LENNÉAGRAMME DE LA PERSONNE Les trois stades principiel, efficient et médiateur de la pensée Une fois admis le paradigme ternaire de la nature humaine [corps, esprit, âme], MICHEL MASSON se propose détudier notre manière intérieure dêtre, notre for interne(1).Ce texte et les deux qui suivront constitueront un ensemble. Ce premier propose de nous aventurer dans la recherche dune cohérence, autant quil est possible harmonieuse, de lhomme tripartite avec son existentiel ternaire ad intra. Ensuite cet homme-là essentiellement tridimensionnel et de fonctionnement ternaire sera mis dans le bain existentiel dans lequel il évolue et avec lequel il est en interaction. Cela aux quatre points cardinaux de notre environnement: ad infra avec la Nature, ad extra avec lhumanité et avec la Civilisation, et enfin, ad supra, avec le spirituel*
et au-delà, pour ceux les croyants, avec ce qui transcende la condition proprement humaine: les domaines surnaturel, céleste et divin (ou ce qui en tient lieu). Dans un troisième temps, sera exposée la façonde passer de lad intra à lad extra et inversement. Car, une interface à laquelle sera consacrée une réflexion séparée permet de faire communiquer le for interne et le for externe. Sera alors abordé lensemble de nos fonctions existentielles. Lennéagramme* existentiel interne
Nous avons commencé par la mise en place dun homme tripartite, et de ses éléments constitutifs, corps et âme unis et animés par leur esprit commun. Ces trois composantes, hétérogènes quant à leur nature, nen forment pas moins une unité substantielle. Nous allons maintenant étudier son fonctionnement, ad intra*, dans lintériorité de son for interne; notre manière dêtre ne pouvant fonctionner autrement que selon lordre ternaire universel du monde. La constitution, les manifestations et les activités de notre existentiel interne la pensée peuvent se résumer à 3 lignes de 3 temps (tableau ci-dessus): A - la ligne première (principielle): la phase : mémoire, intelligence, volonté; C - la ligne applicative (efficiente): la phase: savoir, savoir-faire, faire; B - la ligne intermédiaire (médiatrice): la phase: pensée, parole, action: qui unit et anime les relations entre A et C, Ces trois lignes de trois composants (2) correspondent aux trois catégories théoriques dAristote [dans la Métaphysique]: théorein, pratein, poiein(3) et à celles, incarnées, pauliniennes: le docteur, le prophète et lapôtre. Elles constituent notre ennéagramme* intime, qui devra sactualiser se concrétiser à chacune des trois strates de notre triple nature: les 2 étages temporel et spirituel, réunis par celui, médiateur, du psychique (les 27 repères perdus!). Cet ensemble forme 3 colonnes celles des tenants et des aboutissants, réunies par celle des moyens-termes qui constituent le plan de notre manière de penser. [cf. le schémaci-dessous]. Le déploiement de cette fonction au for interne de lêtre humain suppose sa tripartition dÊtre en tant quêtre tel que nous lavons décrit. Tenons donc comme acquis ce triple ennéagramme de la manière dêtre de la personne. Déroulement fonctionnel intime Avant de nous aventurer plus avant, nous devions distinguer ces trois étapes de la pensée la phase principielle et la phase efficiente (que nous pouvons aussi qualifier dactuelle, dopérante ou dagissante) et, entre les deux, la phase médiatrice (adéquatrice) qui les réunit. La première ligne, celle de la phase principielle, par laquelle la pensée commence, est dune importance capitale pour notre fonctionnement intérieur, mais aussi et par là pour la ligne opérante lorsquelle est concrètement liée au monde extérieur
puisqualors il sagira daffecter le plan élaboré par les étapes principielle et efficiente réunies par la phase médiatrice , à nos trois domaines temporel, intellectuel et spirituel qui structurent verticalement nos actions. Les trois lignes de trois moments de notre for interne forment comme un alambic où les idées sont distillées, et qui, en tant quel tel, ne fonctionne pas en circuit fermé. Ce dispositif est, en effet, muni dune entrée (la cucurbite : partie inférieure de lalambic où lon met les matières premières) de la matière première (principielle), et dune sortie pour la matière élaborée (résultat). Entre les deux, un serpentin de trois volutes assure la transsubstantiation, qui sopère donc en trois phases:
