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Synthèses - La conception de lâme selon la quête de François Cheng
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LA CONCEPTION DE LÂME
Les traditions historiques de lhumanité, trésor inouï que nous ont légué les Anciens ont permis à notre académicien den fournir un panorama, partant du constat que personne dentre nous nest venu de nulle part et, comme la dit un poète anglais, « nul nest une île ». Du côté de la Chine De ce côté, la conception de lâme vient essentiellement de la tradition taoïste. Selon celle-ci, lâme humaine, animée par le Souffle primordial, comporte deux instances : une partie supérieure ayant une dimension céleste appelée hun, et une partie inférieure, de dimension terrestre, appelée po. Du vivant de la personne, hun et po combinés lui donnent la possibilité de vivre en bonne intelligence avec la Terre, tout en lui offrant une ouverture vers la sphère qui transcende lespace et le temps. Cela représente lidéal. Mais hun peut connaître lobscurcissement et po la corruption. Dans le cas extrême de la négation de la Vie, le hun-po aboutit à son propre anéantissement. Sinon, selon la « norme », à la mort de la personne, son po réintègre la Terre et son hun rejoint le Ciel, lieu de son origine. Il convient de signaler ici que, dans la langue moderne, le mot «âme» se dit ling-hun, comportant le mot ling, quon peut traduire par « essence de lâme ». Il se trouve que ce substantif a aussi un emploi verbal qui signifie «être efficace». De tout temps, la pensée chinoise conçoit comme naturel le fait que seule une âme humaine faisant un avec lâme divine peut assurer une vie efficiente. Jajoute quen chinois lexpression «veiller un mort», shou-ling, signifie littéralement « veiller une âme ». En Asie On trouve lautre pôle fondamental qui est celui la pensée indienne. Comme Cheng la peu étudiée, il préfère emprunter à Zéno Bianu, grand connaisseur, la présentation suivante de la conception hindouiste de lâme. De même que lunivers est soumis à des cycles, explique-t-il dans son livre Sagesses de la mort, « lêtre humain est en son essence soumis à une migration indéfinie. Au vrai, son âme possède une vocation doiseau migrateur, qui la conduit à voler vertigineusement de corps en corps, à travers les strates dun temps circulaire... Pour les hindous, nous sommes les réceptacles dune entité éternelle, âtman, préexistant à notre naissance et subsistant après notre mort. Lâtman est cet homme réel qui, avant de mouvoir notre corps, a animé successivement dinnombrables enveloppes vivantes, selon une progression continue du végétal à lanimal, puis à lhomme (et même parfois au dieu) ». Ce qui lintéresse dans cette vision où, comme le rappelle Zéno Bianu, on ne dit pas de lhomme qui meurt quil « rend lâme», mais quil «abandonne son corps» , cest que lâme ainsi conçue est porteuse dune mémoire : « En mourant, lhomme emporte avec lui la nécessité dépuiser dans dautres vies les conséquences, les effets de ses actes présents et passés, bons ou mauvais. » Il y a donc une dimension éthique, une responsabilité à laquelle lhomme ne saurait échapper, et cette perspective ouvre sur un horizon de libération : « En vérité, dit Krishna, des fruits du bien et du mal tu seras libéré. » Le bouddhisme, né en Inde, a repris la notion de karma de la culture indienne, mais en la subvertissant totalement. Car lidée même dun Soi, dune « âme » qui transmigrerait de corps en corps jusquà la libération finale, est remise radicalement en cause par le Bouddha Shakyamuni. Tel est lanâtman, la doctrine du non-soi. Tout ce qui ressemble à une entité permanente qui pourrait subsister par-delà les réincarnations nest à ses yeux quillusion. Lunité de lêtre nest quapparente, tout au plus peut-on postuler en lui cinq « agrégats » qui, comme leur nom lindique, ne sont que temporairement agrégés dans lindividu, le temps de son existence. Et celui-ci ne mérite plus son nom, il nest plus indivisible, puisque la mort fait exploser son illusoire apparence de cohérence. Cest précisément lattachement à cette apparence dun « je » qui crée la souffrance, et tous les malheurs du monde. Le bouddhisme est