coeur de l'homme mauvais ? Tout argent dans le monde actuel, même quand il n'y a pas d'injustice, ne risquerait-il d'induire l'homme à l'égoïsme, s'il devait l'amener à se détourner du Royaume ? "Vous qui êtes mauvais ..." dit ailleurs le Christ. Ce n'est pas la structure de la société qu'il attaque, c'est le coeur de l'homme. "Malheur à vous les riches..."A supposer que tu sois individuellement honnête, l'argent que tu possèdes se trouve marqué d'une certaine malédiction par l'Evangile. En donnant consolation sur la terre, il détourne de la justice du Royaume avant même de détourner de la justice sociale. Avec la richesse, le besoin de Dieu ne disparaîtrait-il pas ? L'expérience que recouvre cette question peut-elle être niée ?    
Alors que faire ? Si l'on est plongé dans ses richesses, si l'on n'a pas reçu l'appel adressé au "jeune homme riche" ou si l'on n'a pas accepté de l'entendre, si l'on est englué dans son appétit, l'Evangile dirait qu'on est mal parti. "Il est plus difficile à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu qu'à un chameau de passer par le trou d'une aiguille. "Et le Christ insiste : "Aux hommes, c'est impossible ; seul à Dieu, c'est possible".
Que faire si l'on est mal parti ? Le Christ répond : "Oui, c'est vrai, tu es mal parti".
On ne peut pas tous devenir Petite Soeur de Mère Teresa ou Petit Frère de Foucauld...Alors ?
C'est ici que se situe la parabole. Il reste une solution. Il y a une planche de salut. La première, c'est l'appel adressé au jeune homme riche : "Quitte tout et suis-moi". C'est l'appel des Béatitudes. On n'a pas tout quitté ? Alors deuxième planche de salut, merveilleuse de miséricorde. C'est la leçon de la parabole : Faites-vous des amis, soyez généreux, soyez bons, tout simplement comme celui qui donne, sans garantie. Il s'agit de quelque chose de modeste, d'accessible à tous. Comme on risque de ne pas le croire, le Christ utilise l'histoire de l'économe infidèle. Elle se résume en un mot : Laissez vous attendrir. Laissez-vous adoucir. Apprenez à aimer. Le moindre geste aura alors une force insoupçonnée pour intercéder en votre faveur. Vous voyez cet économe, regardez comme il sait naviguer, faites donc un peu comme lui quand il y va de la foi et du salut.
Le Christ sait combien sont malins ceux qui manipulent l'argent. Avec l'économe infidèle, il évoque cette ruse, cette attention, cette rapidité d'exécution dont témoigne l'univers des courtiers et des cambistes, l'habileté de ceux qui, pour les entreprises ou pour les banques sont chargés de suivre les moindres palpitations de la planète. De leur vivacité, de leur perception des moindres frémissements dépendent les cours de toutes les monnaies.
  
Le Christ attire notre regard sur un autre point. Ce qui est original dans l'économe de la parabole c'est qu'il est capable de jeter du lest. Alors qu'il ne pense qu'à l'argent, le voici capable de faire un geste. Ce n'est plus une opération financière, c'est une opération humaine. Comme banquier, il a tout perdu. Au point de vue technique tout est fini, tout est découvert, il n'y a plus de ressources, la gérance lui est retirée. Alors il va faire appel aux ressources du coeur humain. Et cela dépasse l'intelligence financière. Quelle leçon ! Il fait un geste dont il n'a aucune garantie. Il n'a pas de certitude qu'on le lui revaudra, mais il joue là-dessus. Voici donc un homme plongé dans la richesse d'iniquité, qui ne pense qu'à son intérêt, qui est un fils de ce siècle et il devient capable de comprendre la générosité des autres, de croire en la gratitude possible du coeur humain ! C'est paradoxal qu'un homme d'iniquité puisse spéculer sur la générosité et sur la reconnaissance. Le centre de la parabole est là. Il y a un acte de foi, de confiance, de crédit possible dans la bonté de l'homme. Et c'est cela qui sauve. C'est de la bonté de l'homme dont il s'agit dans l'esprit du Christ, de la bonté des pauvres qui ne pourront pas être ingrats dans le Royaume. Ils nous recevront dans les tabernacles éternels.
C'est la seule planche de salut : entrez en miséricorde, laissez-vous adoucir. Même si la dureté liée à l'angoisse, même si l'âpreté due au calcul a tout dévoré, tout mobilisé dans notre passé, il reste encore une dernière issue. C'est la dernière : la miséricorde du coeur qui croit en la bonté des autres.
