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Synthèses - De la particule à l'information III





DE LA PARTICULE À L’INFORMATION
EN PASSANT PAR LES CHAMPS
 3ème PARTIE 
 DES CHAMPS À L’INFORMATION
 
La théorie quantique des champs
Un « champ » en physique est une région d’espace dans lequel une certaine influence physique est exercée sur les objets. On trouve par exemple les champs magnétiques et gravitationnels. Une théorie des champs décrit donc comment ces champs se comportent et comment les objets interagissent avec les champs dans lesquels ils se trouvent. Un des fondateurs de la mécanique quantique, Paul Dirac (1902-1984), a publié plusieurs thèses à la fin des années 1920 en montrant comment la théorie des quanta pouvait être combinée avec la théorie des champs électromagnétiques de James Clerk Maxwell (1831-1878) ainsi qu’avec la théorie de la relativité d’Einstein. Le produit de cette recherche fut la première théorie des champs « quantisée » qui décrivait comment les électrons et les photons, les particules lumineuses réagissent les uns avec les autres.
Après un début prometteur, la théorie quantique des champs connut une période difficile dans les années 1930 et 1940 où elle fut en proie à des difficultés mathématiques. Ces difficultés furent résolues lorsqu’en 1940 plusieurs physiciens, dont le grand Richard Feynman (1918-1988), produisirent l’électrodynamique quantique[1]. Plus tard, cette force fut utilisée pour combiner la force électromagnétique avec une autre des quatre forces de la nature, l’interaction faible trouvée à l’intérieur des atomes. Les travaux de Feynman expliquèrent ce qui se passe lorsque les atomes radioactifs se désintègrent. Ce développement fut alors connu sous le nom d’interaction électrofaible. Une théorie quantique des champs séparés, appelée chromodynamique quantique a également été développée depuis pour décrire l’interaction forte. Seule la quatrième et ultime force de la nature, la gravitation résiste encore à ce jour à toute tentative de « quantisation ».

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Ainsi, tout dans le monde peut être expliqué fondamentalement avec la théorie quantique des champs : tout est fait d’atomes qui sont accrochés les uns aux autres par les interactions de leurs électrons ; ces interactions sont dues à la force électromagnétique agissant entre eux, qui n’est à son tour qu’un échange de photons. Ainsi il est juste de dire que la théorie quantique des champs étaye la majeure partie de la physique, toute la chimie, et par conséquent toute la biologie également. Les particules agissent donc en synchronie avec un potentiel quantique dont la structure n’est pas évidente dans le monde newtonien dans lequel nous vivons, mais qui existe sur un plan invisible en influençant de façon non manifeste notre réalité. En substance, l’univers fonctionnerait à travers deux champs croisés de la même manière que le champ électromagnétique décrit par les équations Maxwell qui comporte un champ électrique et un champ magnétique orthogonaux.
Domaine quantique et domaine classique seraient accouplés pareillement, le premier opérant de façon non locale et le second de façon causale[2].
 La « diffusion de Bohm », sa première découverte
 Préparant son doctorat qu’il obtint en 1943, David Bohm entreprit des recherches sur les gaz ionisés[3] (plasmas[4]) qui l’amenèrent à découvrir un phénomène physique connu sous le nom de « diffusion de Bohm », provoqué par l’instabilité dans le plasma lorsque ce dernier réagit avec un champ magnétique externe et qui consiste en une perte rapide de plasma à travers les lignes de force du champ. L’effet de diffusion découvert par Bohm prévoit qu’elle se manifeste avec une loi 1/B (où B est l’intensité de champ magnétique). Cette découverte se révéla fondamentale pour la future physique des réacteurs nucléaires.
Sa recherche sur les plasmas se poursuivit et connut un développement important à l’époque où Bohm était professeur assistant à l’université de Princeton (1947). Là, il étudia le comportement des électrons dans les métaux. Dans ce cas aussi, il s’aperçut que le mouvement des électrons individuels était en mesure de produire des effets d’ensemble hautement organisés, en découvrant ainsi un phénomène désormais connu sous le nom « d’oscillation des plasmas ».Le travail innovant de Bohm dans le domaine de la physique des plasmas consolida sa réputation de physicien théorique résolument rigoureux et à la fois créatif et original. Ce qu’il observa est bien décrit dans la biographie que lui consacra David Peat, physicien et écrivain britannique :
Lorsque deux électrons chargés négativement sont totalement isolés, l’interaction entre eux s’étend sur une grande distance. Mais dans un plasma, un nombre gigantesque (de centaines de millions) d’autres particules chargées se recombine pour protéger cette interaction à grande échelle. Chacune des particules chargées du plasma n’interagit alors avec les particules proches que sur de petites distances. Mais les réactions à grande distance n’ont pas encore disparu. Ce sont ces dernières qui permettent que le plasma se comporte de façon cohérente.
Vu de loin, un plasma semble être une série d’oscillations collectives comportant un très grand nombre de particules. Grossies plusieurs fois, seul le mouvement aléatoire des particules résulte toutefois visible. Bohm fut en mesure de créer une description mathématique su plasma qui contient les deux points de vue individuel et collectif. Une description (coordonnées individuelles) explique le mouvement libre des particules individuelles. Puisque que les deux descriptions font partie d’un seul tout, le mouvement collectif du tout est renfermé dans le mouvement aléatoire individuel et vice versa. De façon semblable une personne peut se sentir relativement libre, même si elle est influencée à travers des perceptions communes et des significations, par toutes les valeurs mondiales de la société. Puisque les individus répondent à des significations partagées, la société en tant qu’ensemble est en mesure de soutenir une structure complexe. Les sociétés humaines, comme les plasmas sont une synthèse de contraires, afin de permettre aussi bien la liberté individuelle que l’association de l’ensemble. Techniquement parlant, Bohm était en mesure de démontrer pourquoi les plasmas deviennent instables dans un champ magnétique externe. Il s’agissait là de son exposé théorique du phénomène de la diffusion dans un plasma turbulent , autrement connu sous le nom de « diffusion de Bohm ».   
Ainsi, l’étude des plasmas fut la porte par laquelle il entra dans le règne de l’ordre implicite.
 
La Quantum theory de Bohm
 En 1951, Bohm dans la tentative de comprendre la théorie quantique écrivit un manuel intitulé
Quantum theory, dans lequel il développa clairement l’« Interprétation de Copenhague ». Il y affirmait que c’est le désir de comprendre les phénomènes qui guide la théorie, et pas la théorie qui guide le physicien. Il commença à introduire les concepts qu’il développerait par la suite tels qu’exprimés par cette phrase :
 Les concepts quantiques sous-tendent que le monde agit plus comme une unité indivisible où la nature intrinsèque de chaque partie (particule ou onde) dépend aussi d’une certaine manière d’une relation qu’elle entretient avec ce qui l’entoure. 
 Son texte, tout en respectant le modèle canonique de la mécanique quantique unanimement accepté jusqu’alors et sans, pour l’instant introduire de modèles alternatifs, mettait en lumière les aspects obscurs de la théorie classique, c’est-à-dire l’impossibilité de traiter les objets de la mécanique quantique de manière causale et déterministe comme cela avait été le cas avec la mécanique classique de Newton. Il aspirait à une rationalité qui émergeait paradoxalement de ses intuitions sur le problème.
D’un côté, il y avait une théorie quantique hautement mathématique qui aboutissait toutefois à des conclusions d’inspiration quasiment métaphysique – conclusions partagées par Bohr et Pauli –, et de l’autre, il y avait l’aspiration – née exclusivement de l’intuition de Bohm – à porter les conclusions de la théorie quantique à un niveau rationnel et déyerministe.     
 
L’interprétation « ontologique » du monde subatomique par Bohm
 Ainsi définie, c’est-à-dire relative « à ce qui existe » et de plus « causale », son interprétation rejette la thèse selon laquelle la fonction d’onde fournit la description la plus complète possible de la réalité ; ce qui le conduira à éviter d’introduire.la notion mal définie et insatisfaisante d’« effondrement de la fonction d’onde » et tous les paradoxes qui en découlent. Au contraire, il opposera l’existence réelle de particules et de champs. Il décida alors d’enquêter sur la façon dont l’électron était guidé dans sa trajectoire. Pour y parvenir, en s’inspirantduconceptd’« ondepilote »conçuparLouis de Broglie, il reformula complètement l’équation de Schrödinger, en utilisant une fonction d’onde spéciale, en y ajoutant le paramètre crucial le « potentiel quantique ». Ainsi l’électron ne devient pas effectif par hasard mais se meut sous l’action d’un « potentiel quantique », lequel en transmettant l’information de l’environnement général et en garantissant des connexions directes non locales (c’est-à-dire instantanées) entre les systèmes quantiques, le guide dans une trajectoire bien précise et potentiellement déterminable. Il était ainsi possible d’expliquer la nature quantique de manière entièrement causale. On parvint alors à démontrer que les particules peuvent se mouvoir le long de trajectoires prédéfinies, sous l’action d’un potentiel quantique, sorte de phénomène explicatif global (holistique) qui agit pour conduire les électrons. Ce fut ainsi qu’il créa ce que l’on définit inexactement come une « Mécanique bohmienne », c’est-à-dire une mécanique quantique non classique. Bohm, en effet, pensait que le potentiel quantique « phare » guidait l’électron de manière non mécanique, mais la façon exacte dont cela se passait restait un mystère. Avec le français Jean-Pierre Vigier, il avait supposé l’existence d’un « fluide subquantique » par lequel l’électron pouvait échanger énergie et moment afin d’être sujet à une poussée (idée de Vigier). C’était un peu comme une réactualisation de l’onde- pilote de Louis de Broglie.
  
