DE LEUROPE MÉDIÉVALE À NOS JOURS Pour la plupart dentre nous lidée européenne est née de la réconciliation franco-allemande, sous les auspices du général de Gaulle et du chancelier Konrad Adenauer. Dautres en ont vu les prémisses dans la fondation par Jean Monnet, de la Communauté Européenne du charbon et de lacier (CECA). Toutes vues largement insuffisantes au regard de lHistoire. Pourtant, si lon se tourne vers lenseignement de Rémi Brague professé à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en même temps quà la LMU (Ludwig-Maximilians-Universität) de Munich, on trouve de nombreux éléments concernant la trajectoire, généralement méconnue, de lEurope à travers les siècles passés. Nous nous en faisons ici linterprète, à partir de « Au moyen du Moyen Âge » et de « Modérément moderne », deux ouvrages récents de cet éminent professeur. La pensée médiévale et son actualité pour lEurope Il convient donc de montrer que létude de la philosophie médiévale peut nous aider à mieux poser certains des problèmes daujourdhui. Et pas seulement des problèmes philosophiques, ce que lon naura pas trop de mal à admettre, mais des problèmes très concrets. Rémi Brague envisage de traiter un exemple très concret de ce que les études de philosophie médiévale nous apprennent sur nous-mêmes à lheure de lEurope. Il sagit de trois aspects traités successivement : il montrera que les deux premiers peuvent aussi donner lieu à des légendes et conclura sur le troisième qui lui semble fournir un exemple encore actuel dun rapport sain à la culture et à soi-même. 1. Une Europe sans frontières linguistiques ? Le premier aspect par lequel le Moyen Âge a une pertinence européenne est très connu, et cest lexistence dune communauté linguistique rendue possible par lusage du latin[1]. On a déjà dit, à satiété, la façon dont les pensées et les personnes pouvaient circuler dun bout à lautre de la chrétienté latine. On a raconté bien des fois la carrière dAnselme qui, né dans la vallée dAoste, est mort archevêque de Cantorbéry. Ou celle de penseurs venus enseigner à Paris à partir de Naples, comme Thomas dAquin, ou de la Thuringe, comme Maître Eckhart. On peut rêver de cet état de choses dans une Europe désormais sans frontières. Il est bon de rappeler le passé. Il est bon de rêver, car ce rêve est généreux. Mais il est bon, aussi, de nuancer : lEurope daujourdhui ne dispose pas dune langue commune qui ne serait la langue maternelle de personne, et par rapport à laquelle chacun serait, en gros, à la même distance. Par ailleurs, au Moyen Âge, le latin nétait parlé que par une petite minorité de gens éduqués. Et cest encore une minorité qui a pu ainsi circuler. Chercher un modèle pour une pratique contemporaine de lEurope est certes bien intentionné, mais inadéquat. Dautant plus que, comme Rémi Brague ne la pas encore rappelé, cette communauté de langue ne concerne quun seul des mondes médiévaux, et laisse en dehors de soi Byzance, qui parle grec, lIslam, qui parle arabe, et les communautés juives, dans laquelle la langue de culture est soit larabe, soit lhébreu. Cela amène Rémi Brague à un second aspect. 2. Un dialogue entre cultures ? Il sagit de lidée selon laquelle le monde médiéval est le théâtre dun constant échange entre les cultures. Le « dialogue » entre les civilisations, tant chanté aujourdhui, aurait-il un modèle ? À cette question, il faudra répondre, comme on le verra, oui et non. Dabord un « oui » emphatique. Il est dautant plus décidé quil sagit, justement, de philosophie. On a des exemples de discussions sur des sujets philosophiques entre penseurs appartenant à diverses religions. En terre chrétienne, cela se passe entre chrétiens et juifs les musulmans ny étant acceptés que de façon exceptionnelle, comme dans la Tolède fraîchement reconquise dAlphonse le Sage[2]. Ainsi, Isaac Albalag, juif catalan de la seconde moitié du XIIIe siècle, rapporte une discussion avec un clerc (kumâr) sur linterprétation de la thèse centrale de lontologie dAvicenne : lexistence est accidentelle à la quiddité[3]. Plus tard, au XIVe siècle, Moïse de Narbonne rapporte une disputatio (wikkwah) avec un « sage remarquable (nifla) parmi les Romains » dont il ne cite malheureusement pas le nom et la façon dont il a su déjouer une argutie logique de celui-ci[4]. Bien avant, en terre dislam, chrétiens, juifs et musulmans avaient échangé arguments et élèves dans la Bagdad des IXe et Xe siècles, les échanges étant facilités par un phénomène unique : la présence pour les trois religions, dune langue de culture unique, larabe. Farabi fut lélève dun chrétien. On a pu aller jusquà lui prêter un séjour détudes en Grèce. Il eut en tout cas parmi ses élèves un chrétien, Yahya ibn adî. À lépoque tardive de laristotélisme musulman, on connaît les célèbres réponses adressées par Ibn SabIn de Murcie aux questions philosophiques de lempereur Frédéric II de Sicile[5]. Plus généralement, les influences littéraires, entre