Et "si l'homme croit avoir beaucoup fait en pardonnant sept fois, le Père des Cieux pardonne soixante-dix sept fois sept fois", dit le Christ.
Pardonner déjà une fois, une seule fois vraiment, ce peut-être au-delà de nos forces. Alors, pardonner soixante-dix sept fois sept fois...? A l'entreprise qui a licencié ; au conjoint qui - sans nécessité - n'arrête pas de se plaindre ou de remettre la rengaine d'une critique destructrice ; au juge qui a voulu faire un exemple et a alourdi la peine ; à l'adolescent qui ne laisse pas de nouvelles à ses parents pendant quinze mois ; au responsable qui fait durer l'attente de l'accord promis et à celui qui susurre des calomnies pour se prémunir...
"Par-donner", je perds pied. Se refuser pour toujours à toute attitude d'élimination, de volonté de puissance, de besoin d'avoir raison ; renoncer à tout jugement péremptoire, à toute décision qui évince (sauf lorsqu'il s'agit d'hypothèses opposées au Credo), abandonner toute crispation stérilisante et toute critique négatrice...Seigneur, prends pitié ! Aide-moi ! >
 
APPARITION DE JESUS A EMMAUS
 
AUGUSTIN[xxxiv]
 
Cette exégèse est extraite de son Commentaire sur la Première Epître de Saint Jean. Elle est intitulée : "Digression sur l'Evangile du jour" (Traité II, 1-3).
 
Lc.,24,13-35.
 
Sur le texte : Et voici que, ce même jour, deux d'entre les disciples faisaient route vers un village du nom d'Emmaüs...jusqu'au passage : Et eux de raconter ce qui s'est passé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain. 
 
1. Tous les textes de la sainte Ecriture qui nous sont lus pour notre instruction et notre salut doivent être écoutés avec attention. Mais ceux-là surtout méritent d'être retenus qui sont les plus décisifs contre les hérétiques, dont les pièges sont une incessante menace pour les chrétiens quelque peu faibles et négligents. Souvenez-vous que Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous : mort à cause de nos péchés, ressuscité pour notre justification(a).
Vous venez justement d'entendre l'histoire des deux disciples que le Seigneur rencontra sur la route et qui ne le reconnurent pas, car leurs yeux étaient retenus[xxxv]. Lorsqu'il les rencontra, ils désespéraient de la Rédemption accomplie par le Christ ; ils pensaient qu'il avait souffert et était mort comme un homme, mais n'avaient pas idée que, en Fils de Dieu qu'il était, il fût toujours vivant : pour eux, il était mort dans la chair sans espoir de résurrection, comme l'un d'entre les Prophètes. Tels étaient leurs propos, comme vous venez de l'entendre, si du moins vous avez été attentifs. Alors le Christ leur ouvrit le sens des Ecritures : commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur montra que tout ce qu'il avait souffert avait été prédit, car il était à craindre que la Résurrection du Seigneur n'augmentât leur trouble et n'aggravât leurs doutes, si les évènements qui le concernaient n'avaient pas été prédits. Ce qui affermit la foi en effet, c'est que tout ce qui est arrivé au Christ a été prédit. Les disciples le reconnurent donc à la fraction du pain. Car il est vrai que celui qui n'y mange pas et n'y boit pas sa condamnation(b) reconnaît le Christ à la fraction du pain.
Dans la suite, les onze, eux aussi, pensaient voir un fantôme. Jésus se laissa toucher, lui qui s'était laissé crucifier : crucifier par ses ennemis, toucher par ses amis : néanmoins médecin de tous, et de l'impiété des uns, et de l'incrédulité des autres. Car, comme vous l'avez entendu lire dans les Actes des Apôtres, plusieurs milliers d'hommes, parmi les meurtriers du Christ, crurent en lui(c). Si ceux qui l'avaient mis à mort crurent par la suite, comment ceux-là n'auraient-ils pas cru, qui, un instant avaient cédé au doute ? Et pourtant - c'est une chose que vous devez bien comprendre et garder bien présente à la mémoire, parce que, à d'insidieuses erreurs, Dieu a voulu opposer le rempart des Ecritures que nul ne se hasarde à contredire, pour peu qu'il veuille faire figure de chrétien - le Seigneur ne jugea pas suffisant de se laisser toucher par les Apôtres, s'il ne faisait appel aux Ecritures pour confirmer leurs coeurs dans la foi. D'avance il nous voyait, nous qui devions venir : nous qui, du Christ, n'avons plus quelque chose à toucher, mais avons quelque chose à lire. Si en effet les Apôtres ont cru parce qu'ils l'avaient touché et palpé, nous, que pouvons-nous faire ? Désormais le Christ est remonté au ciel, il ne reviendra qu'à la fin pour juger les vivants et les morts : sur quoi reposera notre foi, sinon sur ce par quoi le Seigneur a voulu confirmer celle des Apôtres, alors même qu'ils le touchaient ? Il leur ouvrit donc le sens des Ecritures et leur montra qu'il fallait que le Christ souffrit et que fût accompli tout ce qui avait été écrit à son sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. Il embrassa l'ensemble de tout l'Ancien Testament. Dans ces Ecritures, tout passage, quel qu'il soit, rend le son du Christ : mais à condition qu'il y ait des oreilles pour l'entendre ! Et il leur ouvrit l'intelligence, afin qu'ils comprennent les Ecritures. Demandons-lui donc, nous aussi, qu'il nous ouvre l'intelligence.
