Parcours
Parcours lévinassien
Parcours axiologique
Parcours cartésien
Parcours hellénique
Parcours ricordien
Parcours spinoziste
Parcours habermassien
Parcours deleuzien
Parcours bergsonien
Parcours augustinien Parcours braguien
Glossématique
Synthèses
Ouvrages publiés Suivi des progrès aux USA
Parcours psychophysique
L'art et la science
Parcours nietzschéen
Philosophies médiévales Autres perspectives
Archéologie Economie
Sciences politiques
Sociologie
Poésie
Théologie 1
Théologie 2
Théologie 3
Psychanalyse générale
Points dhistoire revisités
Edification morale par les fables
Histoire
Phénoménologie
Philosophie et science
Mises à jour du site
03/07//2016 ajout :
16/06//2016 ajout :
01/06//2016 ajout :
15/05//2016 ajout :
01/05//2016 ajout :
10/04//2016 ajout :
02/04//2016 ajout :
24/03//2016 ajout :
05/03/2016 nouvelle perspective :
09/02/2016 ajout :
09/02/2016 ajout :
24/01//2015 ajout :
03/01/2016 ajout :
26/12//2015 ajout :
Phénoménologie
05/12//2015 ajout : Liens Wikipédia
Visites
visiteurs visiteurs en ligne |
Parcours habermassien - Evolution des fonctions politiques de la sphère publique
ÉVOLUTION DES FONCTIONS POLITIQUES DE LA SPHÈRE PUBLIQUE Synthèse proposée Par Miguel Abensour Au sein de lEtat-social, la sphère publique politique est caractérisée par un sérieux désamorçage de ses fonctions critiques. La Publicité daujourdhui se contente daccumuler les comportements-réponses dictés par un assentiment passif. Au départ, principe de la critique, la Publicité a été subvertie. A lère de la Publicité manipulée, ce nest pas lopinion publique qui est motrice, mais un consensus fabriqué prêt à lacclamation. LA PUBLICITÉ COMME FONCTION NATURELLE DE LA SPHÈRE PUBLIQUE Lévolution au cours de laquelle la sphère publique sest imposée comme une sphère politiquement orientée et soumise à la censure [191]Tout au long de cette évolution, les entreprises de presse, consolidant leur organisation grâce à la présence dun éditeur-gérant, ont accordé à leur rédaction cette forme de liberté qui était partout au principe de la communication entretenue par les personnes privées formant le public. Les éditeurs de presse assuraient aux journaux une infrastructure commerciale, sans pour autant les commercialiser, à proprement parler. Cette presse qui sétait développée à partir de lusage que le public faisait de sa raison et qui se contentait dêtre le prolongement des discussions qui y avaient lieu restait de toutes parts une institution propre à ce public même ; son rôle était dêtre un médiateur et un stimulant des discussions publiques non plus simple courroie de transmission des informations, mais pas encore media dune culture de consommation. Il nest à titre dexemple que dobserver ce type de Presse au cours des périodes révolutionnaires lorsque les journaux des groupuscules politiques font florès, comme dans le Paris de 1789, voire de 1848 : chaque personnalité politique à peine connue avait son Club ; un homme politique sur deux son propre journal. [192] Entre février et mai 1848, on a pu compter, rien quà Paris, 450 clubs et plus de deux cents journaux ! Cette presse qui faisait un usage politique de sa raison était contrainte, aussi longtemps quelle était menacée dans son existence même, à se prendre couramment elle-même pour thème de ses propres réflexions : tant que la sphère publique politiquement orientée navait pas acquis un statut légal et durable, faire paraître un journal politique et se réclamer de lorientation quil représentait signifiait du même coup sengager à combattre pour la liberté de lopinion publique et pour la Publicité en tant que principe. Certes, les journaux ancienne manière avaient eux aussi été sévèrement soumis à la censure, mais tant quils sétaient tenus à ne transmettre que des informations, jamais leurs propres colonnes nauraient pu se faire la tribune dune lutte contre ces atteintes portées à la liberté. Les ordonnances des autorités rabaissaient la Presse au rang dune simple entreprise, soumise, comme toutes les autres, aux interdictions et règlements de police. En tant quinstitution dun public dont elle reflétait les discussions, la presse dopinion avait pour objectif premier den affirmer la fonction critique ; linfrastructure financière de lentreprise nétait donc quune préoccupation de second ordre, quand bien même dailleurs un capital y eût été investi dans le but dy être rentablement exploité. Cest avec létablissement dun Etat constitutionnel bourgeois que la sphère publique politiquement orientée a été légalisée et que prend corps le commerce des annonces La presse critique a alors vu se lever les interdits qui entravaient la liberté dopinion. Elle put dès lors abandonner son attitude polémique et souvrir aux possibilités de réaliser un profit comme nimporte quelle entreprise commerciale. Cette évolution qui conduit la presse dopinion à se transformer en presse commercialisée sous la forme dune entreprise samorce dans les années trente du XIXe siècle, et à peu près en même temps aux Etats-Unis, en France et en Angleterre. Le commerce des annonces permet alors détablir le calcul des coûts sur une base nouvelle : en abaissant considérablement le prix de vente et en multipliant le nombre des acheteurs, léditeur pouvait compter prendre une part croissante de la surface de son journal destinée aux annonces afin de maintenir