L’équation de Schrödinger de Bohm et la métaphore du bateau[5]
 Le potentiel quantique de Bohm n’est pas une quantité qui diminue avec l’inverse du carré de la distance comme le font tous les signaux électromagnétiques dans la physique classique : c’est une quantité qui dépend seulement de la forme. D’après Bohm :
 À la différence de ce qui se passe avec les potentiels électriques et magnétiques, le potentiel quantique ne dépend que de la forme. Cela signifie que même de potentiel quantique est faible, il peut influencer énormément la particule. C’est comme si l’onde d’un lac « tait en mesure de faire tressauter un bouchon de liège qui flotte dans l’eau, même si ce dernier est loin de la source de l’onde. Ce concept est fondamentalement différent des vieux concepts développés par Newton. Car il sous-tend que même des caractéristiques environnementales distantes peuvent fortement influencer les particules.
 Cela comporte la construction d’un modèle de portée cosmologique qui change dtastiquement les plus importantes de la physique. Bohm, parti des plasmas parvient ainsi à un conglomérat intelligent de particules avec des caractéristiques aussi bien individuelles que collectives à une échelle plus vaste où le potentiel quantique représente une espèce de force invisible qui guide toutes les particules de l’univers d’une façon tout à fait différente par rapport à tous les champs connus en physique.   
Reprenant l’équation de Schrödinger relative à la fonction d’onde Ψ, Bohm la partagea en deux termes : un terme classique qui reproduit essentiellement la physique de Newton et un terme non classique qu’il appela justement le potentiel quantique. La partie classique traite l’électron comme une particule ordinaire comme dans la physique classique de type newtonien. La partie non classique décrit le potentiel quantique comme quelque chose de semblable à une onde qui fournit de l’information à l’électron en l’unissant au reste de l’univers. De par sa nature même, le potentiel quantique est en particulier capable de rendre comptedes« effets non locaux » prévus par la célèbre « expérience mentale du paradoxe EPR.
Ainsi Bohm parvint, pour la première fois, en physique, à introduire ce qui est un véritable  « champ d’information », où l’électron n’est pas à la merci d’une mystérieuse finalité métaphysique, mais représente une quantité bien définie, même si elle se trouve en incessante transformation, sans cesse informée de l’environnement qui l’entoure.
Tout cela prouve que la physique peut être rigoureusement adaptée à l’existence de règnes plus élevés de vérité, d’ordre et d’existence, où le concept d’ « éternité » commence à jouer un rôle d’importance fondamentale.
À quelle métaphore, Bohm, avait-il pu recourir pour dédoubler l’équation de Schrödinger ? À celle du bateau qui rejoint le port. Dans ce cas, l’électron se trouve symbolisé par cette embarcation qui, par la puissance de ses moteurs arrive à destination, non sans avoir été piloté par des signaux émis par ses radars. L’analogie est complète du fait que l’énergie associée aux signaux radar est négligeable par rapport à celle des moteurs ; mais ces signaux se révèlent d’une grande importance par la richesse de leurs informations pour la direction du bateau. Voilà donc qu’apparaît à nouveau le « champ d’information ». Le potentiel quantique qui lui correspond ne serait ainsi rien d’autre qu’une énergie faible, mais hautement informée en mesure de donner forme à une énergie brute « non formée ». Quelque chose d’analogue se passe avec le mouvement de l’électron. Cette description, c’est-à-dire les considérations sur le champ d’information a un caractère objectif, dans le sens où elle permet de décrire la réalité indépendamment de l’observateur. Le concept d’information doit donc être accolé à celui d’énergie et de matière comme l’un des facteurs qui sous-tendent les processus de l’univers.      
Selon Bohm, tout cela revient un peu à dire que la mécanique quantique nous révèle la double structure de la réalité cosmique : un ensemble de forces qui gouvernent la matière et un « système de pilotage » qui fournit au monde la matière l’information sur la manière de bouger. Le premier facteur est prévalent dans le monde macroscopique descriptible aussi bien par la mécanique newtonienne que par la relativité d’Einstein où le rôle de l’observateur n’exerce aucune influence sur la réalité, tandis que le second facteur prédomine dans le monde microscopique où l’observateur en personne participe de la réalité observée. Et néanmoins, à partir du moment où le monde macroscopique est lui-même composé d’un nombre incommensurablement grand d’éléments microscopiques, le monde microscopique, lui aussi, c’est-à-dire notre réalité quotidienne est intimement pilotée par un « champ de forme » qui prévient à chaque instant la matière sur la façon de bouger.
Le monde macroscopique ne peut exister que si l’espace et le temps existent eux aussi ; la physique qui le décrit a donc des caractéristiques locales, tandis que le monde microscopique n’a pas besoin de l’espace ni du temps, mais perçoit le pilotage et l’information de façon instantanée, de sorte que la physique qui le décrit est définie « non locale ». Le monde microscopique reflète l’existence d’un infini en dehors de l’espace et du temps et ne reçoit pas l’information d’un lieu bien précis, mais de tout l’univers dont l’« emplacement » est identifié dans une espèce de « préespace », siège de la conscience de l’univers, un ordre qui existe sous le niveau des particules fondamentales et qui précède les notions d’espace et de temps. Dans ce préespace, il n’existe aucune distinction entre l’espace, le temps et la matière. À ce propos Bohm affirme :
 En mécanique classique, le mouvement, ou la vitesse, est défini comme le rapport entre la position actuelle et la position d’il y a un instant. Ce qu’il y avait il y a un instant s’en est allé : on met donc en relation ce qui est avec ce qui n’est pas. Ce n’est pas logique. Dans l’ordre implicite, où le potentiel quantique est à l’œuvre, on met en relation différents états qui sont présents ensemble dans la conscience. On met en rapport ce qui est avec ce qui est…Le « sens » est le pont entre la conscience et la matière…Tout groupement de matière a un sens pour chaque esprit distinct.
 De plus, le potentiel quantique s’annonce comme une « information active » car il contient des informations sur toute la situation expérimentale dans laquelle se trouve l’électron. Quand l’électron évolue le long de son parcours, il répond à ce paquet d’information, en atteignant une espèce de « statut ». Lorsque ce « statut » est enregistré dans le monde macroscopique, l’information devient inactive et ce qui était potentialité devient actualité [évènement].    
Et que dire des photons ? Bohm se rendit compte que la lumière, ainsi que d’autres champs) peut être traitée comme l’action de champs purs afin que le photon devienne un objet global non local. De la sorte la lumière et le champ électromagnétique en général sont entendus comme un mouvement vers l’intérieur du champ et vers l’atome excité pour ensuite se répandre à nouveau vers l’extérieur tout en prenant l’énergie en excès de l’atome. À propos des particules élémentaires et de l’électron en particulier Bohm disait :
 Selon la physique classique, la réalité est effectivement constituée de petites particules qui séparent le monde dans ses éléments indépendants. Je propose à présent le contraire, c’est-à-dire que la réalité fondamentale soit un processus de fermeture et d’ouverture, et que ces particules ne soient que les abstractions de ce processus. Nous pourrions nous imaginer l’ électron non pas comme une particule qui existe sans cesse mais comme quelque chose qui entre et qui sort et qui entre à nouveau. Si ces condensations sont très proches dans le temps, elles peuvent approcher une trace. L’électron ne peut jamais être séparé de la totalité de l’espace, lequel est son terrain.
 Le dualisme onde /particule est donc vu comme un processus dynamique qui a lieu des milliards de fois par seconde, en mesure de raccorder sans cesse le micromonde au macromonde. De la même façon, pour citer l’une des nombreuses métaphores qu’il utilisait pour expliquer sa physique, Bohm comparait la nature quantique de l’électron à un tourbillon d’eau qui se forme dans un lavabo dont le trou est ouvert. Le tourbillon à l’air d’être, du moins pendant un certain temps, une entité stable et bien localisée, mais en réalité il n’existe pas, si on ne l’associe pas au fond du lavabo et à l’eau. Le tourbillon n’existe que comme forme momentanée : les particules de la mécanique quantique fonctionnent de la même façon[6].  
 
