Parcours
Parcours lévinassien
Parcours axiologique
Parcours cartésien
Parcours hellénique
Parcours ricordien
Parcours spinoziste
Parcours habermassien
Parcours deleuzien
Parcours bergsonien
Parcours augustinien Parcours braguien
Parcours boutangien
Glossématique
Synthèses
Ouvrages publiés Suivi des progrès aux USA
Parcours psychophysique
L'art et la science
Parcours nietzschéen
Philosophies médiévales Autres perspectives
Archéologie Economie
Sciences politiques
Sociologie
Poésie
Théologie 1
Théologie 2
Théologie 3
Psychanalyse générale
Points dhistoire revisités
Edification morale par les fables
Histoire
Phénoménologie
Philosophie et science
Mises à jour du site
05/06/2017 ajout:
17/04//2017 ajout :
Sociologie
18/02//2017 ajout :
21/01//2017 ajout : Liens Wikipédia
Visites
visiteurs visiteurs en ligne |
Economie - L'économie numérique
LÉCONOMIE NUMÉRIQUE
LA DICTATURE INVISIBLE DU NUMÉRIQUE[1]
Pour tenter de sortir de la dépendance aux marchés financiers, trouver un nouveau souffle, le système mise sur les accords de libre-échange, mais aussi et surtout sur le numérique et les entreprises dInternet, ce « septième continent[2] » Celles-ci sont incarnées par les GAFA, Google, Apple, Facebook, Amazon, auxquels il faut ajouter Microsoft , pour constituer les GAFAM[3]. Ce sont les nouveaux maîtres du monde, ou du moins ils aspirent à lêtre. Le capitalisme numérique, inspiré de ce quon appelle le modèle californien, présente les mêmes caractéristiques que le capitalisme financier. Lun de ses thuriféraires en est dailleurs le petit-fils de Milton FRIEDMAN, Patri FRIEDMAN, pour qui « le gouvernement est une industrie inefficace et la démocratie inadaptée[4] ». La technologie nest plus un outil, un moyen de développer léconomie pour le bien-être de tous, mais une fin en soi. Une philosophie, même. Léconomie numérique, née du mariage de linformatique et des réseaux de télécommunications, est une nouvelle phase dans les processus de production de biens et de services. Mais elle est plus que cela, puisquelle touche toutes les activités humaines. En ce sens, cest bien une révolution. Cette troisième révolution industrielle (la deuxième ayant eu comme vecteur lélectricité et le pétrole) a une matière première : les données. Des données que les progrès technologiques permettent de traiter, de stocker, dexploiter, de tronquer, voire de truquer. Les prévisions pour lavenir « En 2020, on traitera par an 40 zettaoctets [(1 zettaoctet = 1 millier de milliards de milliards doctets dinformations], cest-à-dire plus quil ny a de grains de sable sur toute la planète. On doublera en 2021... et ce nest que le début. Nous avons la capacité de traiter, de stocker toutes ces données. Les applications sont absolument infinies[5]. » Chaque minute, 300 000 tweets, 15 millions de SMS, 204 millions de mails sont envoyés sur les réseaux. Les GAFA détiennent 80 % des informations personnelles numériques de lhumanité. Sur les treize serveurs qui gèrent les noms de domaine, neuf sont américains. Léconomie numérique, loin de pâtir de la crise, en a profité. On peut même dire quelle la .accélérée. Au nom du principe de SCHUMPETER : il faut détruire lancien monde pour reconstruire le nouveau. Le poids des GAFAM est devenu tel que le pouvoir politique et financier américain ne peut plus rien leur refuser. Les relations avec la NSA (National Security Agency[6]) sont désormais connues. Sans la collaboration des entreprises de la Silicon Valley, pas de réseau Echelon, pas découtes régies par les algorithmes. Derrière lalibi de la lutte contre le terrorisme, la NSA pratique bel et bien lespionnage économique et politique, pour le plus grand profit des intérêts américains, qui se trouvent être ceux du big business et des GAFAM. Ce qui reste du pouvoir politique a mis des années à comprendre que la prospérité de ces entreprises numériques était également fondée sur des pratiques systématiques doptimisation, pour ne pas dire dévasion fiscale Les nouveaux piliers de léconomie américaine Aujourdhui, on essaie, des deux côtés de lAtlantique, de récupérer un peu de matière fiscale, mais la puissance de ces trusts du XXIe siècle est devenue telle quils ont des moyens de chantage fort efficaces. Les GAFAM, comme les grandes banques, sont devenus les piliers de léconomie américaine. Il suffit de regarder les palmarès des capitalisations boursières. Aux deux premiers rangs : Alphabet, maison mère de Google, avec plus de 750 