2. Mais que nous montre le Seigneur d'écrit à son sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes ? Que nous montre-t-il ? Lui-même le dise ! En bref, l'Evangéliste nous l'a rapporté pour que nous sachions, en cette immense étendue des Ecritures, ce que nous devons croire et comprendre. Certes, il y a nombre de pages, nombre de livres : tous renferment ce que le Seigneur, en peu de mots, dit à ses disciples. Qu'est-ce donc ? Qu'il "fallait que le Christ souffrît et ressuscitât au troisième jour". Tu sais désormais, au sujet de l'Epoux, qu'il "fallait que le Christ souffrît et ressuscitât". Voilà pour l'Epoux. Au sujet de l'Epouse, voyons ce qu'il dit : connaissant l'Epoux et l'Epouse, c'est en connaissance de cause que tu viendras aux noces. Car toute célébration est célébration nuptiale : on y célèbre les noces de l'Eglise. Le Fils du Roi doit prendre femme, et le Fils du Roi est lui-même Roi ; et ceux qui assistent aux noces sont eux-mêmes l'Epouse. Il n'en est point comme des noces charnelles : autres y sont les assistants, autre l'épouse ; dans l'Eglise, les assistants, s'ils sont dans les dispositions voulues, deviennent l'Epouse. Toute l'Eglise en effet est l'Epouse du Christ, elle dont l'origine et les prémices sont la chair du Christ : c'est là que l'Epouse s'est unie à l'Epoux dans la chair. C'est à juste titre que, nous montrant le prix de sa chair, il a rompu le pain ; et c'est à juste titre que, à la fraction du pain, s'ouvrirent les yeux des disciples et qu'ils le reconnurent.
Qu'y a-t-il donc, nous dit le Seigneur, d'écrit à son sujet dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes ? Qu'il "fallait que le Christ souffrît". S'il n'ajoutait "et qu'il ressuscitât", ceux dont les yeux étaient empêchés de le reconnaître auraient eu raison de se lamenter ; mais qu'il ressusciterait, cela aussi est prédit. Et pourquoi cela ? pourquoi fallait-il que le Christ souffrît et ressuscitât ? La raison est donnée par le Psaume (21)[xxxvi] sur lequel nous avons attiré votre attention, mercredi, lors de la première réunion de la semaine dernière. Pourquoi fallait-il que le Chrsit souffrît et ressuscitât ? Voilà pourquoi : "Toutes les extrémités de la terre se ressouviendront du Seigneur et se tourneront vers lui, et toutes les patries des nations se prosterneront devant sa face(d)". En effet, afin que vous compreniez pourquoi il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât, qu'ajoute-t-il encore, après avoir attiré notre attention sur l'Epoux, pour l'attirer également sur l'Epouse ? "Que la pénitence et la rémission des péchés seraient prêchées en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem".