penseurs que la distance temporelle empêchait de se connaître directement, ne sont pas arrêtées par les barrières de confessions. Ainsi des penseurs chrétiens comme Jean Philopon, puis Jean Damascène ont joué un rôle clé dans la formation de la théologie apologétique de lislam, puis du judaïsme[6]. Nombreux étaient les chrétiens parmi les traducteurs qui ont transmis lhéritage grec à lIslam. Plus tard, linfluence de penseurs musulmans sur la pensée juive est massive : Maïmonide est à peu près incompréhensible sans Farabi, et ses successeurs, sans Averroès. La philosophie musulmane et la philosophie juive exercent à partir du XIIe siècle une influence énorme sur les penseurs chrétiens, le fait est trop connu pour quon ait besoin dentrer dans les détails. Le même phénomène a eu lieu, aussi dans lautre sens. Cest en tout cas vrai pour le domaine juif. Si les penseurs de lIslam ne semblent pas avoir subi dinfluence venue dEurope, les Juifs sont en effet entrés dans la sphère intellectuelle chrétienne, à une date sur laquelle on dispute, mais que les recherches récentes tendent à placer de plus en plus tôt. Peut-être dès le début du XIIIe siècle puisque, à en croire des spécialistes comme Gershom Scholem ou Alexander Altmann, il nest pas exclu que Jean Scot Érigène ait influencé la Kaballe et pas nimporte laquelle, mais celle, justement de Géronne[7]. Pour la philosophie, un article révolutionnaire de Schlomo Pinès cherchait des traces du scotisme et du nominalisme chez Gersonide de Crescas. Il se peut même quil faille remonter jusquà Nissim, le maître de Crescas. Tout le monde est daccord, en tout cas, pour admettre cette influence à une date plus tardive. Elle est dailleurs manifeste chez des auteurs comme Joseph Albo et surtout chez Hillel b. Samuel de Vérone, qui traduit des passages entiers de saint Thomas. Des phénomènes analogues se rencontrent à lintérieur même du monde chrétien où lOrient grec subit linfluence de lOrient latin : dans la Byzance du XIVe siècle, on traduit aussi saint Thomas dAquin[8]. Mais là aussi il faut nuancer et, après un premier « oui », risquer un « non » dégrisé. En effet, dune part, un authentique dialogue reste exceptionnel là où il met en jeu des personnes qui ne font pas quappartenir à différentes religions, mais qui les représentent. Quand il se produit il se déroule dans un contexte polémique déplaisant, par exemple celui du wikkuah [9] imposé par les chrétiens aux juifs. De véritables efforts pour comprendre lautre restent rares. Dautre part, le christianisme et, encore plus lIslam avant lui, « tolèrent » (le mot est anachronique) bien des communautés hétérogènes sur leur territoire. Mais il reste interdit de prêcher une autre religion que celle qui détient le pouvoir politique. Et à plus forte raison, il est exclu de se convertir de celle-ci à une autre. On se gardera donc de projeter dans le Moyen Âge le rêve, certes noble, dune coexistence sans conflits. On se gardera aussi dune analogie trop rapide avec nos sociétés occidentales laïques. Deux villes espagnoles peuvent servir à nommer des rêves symétriques : ce que lon pourrait appeler le « rêve de Cordoue » semble aussi mythique à Rémi Brague que ce que lon a appelé le « rêve de Compostelle ». 3. Lémergence intellectuelle de lEurope, un fait médiéval En revanche, il est un troisième aspect sur lequel lexpérience de lEurope médiévale peut être pour nous de lactualité la plus brûlante. Il sagit de ce que lon pourrait appeler lexpérience européenne, cest-à-dire lEurope comme expérience, comme tentative, comme dynamisme. Il ne sagit plus ici de raconter des faits qui se sont situés à lintérieur de lhistoire européenne, même si ces faits sont fort intéressants et instructifs, comme les deux que Rémi Brague vient de rappeler. Il sagit, plus radicalement, de nous demander, ce quest, au juste, que lEurope. Et de prendre conscience de ce que celle-ci ne va pas de soi, de rappeler lEurope à la particularité, voire à la bizarrerie, de son histoire. Or donc, Rémi Brague affirme à titre de thèse que les études médiévales peuvent nous aider à comprendre lessence même de lEurope. Nous appelons aujourdhui « européens » des phénomènes politiques, ou culturels au sens le plus large, qui sont présents sur toute la surface du globe. Et qui y sont présents, parce que lEurope sest étendue, par la puissance de ses armes. Mais la domination de lOccident latin a dabord été une domination intellectuelle. Elle est perçue dès le XIIIe siècle. Ainsi par des Juifs, observateurs désintéressés et bien placés, à la frontière des mondes musulman et chrétien, comme le traducteur de Guide des égarés de Maïmonide, Samuel Ibn Tibbon ( 1232). Il écrit : « Jai remarqué que les sciences véritables sont très répandues parmi les nations sous la domination desquelles et dans les terres desquelles nous vivons, bien plus quelles ne sont répandues dans les terres dIsmaël[10] ». Un demi-siècle après, en 1287, un