lassiette de ses bénéfices. A cette troisième phase de lévolution de la Presse sapplique la définition de K. Bücher selon laquelle « un journal revêt le caractère dune entreprise dont les marchandises quelle produit sont réservés aux annonces, tandis que la partie réservée à la rédaction se charge de les vendre ». Le développement et le perfectionnement de linfrastructure technique et organisationnelle a entraîné une augmentation du capital de lentreprise ; dans la mesure où ils prennent la forme dune entreprise capitaliste les journaux pénètrent dans le domaine dintérêts extérieurs à lentreprise et qui cherchent à y imposer leur influence [193] Le risque commercial sest accru et, par voie de conséquence la politique de lentreprise a été soumise aux impératifs de sa stratégie économique. Dès 1814, le Times était imprimé sur les nouvelles presses rapides qui prirent la relève, quatre siècles et demi après, de la presse en bois inventée par Gutenberg. Vingt cinq ans plus tard, linvention du télégraphe bouleversait toute lorganisation du réseau dinformation. Lhistoire des grands quotidiens de la deuxième moitié du XIXe siècle montre que la Presse devient dautant plus manipulable quelle se commercialise. Depuis que la partie proprement journalistique dun journal est proportionné au volume des annonces, la Presse qui était jusqualors une institution propre aux personnes privées en tant que public devient linstitution de certains membres du public qui ne sont plus que des personnes privées autrement dit, elle est le biais par lequel certains intérêts privés privilégiés font irruption dans la sphère publique. Le rapport entre léditeur et le rédacteur obéit lui aussi à cette transformation structurelle. Subissant la pression des progrès techniques accomplis dans le domaine de la transmission des informations, lactivité du rédacteur, de littéraire quelle avait été ; sétait de toute façon transformée pour devenir plus spécifiquement journalistique : le choix du matériel informatif prend le pas sur la rédaction de léditorial ; travailler linformation, la trier, la réviser, la mettre en pages, autant dactions qui ont priorité sur la fidélité à une « ligne », maintenue grâce à la seule efficace du discours littéraire. Cest pour lessentiel à partir des années 1870 quon voit assigner à lédition la réalisation dun profit [194] Ce ne sont plus au premier chef les journalistes de talent, mais des éditeurs habiles qui font le renom des journaux et leur permettent doccuper un bon rang. Les éditeurs nomment les rédacteurs et attendent deux quils travaillent dans lintérêt dune entreprise privée cherchant à réaliser un profit, et quils se conforment à cet impératif. Néanmoins, les débuts de la presse de parti, contrôlée par des organismes politiques, remontent à la première moitié du siècle, en tout cas pour ce qui est de la France et de lAngleterre ; en Allemagne, elle a commencé à se développer à partir de 1860, dabord chez les conservateurs puis chez les socio-démocrates. Au lieu dêtre aux ordres dun directeur dédition, le rédacteur est responsable devant une commission de contrôle dans lun et lautre cas, cest un employé, exécutant les directives quil reçoit. Il est bien entendu impossible de séparer les tendances générales à la concentration et à la centralisation, qui simposent là aussi, les évolutions subies par les structures de la Presse du point de vue de la sociologie de lentreprise. A partir de 1875 apparaissent les premiers grands groupes de presse et ce mouvement sest poursuivi au cours du XXe siècle, quoique de façon discontinue. L« harmonisation » des services dinformation, provoquée par la constitution des agences de presse en monopole sest très vite doublée dune standardisation du travail rédactionnel dans les journaux de moindre importance grâce à lemploi de correspondances précalibrées et à lappel fait aux services de certaines officines livrant des suppléments tout prêts. [195] Le niveau atteint dans lindustrie de la Presse par la concentration économique et le degré de sa coordination technico-organisationnelle semblent fort peu développés en comparaison des nouveaux media du XXe siècle, radio, film (parlant) et télévision. Dailleurs, le besoin en capital de ces derniers est apparu si considérable, et la puissance de la publicité désormais si menaçante que, dans certains pays, lEtat a pris sous son contrôle, ces institutions nouvelles que sont les media ou les a transformés en régies nationales. Rien nest plus caractéristique de lévolution de la Presse comme des nouveaux media que de telles mesures : elles transforment en organismes publics des institutions privées qui étaient le propre dun public constitué par des personnes privées. Lhistoire des premiers bureaux télégraphiques montre comment lEtat sest emparé de lhéritage dune sphère publique tombée sous linfluence de diverses puissances sociales. Les gouvernements ont dabord exercé un contrôle indirect sur les agences de presse et leur ont accordé un statut quasi officiel Ils lont fait, non pas en supprimant, mais en exploitant le fait quelles étaient des entreprises commerciales. Il est vrai que lagence Reuter était devenue propriété indivise de lensemble de la presse anglaise ; néanmoins, du fait quelle ne pouvait modifier ses statuts sans laccord de la Cour suprême de justice lui conférait