Vous avez entendu, frères, retenez-le bien ! Que personne ne doute que l'Eglise se soit répandue par toutes les nations ; que personne ne doute qu'elle a commencé par Jérusalem pour s'étendre à toutes les nations ! Nous reconnaissons le champ où la vigne fut plantée ; mais, la vigne une fois grandie, nous ne le reconnaissons plus, parce qu'elle a tout occupé. Où l'Eglise a-t-elle commencé ? "A Jérusalem". Jusqu'où s'est-elle étendue ? "A toutes les nations". Il en est peu qui restent au-dehors, elle les atteindra toutes. Et cependant, lors même qu'elle occupe le terrain, il est des sarments inutiles que le cultivateur croit devoir retrancher : ce sont eux qui ont fait les schismes et les hérésies. Ne vous laissez pas séduire par ces sarments retranchés, pour ne pas être retranchés vous-mêmes : invitez plutôt les sarments retranchés à se laisser réinsérer sur le cep. C'est un fait que le Christ est mort, est ressuscité, est monté aux cieux ; c'est aussi un fait que l'Eglise existe et qu'au nom du Christ la pénitence et la rémission des péchés sont prêchées à toutes les nations. Où est son origine ? "A commencer par Jérusalem". Cela, il l'entend l'homme stupide, vain, et que dire de plus ? aveugle, lui qui ne voit pas une si grande montagne et ferme les yeux à la lumière placée sur le chandelier.
3. Quand nous leur disons : si vous êtes chrétiens catholiques, soyez en communion avec l'Eglise d'où l'Evangile s'est répandu dans tout l'univers ; soyez en communion avec cette Jérusalem ; quand nous leur parlons ainsi, ils répondent : Nous ne sommes pas en communion avec cette ville où a été tué notre Roi, où a été tué notre Seigneur. Comme s'ils n'avaient que haine pour la ville où a été tué notre Seigneur ! Les Juifs ont tué celui qu'ils ont rencontré sur la terre, eux soufflent avec dérision contre celui qui siège au ciel. Lesquels sont pires, ceux qui l'ont méprisé parce qu'ils ne voyaient en lui qu'un homme ou ceux qui soufflent avec dérision sur les sacrements de celui que pourtant ils reconnaissent comme Dieu ? Ils haïssent, disent-ils, la ville dans laquelle a été tué le Seigneur ! Hommes pieux et compatissants, qui s'affligent fort de ce que le Christ ait été tué et qui tuent le Christ dans le coeur des hommes ! Lui pourtant, il a aimé cette ville et s'est ému sur elle : c'est de là qu'il a voulu que partît la prédication de son Evangile, "à commencer par Jérusalem". C'est là qu'il a voulu qu'on commençât à prêcher son nom : et la pensée d'entrer en communion avec cette ville te fait horreur ! Rien d'étonnant si, sarment coupé, tu hais la racine ! Que dit le Christ à ses disciples ? "Et vous, restez dans la ville, car je vous envoie celui que je vous ai promis(e)". Voilà la ville qu'ils haïssent. Peut-être l'aimeraient-ils, si les Juifs meurtriers du Christ l'habitaient ! On sait en effet que tous les meurtriers du Christ, c'est-à-dire les Juifs, ont été expulsés de cette ville[xxxvii] : parce que les chrétiens y sont. Elle comptait de furieux ennemis du Christ, elle a des adorateurs du Christ. Voilà pourquoi ils haïssent cette ville : parce que les chrétiens y sont. C'est là que le Christ a voulu que se tinssent ses disciples et là qu'il a voulu leur envoyer l'Esprit-Saint. Où a commencé l'Eglise, sinon là où l'Esprit-Saint vint du ciel et remplit le coeur des cent vingt disciples qui s'y trouvaient réunis ? Leur nombre de douze était décuplé. Cent vingt disciples se tenaient là : l'Esprit-Saint vint sur eux, emplit toute la maison, et il se fit un grand bruit, comme sous le coup d'un vent violent, et des langues qu'on eût dites de feu se distribuèrent sur eux. Vous avez entendu la lecture des Actes des Apôtres qu'on vous a faite aujourd'hui : "Ils se mirent à parler en langues selon que l'Esprit-Saint leur donnait de s'exprimer". Et tous ceux qui étaient là, Juifs venus de diverses nations, reconnaissaient chacun leur langue ; et ils s'étonnaient que ces gens ignorants et sans culture aient soudain appris, non pas une ou deux langues, mais toutes les langues de toutes les nations(f). Qu'en ce lieu donc on entendît alors résonner toutes les langues était le signe que toutes les langues devaient embrasser la foi. Or ces hommes qui aiment tant le Christ et en prennent prétexte pour refuser d'entrer en communion avec la ville qui l'a mis à mort, voilà comment ils honorent le Christ : en prétendant le limiter à deux langues, la latine et la punique, autrement dit l'africaine ! N'y a-t-il que le pays où l'on parle ces deux langues qui appartiennent au Christ ? Il n'y a en effet que ces deux langues que parlent les partisans de Donat, ils n'en ont pas d'autres.