milliards de dollars, et Apple, 670 milliards. On peut y ajouter Amazon (370 milliards), Microsoft (390), Facebook (200), Oracle (180). Le Nasdaq est le lieu de cotation privilégié à New York des entreprises technologiques du monde entier. Ces géants du Web sont assis sur des montagnes de cash, localisées dans les paradis fiscaux. Cela leur permet de faire une razzia sur toutes les start up qui peuvent les intéresser. Chaque jour, on annonce un nouveau rachat. Tous les secteurs dactivité sont concernés : lintelligence artificielle bien sûr, les drones, léducation, la médecine... À coups de milliards de do1lars, ces géants cherchent à conserver leur position monopolistique. À limage de ce quavaient fait les Rockefeller dans le secteur pétrolier au début du XXe siècle. Mais cette fois, le cas de figure est très différent. Car, avec leur monopole sur le traitement des données, ces nouveaux trusts du numérique touchent à tous les domaines de lactivité humaine, à la vie privée, au comportement des individus. Lidée sous-jacente est de conférer au système bancaire le monopole de la circulation monétaire En valorisant le concept de communauté dutilisateurs hors frontières, qui correspond à une idéologie hyper individualiste, ces géants du Web ont monté les populations contre les États et ceux qui sont censés les incarner, pour mieux asseoir leur domination. Capitalisme financier et capitalisme numérique vont se faire la courte échelle en matière de moyens de paiement. Lidée, non encore exprimée officiellement, est de donner au système bancaire le monopole de la circulation monétaire. Comment ? En supprimant peu à peu les espèces. « Le 7 avril 2057, les collectionneurs sarrachent les vieux billets en euro. » Cet épisode du Journal du futur, la série estivale danticipation de RTL saison 2016, ne nous transporte pas dans un monde où la monnaie unique, disparue, fait le bonheur des numismates. Cest un monde où le billet, le cash, sest évanoui au profit des moyens de paiement électroniques, voire dune monnaie digitale lointaine cousine du Bitcoin. «Le mouvement est irrémédiable, et on voit déjà apparaître un nouveau système qui ringardise les banques traditionnelles : la blockchain. Désormais, on fait confiance à son collègue et plus aux organismes bancaires. La technologie garantit la confidentialité », tel est le constat fixé en 2016 sur lequel se fonde lanticipation. Pour lauditeur, une bonne nouvelle au moins dans ce maelstrôm : la disparition des banques. Grossière erreur. Outre que cette petite pastille est sponsorisée par BNP-Paribas, les banques elles- mêmes sont déjà sur le qui-vive pour organiser cette transition, comme la révélé un article du New York Times[7]. En réalité, le cash est devenu le nouvel ennemi numéro un de la finance. Mais pas question davancer au grand jour Cest sous le prétexte toujours efficace de lutte contre le crime organisé, friand de grosses coupures, quau début 2016 la Banque centrale européenne, renonçant à retirer de la circulation purement et simplement le billet de 500 euros, a finalement cessé toute nouvelle émission. À lété 2015, toujours avec le même argument qui fait mouche dans le public, le gouvernement français a réduit le plafond de paiement en liquide à 1000 euros. Sauf que cette restriction ne sapplique pas aux résidents étrangers (spontanément honnêtes, selon le gouvernement), puisque ceux-ci peuvent encore faire leurs emplettes en cash à hauteur de 15000 euros. Ce seul grand écart incite à chercher ailleurs que dans la lutte contre la délinquance lobjectif de mise à mort des espèces sonnantes ou de papier. Parmi les économistes les plus investis dans cette grande corrida, sest imposé Larry SUMMERS. Lancien ministre de lEconomie de Bill Clinton (lhomme à qui lon doit la fin du Steagall Act, principal fait générateur de la crise de 2008), champion du lobby bancaire, a mis une banderille[8] remarquée. Celle de Kenneth ROGOFF[9], professeur de finance au MIT, qui lui dispute le titre, donne cependant la clé du mystère. Dans un papier académique, ROGOFF explique que le billet, en ce quil représente une créance sûre et certaine sans taux dintérêt, est une menace pour le système financier Plus encore depuis que les banques centrales des principales zones monétaires de la planète ont été contraintes de pratiquer une politique inédite de taux dintérêts négatifs. Dès lors, stocker du cash en liquide est plus intéressant que de le déposer à la