Le paradoxe EPR et la non-localisation
 Les résultats de l’expérience EPR montraient clairement que des particules subatomiques qui sont éloignées l’une de l’autre sont en mesure de communiquer entre elles d’une manière qu’on ne peut pas expliquer par l’émission de signaux qui circulent à la vitesse de la lumière. Ainsi, comme le pensait Einstein, ou bien la mécanique quantique est complètement fausse, ou bien les particules doivent obéir à des « variables cachées » qui restaient à découvrir. Bohm avait sans doute identifié ces variables cachées, justement dans le potentiel quantique qui détermine, le caractère non classique de cette mécanique tout en permettant de trouver un élément en mesure de gouverner de manière apparemment déterministe et causale les trajectoires des particules quantiques. Sans aucun doute, en réfléchissant profondément sur les conditions de l’expérience EPR, Bohm commença à subodorer que la raison pour lesquelles les particules subatomiques restent en contact indépendamment de la distance qui les sépare réside dans le fait que leur séparation est une illusion. Dans les étapes successives de sa vie, en particulier avec sa théorie de l’« ordre implicite », il développa et mûrit en effet l’idée qu’à un certain niveau de réalité plus profond, ces particules ne sont pas des entités individuelles, mais des extensions d’un même organisme fondamental. Un organisme qui remplace complètement de « mécanisme froid », tel que le conçoit la mécanique classique pour décrire l’interaction entre les objets.
En 1959, Bohm et Yakir Aharonov, un de ses jeunes assistants d’origine israélienne, découvrir un important exemple de ce qui peut être défini comme « interconnexion quantique ». En effet, dans certaines circonstances, les électrons sont en mesure de « sentir » la présence d’un champ magnétique proche même s’ils sont en train de voyager dans des régions d’espace où la force d’un champ magnétique est nulle. Ainsi, même en l’absence d’un champ et d’uns source, l’électron est capable de sentir un potentiel : ce célèbre « potentiel vecteur », une quantité qui dans l’électrodynamique classique n’était considéré que comme un pur artifice mathématique, mais sans aucune signification physique (voir Annexes) et qui, au contraire, avec l’expérience d’Aharonov et de Bohm, est capable d’agir seul sur l’électron en altérant la phase de sa fonction d’onde. Ce phénomène est à présent connu sous le nom d’« effet Aharonov-Bohm », découverte de grande portée qui, malgré le Wolf Prize qui fut attribué collectivement à ses découvreurs en 1998, laissa de nombreux physiciens incrédules.     
 Mais la question était loin d’être réglée car l’hypothèse des paramètres cachés souleva encore plusieurs débats, notamment le problème de la localité. En 1964, Bell avait démontré l’incohérence entre le formalisme des variables cachées locales et celui de la mécanique quantique. Contrairement aux hypothèses d’Einstein, les inégalités de Bell suggéraient que les états physiques réels d’objet spatialement séparés étaient loin d’être complètement indépendants. En effet, lorsque l'on effectue une même mesure, par exemple la mesure du spin dans une direction donnée, sur deux particules intriquées on obtient deux résultats corrélés (deux résultats identiques dans le cas de la polarisation d'un photon).
 
L’interprétation particulière donnée par Bohm à l’expérience d’Aspect
 La "décou­verte" d’Aspect et de son équipe, à l’Institut d’optique d’Orsay, consiste en une expé­rience – sans doute la plus importante du 20e siècle –, réa­lisée en 1981, 1982 et 1988. David Bohm en a donné l’inter­pré­tation par­ti­cu­lière suivante : selon lui, puisque la physique quan­tique fonc­tionne sans notion d’espace ou de dis­tance, la matière n’est que de l’information, si bien que l’univers peut être comparé à un hologramme.
Les faits d’abord : l’expérience de 1981 a montré que les par­ti­cules sub​​atomiques comme les photons et les élec­trons d’un même système (deux par­ti­cules issues d’une division ou d’une inter­action pré­cé­dente) sont capables de com­mu­niquer avec leur doublon indé­pen­damment de la dis­tance qui les sépare. Chaque par­ticule réagit au com­por­tement de l’autre comme si elles ne fai­saient encore qu’une. Le moyen de cette com­mu­ni­cation (au moins deux fois plus rapide que la lumière) pose un pro­blème : il est indé­tec­table. Cette com­mu­ni­cation viole la loi mathé­ma­tisée par Ein­stein selon laquelle aucune masse ne peut voyager plus rapi­dement que la vitesse de la lumière. On en a déduit que le « potentiel quantique » était la variable cachée non locale de la théorie de Bohm.
Dans la plus grande partie de son his­toire, la science occi­dentale a tra­vaillé à amé­liorer la façon de com­prendre un phé­nomène phy­sique, de la gre­nouille ou l’atome, en le dis­sé­quant et en étudiant chacune de ses parties préa­la­blement définies. Pour David Bohm, l’hologramme nous enseigne que plu­sieurs choses dans l’univers pour­raient ne pas se prêter à ce type d’approche. Si nous essayons de démonter quelque chose construit holo­gra­phi­quement, nous n’arriverons pas à déter­miner les pièces qui le consti­tuent, nous obtien­drons seulement des "touts plus petits". Cette idée permet de com­prendre la décou­verte d’Aspect.
En définitive, Bohm croit que la raison pour laquelle les par­ti­cules sub​​atomiques sont capables de rester en contact entre elles indé­pen­damment de la dis­tance qui les sépare n’est pas parce qu’ils enver­raient un mys­té­rieux signal dans les deux sens (plus rapide que la vitesse de la lumière), mais parce que leur sépa­ration est une illusion. Il sou­tient qu’à un niveau plus profond de la réalité, de telles par­ti­cules ne sont pas des entités indi­vi­duelles, mais qu’elles sont des exten­sions de la même chose fondamentale.
 
L’ordre implicite comme pilote invisible de l’univers holographique
 Partant du plasma où les oscillations collectives émergent d’un nombre démesuré de mouvements individuels, Bohm sentit l’opportunité d’élargir ce concept à tout l’univers et au-delà. Dans le cadre de ce qui fut ensuite un effort à grande échelle, il se demanda aussi s’il pouvait exister une structure complexe avant le temps et l’espace. En effet, il commença à supposer que l’espace pouvait être le résultat moyen d’une série de phénomènes dynamiques complexes, apparemment chaotiques provenant d’une espèce de préespace. Avec ces objectifs en tête, qui caractérisent presque toute la période passée en Grande-Bretagne ; Bohm se consacra à formuler la théorie de l’« ordre implicite », que l’on peut comprendre comme l’ultime théorie de sa vie en tant que développement dialectique du concept de potentiel quantique et élargie des particules infiniment petites à l’univers dans sa totalité.
Dans le contexte de la nouvelle tournure que prit son travail, Bohm examina attentivement une « cosmologie philosophique » (qui peut aussi être entendue comme une métaphysique) où tout l’univers peut être pensé comme un hologramme géant et avec des caractéristiques continuellement dynamiques. Cela génère ce qu’il définit un « mouvement holographique », dans la cadre duquel se développe de façon implicite et non manifeste un ordre dans l’univers. Un ordre caché qui imprègne chaque région de l’espace et de l’univers, que Bohm appelle l’ « ordre implicite », celui de la mécanique quantique le plus proche de la pensée et de la perception. Le monde implicite, qui est caché, donne naissance comme par magie, à la réalité phénoménale, celle que l’on perçoit avec nos sens et nos instruments, donc à l’ordre de l’espace et du temps, de la séparation et de la distance des signaux électromagnétiques, de la force mécanique et de la cause effective, une réalité qui opère sous une forme qu’il appelle « ordre explicite », un monde ouvert et révélé de façon manifeste. L’ordre explicite n’est donc rien d’autre que la projection, d’un point de vue dimensionnel, de niveaux plus élevés de réalité qui trouvent leur origine dans l’ordre implicite. La stabilité et la solidité apparente des objets et des entités qui œuvrent dans l’ordre explicite sont générées et soutenues par l’alternance incessante de ce qui est latent et de ce qui est manifeste, un processus où les particule subatomiques se dissolvent sans cesse dans l’ordre implicite pour se cristalliser dans l’ordre explicite. Bohm introduisit le concept d’ordre implicite lorsqu’il commença à avoir des visions de l’infini sous la forme de très nombreux miroirs sphériques qui se reflètent l’un dans l’autre, où l’univers est composé d’une infinité de réflexions, et de réflexions des réflexions. D’après ses intuitions, chaque atome renvoie ainsi par réflexion et l’infinité de ces réflexions est réfléchie dans toute chose : chacune est une réflexion infinie du tout.
En définitive, l’ordre implicite sous-tend en « soi » tous les univers physiques. Bohm compare les caractéristiques de « pilote invisible » de l’ordre implicite à la décodification d’un signal télévisé pour produire une image sur un écran. Selon cette analogie, le signal, l’écran et l’électronique de la télévision représentent l’ordre implicite, tandis que l’image qui se forme sur l’écran représente l’ordre explicite. Une autre analogie qui explique la relation entre ordre implicite et ordre explicite est celle de la feuille de papier. Supposons que nous ayons plié plusieurs fois une feuille de papier, puis que nous la découpions en un point et que nous l’ayons dépliée à nouveau complètement. Nous observerons alors de nombreuses formes symétriquement séparées. Ces formes ont en réalité été produites par la même découpe de la feuille pliée. La coupure représente ici l’ordre implicite, tandis que les formes séparées qui apparaissent lorsqu’on déplie la feuille représentent l’ordre explicite.
 