Réveillons-nous, mes frères, voyons plutôt le don de l'Esprit de Dieu, croyons à ce qui par avance a été dit de lui et constatons que s'est accompli ce qui d'avance avait été dit dans le Psaume : "Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles dont la voix n'est pas entendue". Et pour que tu n'ailles pas croire que ce sont les langues qui sont venues en un même lieu, alors plutôt que c'est le don du Christ qui est venu à toutes les langues, écoute ce qui suit : "Leur son parcourt la terre, leurs accents vont jusqu'aux extrémités du monde". Pourquoi cela ? "Parce qu'il a placé sa tente en plein soleil(g)", c'est-à-dire à la vue de tous. Sa tente, c'est sa chair ; sa tente, c'est son Eglise ; elle est placée en plein soleil, non dans la nuit, mais dans le jour. Alors, comment ceux-ci ne l'ont-ils pas reconnue ? Revenez au texte sur lequel, hier, s'est terminée notre lecture, et voyez pourquoi ils ne l'ont pas reconnue : "Qui hait son frère marche dans les ténèbres et ne sait où il va ; car les ténèbres ont aveuglé ses yeux". Voyons donc ce qui suit, et évitons d'être dans les ténèbres. Comment éviterons-nous d'être dans les ténèbres ? Si nous aimons nos frères. Quelle sera la preuve que nous aimons l'ensemble de nos frères ? celle-ci : que nous ne déchirons pas l'unité, parce que nous gardons la charité.
 
(a) Rom.,4,25 ; (b) 1 Cor.,11,29 ; (c) Ac.,2,41 ; (d) Ps.,(21),28 ; (e) Lc.,24,43-49 ; (f) Ac.,1,15 ; 2,1-12 ; (g) Ps.,(18)4-6.
     


[i] Après avoir donné en tout premier la généalogie de Jésus-Christ [1,1-17], le premier évangéliste a décrit successivement, l'annonce à Joseph, la visite des Mages, la fuite en Egypte, le massacre des enfants de Bethléem, le retour d'Egypte avec l'établissement à Nazareth.             
< De couleur sombre, à la différence de ceux de Luc, ils racontent comment Jésus, le Messie promis, a été, dès son enfance, persécuté et rejeté par les Juifs, tandis que des païens (les Mages) sont venus l'adorer. Ils veulent expliquer également pourquoi Jésus, "né à Bethléem où il devait naître d'après les Ecritures et d'après son origine davidique, a cependant été amené à passer pour Nazaréen dans son ministère". En sens inverse, Luc explique pourquoi Jésus, conçu à Nazareth qui est sa patrie, est cependant né à Bethléem.
A la différence de ceux de Luc où la Vierge Marie est au premier plan, les récits de l'enfance par Matthieu sont centrés sur saint Joseph. Non seulement la généalogie est celle de Joseph, mais c'est lui qui partout occupe la première place, reçoit du ciel la révélation de la mission salvifique de l'enfant, lui donne lui-même le nom de Jésus, rôle assumé chez Luc par Marie. C'est que Joseph dont on a soin de nous dire qu'il est le fils de David [1,20], est le père légal de Jésus, et c'est cette paternité légale qui conférait les droits héréditaires, ici ceux de la lignée davidique et messianique.
En un tel contexte, les mentions fréquentes de Marie ne font que prendre plus de relief : manifestement l'évangéliste entend souligner la conception surnaturelle de Jésus qui n'a pas de père humain. Dans la généalogie, ce sont les hommes qui engendrent ; mais quand on arrive au Christ [1,16], la tournure change : il est dit "Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit Jésus". Chaque fois que Jésus est mentionné, il est mis en rapport avec Marie > (Texte de A. Feuillet, in Jésus et sa Mère, Edit. Gabalda, Paris 1978).
[ii] Dans sa note, A. FEUILLET se refuse à prendre parti dans cette controverse, ce qu'il va dire étant indépendant de la solution qu'on lui apporte.
[iii] Is.,42,6 : "Moi, Yahvé, je t'ai appelé dans la justice, je t'ai saisi par la main, et je t'ai modelé, j'ai fait de toi l'alliance du peuple, la lumière des nations,...
Is.,49,6 : ...il a dit : "C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur, pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants des tribus d'Israêl. Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre".
Le Père Feuillet a cru devoir apporter à ces considérations de l'abbé Laurentin ce correctif : < En réalité, l'universalisme de Luc 1-2 n'est même pas au niveau de celui des poèmes du Serviteur auxquels se rattachent Isaïe 42,6 et 49,6. En effet, dans les poèmes du Serviteur, ce qui est promis, c'est le salut purement religieux de tout homme, quel qu'il soit. La perspective de Luc 1-2 correspond bien plutôt à celle de l'ensemble du Deutéro-Isaïe où le salut à la fois politique et religieux d'Israël est au premier plan et où le salut des nations ne vient qu'en second lieu >.