banque. Pour les particuliers, mais aussi les grands groupes. Munich RE, un des principaux réassureurs de la planète, a officiellement mis en place cette stratégie, bourrant ses coffres de cash et dor. Disposer de liquidités permet de sabstraire du pilotage de la monnaie et conduit donc mécaniquement à réduire sensiblement les effets de la politique monétaire. En tout cas à permettre à un certain nombre dacteurs de sen abstraire. Tel est largument de ROGOFF. Très bien, sauf que lagrégat M1 (composé de lensemble de la monnaie en pièces et billets), comme le désignent les comptables nationaux, ne représente quepsilon au regard des masses dargent enregistrées dans les livres des banques. Mais là encore largument defficience népuise pas la question. Parmi les États les plus en pointe sur la disparition du cash : Singapour. La cité-Etat nest pas seulement une puissance économique, elle est à la fois le modèle singulier dune société riche à fort contrôle social et une place offshore. Preuve sil en est que largent sale saccommode très bien de labsence de cash, comme lont bien compris les mafias qui adorent le Bitcoin. « Vers une société sans cash ?» : dans un papier de 2003[10], ) Laurence SCIALOM, professeur à luniversité Paris-Ouest-Nanterre, avait déjà bien vu les enjeux, qui vont nettement au-delà de la simple efficience économique « Une fois disparu le sigle monétaire, lanonymat et labsence de contrainte de sécurisation quil garantit, la monnaie ne deviendra-t-elle pas un puissant dispositif de contrôle social ? » La réponse, à lévidence, est dans la question. Lubérisation est une paupérisation « Ces emplois ne reviendront jamais ».Telle fut la réponse lapidaire de Steve Jobs à Barack Obama, qui lui demandait de rapatrier aux Etats-Unis des emplois manufacturiers. Depuis, les ténors de la Silicon Valley ne ratent jamais une occasion de répéter ce message. Ces emplois délocalisés dans les pays à bas coût de main-duvre et à faible réglementation environnementale reviendront dautant moins que demain la plupart nexisteront plus. Les robots auront pris leur place. Pas seulement sur les chaînes de production, mais aussi dans les laboratoires. Le robot de demain ne se contentera pas deffectuer une tâche répétitive même complexe, il sadaptera. Mieux même, il participera à lamélioration de ses performances. Non seulement il ny aura plus douvriers, de techniciens, mais il ny aura même plus dingénieurs, voire de concepteurs. Le rêve des docteurs Folamour de la Silicon Valley risque de devenir réalité. La technologie se nourrit de la technologie Elle est dans les mains de ces nouveaux maîtres du monde qui ont engagé une course de vitesse pour devenir incontournables et rendre inéluctable lavènement de ce capitalisme numérique. Quels que soient les dégâts humains et sociaux. Sans se préoccuper déthique. Sans se poser de questions existentielles. Et si besoin est, ils feront appel au sentiment patriotique, les seuls capables de contester leur monopole étant les géants chinois du secteur (Baidu, Tencent, Alibaba...) et les Russes. La Chine et la Russie ne sont-elles pas les deux nouveaux ennemis du camp du Bien que prétend incarner la démocratie américaine ? Sil est impossible de chiffrer avec précision les pertes demploi que cette troisième phase dautomatisation de la production va engendrer, son impact sur lemploi nen sera pas moins ravageur. De différentes études américaines, on peut estimer que, dici à vingt ans, les algorithmes et la nouvelle robotique auront détruit environ 50 % des emplois actuels. « Rien détonnant, nous explique-t-on, ce sont les emplois du passé qui disparaissent. Ils vont être remplacés par de nouveaux emplois, une nouvelle approche du travail. » Cela fait des années, pour ne pas dire des décennies, que lon nous tient ce discours. Ces emplois nouveaux, ce sont essentiellement ceux générés par les nouvelles plateformes de distribution, qui suppriment tous les intermédiaires entre acheteurs et vendeurs. Les noms des nouveaux acteurs sont universellement connus, les NATUR : Netflix, Airbnb, Telsa, Uber... Ils cherchent à acquérir, comme leurs aînés des GAFAM, des positions monopolistiques. Le modèle des NATUR est pratiquement identique à celui des GAFAM Très peu de frais fixes, le moins possible de salariés, une optimisation fiscale totale, une capitalisation boursière surévaluée. Et bien sûr, des algorithmes très performants. Sajoute à cela une communication fort