La première reçoit la matière première (le tenant, la prémisse) qui est: soit dorigine antérieure, cest-à-dire en provenance des connaissances déjà entrées en mémoire; soit dorigine extérieure (4) (par nos cinq sens) en provenance de notre milieu existentiel (dont il sera question au chapitre suivant). Le tenant de la réflexion, quil soit dorigine intérieure ou extérieure, est pris en charge par lintelligence (lintellect) par lesprit dont le premier rôle est la recherche et lexplicitation des principes concernant les problèmes concernés
que la volonté a pour objectif de résoudre. La deuxième phase, médiatrice, consiste à recevoir le résultat de la première opération (la pensée), à faire correspondre ces principes avec leurs applications; et enfin de lexpliciter (parole-logos) enfonction du but poursuivi (laction). La troisième phase, enfin, sempare du fruit de cette deuxième phase de la distillation de ce savoir, de cette connaissance et recherche les meilleurs moyens (savoir-faire) de réaliser (laboutissant) laction envisagée (faire). Cette suite logique, ternaire, résume notre manière dêtre, où un tiers terme réunit les tenants aux aboutissants, les principes aux applications, la théorie à la pratique, les prémisses et la conclusion. Trois stades de la pensée Nous navons pas trouvé mieux que les termes principielle, efficiente et médiatrice pour désigner les trois phases ou formes que peut prendre la pensée la première en puissance, la troisième actualisée, la seconde adéquatrice, qui distingue ces deux pôles de notre fonctionnement interne, les réunit et les anime. Il convient donc de distinguer: la phase principielle, qui, lorsquelle naboutit pas immédiatement et directement aux réalisations pratiques et concrètes en reste au stade virtuel ; la phase opérante, lorsque la pensée est sollicitée par le for externe, par les utilités, les nécessités concrètes et pratiques
transmises par nos cinq sens. Elle prolonge la phase principielle et accompagne les mises en pratique, les réalisations concrètes en leurs trois strates ; la phase médiatrice médiatrice , enfin, met les deux pôles de notre intime en rapport et, autant que possible, en accord harmonieux. Bien entendu ces trois stades de la pensée ne sont pas étanches. Le plus souvent quand la pensée vise des aboutissements pratiques et contingents, on peut considérer quil sagit des trois phases de la pensée aboutie. Limportant est de distinguer les trois phases: principielle et opérante réunies par lintermédiaire médiatrice. Déroulement de la pensée virtuelle Lorsque la pensée na pas dobjectif concret immédiat, elle fonctionne virtuellement en vase clos. Son objectif est dacquérir, détendre, de perfectionner, de fortifier ses connaissances, en prévision des sollicitations concrètes. Elle ne débouche pas immédiatement sur la réalisation de ses conclusions, mais elle les garde en mémoire. En revanche, lenrichissement personnel qui sensuit rend les personnes plus aptes à répondre efficacement lorsquelles seront provoquées par des sollicitations extérieures. Cette pensée, théorique, ne se limite pas aux seuls domaines abstraits, intellectuels et culturels, ni à lenrichissement philosophique, théologique, politique, artistique
elle sétend à bien dautres domaines y compris pratiques et concrets. Cette pensée virtuelle, en effet, même si elle ne sapplique pas immédiatement, à linstar de la pensée opérante, peut tenir compte de nos trois strates existentielles
mais virtuellement. (penser aux études préparatoires, scolaires, universitaires
) Déroulement de la pensée pratique Lorsque la pensée vise des applications pratiques, notre fonctionnement ad intra quil soit enclenché par la mémoire ou des sollicitations concrètes venant de lextérieur suscite la phase de la pensée principielle qui, par lentremise de la phase médiatrice, aboutit à la phase efficace qui se déploie et se répartit avec efficience aux trois strates existentielles