moine nestorien de langue syriaque, Rabban Sâwmâ, visite Paris comme ambassadeur des Mongols. Il relate ce qui ly a frappé : Il y avait à Paris trente mille étudiants qui soccupaient de létude des livres ecclésiastiques dinstruction, cest-à-dire des commentaires et de lexégèse de toutes les Saintes Écritures, et aussi de savoir profane ; ils étudiaient la sagesse, cest-à-dire la philosophie, et la rhétorique, la médecine, la géométrie, larithmétique, et lastronomie ; ils étaient continuellement occupés à écrire, et tous ces élèves recevaient de largent du roi pour subsister. Ils virent également une grande église où se trouvaient les cercueils des défunts rois ; des statues dor et dargent se trouvaient sur leurs tombes. Cinq cents moines étaient employés à célébrer des services de commémoration dans le mausolée des rois, et tous mangeaient et buvaient aux frais des rois. Ils jeûnaient et priaient continuellement dans le mausolée de ces rois (
) En un mot, Rabban Sâwmâ et ses compagnons virent tout ce qui était appelé splendide et renommé[11]. De Paris, tout ce qui vaut dêtre vu revient à deux choses : lUniversité et la basilique de Saint-Denis. Les deux institutions ont en commun que des gens chargés dactivités non pratiques y sont entretenus sur des fonds publics, les uns pour étudier, les autres pour prier. Sâvmâ note que les études des premiers englobent aussi le savoir profane, et énumère une bonne partie des arts libéraux, plus la médecine. En quelques lignes sommaires, cet observateur perspicace a vu lessentiel : une société capable de libérer une partie de la richesse sociale pour financer lacquisition dun savoir qui na pas pour fonction exclusive den assurer ou den légitimer la structure. Plus tard encore, un musulman du XIVe siècle, Ibn Khaldûn, après un tableau pessimiste de la situation des sciences intellectuelles en terre dislam, et surtout au maghreb écrit : nous avons appris que, à notre époque, les sciences philosophiques connaissent une grande prospérité dans le pays des Francs, dans la région de Rome et dans les contrées voisines de la rive nord. On y assiste, dit-on, au renouvellement de ces sciences, qui sont enseignées dans de nombreux cours, font lobjet de traités systématiques , comptent de nombreux connaisseurs et attirent une foule détudiants[12]. Un véritable complexe dinfériorité apparaît à ce moment chez les Juifs, mais aussi chez des Byzantins du XIVe siècle, comme Georgios Scholarios ou les frères Kydonès. Un siècle plus tard, Isaac Abravanel fera encore honte à ceux de ses coreligionnaires juifs qui mettent en doute la création du monde et les miracles, en leur donnant lexemple des chrétiens, dont la science a dépassé celle des fils de lOrient, et qui pourtant gardent foi en la lettre des Écritures : Voici que les fils dEdom [Rome], dont on ne peut imaginer « la sagesse de leurs sages, et lintelligence de leurs intelligents échappe (Isaïe 29, 12), car elle est innombrable ; ils leur sont nés « des hommes sages, intelligents et savants » (Deutéronome I, 13), « ils ont tenu conseil et fait jugement (Isaïe 16, 3a) dans la sagesse de la nature [physique], dans les choses divines [métaphysique] et dans toute la sagesse des études [mathématique]. Ils ont été plus sages « que la sagesse de tous les fils de lOrient » (I Rois 5, 10), et il nest pas de fin aux livres quils ont composés. Letondecestextes est surprenant. Avouons-le : il est même un peu gênant. On croirait entendre la bonne conscience occidentale se légitimant elle-même, et de donnant à elle-même la mission de civiliser de prétendus ouvrages. Mais ces textes viennent de non-européens, ou de non-chrétiens, dont certains dailleurs, nont guère à se féliciter de leur symbiose avec les chrétiens, comme justement Abravanel, expulsé dEspagne. Nous devons donc nous étonner, et nous demander doù vient un tel progrès. 4. Savoir emprunter Car ce progrès est très inattendu : lEurope venait de loin, et de bas. On a cité plus haut Samuel Ibn Tibbon, traducteur de Maïmonide et sa surprise. Car que disait le Maître lui-même ? Tout le contraire. De la même façon que tous ceux qui vivent au sud de la Méditerranée, il perçoit les régions de sa rive nord comme des pays barbares, et même