un certain caractère officiel. Lagence France-Presse qui a pris la relève de lagence Havas après la Seconde Guerre mondiale est une entreprise dEtat dont le directeur général est nommé par le gouvernement. LAgence de presse allemande est une société à responsabilité limitée dont le capital est réparti entre les journaux dont chacun possède au maximum 1% des parts ; mais les stations de radio qui, elles, sont sous contrôle public possèdent plus de 10% du capital. Il est vrai que pour lessentiel lindustrie de la Presse et celle du film sont encore de ressort privé. Toujours est-il que la concentration à laquelle la Presse a obéi, a constitué un précédent suffisant pour que lEtat empêche ces « monopoles naturels », la radio et la télévision, de prendre la forme dentreprises privées ce qui sest néanmoins produit aux Etats-Unis. En France, en Angleterre et en Allemagne fédérale ces nouveaux media sont des organismes publics ou semi-publics. [196] Sans ce statut, leur fonction proprement journalistique naurait pu en effet être suffisamment protégée face aux intérêts capitalistes qui nauraient pas manqué de sy affirmer si ces entreprises étaient restées sous contrôle privé. Chronologie de linvasion de la sphère publique par la publicité [197] Linvasion de la sphère publique par la publicité ne sest pas déclenchée avec la libéralisation du marché bien que les premières réclames soient apparues à peu près en même temps. Le déploiement de force, incomparablement plus considérable, dun marketing obéissant à des stratégies décidées avec rigueur et méthode ne sest avéré nécessaire que dans le cadre sun marché restreint par son orientation monopolistique. Celle-ci a dabord eu pour effet de déclencher, au niveau des grandes entreprises, un conflit entre loptimum technique et loptimum financier, ce qui accentue la tendance à ce quon a appelé la lutte pour le monopole. Dans la mesure où lensemble de linfrastructure technique de lentreprise a été adapté à une production de masse, le processus de production perd en effet de sa souplesse « on ne peut plus modifier le volume de la production ( ) car il est déterminé par la capacité de linfrastructure technique ». Cest la raison pour laquelle le besoin sest fait sentir de mettre sur pied des stratégies de vente à long terme qui assurent des débouchés et des marchés aussi stables que possible. A la concurrence immédiate des prix de substitue toujours davantage une concurrence indirecte qui sexprime à travers la création de marchés et de clientèles propres à chaque entreprise. La disparition dune certaine transparence du marché, que lon considère habituellement comme justifiant lextension de la publicité, nen est au contraire, et pour une bonne part, que la conséquence. [198] Se substituant à la concurrence entre les prix, cest la concurrence publicitaire qui est la première responsable dune diversification insubsumable des marchés, dont chacun est particulier à telle ou telle entreprise, et dont les produits peuvent dautant plus difficilement être comparés les uns aux autres sur la base de critères économiques rationnels que des manipulations publicitaires faisant appel à des techniques psychologiques entrent davantage dans la détermination de leur valeur déchange. Il existe une relation directe entre dune part la tendance à la formation de grosses entreprises capitalistes, cest-à-dire une restriction de type monopolistique du marché, et, dautre part, les proverbiales soap operas (a), cest-à-dire précisément un type de publicité qui pénètre de part en part cette culture dintégration représentée par les media. La publicité commerciale qui, tout dabord en France vers 1820, sest appelée « réclame » est un phénomène spécifique du capitalisme avancé, bien quil nous semble évident aujourdhui quelle soit un constituant naturel de léconomie de marché. Ce nest en effet quau cours de la deuxième moitié du XIXe siècle que le phénomène capitaliste de concentration industrielle lui confère son importance réelle. Au début de cette période apparaissent des bureaux dannonces qui prennent en charge la réclame commerciale. Leur étroite collaboration avec la Presse amena très souvent les agences publicitaires importantes à acheter leur surface dannonces par abonnement, de sorte quelles prenaient ainsi le contrôle dune part non négligeable de la Presse en général. [199] Bien que les nouveaux media lui aient ouvert un champ plus vaste, lactivité des agences de publicité se borne à passer des annonces, surtout dans les journaux et les magazines illustrés. La publicité télévisée acquiert bien entendu une influence prépondérante ; tout simplement au fur et à mesure que ce moyen de communication se répand, mais aussi en fonction de la manière dont sa structure organisationnelle se développe. Tandis que les media en général touchent davantage les couches sociales supérieures et moins celles qui à chaque fois et respectivement peuvent être considérées comme leur étant inférieures, ce rapport sinverse en ce qui concerne les annonces et les émissions publicitaires qui touchent dans une mesure plus grande et dune façon plus fréquente les groupes sociaux inférieurs plutôt que les couches considérées comme leur étant à chaque fois et respectivement supérieures. Cette sorte de « socialisation » des biens autrefois réservés aux classes supérieures