et débouche à lextérieur, but de lopération. Lorsquune situation, un problème ou une question surgit de notre quotidien, de notre milieu existentiel, fût-ce à limproviste, le dispositif complet ad intra se met en branle. Si la phase principielle a déjà été élaborée (virtuellement), les choses iront mieux et plus rapidement. Le plan virtuel pourra plus directement être actualisé aux trois strates de nos trois domaines temporel, intellectuel et spirituel. Les applications de ce dispositif psychique sont sans limites: la préparation dun jeune à son entrée dans la vie professionnelle; un aménagement politique, économique ou social; une institution à réformer, voire à remplacer; un cas psychologique à résoudre; une décision à prendre, une action à entreprendre, une maison à bâtir
ou de tout autre problème petit ou grand. La démarche de la raison est toujours la même, elle exige de passer par trois phases de réflexion: la première théorique se rapportant aux principes du problème à résoudre, la dernière lactualise en lappliquant aux trois étages de notre existentiel
après que la seconde, médiatrice, eut recherché ladéquation entre virtuel et actuel, théorique et pratique, principes et applications. Prenons lexemple simple et concret de la construction dune maison. Une fois la décision prise, larchitecte fait le plan, le maître duvre et ses agents transmetteurs linterprètent, et les maçons la construisent. Si le plan nest pas exécuté il restera au stade virtuel
prêt pour une utilisation ultérieure ou autre. Dans lexemple dun jeune à insérer, les exigences temporelles prioritaires de lieu, de revenu
devront être prises en compte; puis celles découlant des goûts et des capacités de ladolescent; et, enfin, celles en relation avec la perspective (spirituelle*) que lon donne à sa vie. Résumons Les situations concrètes, ou mêlées de concret, sont perçues par le centre de notre être, lesprit, qui réceptionne et commence par former au for interne le plan virtuel de la question. Mais la manuvre, bien quen bonne voie, ne sarrête pas là. Le plan virtuel établi devra être actualisé, cest-à-dire être dispatché aux trois strates existentielles, en fonction du problème posé, de sa complexion et des circonstances. Selon le cas, lun des trois domaines sera privilégié, mais les deux autres doivent aussi avoir leur place
Humanisation
Civilisation Ce dispositif ad intra est ce qui nous différencie de lanimal rivé aux réflexes innés de linstinct. Notre degré dhumanisation se mesure à lintensité, à la fréquence et à la durée des oscillations du mouvement interne des trois phases: principielle, opérante et médiatrice de notre esprit. Ce mouvement de va-et-vient se joue au sein de chaque ligne, mais également entre ces lignes. Nous détaillerons par la suite, selon le même schéma, lensemble de nos trois grands ensembles existentiels externes concerné par cet agencement de notre existentiel interne: celui des trois fonctions premières de nos vies personnelle, familiale et communautaire; celui de lensemble intermédiaire de la société civile, du domaine public et des activités diverses de ses occupants; celui enfin de nos trois fonctions suprêmes: le politique et le religieux (ou ce qui en tient lieu) réunis par le culturel. Lensemble de nos fonctions ou activités existentielles externes est doit être en cohérence avec lagencement tripartite de notre for interne et de son fonctionnement ternaire, pour bénéficier de son bain civilisationnel et concourir à son enrichissement. Michel Masson (1) Le mot for vient du latin forum, place publique; son origine est juridique (droit canon). Plus généralement, il permet de distinguer les deux fors: interne et externe. Le premier concerne le domaine privé (la conscience); le second, le domaine public. Nous ajouterons bientôt le for mitoyen qui les met en relation. (2) Cette fonction ennéagrammique* (3x3=9, ennéa en grec) cohérente et indissociable servira nécessairement de modèle pour les trois phases de la fonction psychique ad intra: théorique (la pensée principielle), médiatrice (ladéquation), et enfin efficiente (laction). (3) Aristote distingue ainsi dans la Métaphysique trois types de sciences : les sciences théorétiques, les sciences pratiques et les sciences poétiques. La Poétique étudie la partie poétique dans une perspective descriptive et normative. (4) Nous laissons de côté, lorigine ad supra, surnaturelle, qui sort de notre champ dinvestigation.
|