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 Le même ordre implicite résonne à partir d’un champ d’énergie qui est encore plus grand et qui est le règne du potentiel pur. Du potentiel pur car rien n’est implicite en lui. Ce qui est latent se forme dans l’ordre implicite puis s’exprime dans l’ordre explicite. Ce qui est fragmenté et séparé par de grandes distances dans l’ordre explicite est intimement lié dans l’ordre implicite. Par exemple, un électron sur Terre et une particule alpha sur l’une des étoiles de la galaxie Abell 1835 – ma galaxie la plus éloignée de la Terre que connaissent les hommes – peuvent n’être qu’une manifestation d’un seul objet dans l’ordre implicite. Le fait qu’il s’agisse d’un seul objet et non de deux, malgré des manifestations apparemment différentes, justifie l’existence d’un lien non local, qui justement ne sous-tend pas un mouvement mais juste une espèce de « résonnance » entre les deux particules.      
Bohm associe l’idée d’un ordre implicite, celui qui pilote la réalité à l’image d’un hologramme, car cette analogie représente à la perfection le concept de totalité non fragmentée. Il suggère que chaque région de l’espace et du temps contient en soi l’ordre total de l’univers qui comprend à la fois le passé, le présent et le futur. Bohm imagine ainsi que chaque chose est contenue dans toute autre chose et parvient à l’idée de l’ordre implicite. Le terme implicite « dérive » du latin implicitus « enveloppé », l’une des formes du participe passé de implicare « plier dans, entortiller, emmêler ». La réalité implicite signifie que chacune de ses parties rappelle toutes les autres. Chaque fragment de la réalité contient des informations sur chacun des autres fragments, de telle sorte qu’on pourrait dire que chaque région d’espace et de temps contient la structure de l’univers en son sein. Dans ce contexte, le mouvement holographique est le mouvement qui rend l’ordre implicite actif. Le mouvement généré par le mouvement holographique dans chaque région délivre des informations sur chaque autre partie de la réalité. Il est alors possible de faire un parallèle avec l’hologramme. Dans l’hologramme, le mouvement de la lumière de chaque segment d’espace délivre des informations sur l’ensemble de l’objet éclairé.  
Par rapport au concept de mouvement holographique, Bogm disait :
L’ordre implicite a été relevé dans le mouvement complexe des champs électromagnétiques, dans la forme d’ondes de lumière. Un tel mouvement d’ondes lumineuses est présent n’importe où et renferme en principe l’univers spatio-temporel tout entier dans chaque région. Ce processus d’ouverture et de fermeture a lieu non seulement dans le mouvement du champ électromagnétique, mais aussi dans d’autres champs (électroniques, protoniques, etc.). Ces champs obéissent à des lois quant-mécaniques qui sous-tendent les propriétés de discontinuité et de non-localisation. La totalité du mouvement de fermeture et d’ouverture peut aller bin au-delà de ce qui a été révélé au cours de nos observations ? Nous appelons cette totalité mouvement holographique.  
 Les couches de l’ordre implicite peuvent descendre à des niveaux de plus en plus profonds jusqu’à un dernier niveau impénétrable. Bohm attribue à ce niveau les caractéristiques d’une intelligence sublime ou cosmique qu’il appelle « apex cosmique » qui ne se réalise qu’en partie dans les niveaux sous-jacents de la réalité. Cet esprit cosmique agit en s’expérimentant sans cesse de façon créative et il utilise le monde figé de l’ordre explicite pour prendre conscience de son existence en tant que conscience universelle. Dans le même temps, les consciences apparemment fragmentées qui vivent dans la dimension de l’ordre explicite restituent à la dimension de l’ordre implicite l’essence de ce qu’ils ont expérimenté dans leur règne apparemment limité. À ce propos Bohm affirme :
La conscience n’est rien d’autre qu’un échange, c’est un processus de feed-back dont le résultat est la compréhension de plus en plus profonde de la réalité.
Bohm considère l’individu comme une caractéristique intrinsèque de l’univers qui serait incomplète si la personne n’existait pas. Il pense que les individus participent à un tout et par conséquent donne un sens à ce tout. De cette façon, en raison de la participation humaine et de n’importe quel autre être conscient dans l’univers, l’ordre implicite parvient à mieux se connaître. La nature humaine elle-même est un exemple d’aspect implicite et d’aspect explicite qui s’interpénètrent. Par exemple, dans les processus qui génèrent la pensée, un type d’« information active » – c’est-à-dire un aspect du mouvement holographique – à la fois physique et mental, a lieu. Cette information active sert donc de pont entre les deux côtés de la réalité qui forment un tout. Ces deux côtés sont inséparables, dans le sens où l’information contenue dans la pensée, qui nous semble être du côté « mental », est dans le même temps liée à l’activité neurophysiologique, chimique et physique de notre cerveau, des aspects qui constituent le coté matériel de cette pensée.
Le potentiel quantique que Bohm avait examiné attentivement dans sa réinterprétation de la théorie quantique correspond donc à l’ordre implicite et au mouvement holographique qui se forme à partir de lui, mais cette fois-ci le potentiel quantique plutôt qu’être traité comme un nouveau terme indispensable de la physique est mis en contexte dans une vaste cosmologie, une cosmologie hiérarchique où tout est gouverné par un ordre implicite, rn mesure de guider la manifestation explicite de l’univers comme nous l’expérimentons quotidiennement. Bohm le résumait ainsi : L’implicite et l’explicite sont une totalité indivisible dans un flux continu. Chaque partie de l’univers est liée à toutes les autres mais à différents degrés.
Les idées de Bohm sur l’ordre implicite ont une connotation très mystique : il n’est en effet pas difficile de trouver dans l’ordre implicite les notions d’esprit, de conscience et d’idéalisme. C’est un peu comme le « monde des idées » de Platon qui gouverne à travers des mécanismes cachés, mais harmonieux, la réalité que nous expérimentons tous chaque jour. Dès lors que l’orfre implicite et l(ordre explicite sont les deux côtés d’une même médaille, alors la matière , en tant qu’ordre explicite, ne peut être séparée de l’esprit.
 