[iv] Pour les lecteurs qui souhaiteraient étendre l'investigation nous indiquons ici les versets qui concernent Abraham, Gédéon et Samson : 1/ Gn.,17,1 et 18,1; Jg.,6, 11.12 ; Jg.,13,3.9.- 2/ Gn.,17,3 et 18,2 ; Jg.,6,22.23 ; Jg.,13,20-22.- 3/Gn.,17, 4-16 et 18,10 ; Jg.,6,14 ; Jg.,13,3.4.- 4/ Gn.,17,17 et Gn.,18,12 ; Jg.,6,15. (Ce maillon est manquant pour Samson en Jug.,13).- 5/ Gn.,17,19-21 et 18,13.14 ; Jg.,6,16-21 ; Jg.,13,20. 
[v] Virgin of all Virgins,70-77.,p.
[vi] Is.,7,14.15 : "C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.
Il mangera du lait caillé et du miel jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien".
[vii] Jusqu'à ces derniers temps, presque unanimement les exégètes catholiques ont admis que le prophète Isaïe avait annoncé la naissance virginale du Messie. C'est également la conviction du grand commentateur protestant O. Procksch (Jesaja I Leipzig 1930).
[viii] M. Zerwick observe avec raison que, par exemple, un message divin transmis par un ange a forcément quelque analogie avec un autre message divin transmis par un ange dans la même ambiance religieuse et culturelle. On n'est donc pas autorisé pour autant à parler d'un genre littéraire des annonces angéliques incompatible avec l'historicité des faits. Soit par exemple un des éléments principaux communs à ces récits : la question posée par le bénéficiaire de l'apparition ; elle s'explique fort bien psychologiquement ; elle est une donnée normale de ces expériences humaines exceptionnelles.
[ix] Lc.,1,36 : "Et voici qu'Elisabeth ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait la stérile".
[x] Cf.,3,17 ; 5,41 ; 7,11 ; 7,34 ; 14,36 ; 15,34.
[xi] THOMAS D'AQUIN, S.Theolog. 3 a Pars, quet. 32, art.I.
[xii] Ces versets de l'évangile de Matthieu sont placés sous le titre : Pourquoi Jésus parle en paraboles ? Ils constituent la seconde explication donnée par l'évangéliste qui rattache ainsi le genre parabolique au mode nécessaire de la révélation du mystère divin comme indiqué dans les versets prophétiques du Psaume 78,2 :
J'ouvre la bouche en paraboles        
j'évoque du passé les mystères.
Le précédent motif donné aux paraboles est celui précisé en 13,10-15 : Parce qu'à vous (mes disciples) il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, tandis qu'à ceux-là (les hommes des foules) ce n'est pas donné (v.11).
Chrysostome, par ailleurs, dit clairement que le Christ parlait en paraboles pour obliger ses disciples à l'interroger.          
[xiii] Les éléments plus complets concernant cette biographie figurent à notre T. I, L'Ancien Testament et les Pères de l'Eglise, p.110.
[xiv] (saint)Pantène: théologien sicilien, acquis à la philosophie stoïcienne; il passa au christianisme et dirigea l'école d'Alexandrie où il s'était établi vers 180, après un voyage missionnaire, sans doute en Arabie.
[xv] Didascalée (du grec didaskaleton: école): nom donné à l'école catéchétique d'Alexandrie qui dispensait son enseignement aux catéchumènes.
[xvi] Matthieu, 19,12.
[xvii] P.Hadot, "Origène et origénisme" in Encyclopaedia Universalis, pp, 230 à 232.
[xviii] Son oeuvre comporte des livres d'apologie et de polémique: "Réfutation de Celse",..., des livres théologiques: "Des Principes" ou Peri Archôn,..., des livres ascétiques: "Exhortation au martyre", "Sur la prière",...,.
[xix] Cette exégèse qu'évoque Origène pour la reprendre à son compte, doit avoir une source très ancienne (sans doute dès la fin du IIème siècle), car nous trouvons trace de l'explication de la parabole du Bon Samaritain dans Irénée (cf. BERTRAND DE MARGERIE, in IEPGO, p.86 et suiv.), et la dépendance de l'évêque de Lyon est grande, on le sait, à l'égard des presbytres, c'est-à-dire les Anciens, les premiers disciples du Seigneur. Chacun de ses traits reçut son explication allégorique, ce qui permit d'y voir en résumé, avec une grande précision dans les détails, tout le mystère de la Rédemption.