donc, de toutes les traditions, la plus radicale dans son « agnosticisme » vis-à-vis de lâme. Méfions-nous, certes, des raccourcis trompeurs qui le comparent à un nihilisme, mais il nen reste pas moins que son anthropologie est étrangère à toutes les autres. Contrairement à ce que croient beaucoup dOccidentaux, la compassion bouddhiste, par exemple, nest en rien comparable à lamour de type judéo-chrétien : elle ne naît pas dun rapport dâme à âme, mais se fonde justement sur le fait que dans un univers dimpermanence totale, tous les êtres vivants sont interdépendants, dénués de cette unicité qui leur fait croire à leur autonomie. Vision intéressante, mais dont on mesure mal en général létrangeté fondamentale. La vision de la Grèce À côté des pensées orientales, cette vision nous semble plus familière. Mais en réalité, telle quelle transparaît dans les écrits de Platon, où mythes et drames vécus se mêlent aux interprétations rationnelles, elle nen est pas moins assez complexe. Nous pouvons en lire de longs développements dans le Phèdre et La République. Sans vouloir nous assommer de culture classique, François Cheng voudrait seulement partager avec nous quelques lignes que notre interrogation la poussé à retrouver dans sa bibliothèque. Par exemple, ce passage imagé du Phèdre qui nous montre combien les Grecs sont conscients de la tension interne qui existe en lâme et de ses différentes composantes parfois contradictoires : « Imaginons donc lâme comme une puissance dans laquelle sont naturellement réunis un attelage et un cocher, soutenus par des ailes. Chez les dieux, les chevaux et les cochers sont tous bons et de bonne race, mais hors de ce cas leurs qualités sont mêlées. Chez nous, il y a dabord celui qui commande, et conduit les deux bêtes attelées, mais si lun des chevaux est excellent, et dexcellente race, lautre est tout le contraire, par lui-même et par son origine : dès lors la conduite de lattelage, dans notre cas, est un métier difficile et ingrat. Comment, dans ces conditions, lêtre vivant est-il appelé mortel ou immortel, cest ce quil faut tâcher dexposer. Tout ce qui est âme a charge de tout ce qui est inanimé ; cette âme circule à travers tout le ciel tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Quand elle est parfaite, et porte des ailes, elle sélève dans les hauteurs et gouverne le monde entier ; quand elle a perdu ses ailes, elle est entraînée jusquà ce quelle saisisse quelque chose de solide ; là, elle établit sa demeure, prend un corps terrestre qui semble se mouvoir de son propre mouvement grâce à la force qui appartient à lâme ; lensemble ainsi constitué, corps et âme unis, reçoit le nom de vivant, et on le qualifie de mortel. Quant au terme dimmortel, on ne peut en rendre compte par aucun raisonnement en forme. Mais nous forgeons, sans voir et sans connaître suffisamment la divinité, une idée de celle-ci ; cest un être vivant immortel, pourvu dune âme et dun corps, naturellement unis et pour toujours... Laile a reçu de la nature le pouvoir dentraîner vers le haut ce qui pèse, en lélevant du côté où demeure la race des dieux. Cest elle qui, dune certaine manière, parmi toutes les choses corporelles, participe le plus au divin. Or le divin est beau, sage, bon, et possède toutes les qualités de cet ordre : cest là ce qui nourrit et développe le mieux les ailes de lâme, tandis que la laideur, le mal, les défauts contraires aux précédentes qualités causent leur ruine et leur destruction... » La conception quexpose ce passage prévoit que peu importe létat (humain ou divin) dans lequel lâme vit, elle nest jamais sans être unie à un corps. Chez les mortels, elle sincarne successivement, mais en elle-même elle demeure immortelle, et nous fait donc participer dune dimension divine. Lidée de limmortalité de lâme sera fortement affirmée ailleurs, notamment dans Le Banquet. Voilà qui est intéressant pour nous, mais cette vision dualiste va dans le sens dune dépréciation du corps, qui sera vu dans la tradition platoni-cienne comme le « tombeau de lâme » - ou sa cage, si lon reprend limage de loiseau. On le voit bien dans le passage suivant du Phédon : « Tant que nous aurons le corps, et quun mal