Le holomouvement ou ordre implicite, comme théorie alternative à celle des particules élémentaires
Selon David Bohm, l'univers que nous percevons serait une projection holographique d'une matrice à la circonférence de l'univers.
David Bohm a postulé que trois analogies précises suffisaient pour expliquer sa théorie, faisant remarquer aussitôt que leur correspondance avec l'ordre implicite restait limitée :
- L'hologramme, pour expliquer que toute théorie fondamentale est sans signification car on ne peut jamais complètement réduire les phénomènes, tout point de l'image reflétant toute la réalité,
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- La goutte insoluble d'encre diluée dans la glycérine, pour prouver que la non-séparabilité ou la notion d'ordre implicite est continue,
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- Le poisson d'aquarium filmé sous deux angles différents, pour démontrer que les particules sont les projections d'une réalité multidimensionnelle.
 "Le holomouvement [l'ordre implicite] dit Bohm, indéfinissable et inmesurable implique que cela n'a pas de sens de parler d'une théorie fondamentale sur laquelle tout ce qui appartient à la physique pourrait trouver une base permanente, à laquelle tous les phénomènes de la physique pourraient être définitivement réduits".
 À partir de ces trois analogies mécanistes, Bohm démontre que la perception immédiate d'un phénomène n'est qu'une approximation. Dans le cadre d'une description totale de la réalité, pour donner un sens à l'ordre implicite "nous devons dit-il, manifester conceptuellement certains ordres de mouvements plus vastes ". Tout est dans tout dit Bohm, la masse, l'énergie contiennent des informations sur l'univers tout entier (on retrouve le principe de Mach et le positivisme du Cercle de Vienne). Quand un son ou une lumière parvient jusqu'à nous, que la conscience les reconnaît, nos organes sensoriels sont confrontés à tout l'Univers. Nous devenons le sujet de notre étude, l'observateur s'observe.
Pour Bohm, l'observateur et son objet d'étude sont les perceptions explicites d'un ordre implicite, "une subtotalité relativement autonome", comme le courant du Gulf Stream fait partie de l'océan. Pour per­mettre aux non-​​scientifiques de mieux visua­liser ce que cela signifie, Bohm propose l’image sui­vante. Ima­ginez un aquarium contenant un poisson. Ima­ginez aussi que vous êtes inca­pables de voir l’aquarium direc­tement et que votre seule source de connais­sance pro­vient de deux caméras de télé­vision, l’une posée en face de l’aquarium, l’autre sur le côté. En regardant les deux moni­teurs, vous pourriez sup­poser que le poisson sur chacun des écrans est une entité indi­vi­duelle. Parce que les caméras seraient ins­tallées selon des angles dif­fé­rents, chacune des images seraient légè­rement dif­fé­rente. A force d’observer le deux poissons, vous vous rendez compte qu’il y a un certain rapport entre eux. Quand l’un des deux tourne, l’autre tourne également, selon un angle légè­rement dif­férent, ins­tan­ta­nément. Quand l’un montre son visage de front, l’autre se posi­tionne de côté. Si vous restez incons­cients de la pleine portée de la situation, de la dif­fé­rence entre ce qui vous est donné à voir et ce qui est, vous pourriez conclure que les poissons com­mu­niquent ins­tan­ta­nément entre eux. Ceci, dit Bohm, est pré­ci­sément ce qui se passe entre les micro­par­ti­cules dans l’expérience d’Aspect. La connexion appa­rente, plus-​​rapide-​​que-​​la-​​lumière, entre ces par­ti­cules devrait nous indiquer plutôt qu’il existe un niveau plus profond de réalité duquel nous sommes privés et dans lequel ces par­ti­cules ne sont pas séparées. C’est sim­plement déplacer à un niveau plus com­plexe, plus réel aussi, l’analogie de l’aquarium.
 

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 L’univers entier expliqué par « l’hologramme »
 Bohm ajoute que nous voyons les objets comme des micro­par­ti­cules, comme séparées l’une de l’autre, parce que nous ne voyons seulement qu’une partie de la réalité. De telles par­ti­cules ne sont pas "des parties" séparées, mais les facettes d’une unité sous-​​jacente, sem­blable à un holo­gramme. Cette unité serait pro­prement indi­vi­sible, comme pour l’exemple de l’hologramme fait à partir d’une rose. Tout objet de la réalité phy­sique serait compris dans des eidolons, l’univers lui-​​même serait une pro­jection, un holo­gramme. En plus de sa nature fan­tô­ma­tique, un tel univers pos­sé­derait d’autres par­ti­cu­la­rités, dif­fi­ciles à saisir pour nous qui vivons au niveau de l’illusion (et qui y avons adapté nos modes de pensée), mais répondant somme toute aux attentes pro­fondes de l’homme : celles de l’unité et de la cohé­rence, celle de l’explication der­nière de toute chose.
Si la sépa­ration appa­rente des par­ti­cules est illu­soire, cela signifie qu’à un niveau plus profond de la réalité toutes les choses de l’univers sont connectées en per­ma­nence. Le seul pro­blème reste à définir ce que sont ces choses, ces eidolons : est-​​ce des couples, des pairs, des opposés, des familles d’objets, des règnes (végétal, animal, humain…), des pla­nètes ou n’y a-​​t-​​il qu’un seul objet : l’univers entier ?
Les élec­trons d’un atome car­bo­nique dans le cerveau humain sont connectés aux par­ti­cules sous-​​atomiques de chaque saumon qui nage, de chaque cœur qui bat et de chaque étoile qui miroite dans le ciel. Tout est pro­fon­dément pénétré du Tout. Bien que la nature humaine puisse rechercher à caté­go­riser, à classer et sub­di­viser, les phé­no­mènes divers de l’univers, toutes les divi­sions sont arti­fi­cielles et l’ensemble que compose la nature étudiée est en fin de compte a seamless web. Dans un univers holo­gra­phique, même le temps et l’espace ne pour­raient plus être vus comme prin­cipes de base, parce que des concepts comme l’emplacement et la mesure s’écroulent.
Dans un univers dans lequel rien n’est vraiment séparé d’autre chose, le temps et l’espace tri­di­men­sionnel, comme les images du poisson sur le moniteur de contrôle, doivent aussi être vus comme les pro­jec­tions d’un ordre et d’une unité plus pro­fonds. Cette réalité sous-​​jacente peut être conçue comme une sorte de super­ho­lo­gramme dans lequel le passé, le présent et l’avenir existent simul­ta­nément. Cela suggère que si l’on nous donnait les outils appro­priés (dans l’hypothèse où ces outils puissent exister), nous serions capables d’atteindre au niveau super­ho­lo­gra­phique les scènes du passé… et de l’avenir.
Ce que le super­ho­lo­gramme pourrait contenir d’autre (que notre univers) reste une question ouverte. Il reste cependant permis de penser, dans l’état actuel des connais­sances, que ce super­ho­lo­gramme soit la matrice qui a donné nais­sance à notre univers : à la moindre par­ticule qui a été, qui est et qui sera, à chaque confi­gu­ration pos­sible et à toutes les formes d’énergie, aux flocons de neige comme aux quasars, aux baleines bleues comme aux rayons gamma… Il doit être vu comme un super­en­trepôt cos­mique de "Tout ce qui Est."
David Bohm admet que nous n’avons aucun moyen de savoir s’il existe un "men­songe caché" dans le super­ho­lo­gramme, dont notre univers serait l’expression. Nous n’avons ni argument pour l’affirmer, ni pour l’infirmer. On peut juste accroître notre méfiance à l’égard d’une "vérité ultime" et envi­sager que ce "niveau super­ho­lo­gra­phique" ne soit qu’une simple scène d’un ensemble plus vaste, de ce que cer­tains appellent l’Univers Global . Le déve­lop­pement de ces "univers globaux", par rapport aux­quels les univers contenus seraient sem­blables à des holo­grammes, pourrait être infini. La création d’une réalité vir­tuelle, tri­di­men­sion­nelle, holo­gra­phique, à partir d’Internet par exemple, pourrait être également consi­dérée comme un univers illu­soire contenu par "notre" univers global.
 
Karl Pribram et le cerveau holographique
 Bohm n’est pas le seul cher­cheur à avancer cette théorie. D’autres cher­cheurs ont découvert dans leurs travaux des indices forts (à défaut d’une preuve fla­grante) que l’univers est un hologramme.
Tra­vaillant indé­pen­damment de Pribram dans le domaine du cerveau, le pro­fesseur Standford est aussi per­suadé de la nature holo­gra­phique de la réalité.
 