sâles. Écoutons-le justifier linterdiction biblique de la viande de porc : « si lon se nourrissait de la chair des porcs, les rues et même les maisons seraient plus malpropres que les latrines, comme on le voit maintenant dans le pays des Francs[13]. Le passage fait sourire. Il annonce en effet, à un renversement près sur lidentité des « barbares », un cliché « occidental » hélas encore trop vivace. Il faut certes nuancer : lEurope du XIIe siècle nétait plus un désert intellectuel, loin de là. Mais celle du IXe siècle ne pesait pas lourd par rapport à lIrak. Il est en tout cas salutaire de se rappeler lhumilité de ses origines. Non pour mesurer avec satisfaction la distance parcourue. Mais pour savoir à quoi et à qui on doit davoir accompli ces progrès. Il existe un devoir de réminiscence. Il est bon aussi de rappeler doù lEurope a tiré les sucs nourriciers dont elle sest engraissée. La réponse est simple : elle les a pris en dehors delle. Elle les a empruntés au monde gréco-romain qui la précédée, puis au monde de culture arabe qui sest développé en parallèle avec elle, enfin au monde byzantin. Cest du monde arabe, en particulier, que sont venus les textes arabes dAristote, de Galien et de bien dautres, qui, traduits en latin, ont nourri la Renaissance du XIIe siècle. Cest du monde byzantin que vinrent les originaux de ces mêmes textes, qui en permirent une étude plus précise et alimentèrent la floraison scolastique du XIIIe siècle. Que serait Thomas dAquin sil navait trouvé en Averroès un adversaire à sa mesure ? Que serait Dun Scot sil navait trouvé en Avicenne, pour reprendre la formule de Gilson, un « point de départ » ? Et bien des textes dont LEurope sest nourrie lui sont venus par lintermédiaire de traducteurs juifs. LEurope doit ainsi prendre conscience de la dette culturelles quelle a envers ces truchements (cest dailleurs un mot arabe
) : envers les Juifs, en dehors delle comme en son intérieur, ainsi quenvers le monde de culture arabe, chrétiens comme musulmans. Il ne sagit pas par là de chercher une origine dernière. Chaque peuple reçoit des autres, en un échange et une circulation infinis. Un passage de lEncyclopédie arabe des « Frères Sincères », du début du Xe siècle, le rappelle très joliment. Parmi les représentants de divers peuples se trouve un Grec, qui se vante des conquêtes scientifiques de sa nation. On lui rappelle que les Grecs ont emprunté leurs sciences aux Perses et à dautres encore. Il en convient de bon gré, et répond en généralisant :jamais aucun peuple na tout inventé mais toujours chacun donne et reçoit.
5. Éloge du complexe dinfériorité Encore faut-il, pour emprunter, deux conditions. Il faut se rendre compte que lon manque. Il faut ensuite accepter daller chercher en dehors de soi ce que dautres ont inventé. Il faut accepter de se sentir inférieur. Cela demande un certain courage. Il serait plus facile de refuser de se reconnaître inférieur, de refuser de savouer nécessiteux. Il serait même plus confortable de se draper dans le rêve dune pureté primitive, et, éventuellement, de faire lidéologie de sa pauvreté pour y voir une richesse cachée, que dautres auraient perdue, de telle sorte que, se croyant « avancés », ils seraient en fait en retard
Or, cette attitude saccepter secondaire par rapport à des sources antérieures et extérieures, aller y puiser sans lespoir dune assimilation totale est, selon Rémi Brague, celle qui marque le Moyen Âge tout entier. Ce complexe dinfériorité dont il a parlé plus haut à propos de penseurs byzantins, juifs ou musulmans, notre Moyen Âge occidental, latin, européen, lavait éprouvé lui aussi. Ainsi, lorsque les uvres grecques, venue du monde arabe, lui parvinrent au XIIe siècle, lEurope lavait éprouvé plus tôt, à légard du monde antique. Et au fond, elle lavait éprouvé depuis le début, dès son origine romaine. Virgile le fait dire magnifiquement à lombre dAnchise, sadressant aux Enfers à Énée son fils : dautres que les romains seront de meilleurs sculpteurs, de meilleurs orateurs, de meilleurs astronomes ; Rome devra se contenter du métier des armes et de la politique[14]. Ce sentiment dinfériorité au Moyen Âge, nest pas quune attitude parmi dautres. Cest selon Rémi brague, à cette attitude que le Moyen Âge doit tout simplement dexister. Cest à elle quil doit dêtre lui-même. Le Moyen Âge est cette époque où, pour reprendre une image célèbre, on a su que lon nétait quun nain juché sur les épaules de géants[15]. Le nain peut certes se vanter de voir plus loin que le géant. Il sait pourtant au fond de soi-même quil ne doit pas sa vision lointaine à sa taille propre, mais à la situation quil a la chance davoir reçue. Situation fragile et vacillante. Situation qui combine paradoxalement lorgueil et lhumilité : orgueil dêtre en haut, humilité dêtre petit. Il fallait cette humilité pour accepter daller puiser aux sources. Cest ce que le Moyen Âge na cessé de faire. Les historiens nous ont débarrassés de limage dun Moyen Âge obscur pour lui substituer celle dune suite ininterrompue de renaissances. Et Rémi Brague de risquer : le Moyen Âge est une époque, peut-être la seule de lhistoire, qui na jamais accepté dêtre un Moyen Âge. Il a toujours voulu être une Renaissance, depuis le début. Et il na jamais hésité à aller chercher en dehors de soi ce quil lui fallait : l« authenticité » na jamais été un souci tel quil écartait le souci primordial de ce qui est vrai, beau, utile, intéressant. Lorsque, dans la Bagdad du IXe siècle, les califes ont encouragé la traduction des uvres grecques en philosophie, en mathématique, en médecine, ils ne se sont pas demandé si Aristote, Galien ou Euclide allaient