de cette sorte restera mêlé à la pâte de notre âme, il est impossible que nous possédions jamais en suffisance ce à quoi nous aspirons; et, nous laffirmons, ce à quoi nous aspirons, cest le Vrai. Le corps en effet est pour nous source de mille affairements, car il est nécessaire de le nourrir; en outre, si des maladies surviennent, elles sont autant dobstacles dans notre chasse à ce qui est. Désirs, appétits, peurs, simulacres en tout genre, futilités, il nous en remplit si bien que, comme on dit, pour de vrai et pour de bon, à cause de lui il ne nous sera jamais possible de penser, et sur rien. Prenons les guerres, les révolutions, les conflits : rien dautre ne les suscite que le corps et les appétits. Car toutes les guerres ont pour origine lappropriation des richesses. Or, ces richesses, cest le corps qui nous force à les acquérir, cest son service qui nous rend esclaves. Et cest encore lui qui fait que nous navons jamais de temps libre pour la philosophie, à cause de toutes ces affaires... Pour nous, réellement, la preuve est faite : si nous devons jamais servir purement quelque chose, il faut que nous nous séparions de lui et que nous considérions avec lâme elle-même les choses elles-mêmes. Alors, à ce quil semble, nous appartiendra enfin ce que nous désirons et dont nous affirmons que nous sommes amoureux : la pensée. Cela, une fois que nous aurons cessé de vivre, et non pas - tel est le sens du raisonnement - de notre vivant. Car sil est impossible, en la compagnie du corps, de rien connaître purement, de deux choses lune : ou bien il nexiste aucune manière possible dacquérir le savoir, ou bien cest une fois quon en aura fini, puisque cest alors que lâme, elle-même en elle-même, sera séparée du corps, mais pas avant... » Toujours du côté de la Grèce, après Platon mettant en scène lenseignement de Socrate, Aristote, à lesprit plus concret, distingue trois âmes : lâme nutritive, commune aux végétaux et aux animaux ; lâme sensitive, spécifique aux animaux ; et lâme pensante, qui donne aux humains un statut particulier parmi tous les vivants. Après la Grèce, tout naturellement, les trois monothéismes captent le regard de Cheng Le judaïsme dabord, le premier dentre eux Cheng se base ici sur le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, remarquable de clarté. Dans la Bible, dune façon générale, des mots tels que nèfech, rouah, nechamah, traduits habituellement par «âme» ou «esprit», désignent la vie ou la personnalité de lindividu. Les livres plus tardifs contiennent des passages que lon peut comprendre comme une référence à lesprit ou lâme séparée du corps : « Lâme de mon seigneur sera enfermée dans le sachet de vie auprès de lÉternel ton Dieu » ( 1 S 25,29) ou : « Tout va vers un lieu identique : tout vient de la poussière et tout retourne à la poussière. Qui sait si le souffle des fils dhomme monte vers le haut ou si le souffle des bêtes descend en bas vers la terre » (Qo 3,20- 21). Pour les sages du Talmud, lâme humaine est séparée du corps. Ils établissent une analogie entre la relation de Dieu au monde et celle du corps à lâme. Lorsque David dit cinq fois dans les Psaumes : « Loue lÉtemel, ô mon âme », il le fait, selon les sages, en référence à Dieu et à lâme : « De même que Dieu emplit le monde entier, lâme emplit tout le corps ; de même que Dieu voit mais ne peut être vu, lâme voit mais ne peut être vue ; de même que Dieu nourrit le monde entier, lâme nourrit tout le corps ; Dieu est pur, lâme aussi ; Dieu réside en un lieu très secret, lâme aussi. » Et de conclure : « Il est bon que lâme qui possède ces cinq attributs vienne glorifier Celui qui possède ces cinq attributs » (Talmud de Babylone, Berakhot 10a). Une autre version déclare : « Lâme survit au corps et Dieu survit au monde » (Lévitique Rabba 4,8). Cette affirmation se récite dans la liturgie du matin, dans une prière que lon trouve dans le Talmud : «Mon Dieu, lâme que tu me donnes est pure. Tu la créas. Tu la formas. Tu me linsufflas. Tu la préservas en moi et tu me la prendras, mais me la rendras dans la vie future... Bénis sois- tu, mon seigneur, qui rends lâme aux morts. » En reconnaissant que lâme quil a reçue est « pure », le