éveille davantage lintérêt de ceux à qui leur style de consommation offre une compensation, tout au moins symbolique, de leur infériorité sociale. [200] En fait linvasion de la publicité dans la sphère publique devenue nécessaire du point de vue économique naurait pas obligatoirement dû provoquer à elle seule la transformation des structures de cette sphère. Or, une pareille sphère publique économique, en quelque sorte séparée de la sphère publique politique, une sphère publique publicitaire qui aurait eu sa propre origine spécifique, nest pas parvenue à se former ; au contraire, dès le début, la représentation publicitaire dintérêts privés privilégiés a été inséparable de certains intérêts politiques. A la même époque en effet où, par le biais de la publicité, la concurrence horizontale entre propriétaires faisait irruption dans la sphère publique, les fondements du capitalisme libéral étaient déjà, en tant que tels, impliqués dans la lutte des partis, et la concurrence verticale des intérêts de classe se déroulait elle aussi dans le cadre de la sphère publique. Vers 1850, au cours dune phase où la lutte des classes est plus ou moins voilée, la sphère publique est elle-même déchirée par la scission en « two nations » cest ainsi que représenter sur la scène publique des intérêts privés acquiert par là-même un caractère politique. [201] Au sein de cette sphère publique divisée, la publicité de grande envergure ne se borne presque jamais à ne revêtir quun aspect commercial, et déjà pour la seule raison quelle représente en soi un facteur décisif dans létablissement du budget des journaux et des revues, des nouveaux media également sils fonctionnent dans une perspective commerciale. La publicité commerciale ne devient consciente de son caractère proprement politique quavec lapparition dune nouvelle pratique ; les relations publiques Cette dernière activité, comme le terme qui la désigne, a vu le jour aux Etats-Unis. Ivy Lee qui employa des techniques publicitaires dans lélaboration dune politique de lentreprise en serait à lorigine. Quelques-unes des plus grandes entreprises commencèrent à déterminer leur stratégie en tenant compte également des orientations données par les public relations ; ce qui sest révélé utile aux Etats-Unis après lentrée en guerre, lorsquil sest agi de créer un climat de consensus national. Cest seulement après 1945 que ces nouvelles techniques se répandirent partout en Europe et cest durant les dernières décennies quelles prirent le contrôle en Occident de la sphère publique des pays industriels avancés. Pour lanalyse de cette sphère, elles sont devenues un phénomène clef. Le « travail sur lopinion » est à distinguer de la publicité dans la mesure où il soccupe explicitement de la dimension politique de la sphère publique. Les réclames dordre privé sadressent chaque fois à dautres personnes privées dès quelles se présentent en tant que consommateurs. Le destinataire des relations publiques est l« opinion publique », cest-à-dire les personnes privées en tant que public et non pas directement comme consommateurs. Lémetteur dissimule ses intentions commerciales en leur donnant la forme dintérêts qui visent au bien commun. Le travail de manipulation des consommateurs emprunte ses connotations au modèle classique dun public constitué de personnes privées, et exploite les légitimations quoffre ce modèle : les fonctions traditionnelles de la sphère publique sont intégrées à la concurrence que se livrent des intérêts privés organisés. [202] La publicité se limitait pour lessentiel aux annonces, alors quen revanche, grâce aux techniques de « promotion » et d« exploitation » qui dépassent de loin la simple réclame, le travail sur lopinion intervient directement dans la formation de l« opinion publique » en créant des nouveautés selon une stratégie planifiée ou en exploitant lattention éveillée par certains évènements. Il utilise alors directement la psychologie et les techniques de la publicité graphique ou par limage, dont se servent les media, ainsi que les thèmes de ce quon appelle le human interest, et dont lefficacité nest plus à démontrer ; « histoires damour, religion, argent, enfants, santé, animaux ». En dramatisant la présentation des faits et en fabriquant des stéréotypes appropriés, il vise à « réorienter lopinion publique en fonction de nouveaux archétypes ou symboles quil se charge de faire adopter par le public. Les managers de relations publiques ou bien réussissent à faire passer directement par les canaux de la communication un matériel publicitaire conséquent, ou bien organisent au sein de la sphère publique certains évènements appropriés qui mettront en marche les appareils de la communication dans le sens prévu ; un manuel propose vingt méthodes différentes pour ce type de « fabrication ou dinvention du nouveau ». Alors que ce qui avait été acquis et établi par une déontologie du journalisme pour laquelle la séparation entre information et annonces avait valeur de principe, les relations publiques pratiquent au contraire lamalgame des deux domaines, car la publicité ne doit absolument plus être identifiable comme étant la représentation par lui-même dun intérêt privé. Elle confère à son objet la dignité dune affaire dintérêt public, et cest sur cet objet que les personnes privées faisant usage de raison (le