habile. Ce que lon a appelé lubérisation du monde est en fait la mise en concurrence totale de chacun par tous, et de tous par chacun. Un combat qui peut paraître populaire, parce quainsi on sattaque à des petits monopoles, des professions réglementées, des secteurs protégés, des rentes de situation. Le numérique casse toutes les règles du jeu. Au même titre que le libre- échange absolu. Il ne faut pas être dupe. En filigrane, cest tout un modèle juridique, économique, social, qui simpose. Les notaires, cest bien connu, nont pas bonne presse en France. Pourtant, ce sont des officiers ministériels. Comme tels, ils garantissent la conformité des actes signés entre particuliers. Notamment pour les biens immobiliers. Cela na lair de rien, mais cest beaucoup, lorsquon compare le système français à ce qui se passe dans dautres pays où les mauvaises surprises ne sont pas rares. Les frais prélevés par les notaires, à ne pas confondre avec les droits denregistrement de lEtat, sont très faibles (1 %) par rapport au travail fourni et surtout à la garantie accordée par le notaire. On voudrait aujourdhui faire sauter ce système pour le remplacer par de simples contrats entre parties, rédigés par des avocats. Le modèle anglo-saxon. Il n y a plus de garanties. En cas de litige, il faudra engager des procès coûteux... en avocats. En fait, cette ubérisation va se doubler dune très grande instabilité juridique La caractéristique de ce capitalisme numérique, cest linstabilité permanente. Cest le pendant de ces accords de libre-échange où les Etats, les collectivités seront à la merci des tribunaux darbitrage et de procédures interminables lancées contre eux par les multinationales. Lobjectif de ces plateformes est, bien sûr, de casser les prix. Ce qui ne peut que séduire dans un premier temps le consommateur. Selon le Boston Consulting Group, lautomatisation, la numérisation de la société entraînera, dici à 2025, une baisse de 16 % du coût total de la main-duvre. Cest exactement le même processus que lon a connu avec les délocalisations massives en Chine et ailleurs. Seul problème, cest quon oublie toujours que le consommateur est aussi un producteur. Il achète moins cher certains biens, mais son pouvoir dachat diminue régulièrement. Pis, il a de plus en plus de mal à trouver ou à retrouver un emploi. Quà cela ne tienne. Les idéologues du numérique ont une réponse : léconomie collaborative, lautoentrepreneuriat, le partage. Lautoentrepreneuriat est au XXIe siècle ce que lartisanat, les indépendants étaient au XXe. Ce ne sont pas cependant les mêmes revenus. Lautoentrepreneuriat est un palliatif, un substitut. Sil sest développé sur les deux rives de lAtlantique, cest tout simplement parce que les plus dynamiques des chômeurs nont trouvé que ce moyen pour exercer un minimum dactivité. Au rabais. Reste que lautoentrepreneuriat est la mort des systèmes de protection sociale bâtis durant les Trente Glorieuses. En escamotant les cotisations employeur, on revient aux beaux jours de ce capitalisme de la seconde moitié du XIXe siècle Un capitalisme déjà globalisé, dont les excès avaient engendré le communisme et débouché sur la guerre de 1914. Aujourdhui, la globalisation à outrance, la numérisation, et leurs excès, sont le terreau du populisme, des extrémismes. Comme les revenus des classes moyennes diminuent, on leur propose, grâce aux plateformes, non seulement de payer un peu moins cher, mais de rentabiliser les quelques actifs quils ont encore. On met en location son appartement par Airbnb, sa voiture, son bateau. On partage une location, un trajet, on propose des repas chez soi. Tout cela, évidemment, en essayant de ne pas payer dimpôts. Au passage, les plateformes engendrent toujours plus de profits délocalisés avec le minimum de salariés. Et des secteurs entiers dactivité sont déstabilisés. Certes, il serait absurde de nier les services rendus par ces plateformes. Mais on ne peut pas accepter quelles ne respectent aucune règle et pratiquent une concurrence déloyale, en contournant toutes les législations. Certains, qui se croient jeunes, simaginent quil suffît de prendre le train « en marche », de coller au mouvement californien, de vanter la réforme pour la réforme. Ils devraient pourtant se souvenir quun système économique ne peut perdurer que si une part des gains de productivité est redistribuée sous forme de salaires. Or, avec le numérique, les automates, ces gains sont de moins en moins