 Ce que Pribram a retiré du modèle holographique
 Pribram a tiré du modèle holo­gra­phique une expli­cation per­mettant de résoudre l’énigme du sto­ckage de la mémoire dans le cerveau. Pendant des décennies, de nom­breuses études sur le sujet se sont mon­trées plutôt limitées dans leurs conclu­sions. Elles par­taient toutes de la pré­misse que la mémoire était loca­lisée – loca­li­sable dans un ensemble de neu­rones (une partie du cerveau). Les progrès de la recherche ont permis de montrer que la mémoire était dis­persée partout dans le cerveau, que si elle sélec­tionnait telle partie dans son activité, chaque autre partie du cerveau (y compris de l’autre hémi­sphère) contenait l’ensemble des infor­ma­tions (y compris des fonc­tions du cerveau).
Cette "dupli­cation" de l’information existe à l’état latent et il ne se mani­feste que dans des situa­tions par­ti­cu­lières. On a ainsi pu opérer, il y a quelques années, une petite fille dont on a retiré l’un des deux hémi­sphères cer­vicaux. Aucune infor­mation (mémoire) ni aucune fonction (motrice, langage, spa­tiale, etc.) n’a été modifiée. L’activité du cerveau s’est concentré dans l’hémisphère restant, avant que l’autre ne repousse (ce fait médicale a été pri­vi­légié dans les médias puisque c’était là le but de l’opération). Le cerveau une fois recons­titué en entier, il s’est ensuite réparti les tâches et les fonc­tions (et les infor­ma­tions) se sont de nouveau divisées dans les deux hémisphères.
Dans une expé­rience portant sur des points de repérage (qua­drillage du cerveau), datant des années 1920 et effectué par le spé­cia­liste du cerveau Karl Lashley, on a pu constater que peu importait quelle partie du cerveau d’un rat était retirée, l’ablation était inca­pable de sup­primer son sou­venir de la manière dont il devait exé­cuter des tâches com­plexes (apprises aupa­ravant). Si l’expérience a été "rangée dans un tiroir", c’est parce qu’elle posait le pro­blème suivant que per­sonne n’était capable d’inventer un méca­nisme capable d’expliquer ce curieux "tout dans chaque partie", qui est la nature du sto­ckage de la mémoire. L’expérience remettant en cause l’ensemble des conven­tions et des méca­nismes établis par la bio­logie (de l’époque), elle devait attendre des cher­cheurs comme Pribram pour refaire surface avec une théorie adéquate.
Dans les années 1960 en effet, Pribram ren­contre le concept d’holographie et com­prend ce qu’il avait d’abord constaté – avec l’ensemble du monde scien­ti­fique – dans la recherche sur le cerveau. Pribram pense que les mémoires sont codées, non pas dans les neu­rones ou dans de petits regrou­pe­ments de neu­rones, mais dans des modèles d’impulsions ner­veuse, entre­croisées dans le cerveau entier, de la même manière que dans les modèles de laser une inter­fé­rence légère entre­croise le secteur entier d’un morceau de film contenant une image holo­gra­phique. Autrement dit, Pribram croit que le cerveau est un hologramme.
La théorie de Pribram explique aussi comment le cerveau humain peut stocker tant de sou­venirs (et des sou­venirs com­plexes, précis) dans si peu d’espace (et pouvoir les rap­peler à volonté, les associer, etc.). Pour l’anecdote, il a été évalué que le cerveau de l’homme avait la capacité pour retenir quelque chose de l’ordre de 10 mil­liard de "par­ti­cules" d’information pendant la durée d’une vie moyenne, gros­siè­rement la même quantité d’information contenue dans cinq col­lec­tions de l’Encyclopedia Bri­tannica. Cela signifie sim­plement qu’on ne connaît pas actuel­lement les limites de la mémoire du cerveau humain (d’où l’intérêt des études sur les génies de la mémoire, tels que les autistes sur­doués). Or, les holo­grammes pos­sèdent une capacité éton­nante pour stocker de l’information : sim­plement en chan­geant l’angle de l’un des deux lasers qui frappent en une partie le film pho­to­gra­phique, il est pos­sible d’enregistrer beaucoup d’images dif­fé­rentes sur la même surface. Il a été démontré qu’un cen­ti­mètre cube de film (holo­gra­phique) peut tenir bien 10 mil­liards de par­ti­cules d’information. C’est ici que l’anecdote devient coïncidence…
 
Mécanisme de corrélation
La tech­nique de l’hologramme sert également d’explication à notre capacité de récu­pérer rapi­dement et indé­pen­damment l’information dont nous avons besoin. Si un ami vous demande de lui dire ce qui lui vient à l’esprit quand il dit le mot "zèbre", vous ne devez pas mal­adroi­tement aupa­ravant trier un fichier alpha­bé­tique gigan­tesque pour par­venir à une réponse. Intui­ti­vement, nous savons bien que nous ne rai­sonnons pas comme ça. Au lieu de cela, nous asso­cions "rayé", "pareil à cheval" et "animal ori­gi­naire d’Afrique", sans effort, en situant par­fai­tement ces mots et n’ayant conscience de rien d’autre. En effet, une des choses les plus éton­nantes dans le pro­cessus de pensée est que chaque partie d’information semble immé­dia­tement cor­rélée à chaque autre. Plus pré­ci­sément, ces asso­cia­tions ne sont pas données une fois pour toutes, apprises comme des défi­ni­tions, mais elles sont réin­ventées et peuvent être détaillées à volonté. Cela dénote une structure très souple de ce méca­nisme de cor­ré­lation. Cette facilité de "glisser" d’une infor­mation à une autre est jus­tement une pro­priété de l’hologramme - qui pourrait donc servir de modèle d’explication (à défaut de l’explication même). Dans un holo­gramme, en effet, chaque partie est "infi­niment" connectée aux autres, comme nous l’avons déjà expliqué. C’est de tout les sys­tèmes de cor­ré­lation et de mutualité, le système aujourd’hui le plus "sen­sitif" et le plus "per­formant" ; il est de tous celui qui se rap­proche le plus du fonc­tion­nement du cerveau.
 
Traduction des fréquences
 Le sto­ckage de mémoire (sou­venirs) n’est pas la seule énigme neu­ro­phy­sio­lo­gique qui devient plus com­pré­hen­sible à la lumière du modèle du cerveau holo­gra­phique de Pribram. Un autre pro­blème, et non des moindres, est celui-​​ci : comment le cerveau est-​​il capable de tra­duire l’avalanche des fré­quences qu’il reçoit via les sens (les vibra­tions, les influx nerveux, les fré­quences de sons, de la lumière visible…) dans le monde concret de nos per­cep­tions (avant de les trier et de les recon­naître). Le codage et le décodage des fré­quences sont pré­ci­sément ce qu’un holo­gramme fait le mieux. Un holo­gramme fonc­tionne comme une sorte de len­tille (un dis­po­sitif de tra­duction capable de convertir une tâche appa­remment sans signi­fi­cation de fré­quence en une image logique). Pribram pense que le cerveau com­prend aussi une len­tille et utilise les prin­cipes holo­gra­phiques pour convertir mathé­ma­ti­quement les fré­quences qu’il reçoit par les sens en un monde inté­rieur de per­cep­tions (les sen­sa­tions deviennent per­cep­tions). Un ensemble de preuves (de pro­cessus neu­ro­lo­giques décrits et avérés) suggère que le cerveau utilise les prin­cipes holo­gra­phiques pour exé­cuter ses opérations.
  
 
Synthèse des différences avec l'interprétation de Copenhague
 
 
Interprétation de Copenhague
 
 
Théorie de Bohm
 
La fonction d'onde est une entité mathématique et abstraite, qui résume toute la connaissance que l'on peut avoir sur un système quantique.
 
La fonction d'onde est objective et réelle, et détermine la position et la vitesse des particules. David Bohm reviendra sur cette position après 1952 et niera l'aspect objectif de la fonction d'onde et de la trajectoire.
 
 
La valeur de toute observable est fixée au moment de la mesure, de manière fondamentalement aléatoire, et ne possède pas de valeur déterminée ou même d'existence avant la mesure. Pas de notion de trajectoire.
 
 
La position et la vitesse d'une particule possèdent une valeur déterminée et une existence même sans la mesure. La notion de trajectoire est valide.
 
Leprinciped'incertitude d'Heinsenberg impose une indétermination fondamentale à la valeur des observables.
 
Le principe d'incertitude traduit une dispersion statistique inévitable de la mesure de variables complémentaires dans un ensemble de systèmes. Les observables possèdent en réalité des valeurs précises.
 
 
Le spin, le moment cinétique ou l'énergie sont des observables comme les autres.
 
Le spin, le moment cinétique ou l'énergie sont des variables non associées aux particules qui n'ont pas de valeur déterminée avant la mesure, contrairement à la position/vitesse des particules. Le spin est un effet associé à la fonction d'onde et non à la particule, et la mesure dépend donc entièrement du dispositif expérimental, qui influe sur la fonction d'onde globale[]. L'appareil de mesure a un rôle actif, ce qui affine et confirme l'intuition de Niels Bohr qui pensait que l'appareil de mesure agissait sur le système lors du réduction du paquet d'onde. En fait, le fait que certaines propriétés physiques n'ont pas d'existence intrinsèque et ne préexistent pas à la mesure n'est pas propre à la théorie de Bohm, il a été démontré mathématiquement à partir du formalisme standard de la mécanique quantique dans le cas de la projection du spin par exemple par Greenberger, Horne et Zeilinger. Ce qui est spécifique à la théorie de Bohm de 1952 c'est qu'elle prétend que la localisation de la particule et sa trajectoire sont des propriétés intrinsèques qui ne dépendent pas de l'appareil de mesure.
 
 
Indéterminisme fondamental dû à l’inter- action avec l'appareil de mesure et même aux conditions initiales de l'univers.
 
Chaos déterministe. L'indétermination provient de causes innombrables, non seulement de l’interaction avec l'appareil de mesure mais même des conditions initiales de l'univers. A priori une connaissance des conditions initiales de l'univers permettrait de connaître tout puisque la théorie est déterministe mais cela est impossible en pratique.
 