fidèle assume la responsabilité du combat moral et son issue, il admet que la tâche de lhomme est de rendre à Dieu à la fin de chaque jour et surtout à la fin de sa vie une âme sans tache et non corrompue par ses contacts avec le mal. Au Moyen Âge, un Maïmonide, qui suit généralement Aristote, concilie sa philosophie avec le judaïsme. Pour lui, lâme est essentiellement une, mais sexprime à travers cinq facultés différentes : nutritive, sensitive, imaginative, émotionnelle et rationnelle. Tandis que les quatre premiers aspects de lâme périssent avec la mort du corps, chaque personne a la possibilité daccéder à limmortalité en développant sa faculté rationnelle en une entité non plus potentielle mais parfaite, devenant par là permanente et indestructible. Cette notion dune âme qui se développe met en évidence la liberté de choix de lhomme et lie la récompense ultime (immortalité de lâme avec Dieu) et la punition (disparition complète) de lindividu à ses propres actions. En revanche, les opinions dun Yehouda Halévy et dun Hasdaï Crescas apparaissent plus proches de la tendance générale du judaïsme, à savoir que le développement de lâme vers limmortalité, qui est la communion avec Dieu, dépend, en premier lieu, non dune activité intellectuelle ou dune acquisition de savoir (faculté rationnelle), mais des actions morales et de lamour de Dieu. À propos de la « vie éternelle », François Cheng précise que pour les rabbins, le monde à venir signifie une existence toute spirituelle à laquelle accède lâme méritante après la mort physique, dans laquelle « il ny a ni manger ni boire, mais où les justes jouissent de la splendeur de la Présence divine » (Berakhot 17a). La tradition musulmane Très proche en fait de la judaïque (y compris dans les racines étymologiques de son vocabulaire spirituel), parle par exemple de Rûh comme la Bible parle de Ruah Mais là aussi, nombre de philosophes ont développé tout un vocabulaire pour distinguer ce qui relève des fonctions physiologiques, psychiques et spirituelles de lêtre. Surtout, les grands mystiques soufis ont créé, chacun suivant sa perspective, toute une typologie des âmes, distinguées suivant les qualités du fidèle quelles expriment sur son chemin spirituel. « Au fur et à mesure de son épuration par un procédé de rappel (Dhikr), explique Faouzi Skali dans La Voie soufïe, lâme gravite à travers les étapes qui doivent la mener à la connaissance de Dieu. À chaque nouvelle étape, lâme apparaît avec de nouveaux caractères. » Cest que les soufis envisagent lâme dans leur perspective initiatique, il sagit donc pour elle de passer de « stations » en « stations », dans un voyage de mondes en mondes de plus en plus proches du divin, qui a donné lieu à de très riches métaphores poétiques. Métaphores souvent amoureuses (lAimé à la recherche de son Amant divin), mais la plus connue sans doute, et lune des plus suggestives, nous vient du poète persan Attar dans sa Conférence des oiseaux : une trentaine doiseaux pèlerins partent à la recherche de leur roi, traversent mille épreuves et mille mondes, avant de découvrir que ce souverain mythique, le Simorgh, nest autre que leur moi profond. Le christianisme Quant à lui, a repris beaucoup déléments du judaïsme. Mais de façon singulière, il met en avant la valeur de la personne. Unicité de chaque être, unicité de chaque destin aussi. Lidée de la réincarnation lui est étrangère, puisque la résurrection quil promet nest pas dans le renouvellement dune existence du même ordre ; elle relève dun autre ordre marqué par la transfiguration de lexpérience vécue éprouvée par lamour. Comme le Christ, tout en affrontant le mal extrême, a incarné le bien absolu, tout le spectre des actes dont lâme humaine est capable nous est montré à travers les protagonistes du récit évangélique. Par la suite, au long des siècles, les théologiens successifs ont reconnu en lâme humaine une partie supérieure capable délévation sublime et une partie inférieure susceptible de céder à lattraction du mal sous toutes ses formes. Surtout, les Pères de lEglise, ceux-là mêmes qui ont élaboré cette vision si singulière dun Dieu à la fois Trois et Un, ont donné en quelque sorte une