redistribués vers ceux qui travaillent. Ils sont confisqués pour lessentiel par les nouveaux trusts et leurs actionnaires. Comment éviter que les populations paupérisées ne se révoltent ? Comment faire en sorte quelles continuent dacheter les produits proposés par les géants du Web, alors que la masse de travail disponible diminue ? Une vieille idée ressurgit : lallocation universelle. Une sorte de RSA-Smic, distribué tout au, long de la vie. Dautres prônent un revenu contributif, qui ouvre à lindividu le droit « à un temps dédié au développement de ses savoirs » ! Traduisez: lindividu alternera des périodes où il sera employé et rémunéré. Avec des moments où il sera chômeur mais se formera. Une sorte de régime des intermittents du spectacle appliqué à lensemble de la population. A ceci près que le financement en est impossible. Sauf à réduire drastiquement et les revenus du travail et les allocations en période de non-emploi, et, bien sûr, les cotisations sociales. Sil le faut, les géants du Web sont prêts à faire quelques concessions. Et à nous payer le moins cher possible les données sur nous-mêmes quils accumulent chaque jour gratuitement. Une sorte de consentement tacite à une nouvelle forme desclavage.
COMMENT SURVIVRE À CETTE DÉFERLANTE ? Cela commence par la remise en cause de la double hégémonie qui nous étouffe : celle des États-Unis et de ses multinationales, et dune Allemagne dAngela Merkel qui ne peut rien refuser aux Américains. La bataille du TAFTA est essentielle. Si lUE le ratifie, nous aurons perdu toute marge de manuvre et lhistoire se terminera tragiquement. Il ne sagit pas de renoncer au libre-échange, mais détablir les règles pour des échanges loyaux et équilibrés. La France doit ainsi militer pour lélaboration dun nouveau Bretton Woods monétaire. Où le dollar ne serait plus létalon ; où le marché des changes obéirait à quelques règles limitant le dumping monétaire. Pour que la voix de la France soit entendue un peu mieux quaujourdhui, il faut aussi une double condition.
C est là où la France pourrait, si elle le voulait, apporter son message. Pour quil porte, notre pays doit faire comprendre aux Européens trois choses.
La meilleure solution pour poursuivre de tels objectifs serait de refonder lUnion européenne. Ou de la quitter, car il vaut mieux parfois un bon divorce quun mauvais mariage. Refonder lEurope est une lourde tâche. Insurmontable, diront certains. Ce nest pas une raison pour ne pas essayer. Rejeter la forme actuelle de lUE ne signifie nullement que lon rêve de senfermer à lintérieur de ses frontières, caricature que véhiculent tous ceux, et ils sont largement majoritaires dans les milieux médiatico-politiques, qui jouent le statu quo ou le chaos. La France doit relancer lidée dune Europe indépendante, qui entend être maîtresse chez elle. Inaudible il y a vingt ans, et même encore dix ans, ce discours a plus de chances dêtre entendu aujourdhui chez nos partenaires. Encore faut-il ne pas rejeter ceux que lon qualifie, le plus souvent à tort, de populistes, voire dextrémistes de droite. Lidée dune Europe véritablement indépendante peut faire consensus dans un certain nombre de pays. Les pays baltes sy opposeront. Quelques autres aussi sans doute. Notamment un pays comme lIrlande qui, avec sa fiscalité dérogatoire, a clairement choisi le camp des multinationales américaines. Doù lidée dun noyau dur. Car lEurope, lidée européenne, nimplique pas nécessairement la vassalisation que lon observe aujourdhui. Enfin, un quatrième chantier doit être abordé : celui de la fiscalité. Le cas dApple en Irlande est exemplaire. Il donne la mesure des sommes en jeu. Ces centaines de milliards deuros dimpôts que ces multinationales nont pas versés aux grands pays européens, ces multiples exemptions fiscales que chaque pays accorde à de riches investisseurs (par exemple, le Qatar en France) ont, en réalité, été payés par le contribuable européen, notamment les classes moyennes et les PME. Bref, par tous ceux qui ne peuvent pas, et souvent ne veulent pas, échapper à limpôt. Car limpôt est aussi un des éléments de la citoyenneté. Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures dans ce domaine. Voilà pourquoi la fiscalité, lélaboration de nouvelles règles pour les multinationales doivent être au centre du projet européen et des propositions que la France pourrait faire. Obligation, pour tous les grands groupes, comme le suggère lOCDE, de publier leurs comptes, pays par pays (chiffre daffaires, bénéfices, impôts, effectifs). Application du principe selon lequel limpôt est dû, là où la vente et la valeur ajoutée se réalisent. Internet et le numérique ont favorisé ces optimisations fiscales. De la même manière, Internet et les algorithmes doivent permettre de tracer les échanges et dadapter la fiscalité. Une Europe et si cela nest pas possible, une France indépendante doit négocier pas à pas avec ces multinationales qui ont perdu lhabitude de trouver face à elles des interlocuteurs déterminés Il faudra donc réglementer sévèrement les activités de lobbying et procéder à quelque ménage dans la haute administration, tant à Bruxelles quau sein des États membres. Car, comme le disait Einstein : « On ne résout pas les problèmes... » Refus du TAFTA, défense et politique extérieure indépendantes, fiscalité harmonisée, immigration contrôlée, régulation des multinationales... À cela doit sajouter un changement de paradigme, pour revenir à lessence même de la naissance du Marché commun : la préférence communautaire avec lémergence de champions capables de concurrencer les géants du Web américains et chinois. Cela passe par une politique dynamique de linnovation et de linvestissement dans le numérique. Et plus généralement dans la modernisation de nos économies. Là aussi, il nest pas question de dresser des murs, dériger une ligne Maginot, mais de jouer à fond les atouts que nous avons, de nouer des alliances et de favoriser... la concurrence. Bref, de prendre au mot les thuriféraires de Milton Friedman et de Schumpeter : oui à la concurrence, non aux monopoles. Cest ce quont fait les Chinois, ce que tentent de faire les Russes. Pourquoi la France, lEurope ne feraient-elles pas de même ? Là aussi, cest une question de volonté. Peut-on réunir quelques pays européens autour dun tel programme ? Ce sera difficile. Mais lorsque lon voit, élection après élection, la montée du rejet dun système européen dans limpasse, ce ne devrait pas être impossible. Dans la plupart des pays membres, dautres majorités sont possibles autour dun nouveau concept européen : une confédération dEtats- nations qui respecte la souveraineté de chacun mais protège et défend les citoyens qui en font partie. Il faut pour cela être prêt à jouer le rapport de force. La politique de la chaise vide, aurait dit le général de Gaulle. En tout cas, cela nécessite dêtre suffisamment sûrs de la légitimité de la France pour menacer sans complexe de quitter la table. Une chose est sûre : la France na aucune chance de convaincre ses grands partenaires, à commencer par lAllemagne et lItalie, si elle ne procède pas à un aggiornamento. Il ne sagit pas de réformer pour réformer. Ni de casser ce qui reste de notre modèle économique et social pour se conformer à la pensée dominante. Il faut expliquer que libéralisme et protection ne sont pas forcément antinomiques. Oui aux règles du marché. Non à la loi de la jungle. Voilà lenjeu. A cet égard, la question monétaire est centrale. On oublie quavant de soumettre notre économie à une rude adaptation le général de Gaulle commença par dévaluer notre monnaie de 30 %. Là encore, soit nous pourrons persuader nos partenaires, soit nous devrons prendre nos responsabilités. Après tout, lEurope nest pas une fin en soi mais un moyen. Et cest a fortiori le cas de leuro. Après une phase intense de dérégulation, il est temps de rentrer dans une époque de re-régulation. Comme le monde a évolué, que la troisième révolution industrielle bouscule tous les schémas établis, il faudra en passer par de nouvelles régulations et pas seulement se crisper sur les anciennes. Doù limportance de léducation et de la formation des hommes. Doù la nécessité pour la France de montrer lexemple en matière de défense. Au-delà du combat de coqs des primaires, quelques idées intéressantes émergent ici et là. Ainsi, Arnaud Montebourg a raison de proposer un service national obligatoire de six mois. Cest le moyen de resocialiser certains jeunes ; disoler les terroristes putatifs ; dobliger ceux qui ont la double nationalité à choisir. Pour être français, il faut faire son service national, sinon on opte de fait pour lautre nationalité. Avec tout ce que cela implique. Un service national mixant maniement des armes et protection civile. Il y aurait là larmature dune future garde nationale. Le budget de la Défense doit être sensiblement augmenté. Tout comme celui de la sécurité.