ou non troubler la pureté de leur identité. Lorsque les bénédictins recopiaient lArt daimer dOvide, croyaient-ils sérieusement quils y lisaient une allégorie dont le christianisme livrait la clé ? Doù la rapide généralisation de Rémi Brague. Le propre nest pas le Bien : ce qui est « à moi » nst pas nécessairement ce qui est bien. LEurope a eu la chance de faire lexpérience concrète de cette différence grâce à la distance qui la sépare de ses sources culturelles. Ce qui fait la culture européenne, lhellénisme et Israël, nest pas européen de même que les deux villes qui les symbolisent, Athènes et Jérusalem, ne sont pas en Europe. Les étudier ce nest pas approprier leur passé, mais sortir de soi. Les sources où puise lEurope sont en dehors delle. Elles peuvent donc ne pas être sources, mais le devenir, pour quiconque veut y puiser. Un exemple à suivre Il y a là un exemple pour lEurope daujourdhui. Pas seulement pour ce qui se trouve enserré dans ses frontières géographiques, dailleurs assez floues, mais aussi pour tout ce qui, dans les cinq continents, se réclame celle. Les médiévaux ont su aller chercher en dehors de chez eux, en dehors de leur expérience immédiate, chez les Anciens, et même en dehors de leur tradition propre, dans le monde arabe, des données culturelles. Ils ont su les travailler, les développer, les prolonger. Mais sans jamais oublier que ce quils empruntaient venait du dehors. Sans jamais oublier que la source restait au dehors. De la sorte, on pouvait sans cesse retourner y puiser. On pouvait ainsi corriger une réception par loriginal que lon avait reçu et permettre par là une nouvelle réception plus fidèle aux sources. LEurope sengageait ainsi dans une dialectique sans fin. Elle trouvait son moteur dans létrangeté même de ce quil lui fallait assimiler et qui, restant au dehors, continuait de susciter son désir. Rémi Brague citant alors limage un peu baroque, celle de lâne quon fait avancer en attachant devant lui une carotte quil voit, mais ne peut atteindre
Puissions-nous donc ne jamais céder à la satisfaction du possédant. Puissions-nous ne jamais nous endormir sur notre richesse matérielle ou, ce qui est peut-être pire, car la profanation affecterait quelque chose de plus digne, puissions-nous ne jamais justifier notre sommeil par nos richesses culturelles. Ces richesses ne sont pas à nous. Elles viennent dailleurs. Et elles ne sont pas que pour nous. Cest ce que les penseurs médiévaux avaient compris. Leur étude le montre de plus en plus clairement. Les médiévaux ont eu le courage dagir en conséquence. Puissions-nous les imiter. Les trois aspects du tournant européen Les éléments de la grandeur européenne ont été acquis au Moyen Âge
Le tournant qui y mène semble être le XIe siècle, car cest à cette époque que se mettent en place les mécanismes qui vont aboutir à la concrétisation de lEurope comme civilisation. Le projet est plus ancien puisquil date de lidée dun empire dOccident qui existe peut-être chez Charlemagne (800), et en tout cas, en Allemagne, chez les Ottoniens (962). On peut distinguer pour plus de clarté trois aspects, même si ceux-ci, dans lhistoire concrète, se conditionnent mutuellement : Au début du XIe siècle, la liste des peuples présents dans lespace européen devient complète et définitive. Les « invasions barbares », depuis les premiers Germains, les Cimbres et les Teutons massacrés par Marius, jusquaux Hongrois, des tribus nomades venues dAsie ne cessent davancer vers louest et le sud. Elles sont poussées de proche en proche par leurs voisines, le premier moteur invisible étant peut-être lexpansion de lEmpire des Ottoniens. La part essentielle dans la création de l'Empire revient, en effet, à Otton Ier le Grand (912-973). Ayant réussi à consolider la royauté en Allemagne grâce à l'appui que lui prêtait l'Église, poussant les limites de la Germanie dans les pays slaves situés à l'est de la Saale et de l'Elbe dont il entreprit la christianisation, roi d'Italie dès 951, paré du prestige qui lui valut sa victoire sur les Hongrois au Lechfeld, en 955, il fut appelé à Rome par le pape Jean XII qui le couronna empereur le 2 février 962. Essentiellement germanique par sa composition, romain par son lieu de naissance, l'Empire assura à Otton Ier le contrôle de l'élection papale et de l'État pontifical et lui conféra en outre une mission générale de protection de la chrétienté. De mêm e, il se peut que la fin de ce mouvement séculaire soit liée à la crise de lEmpire chinois commencée au VIIIe siècle. Comme les Turcs se fixent en terre dIslam et les Bulgares en terre byzantine, dans lespace de la chrétienté latine ; les Hongrois, les Polonais et les Tchèques se convertissent au christianisme catholique, acquérant leur autonomie ecclésiastique autour de lan mil ; en particulier grâce au pape Sylvestre II qui leur accorde des évêchés bien à eux, indépendants de ceux du Saint-Empire auquel ils ne sont pas obligé de sagréger. Au