 
L'effondrement de la fonction d'onde est nécessaire pour modéliser la notion de mesure.
 
Pas d'effondrement de la fonction d'onde : la théorie étant déterministe, il n'y a pas d'état superposé et une seule valeur de l'observable est valide à tout instant. Le caractère imprévisible de la mesure vient uniquement de l'indéterminisme fondamental de la fonction d'onde initiale.
 
 
Particules pouvant être fondamentalement indiscernables, justifiant la statistique de Bose-Einstein
 
Particules toujours ontologiquement distinctes, c'est la non-localité de la théorie qui justifie la statistique de Bose-Einstein par influence à distance. David Bohm niera cette distinction ontologique après 1952.
 
 
 
Les façons d’opérer de Bohm
 Bohm, selon Massimo Teodorani[7], opérait en parallèle : d’un côté, il examinait dans le détail des concepts apparemment métaphysiques sur l’ordre implicite et il essayait de formuler la nature même de l’acte de penser, et de l’autre, il poursuivait les objectifs qui sont ceux de tous les physiciens. Mais rares sont ses collègues qui l’avaient compris. Sans aucun doute, les physiciens, parfois importants, qui le comprirent ne manquèrent pas. Ils le connaissaient bien et le soutinrent même lorsqu’il s’éloigna apparemment du parcours conventionnel de la physique ; notamment Albert Einstein, qui le considérait comme son héritier intellectuel, et l’autre Nobel Richard Feynman qui l’admira jusqu’au bout pour sa créativité, son courage et sa pensée originale tout en partageant sa méthodologie qui consistait à bien comprendre les limites d’un problème avant de passer à la phase du calcul. Et naturellement, il fut admiré et soutenu par ses collègues David Peat et Basil Hiley. Le premier le connut tellement bien qu’il en écrivit une très belle et complète bibliographie. Le second fut son brillantissime collègue qui, au Birbeck College de Londres, l’accompagna comme assistant pendant toute la seconde partie de sa vie. Hyley était entre autres un physicien aux formidables capacités mathématiques, capacités qui s’intégraient harmonieusement avec les facultés conceptuelles de Bohm. Ce fut en effet justement Hyley qui fournit à Bohm la technique mathématique pour tenter de construire un modèle rigoureux à la base de la théorie de l’ordre implicite, cette technique qui puisait à la topologie algébrique mais qui, malheureusement, au bout d’un certain moment, mena les deux scientifiques à s’enliser du fait de difficultés impossibles à affronter. Il est très istructif et amusant de se souvenir de la façon dont Hiley considérait Bohm. Il dit en effet :
 Dave arrive toujours aux justes conclusions, mais ses mathématiques sont terribles. Je les emmène à la maison et je trouve toujours toutes sortes d’erreurs, et puis je dois passe la nuit entière à tenter de développer la bonne version. Mais à la fin, le résultat est toujours exactement le même que celui que Dave avait vu directement dans son esprit.
 De plus, Basil Hiley disait que dans son travail scientifique, Bohm « évoluait comme une hélice », en allant sans cesse de l’avant tout en circulant tout autour. Progressant en sens rotatoire en s’arrêtant quelques instants pour réfléchir sur un étape déterminée de son cheminement de pensée. Cette similitude reflète de manière extrêmement fidèle, de la part de
son collaborateur le plus proche, l’esprit de Bohm, qui de fait était un « esprit holistique ». Avec une détermination incroyable, il était habitué à raisonner de façon non linéaire, tout occupé à faire la synthèse et, à l’occasion l’analyse. C’était un esprit qui n’utilisait pas le potentiel de la pensée logique de façon instinctive, mais c’était un esprit en mesure d’observer son cheminement tandis qu’il pensait. On le voit très bien quand Bohm commença à s’intéresser aux dialogues et au langage. Il s’agissait certainement d’un génie d’une qualité résolument insolite, que le monde n’avait certainement jamais connu auparavant.
 
Les travaux de Bohm prolongés par ceux de Basile Hiley
 S'appuyant sur ​​son travail avec son étudiant Brown, Hiley, en 2005, a montré que la construction de sous-espaces permet de comprendre l'interprétation de Bohm en termes de choix de la représentation x  d’un espace de phases d’ombre comme un choix particulier parmi un nombre infini d’espaces de phases d’ombre possibles. Ceci est similaire, à la démonstration faite par le mathématicien Maurice A. Gosson de ce que «l'équation de Schrödinger est rigoureusement démontrable pour les espaces d’ombre du groupe symplectique de la mécanique classique et le potentiel quantique qui se conçoit comme projection sur le groupe sous-jacent ».[Ainsi le groupe métaplectique s’avère être la clé de toute procédure de quantification].
De Gosson résume les raisons mathématiques par l'impossibilité de représenter simultanément la positionet l'impulsion enaffirmantque «l'approche Hiley de « l'espace des phases d'ombre » est un reflet du fait que nous ne pouvons pas construire un tableau global pour le groupe métaplectique, quand il est considéré comme un groupe de Lie , c'est à dire comme un collecteur équipé d'une structure continue algébrique . Dans le cadre d’Hiley, le potentiel quantique se pose comme une «conséquence directe de la projection de la structure algébrique non commutative sur un espace d'ombre » et comme un élément nécessaire qui assure la conservation à la fois de l'énergie et de l’impulsion. De même, l’interprétation de Bohm et l‘approche de Wigner sont présentés comme deux espaces d’ombre différents représentatifs de l'espace de phase.
Le prix Majorana qui vient d’être attribué à Hiley, est une consécration de son approche algébrique de la mécanique quantique qui a rendu possible une compréhension plus profonde de la non-localité et pour les connexions qui ont été établies entre la mécanique quantique et les théories quantiques des champs. En plus de ses réalisations, il a été souligné son importance primordiale, comme philosophe de la nature, et tout particulièrement son attitude critique et ouverte quant au rôle de la science dans la culture contemporaine.
 
L’hypothèse du penseur qui se fond avec la pensée
 David Bohm a bien démontré dialectiquement[8] que la réalité physique consiste réellement en une réinterprétation de la réalité qui va bien au-delà de la nouvelle physique révolutionnaire du XXe siècle. Les physiciens contemporains peuvent aussi ignorer le travail de Bohm (comme beaucoup l’ont déjà fait), mais ils ne peuvent échapper à ses conséquences. L’approche scientifique de Bohm vise la recherche de la vérité et, avec la reformulation du concept d’« ordre » en physique, il a ouvert les fondements épistémologiques de la science. En utilisant ses profondes intuitions, il a conçu une réalité qu’il faut saisir un parcours « ontologique » qui a sa racine dans l’ordre implicite et dans le mouvement holographique. Dans cette conception, celle qu’on appelle l’« épistémologie », qui est l’étude de ce que nous savons et de la façon dont nous le savons est entièrement remplacée par l’« ontologie » qui est justement l’étude de ce qui existe réellement. Cette étude n’est possible que si le penseur se fond avec la pensée. Une conception qui, pour l’instant, ne peut être définie comme une théorie mais comme une hypothèse : une hypothèse si puissante et prenante, et qui présente des analogies déconcertantes avec des découvertes réelles de la physique comme l’énergie du point zéro[9] ou de la multidimensionnalité de la théorie des supercordes (ou le rêve d’Einstein) qu’elle peut bouleverser les bases mêmes de la physique.
L'idée centrale de la théorie des cordes est de ne plus considérer comme constituant fondamental un objet ponctuel se déplaçant dans le temps (une particule élémentaire) mais comme un objet filiforme, une corde. La "corde élémentaire" peut s'étirer, se tordre, vibrer, se diviser ou fusionner au cours du temps en engendrant des surfaces à deux dimensions qui vont jouer dans la mécanique des cordes le rôle des trajectoires pour les particules élémentaires (Figs. 1 et 2). En fait, ces cordes sont extrêmement petites, ce qui ne permet pas de les distinguer des particules élémentaires dans toute expérience directe. Ce qui est spécifique aux cordes qui obéissent aux équations de la Mécanique Quantique Relativiste, c'est qu'elles déterminent en grande partie l'Espace-temps dans lequel elles se meuvent et les interactions auxquelles elles sont soumises.
 