public) formeraient leur opinion cest ainsi du moins que les choses devraient se passer. Ainsi, la « fabrication de ladhésion », est la tâche essentielle des relations publiques En effet, seul un climat où règne un consensus de ce type garantit la réussite dune stratégie « de promotion qui fait accepter par le public ou lui impose un produit, une personnalité, une organisation ou une idée ». On tient en éveil la disponibilité des consommateurs grâce à cette fausse conscience selon laquelle ils contribueraient en toute responsabilité et en tant que personnes privées faisant usage de raison, à former une opinion publique. [203] Dun autre côté, ladhésion à un processus nécessaire, semble-t-il, à lintérêt général possède en quelque manière le caractère dune « opinion publique » mise en scène. Bien que les relations publiques aient par exemple pour fonction de stimuler lécoulement de telles ou telles marchandises, leur action sétend pourtant toujours au-delà ; dans la mesure où la publicité faite pour certains produits déterminés emprunte le détour qui lui permet de prétendre représenter un intérêt général, elle ne se limite pas à créer et à garantir limage de marque dune firme, ainsi quune clientèle de consommateurs ; au contraire, elle réussit à mobiliser au profit dune entreprise, dune branche de léconomie, ou de tout un complexe économique et commercial, un crédit quasi politique, la sorte de respect quon témoigne aux autorités publiques. Les critères du raisonnable font de toute façon défaut à un tel consensus fabriqué avec tous les raffinements quemploient des instituts de conditionnement de lopinion à le produire sous légide dun prétendu intérêt général La critique compétente qui sexerçait à loccasion se problèmes discutés en public cède la place à un conformisme atone où règnent seules des personnifications ou des personnalités présentées au public. Ladhésion est identifiée à la disponibilité que la publicité requiert. La Publicité signifiait autrefois démystifier la domination politique devant le tribunal dun usage public de la raison ; la publicité aujourdhui se contente daccumuler les comportements-réponses dictés par un assentiment passif. Dans la mesure où les relations publiques en modifient la structure, la sphère publique bourgeoise revêt à nouveau certains aspects féodaux. [204] Les « porteurs doffres » déploient de la représentation face à des clients prêts à suivre. La publicité contrefait cette aura dautorité divine et de prestige personnel dispensée par la sphère publique structurée par la représentation. Il faut pourtant parler de reféodalisation de la sphère publique dans un sens autre et plus précis. En effet, la culture dintégration qui amalgame divertissement de masse et publicité, et qui, sous la forme de relations publiques, revêt un caractère déjà « politique », soumet également à ses lois lEtat lui-même. Puisque les entreprises privées prêtent à leurs clients la conscience quils agiraient en citoyens lorsque leurs décisions sont celles de consommateurs, lEtat se voit contraint de s « adresser » à ses citoyens comme à des consommateurs. Cest ainsi que les pouvoirs publics singénient eux aussi à bénéficier dune publicité. (a) Le terme désigne aux Etats-Unis des feuilletons radiophoniques ou télévisés financés par des produits dentretien ou de lessive, doù lexpression « uvre-savon ». SUBVERSION DU PRINCIPE DE PUBLICITÉ Les formes que revêt le conditionnement de lopinion rejettent consciemment lidéal libéral de « Publicité » [205] La bureaucratie étatique emprunte ses méthodes à une pratique déjà lancée par les grandes entreprises privées et les organes des associations ; et dailleurs, seule leur collaboration avec ces dernières confèrent aux administrations officielles leur caractère véritablement « public ». Laccroissement du pouvoir de ladministration au sein de lEtat social, et qui sest accompli au détriment non seulement du pouvoir législatif, mais aussi de lexécutif gouvernemental, est très facilement observable dans la première des deux phases de la « conquête » de son autonomie, bien que ladministration ne se soit jamais bornée, même au cours de lère libérale, à jouer le rôle dun pur et simple exécuteur des lois. La seconde phase, cest-à-dire le processus inverse dun transfert dun pouvoir de lEtat au profit de groupements sociaux reste inaperçue ; Et, en effet, au sein de cette latitude, nouvellement conquise, d« appréciation ayant force de droit » et où ladministration elle-même joue le rôle de producteur, de négociant et de distributeur, le pouvoir exécutif se trouve contraint dadopter une démarche qui juxtapose à lautorité de lEtat un compromis passé avec la « sphère publique », quand cette attitude ne va pas jusquà substituer, ce qui arrive souvent le compromis à lautorité publique. [206] Cette interpénétration de lEtat et de la Société fait perdre à la sphère publique, mais aussi au Parlement, cest-à-dire à cette sphère publique reconnue comme organe de lEtat, certaines fonctions de médiation. On peut, par ailleurs, constater la continuité dun autre processus dintégration ; leffacement du Parlement a en effet pour pendant le renforcement dinstances de transfert : Ladministration, qui opère le transfert de lEtat vers la société, et les associations comme les partis, qui assurent le transfert inverse, de la société