milieu du XIe siècle, lEurope achève de se définir elle-même, au sens le plus complet du terme, en se distinguant de ce qui nest pas elle. Elle était déjà séparée de lIslam depuis la conquête arabe du sud de la Méditerranée, au VIIe siècle. En 1054, avec lexcommunication mutuelle des Latins et des Byzantins, les deux moitiés de la partie nord de la Chrétienté (noublions pas en effet, au sud de celle-ci lÉthiopie et les chrétientés vivant en terre dIslam) se séparent. Il existe désormais une chrétienté latine réellement distincte de la chrétienté de culture grecque. Quelques années plus tard, la bataille de Mantzikert (actuellement Malazgirt en Turquie, au nord du lac de Van) voyant larmée byzantine de lempereur Romain IV être mise en déroute par larmée du sultan seldjoukideAlp Arslan (1071), signe lentrée en scène de la puissance turque qui sera le fossoyeur de lEmpire byzantin. Vers la fin du XIe siècle, enfin, lEurope se remplit delle-même, en faisant coïncider de plus en plus nettement sa culture avec sa définition géographique. Elle reconquiert lEspagne sur lislam, en un mouvement qui est dailleurs paneuropéen, puisque les royaumes chrétiens du nord de la péninsule reçoivent laide de mercenaires venus de France, de Normandie, voire dAllemagne. En 1085, les Castillans prennent Tolède. Cest également dans la deuxième moitié du XIe siècle que les Normands mettent fin à la domination byzantine en Italie du Sud, et musulmane sur la Sicile en prenant Messine (1061), puis Palerme (1072). À lintérieur de ce domaine désormais clos, lEurope travaille sur soi, sintensifie. Son modèle de développement LEurope tire delle-même le réel, à savoir sa population et de quoi la nourrir ; en revanche, elle importe den dehors delle ce qui relève du symbolique, car ses points de référence sont le christianisme, religion venue du Moyen-Orient, la littérature grecque et le droit romain de lAntiquité. Cest en redécouvrant et en systématisant celui-ci que la révolution juridique du XIe siècle a lancé le christianisme dans lentreprise de réformer le monde. On a depuis longtemps mis laccent sur les emprunts extérieurs de la pensée européenne et souligné que la grande scolastique aurait été tout autre sans lapport des penseurs juifs et musulmans de langue arabe. On a cent fois raison de rappeler que Thomas dAquin, Dun Scot, Eckhart et tant dautres ont construit leurs systèmes en puisant chez Avicenne, Averroès et Maïmonide. Mais on oublie que pour emprunter, il faut en éprouver le besoin. Il faut expliquer la demande, à savoir pourquoi lOccident a-t-il éprouvé le besoin doutils intellectuels plus fins ? LOccident a dabord travaillé sur ce quil avait à sa disposition avant dimporter, commençant par exploiter au plus haut degré de raffinement possible les instruments rudimentaires quil possédait. De grands esprits comme saint Anselme de Cantorbéry (1109) ou Abélard ( 1142) devaient se contenter de travailler avec saint Augustin et les lambeaux dAristote disponibles. Sans eux, lEurope naurait pas éprouvé le besoin daller chercher ailleurs ce qui lui manquait dAristote. Lanthropologie pré-moderne Dans lanthropologie pré-moderne, lhomme médiéval, comme lhomme antique, se sentait engagé dans un double rapport à soi-même et à lextérieur. Son rapport à soi-même supposait un travail sur soi qui reçut divers noms, comme lepimeleia sautou des Grecs, la cura animi romaine, lascèse chrétienne, mais qui, dans chaque cas, consistait à introduire à lintérieur un modèle qui venait dailleurs et den haut. Limage de la statue que chacun reçoit à sculpter, actuellement à l mode, vient de Plotin pour qui il fallait non pas sculpter une statue à notre image, mais bien au contraire se sculpter soi-même sur limage des dieux. Dans son rapport au monde extérieur, lhomme se savait ordonné à un kosmos qui était pour lui source de sens et quil ressentait comme supérieur. Lhomme médiéval se pensait à travers des schémas qui lui venaient de deux sources, grecque et biblique. Lanthropologie grecque et biblique, si différentes quelles soient, partagent certains traits qui les opposent toutes deux à la vision moderne du monde. Elles ont en commun la même structure de base quant au rapport entre lêtre et le devoir être, entre sa nature et son destin. Toutes deux sont des pensées de dépendance et defflorescence. Lhomme est donné à soi-même par une puissance qui le domine et qui linvestit dune mission qui est de porter à la perfection le don qui fait de lui ce quil est. Pour lhomme antique, cette puissance est la nature. Ainsi Aristote souligne que la politique ne fabrique pas des hommes ; elle les reçoit tout faits de la nature. Cest dans lhomme que la nature parvient le mieux à ses fins. Lhomme est demblée lanimal le plus conforme à lunivers. Et il a pour mission de rendre cette conformité plus parfaite en imitant ce quil y a de plus beau et de plus régulier en celui-ci. Lhomme du judaïsme et du christianisme