correspondance terrestre à la Trinité, à travers leur vision ternaire de lhomme, en tant que corps-âme-esprit. Lhomme ayant été créé « à limage de Dieu », il était tout naturel aux yeux de ces Pères que la circulation de la vie en lui se fasse sur le mode ternaire. Ainsi lordre de la vie humaine répondait comme en écho à celui de la Vie divine. Oui, la triade corps-âme-esprit est lintuition peut-être la plus géniale des premiers siècles du christianisme intuition quasi oubliée par lOccident qui lui a préféré le dualisme corps-esprit à partir du deuxième millénaire, mais qui reste encore vivante dans lOrient chrétien. Les trois entités complémentaires et solidaires de cette triade peuvent entretenir des tensions entre elles. La contradiction peut exister entre corps et âme ou entre corps et esprit. Mais le jeu dialectique majeur, parce que fécond, se joue entre âme et esprit[2]. Ce qui est en jeu est toute une série de rapports entre le particulier et le général, entre lintérieur et lextérieur, entre laffectif et le rationnel, entre la passion et la raison, entre le besoin de limaginaire et lexigence du réel, entre linexprimable et lexprimé, entre la mémoire enfouie et le présent dominé, entre lintuition de linfini et la conscience de la finitude... À lheure décisive, la distinction entre âme et esprit est nette, comme laffirme saint Paul dans lépître aux Hébreux : « La Parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante quun glaive, pénétrante jusquà séparer âme et esprit, jointures et moelles. » Et dans ce face-à-face entre ces deux pôles, ne croyez pas que létat de poète de Cheng lamène à prendre le parti exclusif de lâme, au nom de je ne sais quel antiintellectualisme. Non, une nouvelle fois, il reconnait volontiers le rôle majeur de lesprit. Cest lui qui permet à lâme de prendre conscience et de se développer. Cest lui qui rend possibles construction et réalisation. Sa place est centrale. Pourtant, par rapport à cette centralité, il croit quil faut attribuer à lâme une place à la fois initiale et ultime. Comme je lai souligné précédemment, au plan individuel, lesprit peut connaître déficience ou défaillance, et ces circonstances quelles soient dues à la maladie, à lâge, au handicap nous font réaliser que seule lâme demeure entière le long dun parcours terrestre, en tant que marque indélébile dune unicité et, finalement, dune unité dêtre. Ce survol amène François Cheng, en effet, à un constat essentiel : à part le bouddhisme dans la version la plus extrême de sa doctrine, toutes les grandes traditions spirituelles ont pour point commun daffirmer une perspective de lâme située au-delà de la mort corporelle. Cette affirmation est basée sur lidée que lâme de chaque être est reliée au Souffle primordial qui est, il la dit, le principe de Vie même. Compte tenu de ce fait, notre âme, animée par un authentique désir dêtre, a le don de nous rappeler quelle que soit notre « croyance » combien la vie de chacun de nous participe dune immense aventure que les Chinois nomment le Tao, la Voie, aventure unique en réalité qui connaîtra des transformations mais point de fin.
[1] François Cheng, DE LÂME, Albin Michel, novembre 2016, pp.53-69. [2] En exploitant les ressources phonologiques de notre langue, lacadémicien François Cheng est parvenu à formuler les différences qui existent entre lesprit et lâme : lesprit raisonne tandis que lâme résonne ; lesprit se meut et lâme sémeut ; lesprit communique alors que lâme communie.Lesprit yang « masculin », lâme « yin « féminin ». Ces formules, au risque de trop simplifier ont peut-être le mérite de nous montrer le lien intime qui unit les deux, tout en soulignant ce qui est spécifique à chacun Si lesprit aide le sujet à prendre conscience de la réalité de son âme, celle-ci recèle un état qui se situe en deçà à moins que ce ne soit au-delà du langage. Constituant la plus intime, la plus secrète, la plus inexprimable et la plus vitale de chaque être, absolument spécifique à lui, elle demeure en lui dès avant sa naissance, cela jusquà son dernier souffle (41-42).
Date de création : 17/04/2017 @ 14:51 Réactions à cet article
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