vers lEtat. Néanmoins, linvestissement dans le domaine de la « Publicité », cest-à-dire le développement des public relations selon les méthodes modernes de gestion, révèle que la Publicité, largement détournée de ses fonctions dorigine, est désormais mobilisée, sous le patronage des administrations, des associations et des partis pour jouer un autre rôle dans le processus dinterpénétration de lEtat et de la société. Dès que les intérêts privés organisés en associations ont adopté par nécessité une structure politique, certains conflits ont dû être réglés sur la scène publique Ils ont alors entraîné une transformation radicale dans la procédure du compromis politique. La sphère publique doit désormais se charger de réaliser un équilibre des intérêts qui échappe aux formes traditionnelles de laccord et du compromis parlementaire. [207] Ce type nouveau déquilibre porte encore comme la parque de son origine qui est la sphère du marché : il doit littéralement être « marchandé », il résulte denchères entre groupes de pression opposés ; aucune médiation nintervient alors et il ne sappuie que sur le fragile équilibre des pouvoirs, tels quils sont distribués entre Etat et groupes dintérêts au sein de telle ou telle conjoncture passagère. Quant aux décisions politiques, elles sont prises désormais au terme de procédures nouvelles, celles dun marchandage qui se sont mises en place en marge de structures traditionnelles de lexercice du pouvoir et de la démocratie. On peut certes constater tout dabord que le domaine de compétence imparti à la Publicité sest accru. Mais dans la mesure où léquilibre à réaliser entre intérêts divergents reste largement subordonné à lexigence libérale de cette Publicité (légitimer son action en se réclamant de lintérêt général) sans y satisfaire, mais sans pouvoir sy soustraire totalement , le marchandage des compromis sort du domaine contrôlé par le Parlement et se pratique, soit officiellement, les organes de lEtat déléguant certaines de leurs compétences à des organisations sociales, soit officieusement, par le biais dun transfert effectif des compétences qui sopère en marge de la loi (ou en constitue une violation). [208] A ce transfert de compétences, correspond, et dans une mesure bien plus considérable, le transfert de fait des compétences du pouvoir législatif, habilité à passer des compromis politiques, au monde des rapports entre administrations, associations et partis. Lintégration croissante entre lEtat et une société qui ne peut plus être qualifiée de politique exige que soient prises des décisions sous la forme de compromis temporaires passés entre groupements Cela signifie le troc direct davantages particuliers et dindemnisations sans passer par le biais de la procédure officielle propre à la sphère publique politique. Cest la raison pour laquelle les associations et les partis restent fondamentalement des corps privés. Certains nont même pas le statut dassociations dotées dune capacité juridique, mais cela ne les empêche nullement doccuper, avec les autres, des positions officielles. En fait, ils exercent aussi certaines fonctions propres à la sphère publique politique en souscrivant à son principe qui est de justifier la pression exercée sur le pouvoir de lEtat par la société civile, au-delà du simple rapport de force. Cest ainsi quen réalité les associations ont fait sauter les limites du droit bourgeois des associations ; le but avoué est de convertir les intérêts privés dune masse dindividus en un intérêt public commun, et de faire passer la représentation et la revendication des intérêts qui leur sont propres pour une défense de lintérêt général. Si les associations disposent dune large puissance politique, ce nest donc pas malgré leur caractère privé, mais bien à cause de lui. Elles ont surtout la possibilité de manipuler une « opinion publique », sans être tenues de se soumettre elles-mêmes à son contrôle. Dailleurs, la nécessité double, dexercer un pouvoir social dune part et de se justifier dautre part, par rapport aux critères traditionnels dune Publicité dont la ruine ne laisse subsister aucun doute, a pour résultat que les associations cherchent à sacquérir auprès du public vassalisé un plébiscite qui ratifie une manière de passer des compromis dont lélaboration sopère pour lessentiel dans le secret des appareils, mais dépend du crédit quelle recueille dans le public : ou bien, les organisations cherchent au moins à sassurer de la neutralité bienveillante du public, afin de transformer un sentiment indifférencié en pression dordre politique, soit de neutraliser, forte de cette tolérance acquise, une opposition politique. Les associations publiques ne veulent absolument pas apparaître en tant que personne morale, mais en tant quorganisation collective [209] Cest quelles tiennent moins à être représentées officiellement à lextérieur quà ce que leurs membres jouissent sur la scène publique dun caractère « représentatif ». La représentation nest pas essentiellement un élément de la structure constitutive de lassociation : cest avant tout lexpression de son besoin de « Publicité ». Bien entendu cela ne suffit pas à ressusciter la sphère publique féodale, structurée par la représentation ; et pourtant, la sphère publique bourgeoise finit par lui emprunter certains traits : on peut la dire reféodalisée