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 Figure 1 : Surface d'univers balayée par des particules en forme de corde au cours de leurs déplacements et de leurs interactions dans l'espace-temps (l'axe horizontal représente le temps l'axe vertical les dimensions d'espace). Les cordes fermées balaient des surfaces qui sont des cylindres déformés. Lorsque deux cordes se rencontrent, elles se rejoignent en formant une troisième corde : deux cylindres forment un troisième cylindre. Quand deux cordes se séparent, elles créent un trou dans la surface d'univers (D'après [2])
 

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 Figure 2 : A très petite échelle les particules élémentaires ne seraient pas ponctuelles mais auraient la forme de cordes infiniment minces. L'interaction entre deux cordes s'effectuerait par l'intermédiaire de processus de "cassure" et de "collage" et elle procéderait par échange de "bouts de cordes". Conséquence importante il n'y a plus séparation entre "constituants de la matière" et "médiateurs des interactions"; il n'y a plus qu'une seule classe d 'objets, les cordes (D'aprés [1]).
 
L’aspect le plus déroutant de la pensée de Bohm, c’est que l’ordre implicite n’est pas seulement une réalité hyperdimensionnelle qui gouverne le monde de la matière, mais qu’il représente le siège même de la conscience et de tous les phénomènes qui lui sont liés. Comme le monde latent n’est autre que l’« intériorité » de l’univers qui interagit directement avec le monde manifesté dont nous sommes apparemment les observateurs passifs, la physique de Bohm ptévoit non seulement l’existence d’une intériorité consciente , une entité intelligible avec la nouvelle physique, mais aussi une interaction directe et continue entre cette intériorité et l’état conscient de l’univers , c’est-à-dire le monde manifesté dans lequel nous vivons. L’ordre implicite rappelle certainement beaucoup l’inconscient collectif de Carl Gustav Jung, dont une grande partie ne peut être révélée au niveau conscient. Par exemple, les archétypes ne peuvent être directement appréhendés, si ce n’est sous la forme de symboles qui apparaissent dans l’art, les rêves et dans différentes cultures. Il semble alors que l’œuvre de Bohm représente un effort pour rendre philosophiquement et (en perspective) scientifiquement intelligible ce que Jung avait pressenti dans son activité de psychologue analytique, un effort qu’avait aussi entrepris, même si par des chemins différents, son collègue physicien Wolfgang Pauli, mais que Bohm développe sur une échelle plus grande su point de vue conceptuel. Bohm se rattache ainsi à la pensée de Jung :
 En étendant le concept de totalité à l’homme, nous voyons que chaque être humain participe de façon inséparable à la société et à la planète comme un tout. Ce qu’il est possible de suggérer ultérieurement, c’est qu’une telle participation se réalise dans un esprit collectif plus grand, et peut-être à la fin dans un esprit d’une portée encore plus vaste qui en principe soit aussi capable d’aller indéfiniment au-delà de l’espèce humaine comme un tout. Cela peut être corrélé à certaines des notions proposées par Jung.  
 
 
ANNEXES
 Nouvelle interprétation physique de l’équation de Schrödinger en une dimension
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m est la masse de l’électron h (barre) la constante de Planck, V l’opérateur de l’énergie potentielle et i un nombre imaginaire.
          Pour cette expression, la fonction d’onde Ψ est complexe, alors que les composantes R et S sont des fonctions réelles dépendantes d’un paramètre x et du temps t. Cette équation différentielle équivaut à :

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          Le dernier terme de l’équation (2) est interprété comme le potentiel quantique (noté Q).
L’équation (2) affirme que l’énergie totale est la somme de l’énergie potentielle, de l’énergie cinétique et du potentiel quantique Q. On considère que la particule a une position bien définie, avec une distribution de probabilité e qui peut être calculée par la fonction d’onde Ψ. La fonction d’onde « guide » la particule au moyen du potentiel quantique Q. Une grande partie de ce formalisme a été élaboré dans le cas d’une particule simple par Louis de Broglie ; mais Bohm, en réinterprétant les équations a eu le mérite de l’appliquer au cas de nombreuses particules. L’élargissement du concept à des conditions relativistes n’a pour l’instant encore fourni aucun résultat.
 
Le potentiel vecteur du champ magnétique
 Le potentiel vecteur du champ magnétique est d'ordinaire introduit en raison des équations de Maxwell, qui stipulent que le champ magnétique B est de divergence nulle. L'analyse vectorielle indique qu'un champ vectoriel tridimensionnel de divergence nulle peut toujours s'exprimer sous la forme d'un rotationnel d'un champ de vecteur, noté A. On a ainsi
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Par ailleurs, l'équation de Maxwell-Faraday relie les variations temporelles du champ magnétique aux variations spatiales du champ électrique (ce qui est à l'origine du phénomène d'induction électromagnétique) selon la formule
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dont on déduit que
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L'analyse vectorielle indique alors que le champ électrique peut s'exprimer sous la forme de la somme de l'opposé de la dérivée temporelle du potentiel vecteur et d'un terme de rotationnel nul, terme que l'on peut exprimer sous la forme d'un gradient d'une quantité appelé dans ce contexte potentiel électrique et notée V :
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À noter qu'au départ la relation entre A et B est une relation purement locale. Le problème de savoir si on peut définir globalement un potentiel-vecteur sur un espace donné conduit à devoir se poser des questions sur la cohomologie de cet espace, un concept issu de la géométrie différentielle.
Ses intérêts de recherche sont les effets non locaux et topologiques en mécanique quantique, les théories quantiques des champs et des interprétations de la mécanique quantique . En 1959, lui et David Bohm a proposé l'effet Aharonov-Bohm pour lequel il a co-reçu en 1998 le Wolf Prize .
En 1988, Aharonov et al. ont publié leur théorie de la mesure de faible , ce qui ne perturbe pas l'état quantique observé. Ce travail a été motivé par la recherche d’Aharonov consistant à vérifier expérimentalement sa théorie selon laquelle les événements apparemment aléatoires en mécanique quantique sont causés par des événements dans le futur (formalisme vectoriel à deux états). Vérification d'un effet actuel d'une cause à venir, il faut une mesure qui ferait normalement détruire la cohérence et ruinerait l'expérience. Lui et ses collègues ont pu effectuer des mesures faibles et vérifier l'effet actuel de la cause à venir.
 


[1] Richard Feynman dans sa thèse en 1942 introduit la notion d'intégrale de chemin afin de présenter une nouvelle formulation de la mécanique quantique. Ces résultats ne seront publiés qu'en 1948 en raison de la seconde guerre mondiale. A terme, le but de cette approche serait de formuler une théorie de l'électrodynamique quantique relativiste en développant la quantification par intégrale de chemin. Si de nos jours on retient le formalisme Hamiltonien de la mécanique quantique pour traiter des problèmes classiques (au sens non relativiste), il s'avère que la formulation de Feynman est largement prédominante pour traiter les problèmes relativistes notamment en théorie quantique des champs, l'avantage c'est que cette approche est non perturbative.
 
[2] La manière dont les deux domaines s’harmonisent sera effectivement décrite ultérieurement dans la version de David Bohm de l’équation de Schrödinger. 
[3] L'ionisation est l'action qui consiste à enlever ou ajouter des charges à un atome ou une molécule. L'atome – ou la molécule – perdant ou gagnant des charges n'est plus neutre électriquement. Il est alors appelé ion.
[4] Plasma : appelé aussi « quatrième état de la matière », c’est un gaz ionisé, [dont les charges libres (électrons et ions) constituent un conducteur électrique en mesure d’interagir avec les champs électromagnétiques]. Le plasma est ainsi un état de la matière où le degré d’ionisation est suffisamment élevé pour que les réactions électromagnétiques entre les particules chargées (ions et électrons) soient déterminantes pour l’évolution du système. On peut obtenir un plasma en ionisant fortement un gaz par réchauffement.  
 
[5] Les développements qui suivent sont extraits du livre de Massimo Theodorani dans David Bohm, la physique de l’infini, MacroEditions, octobre 2011.
[6] Un exemple analogue concernant les systèmes dynamiques, tel que l’on en trouve en mécanique des fluides (par exemple les remous provoqués par une roche au sein d’une rivière) ont été mathématisés par les topologistes symplectiques qui n’existent que depuis 1985. Maurice de Gosson qui collabore avec Basile Hiley s’est illustré dans ce domaine.
[7] Ibid, pp 84-86.
[8] Ibid., pp 89-90.
[9] Energie du point zéro ou encore énergie libre :
David Bohm et Andreï Sakharov, ont essayé, chacun à leur manière, de faire figurer la structure du vide quantique comme acteur principal des interactions fondamentales.
Bohm dans les années cinquante pour l'électrodynamique quantique (interactions électromagnétiques) avec le célèbre effet Aharonov-Bohm, qui formalise l'influence de certains champs scalaires dans le vide. De son côté, Sakharov a proposé dans les années soixante que la gravitation soit un effet secondaire des fluctuations microscopiques des champs du point zéro, par une influence mutuelle entre la matière et le vide
 




Date de création : 28/04/2013 @ 21:57
Dernière modification : 28/04/2013 @ 22:36
Catégorie : Synthèses
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