Précisons ici que la symbolique d'Irénée présente quelques différences avec celle d'Origène : les brigands sont plus précisément les démons qui n'ont pas seulement blessé l'homme mais l'ont encore laissé à moitié mort ; l'aubergiste auquel le Bon Samaritain confie cet homme, est le symbole de l'Esprit Saint, vu comme un principe de fructification et de multiplication des talents.                            
[xx] Origène a repris trois fois cette exégèse (in Cant. Prolog., in Jos.,hom., in Jug.,hom.). L'exil d'Adam, chassé du Paradis dans un monde mauvais, est symbolisé par la descente de Jérusalem à Jéricho. En 5, on voit l'homme dépouillé de ses vêtements, c'est-à-dire qu'il perd l'incorruptibilité et l'immortalité et qu'il est spolié de toute vertu.
[xxi] Pour tout homme la descente du Paradis de la béatitude dans le monde est la conséquence d'une chute ; pour le Christ, il n'en va pas de même puisqu'il est "descendu" pour sauver l'humanité. En ce sens, la parabole concerne le Christ et le mystère de son Incarnation rédemptrice.
[xxii] Telle est la différence entre le Christ qui est descendu en ce monde par obéissance au Père, "il y a été envoyé", et Adam qui y est descendu parce que, dans son libre arbitre, il a choisi la chute, "il a lui-même voulu descendre".
[xxiii] On trouve affirmée dans ce texte l'intériorité mutuelle du Père et du Fils qui est, pour Origène, une manière d'affirmer l'unité de la nature divine. Si Origène semble parfois réserver au parfait la contemplation du mystère de la Trinité, ailleurs il considère ce mystère comme objet indispensable de la foi de tout chrétien.
[xxiv] Ce traité de S. AMBROISE a été traduit, introduit et annoté par Dom Gabriel Tissot ; il a été réédité en 1971 au Cerf, Sources chrétiennes, n°45 bis.
[xxv] Rappel biographique concernant saint AMBROISE :
Né à Trêves dans le Palatinat v. 340, Ambroise était issu d'une grande famille romaine. Il fut lui-même fonctionnaire de l'Empire romain, gouverneur de Ligurie et d'Emilie v. 370, avec résidence à Milan. Encore catéchumène, il fut désigné pour l'épiscopat par l'enthousiasme populaire, afin de remplacer l'évêque arien Auxence. A l'âge de 34 ans, en 8 jours, il fut baptisé, ordonné et consacré. Il confiera à son clergé son absence de préparation spécifique au ministère d'exégète, mais que ses études antérieures pourraient l'aider dans sa tâche: connaissance du grec - rare à l'époque - aptitude à interpréter les sens littéral et allégorique des textes poétiques (Homère et Virgile). Nul ne doutait de son sens moral élevé. Assailli par les soldats de Valentinien II qui lui suscitait un compétiteur arien (386), il se réfugia avec la foule dans la basilique Porciana, entonnant avec ses fidèles plusieurs jours durant, les Psaumes et des hymnes de sa composition. Ce furent les premiers accents du chant alternatif. A la suite du massacre de la population de Thessalonique ordonné par l'Empereur Théodose, il interdit à celui-ci l'accès de Milan, et ne l'admit à la communion qu'après une longue expiation. Ambroise mourut à Milan en 397.
[xxvi] Pour éviter ces interférences au lecteur, nous avons privilégié deux des paraboles propres à Luc.
[xxvii] AUGUSTIN, in Confessions, livre V, XIV, 24 ; livre VI, IV,6.
[xxviii] Le nom du pauvre de la parabole : Lazare.
[xxix] Les cinq hérétiques ici nommés font pendant aux cinq frères du mauvais riche.
[xxx] On voit qu'Ambroise entend ici par les chiens ses collègues, les évêques !
[xxxi] Il s'agit du jugement général, non du jugement particulier, qu'Ambroise n'envisage pas, au moins à cet endroit.
[xxxii] En un raccourci qui ne va pas sans quelque obscurité, le n° 19 fait allusion : - au désir du mauvais riche de faire avertir ses frères demeurés sur terre ; - à la réponse d'Abraham qu'ils ont la Loi et les Prophètes ; - et même, déjà, à la péricope qui va suivre. Après quoi, Ambroise se ravise, et tire de la parabole, avant de la quitter, une dernière leçon de miséricorde.