et la définir, avec H. Schelsky, par le fait que les grands responsables de lEtat ou des institutions non étatiques sy font « les managers de leurs propres positions ». On y retrouve aussi en tant quélément constitutif de la « Publicité » cette aura qui entoure une autorité représentée par une personne, et, dans cette mesure, la publicity moderne est tout à fait voisine de la publicness féodale. Les public relations concernent moins lopinion publiqueopinion au sens de la réputation. La sphère publique devient une cour devant le public de laquelle un prestige est mis en scène au lieu de développer une critique au sein de ce public. Le mot même de « travail publicitaire » utilisé de nos jours, révèle que la « Publicité » ne peut plus être autrement que fabriquée selon les circonstances et au coup par coup, alors quautrefois elle était donnée avec la position occupée par les représentants et garantie dans sa permanence par une symbolique forte de sa tradition. Aujourdhui, il faut produire les occasions qui mettent en jeu le processus didentification : la « Publicité » doit être « faite », on ne peut plus dire quelle est une donnée. que l [210] Lefficacité immédiate de la « Publicité » ne se borne pas à créer cet impact publicitaire non commercial qui sexprime sous la forme dune atmosphère de bienveillance entraînant la capacité dassentiment. Cette forme nouvelle de la « Publicité » se préoccupe aussi dinfluencer les décisions des consommateurs et débouche sur lexercice dune pression politique dans la mesure où elle mobilise un potentiel dun sentiment indifférencié qui peut, lorsque cest nécessaire, être converti en plébiscite acclamatif dont lobjectif est alors bien précis. La « Publicité » actuelle garde encore un lien avec la sphère publique bourgeoise dans la mesure où les structures institutionnelles, propres à celle-ci et qui la légitiment, continuent dêtre en vigueur. La « Publicité » démonstrative nacquiert dailleurs une efficacité sur le plan politique quà partir du moment où elle peut se réclamer dun capital crédible, ou réellement solvable, de décisions de vote potentielles. Et cette « solvabilité » constitue en effet la tâche des partis. Le rôle de premier plan joué par les partis a pour conséquence de ravaler le Parlement au rang dassemblée de fractions [213] Il fait du parlementaire lui-même un « chaînon dans lappareil technique et organisationnel de son parti auquel il doit se soumettre en cas de conflit ». Mis à part le groupe retreint des « ministrables » qui cumulent les fonctions dirigeantes, le nombre plus important de véritables fonctionnaires de parti (simples exécutants, spécialistes de la propagande, etc.) et enfin la grande masse des représentants directs ou non dassociations (syndicalistes, intermédiaires, experts, etc.) ont désormais accès au Parlement. Le député isolé, à qui, certes, lon demande encore de participer aux décisions prises à la majorité au sein de son parti, ne prend en fin de compte ces décisions que lié à une fraction. Le parti, lui, agissant par-dessus de la fraction, convertit la nécessité davoir constamment à renouveler les compromis passés entre différents groupes dintérêts organisés en une discipline qui garantit lunité de sa stratégie vers lextérieur ; et, de fait, le député reçoit de son parti un mandat impératif. [214] Cest ainsi que le Parlement tend à devenir une chambre où se rencontrent les mandataires des partis, et qui sont liés aux consignes reçues, à seule fin de faire enregistrer des décisions déjà prises. A cette évolution correspond celle du Parlement lui-même qui cesse dêtre le lieu institutionnalisé de la discussion, car son rôle, entériner des décisions élaborées à huis clos, nobéit pas seulement à un impératif formel : il sert la « Publicité » démonstrative chargée de présenter au grand public la volonté des partis. Le Parlement, « assemblée dhommes avisés, de personnalités choisies parmi les couches les plus élevées, convaincus que les décisions de la majorité incarnaient, pout le bien du peuple, la justesse et la justice », devint la « tribune publique où, face au peuple entier qui ne participe à cette sphère publique que par le biais particulier de la radio et de la télévision, le gouvernement et les partis qui le soutiennent exposent et défendent leur politique, et où lopposition les attaque tout autant ouvertement en développant le programme quelle entend y substituer ». « De même que la délibération véritable ne seffectue plus en plenum de lassemblée, mais se cantonne au sein des commissions et des fractions, au Parlement, la discussion est passée complètement à larrière-plan des impératifs de linformation ». [215] Les débats eux-mêmes sont mis en scène tels des shows qui se déroule face au public le plus large. La Publicité perd ses fonctions critiques auxquelles se substituent des fonctions « démonstratives » ; et les arguments de la discussion sont pervertis en symboles, de sorte quil nest plus possible dy répondre par dautres arguments, mais par la seule adhésion sur un mode identificatoire. La mutation des fonctions du Parlement révèle combien est menacé le statut de la sphère publique en tant que principe recteur de lorganisation de lEtat La Publicité, au départ principe de la critique (exercée par le public), a été subvertie en principe dune intégration (dirigée par les