Le prochain gouvernement doit élaborer un projet cohérent et le proposer à ses partenaires européens Il doit surtout faire comprendre à tous que, si la France est consciente de la nécessité de sunir entre pays amis, elle na pas besoin de cette Union actuelle, qui la ruine. Mais il doit aussi immédiatement prendre les mesures drastiques pour redonner confiance et relancer la machine économique. Dans un premier temps, il ne faut rien attendre des multinationales qui feront tout pour éviter de nouvelles régulations. En revanche, on peut encore miser sur le capital national. À condition de ne pas lériger en ennemi et de lassocier pleinement à un nouveau pacte sur le partage de la valeur ajoutée et des richesses. Doù limportance dune réforme fiscale. Lobjet de cet ouvrage nest pas de définir un programme dans le détail, mesure par mesure. Une chose est sûre : lobjectif de 3 % de déficit budgétaire nest pas atteignable en létat. On ne peut pas augmenter un certain nombre de dépenses de souveraineté, réformer de fond en comble lEducation nationale, relancer linvestissement là où depuis vingt ans nous navons cessé de désinvestir, favoriser lémergence de start up et faire en sorte quelles ne soient pas systématiquement absorbées par les GAFAM et autres NATU, réduire globalement la pression fiscale, tout en respectant les fameux critères de Maastricht. Avant que cette nouvelle politique porte ses fruits, il y aura une période de transition, qui se traduira par un accroissement des déficits. Mais nest-il pas préférable de favoriser la création de richesses futures au détriment des richesses passées ? Et puis il arrive un moment où il faut savoir prendre ses pertes, comme dit lautre. Autant dire quil faudra transformer une partie de la dette publique en une dette perpétuelle, assortie dun taux dintérêt positif hors inflation (autour de 2 %, ce qui correspond à la rentabilité historique du capital). Paradoxalement, le numérique et lémergence de cette société de léconomie[11] peuvent nous aider à reconquérir une certaine indépendance et retrouver de nouveaux chemins de croissance. À une condition : que le local et le mondial simposent sur le global. Le local, ce sont les circuits courts qui permettent au producteur et au consommateur de retrouver des produits bon marché de qualité. Cest particulièrement vrai pour lagriculture qui doit redevenir le domaine dexcellence de la France. Car il nest pas de France, au sens historique et culturel du terme, sans une agriculture puissante, et surtout diverse. Puissante, parce que diverse et de qualité. On a là lillustration absolue du caractère destructeur de cette uniformisation à partir des techniques industrielles. Ce qui a fait la richesse de lagriculture française (et la grandeur dune France qui, quoi quil arrive, pouvait nourrir sa population et ses armées), cest la spécificité de ses terroirs, cest-à-dire une dimension non reproductible. Parce que nos produits sont uniques, ils ne sauraient être concurrencés par des produits bas de gamme ne respectant aucune norme environnementale, sociale, et surtout gustative. Aujourdhui, les appellations dorigine constituent un des premiers postes de notre commerce extérieur. Et ce sont également les productions qui créent le plus demploi. Encore faut-il que la grande distribution nimpose pas sa logique low cost à la totalité de notre tissu économique. Les dernières crises laitières nous ont montré une entreprise, Lactalis, capable de faire des marges de 10,5% sur le dos dagriculteurs au bord du gouffre, capable de les pousser au suicide avec la morgue la plus absolue, payant leur lait 25 centimes le litre quand il leur coûte plus de 30 à produire, et alors que certaines petites laiteries payent le leur 40 centimes pour faire vivre leurs éleveurs. Lactalis, qui est fier de faire tourner son usine de « camembert » Président, produisant des dizaines de milliers de fromages par jour, avec... deux salariés. Cette logique de monopole, associée à la pression de la grande distribution qui pousse lindustrie agroalimentaire à réduire toujours les coûts de production, quitte à renoncer au goût, à la qualité, et souvent aux précautions minimales