se comprend comme « créé à limage de Dieu » (Genèse, I, 26). La formule a deux versants qui se complètent et se corrigent : lhomme partage son statut de créature avec tout le reste de ce qui est ; mais il se distingue des autres créatures par son statut dimage de Dieu. Dans le christianisme, le second modèle na pas purement et simplement remplacé le premier quil aurait relégué dans le domaine du périmé. La nature est lobjet même de la création divine. Cette décision métaphysique a permis deux séries de conséquences : au positif, elle a rendu possible au XIIe siècle la reprise de la cosmologie du Timée de Platon par lÉcole de Chartres et lidée selon laquelle la Nature est lintermédiaire du Créateur. au négatif, un siècle plus tard, elle entraîna le rejet par saint Thomas dAquin, dans la foulée de Maïmonide, de la vision du monde du Kalâm islamique, vision radicalement discontinuiste selon laquelle les choses sont constituées datomes, et le temps dinstants que seule maintient lhabitude qua Dieu de les créer ensemble. Les deux modèles avaient en commun une certaine limitation de lhomme : le modèle antique situait lhomme parmi dautres êtres naturels, comme les animaux, voire les dieux qui sont aussi en un certain sens des êtres naturels. Lhomme avait une nature qui lui ouvrait des possibilités mais lui imposait aussi des limites. La sagesse antique consistait pour lhomme à rester conscient de ce qui le séparait des dieux. Cest dailleurs le sens du précepte de lApollon de Delphes : « Connais-toi toi-même ». Lhomme était sans doute lanimal le plus parfait, mais il nétait pas lêtre le plus parfait qui soit, car les corps célestes le surplombaient de leur splendeur. le modèle biblique, de son côté, faisait de lhomme limage de Dieu. Cela lui assurait une dignité incomparable , mais lui assignait aussi des tâches et des devoirs. Là aussi, lhomme était tout juste en-dessous des êtres divins (elohim), mais en-dessous deux quand même, comme le chantre le Psalmiste (Psaumes VIII, 6). Cette image de lhomme se transposait aisément ai niveau de la culture dans une acceptation de la dépendance ou de la « secondarité » par rapport à des sources antérieurs. La non-anthropologie moderne Ce double rapport à soi et à lautre sest inversé par rapport au modèle médiéval. Lhomme moderne na plus à travailler sur soi. Il est censé être un donné initial. Il est devenu, peut-être plus radicalement que chez Protagoras, la mesure de toutes choses. Cest lui qui a des droits ; cest de lui quon attend quil donne un sens à tout ce qui est. Pour lhomme moderne, symétriquement, lextérieur nest plus un lieu de sens, fait lié à la montée des sciences de la nature qui représentaient déjà largument décisif des Modernes dans la querelle qui les opposait aux Anciens. Depuis lors, les sciences de la nature sont devenues la clef de voûte de la civilisation matérielle, de par la technologie quelles rendent possible. Mais, quelle que soit leur valeur comme productrices de vérité, elles ne sont pas source de culture. En effet, si elles mettent bien lhomme à lécole dune extériorité radicale, elles le placent du même coup face à un factuel brut, qui ne peut guider en rien la quête humaine du sens ! Là aussi, toute une anthropologie est en jeu. On a pu caractériser la Modernité comme la tentative pour se dégager aussi bien de lAntiquité païenne que du christianisme en jouant lun contre lautre. Cest ce quelle fait aussi pour les deux modèles anthropologiques qui l(ont précédée. Contre le christianisme, la Modernité déploie un naturalisme. Lhomme est selon elle un pur produit de la nature. Cela lui permet de rejeter lautorité divine. Mais en même temps contre le paganisme, lhomme moderne continue de revendiquer lhéritage biblique, dont la mission de soumettre et dominer la terre. Il lui faut pour cela se prendre pour plus quun des êtres de la nature. Lhomme moderne se sent nêtre quune partie de la nature, mais ne pas recevoir du dehors des caractéristiques qui le feraient celui quil est. En un mot, il prétend être nature, sans pour autant avoir de nature. Rien ne le pose plus dans lêtre, rien ne laffirme plus dans sa légitimité que lui-même, cest-à-dire rien. « Jai fondé ma cause sur rien », cette phrase que le philosophe allemand Max Stirner (1856) avait empruntée à Goethe, pourrait servir de devise à lhomme moderne. Cet homme postmoderne peuple lEurope daujourdhui, ou en tout cas y donne le ton. Cest lui qui en tient les leviers de commande, dans léconomie come dans la politique nationale ou bruxelloise. Cest lui qui, sans toujours le savoir, contrôle la conscience des peuples européens en leur faisant voir le monde à travers ses propres catégories. Un fait nouveau caractérise lépoque contemporaine Un fait qui se situe dans le droit fil de cette histoire, mais qui représente quand même un tournant décisif. Le produit à importer est de moins en moins les matières premières, et de plus en plus le matériau