[xxxiii] BERNARD BRO, dominicain, docteur en philosophie, a été professeur aux Facultés pontificales du Saulchoir, prédicateur de Notre-Dame de Paris, responsable des émissions religieuses à France-Culture et couronné par l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre, qui comprend notamment :
Transmettre la foi aujourd'hui (en collab. avec les cardinaux Ratzinger, Lustiger et Decourtray) Centurion, 1983.
La Beauté sauvera le monde, au Cerf 1990, ouvrage couronné par l'Académie française.                       
Aime et tu sauras tout, Fayard 1998, ouvrage auquel est emprunté ce commentaire.
[xxxiv] Rappel biographique: Augustin est né en 354, à Thagaste (Souk-Ahras) en Algérie actuelle, aux confins de la Tunisie, de père païen (Patricius) et de mère chrétienne (Monique). De 19 à 28 ans, il professa l'éloquence à Thagaste, à Carthage, à Rome, puis sur la recommandation de Symmaque à Milan (384). Il avait alors trente ans. Depuis l'âge de dix-sept ans il vivait avec une compagne dont il eut un fils prénommé Adéodat qui mourut à l'âge de dix sept ans. C'est à Milan où sa mère l'avait rejoint que s'acheva son évolution spirituelle et qu'il se sépara de sa compagne (385). Son adhésion au christianisme, selon ses Confessions, survint alors qu'il séjournait en août 386, dans le jardin de sa maison à Milan: une voix se fit entendre lui intimant l'ordre de suivre l'enseignement de saint Paul: Tolle, lege ! Tolle, lege !(Prends, lis). 
Il fut baptisé un an plus tard et, revenu en Afrique, il reçut la prêtrise dans des conditions tout à fait inattendues pour lui. "Alors qu'il assistait à un office à Hippone, il entendit l'évêque Valérius exposer le besoin qu'avait son diocèse d'un prêtre de plus. C'est avec inquiétude qu'Augustin vit les regards converger vers lui. Et ce qu'il redoutait arriva: selon les coutumes du temps, on l'acclama, on le porta aux pieds de l'évêque. Il s'inclina devant les desseins de la Providence et, sur l'heure, fut ordonné prêtre de l'Eglise d'Hippone". Quatre ans plus tard il était nommé coadjuteur de Valérius, alors très âgé, avec promesse de succession. En 396, à la mort de l'évêque, il devenait le chef de l'Eglise d'Hippone, la seconde ville d'Afrique, et recevait l'appui de son ami Aurelius, primat de Carthage , conférant à son action apostolique toute l'autorité canonique nécessaire. Il resta évêque d'Hippone jusqu'à l'arrivée des Vandales. Des troupes de Goths avaient été envoyées pour défendre l'Afrique. Après une première défaite, "le comte d'Afrique Boniface qui les commandait, s'enferma dans Hippone assiégé. Malgré son âge (76 ans) et le siège, Augustin accomplit scrupuleusement les devoirs de sa charge: prier, écrire, enseigner son peuple, visiter les nombreux réfugiés qui cherchaient dans les remparts d'Hippone une défense provisoire contre les Barbares. Il tomba malade au troisième mois du siège, et ayant légué ses biens à l'Eglise d'Hippone, il mourut en août 430. Lorsque, après un siège de dix huit mois, les Vandales s'emparèrent de la ville, l'incendiant et la pillant, ils respectèrent le tombeau et la bibliothèque d'Augustin".
[xxxv] Augustin fait ici allusion au verset ultérieur [24,49] où ]e Christ donne ses instructions aux apôtres en l'attente de l'Esprit de la Pentecôte : "Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut".
[xxxvi] Augustin s'appuie sur le texte de ce Psaume pour argumenter contre le particularisme des donatistes auxquels il oppose l'universalité de la Rédemption.
[xxxvii] EUSEBE DE CESAREE, dans son Histoire Ecclésiastique (IV,6), nous dit que l'empereur Hadrien avait défendu aux Juifs de revenir à Jérusalem. TERTULLIEN, dans son Apologétique (ch.XXI) affirme que les Juifs étaient bannis de leur patrie sous le règne de l'empereur Sévère. Enfin l'empereur Constantin le Grand, au témoignage de CHRYSOSTOME (Homélie III contre les Juifs), avait puni et exilé les Juifs qui avaient entrepris contre sa volonté de rebâtir Jérusalem.


Date de création : 14/03/2007 @ 14:52
Dernière modification : 14/03/2007 @ 14:52
Catégorie : Théologie 2
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