quant à la santé du consommateur et à la préservation de lenvironnement, cette logique est non seulement ruineuse à long terme, pour réparer les dégâts, mais aussi à court terme, puisquelle tue notre agriculture alors que se dessine dans le monde entier une politique daccaparement des terre arables par les puissances les plus prévoyantes. Limiter les appétits de la grande distribution (qui détruit non seulement notre agriculture mais aussi notre petit commerce et donc le tissu social qui permet à notre société de nouer des solidarités, de dessiner un destin commun) ne se fera que par une prise de conscience des élus (et notamment ces élus locaux qui se laissent si facilement convaincre douvrir une énième grande surface pour quelques emplois gagnés, sans jamais comptabiliser les emplois détruits autour) mais aussi par une prise de conscience des consommateurs. Quils sachent que chacun de leurs choix quotidiens plébiscite un modèle plutôt qu un autre, et préserve ou détruit un emploi, sauve ou tue un agriculteur. Les grands groupes ont leur place dans ce nouveau modèle économique, à condition de privilégier le local, de respecter les différentes identités d un monde multipolaire et non plus global. Il faut une prise de conscience, et même une révolte du consommateur, mais aussi de tous les corps intermédiaires, de cette classe moyenne qui forment le substrat de notre société et qui refusent de dériver lentement mais sûrement vers un soft totalitarisme. Les propositions qui précèdent nont rien dutopiste. Elles reposent sur des analyses économiques et politiques précises et qui nont rien non plus de fantaisiste. Mais surtout, elles sappuient sur une notion essentielle et malheureusement oubliée par la plupart des dirigeants occidentaux : la souveraineté. La souveraineté nationale, qui garantit la possibilité pour une nation de décider de son destin, et qui est la seule condition de la souveraineté populaire, cest-à-dire la possibilité pour le peuple de se donner un avenir commun. Et pour exprimer ce choix, doit être garantie la souveraineté des individus : la capacité pour chacun, en dehors des pulsions consuméristes générées par la publicité et des pulsions obscurantistes agitées par les gourous de toutes sortes, dexercer son jugement et de se porter vers le bien commun. Voilà la seule définition véritable de la démocratie. La seule qui nous permettra de sortir de ce soft totalitarisme et de ne pas sombrer dans un totalitarisme plus dur, que nous voyons chaque jour progresser. Le choix nous appartient.
[1] Natacha POLONY, Bienvenue dans le pire des Mondes, Plon, novembre 2016. [2] Le « septième continent » : cest Internet, ce continent virtuel où on pourra installer tout ce qui existe dans les continents réels, mais sans les contraintes de la matérialité : des bibliothèques dabord, puis des magasins, bientôt des usines de production, des journaux, des studios de cinéma, des hôpitaux, des juges, des policiers, des hôtels, des astrologues, des lieux de plaisir. A lintérieur de ce continent, vide dhabitants réels, se développera un gigantesque commerce entre les agents virtuels dune économie de marché sans intermédiaire. [3] Ils sont dits également les « big data ». [4] Lire à cet égard le remarquable ouvrage de Marc Dugain et Christophe Labbé, LHomme nu, la dictature invisible du numérique, Robert Laffont/Plon, 2016. [5] Thierry Breton, PDG dAtos, lors dune rencontre de République moderne, le 25 mai 2016. [6] Cette agence chargée de diriger les activités de cryptologie du gouvernement américain a été fondée par lle Président Harry Truman en 1952. [7] Bitcoin technology seen being global , 12 août 2016. [8] « LEurope a eu raison de tuer le billet favori des criminels », Financial Times, 8 mai 2016. [9] « Costs and benefits to phasing out paper currency », NBER Macroeconomocs Annual Conference, avril 2014. [10] Anthropolis, vol.1, n°2. [11] Léconomie est un terme utilisé pour définir léconomie du troisième millénaire fondée sur Internet, lutilisation massive de linformatique et de lintercommunication de lensemble des produits technologiques.
Date de création : 18/12/2016 @ 09:20 Réactions à cet article
|