humain, à la suite de la crise démographique qui sest mise en place. Il y a longtemps, à des degrés divers selon les régions, à commencer par la France du milieu du XVIIIe siècle, et qui a pris un aspect particulièrement dramatique dans les années soixante du XXe siècle. Ce nest que depuis une dizaine dannées que cette crise est arrivée à la conscience des médias. Le fantasme dune surpopulation ne subsiste que chez peu de gens. Ceux qui, très tôt, avaient sonné lalarme et sétaient fait couvrir dinjures, ou au moins de ridicule, apparaissent désormais comme des précurseurs. Apparaissent aujourdhui des statistiques qui font sinquiéter de la survie de lhumanité. Quant à lEurope, la Commission de Bruxelles a lancé lidée selon laquelle une immigration massive serait nécessaire pour en maintenir le niveau de vie. De plus en plus, lEurope est appelée à vivre sous perfusion. Et sous perfusion de peuples qui ont gardé des croyances et des pratiques prémodernes. LEurope ne pourra donc survivre que si le reste de lhumanité den adopte pas les usages. Les philosophes de lÉcole de Francfort avaient ainsi décrit à la fin de la Seconde Guerre mondiale la « dialectique des Lumières ». On trouve ici une réalisation concrète : lespoir de durée du mode de vie moderne, réside dans léchec même de son projet, à savoir élever jusquà son propre niveau lensemble de lhumanité. Cest sous cet angle aussi quil faut voir lentrée dans la communauté européenne de nouveaux pays. Quune entité politique se forme, puis sagrandisse par des moyens entièrement pacifiques, cest dans lhistoire une nouveauté inouïe dont il faut se féliciter. Mais ne soyons pas naïfs et sachons percevoir derrière l« Hymne à la joie » les froids calculs des décideurs : lélargissement de la Communauté a quelque chose dune prédation. Les économies avancées espèrent exploiter des réserves de main duvre qualifiée à bon marché. Rémi Brague, par manque de compétence affichée en démographie, se résout à ignorer les innombrables médiations qui sy rencontrent, pour aller droit à ce qui lui semble essentiel et qui relève précisément du déficit anthropologique sur lequel il souhaite attirer notre attention. Il est une chose, et peut-être une seule, que la Modernité ne peut pas faire. Malgré ses indéniables succès, elle na pas les moyens de répondre à la question de la « légitimité de lhumain ». La Modernité sest rendue capable de produire de la prospérité, de la justice, de la culture, donnant ainsi une réponse pratique à la question de la vie bonne, ou à tout le moins de la « bonne vie » ; en revanche, elle est devenue incapable de dire pourquoi il est bon quil y ait des hommes pour vivre une telle vie. Terminant par une note moins sombre, Rémi Brague déclare quil nest pas impossible que, dans lEurope du Centre et de lEst, ou ailleurs dans le monde, des réserves de matériau humain soient encore disponibles. Mais quil est encore aussi possible despérer quon trouvera quelque part ce qui est bien plus précieux : des réserves, non seulement dhumains, mais de ce qui fait que lhumain est humain, de nouveaux gisements de sens. Nous en avons besoin, car croire à lEurope ne suffit pas
Il faut encore bien croire à lEurope. Et cela nest possible que si lon ne croit pas seulement à lEurope.
[1] Voir par exemple Flasch, PDM, p. 136-139. [3] Commentaire du Guide des Égarés, II, 19, éd. Goldenthal, Vienne, 1852, p. 32 a. [4] Voir G. Vajda, Isaac Albalag, averroïste juif, traducteur et annotation dal-Ghazali, Vrin, 1960, p. 38. [5] Ibn SabIn, Correspondance philosophique avec lEmpereur Frédéric II de Hohenstaufen, Istanbul/Paris, IFEA/de Boccard, 1943, XIX-98 p. [6] Voir Maïmonide, G, I, 71. Pour linfluence chrétienne sur le Kalâm juif, voir Dawud ibn Marwân al-Muquammis, Twenty Chapters 1989. [7] Voir A. Altmann, « Problems of Research in Jewish Neoplatonism » [hébreu], Tarbiz, XXVII-4 (juillet 1958), p. 501-507. [8] Voir S. G. Papadopoulos, « Thomas in Byzanz, Thomas-Reception und Thomas-Kritik in Byzanz zwischen 1354 und 1453 » Theologie und Philosophie, 48 (1974), p. 274-304. [9] Imposition de sa foi aux autres par la force. [10] Samuel Ibn Tibbon, Maamar Yiqqawu ham-main, éd. M.L. Bisseliches, Presbourg, 1837, p. 175. [11] The Monks of Kûblai Khân Emperorof China or the History of the Life and Travels of Rabban Sâwmâ, Envoy and Plenipotentiary of the Mongol Khâns in the Kings of Europe, and Markôs who as Mär Yabkh-Allâhâ II Became Patriarvh of the Nestorian Church in Asia, Trnslated from the Syriac by Sir E. A. Wallis Budge, Kt. (
) Londres. The Religious Tract Society, 1928, chap. VIII, p. 183-184. [12] Ibn Khaldûn, M, VI, 18, t. 3, p. 93; LE, p. 946. [13] Maïmonide, G, III, 48, p. 439, 15-18 ; trad. Munk, p. 396. [14] Énéide, VI, 847-853. [15] Bernard de Chartres, philosophe platonicien du XIIe siècle, cité par Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4 ; PL, 199, p. 900 c.
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