instances de la « Publicité » démonstrative : par ladministration et les associations et surtout par les partis). La publicité des débats parlementaires a été pervertie en « Publicité » acclamative, et la publicité des débats judiciaires connaît une dénaturation de même ordre, récupérée quelle est par la consommation « culturelle ». En effet, le principe critique le la « Publicité » se trouve tout autant trahi lorsque des procès (de droit pénal) sont assez « intéressants » pour être retransmis et colportés par les mass media ; ce qui renforce, non plus le contrôle de la justice par lassemblée des citoyens, mais sert bien davantage la préparation des plaidoyers quon destine à la consommation « culturelle » de lensemble des masses. La puissance de ces tendances nouvelles se mesure à ce quelle suscite defforts cherchant à en renverser le cours. La Constitution de lEtat-social, lorsquil est une démocratie de masse, lie lactivité des organes de lEtat au respect de la « Publicité » Elle la lie afin de maintenir dans son efficacité la permanence dun processus de formation de lopinion publique comme de la volonté, tout au moins dans son rôle de correctif garant dune certaine liberté apporté à lexercice du pouvoir et de la domination : « Les manifestations de ce processus sont vitales pour une démocratie libre et consistent à promouvoir une opinion publique qui soit en prise sur les activités de lEtat dans toutes leurs ramifications ; or, ces manifestations peuvent parfaitement prendre la forme dun pouvoir légitime, mais que le Droit ne sanctionnerait pas ( ) à la condition quelles-mêmes soient publiques au sens plein du terme, cest-à-dire sopposant publiquement au pouvoir de lEtat qui, de son côté, est tenu par principe de respecter la Publicité de ses actions ». Réquisitionnée par les organisations sociales , abandonnée à la pression des intérêts privés regroupés collectivement, la sphère publique peut, outre collaborer à la réalisation de compromis politiques, exercer certaines fonctions de critique et de contrôle sur la scène politique, mais à la seule condition quelle se soumette sans réserve aux exigences de la Publicité, autrement dit, redevienne espace public au sens strict. Dans les conditions actuelles, la finalité des principes de la Publicité classique pourrait être préservée dune restauration quifiniraitparladénaturer,sila Publicité, augmentée dimpératifs « publicitaires » non-orthodoxes, sétendait à des institutions qui jusqualors avaient profité de la Publicité des autres institutions plutôt que de se soumettre elles-mêmes à son contrôle ; la Publicité devrait gagner tout dabord les partis, mais aussi les media et les associations publiques qui jouent tous deux un rôle politique effectif. Les partis, les media et ces associations sont tous des institutions qui représentent certaines forces sociales dont lactivité est corrélative de lEtat, cest-à-dire des organisations sociales privées qui exercent certaines fonctions dordre public dans le cadre du complexe politique. Afin dêtre en mesure dassurer leurs fonctions dans le sens démocratique dune formation de la volonté et de lopinion, ces institutions doivent en premier lieu accepter que le principe de Publicité préside à lorganisation de leur structure interne, et leurs institutions doivent permettre à lintérieur du parti, et par conséquent de lassociation, le fonctionnement dune démocratie, cest-à-dire autoriser le déroulement sans entrave dun exercice de communication et dexercice public de la raison. Il faut alors que la Publicité et le fonctionnement interne des partis et des associations assure le lien entre cet espace public des organisations et la sphère publique rassemblant le public dans son entier. Enfin, lactivité des organisations, la pression quelles exercent sur lappareil dEtat, mais aussi la concurrence qui les oppose dans lexercice de leur propre pouvoir, exigent dans la même mesure une Publicité de large envergure et une multiplicité des liens de dépendance comme des implications dordre économique ; ce qui signifie par exemple que les organisations de la sphère publique puissent contrôler lorigine et lutilisation de leurs moyens financiers. [218] Quant à la Presse politique, elle doit elle aussi respecter le principe démocratique de Publicité, comme toutes les institutions qui exercent au sein de la sphère publique une influence privilégiée dordre « démonstratif » ou manipulatoire. Quel que soit le statut juridique de ce principe ces exigences posent, du point de vue sociologique, le cadre essentiel dune démocratisation des organisations sociales agissant en liaison avec lEtat ; la dimension de la discussion. La sphère publique politique na de chance de se reconstituer que dans la mesure où elle est liée au progrès dune rationalisation de ce type Autrement dit, de constituer « au-delà des élections sporadiques ou périodiques touchant les organes de lEtat, ( ) une société qui se réalise à travers un processus cohérent et permanent dintégration ». A vrai dire, force est de constater à quel point la sphère publique politique de lEtat-social (en tant que démocratie de masse) est en retard par rapport aux échéances de cet impératif ; ou mieux : à quel point elle sest fait fort peu avancée dans cette voie. Cest précisément en étudiant la préparation publique des élections et leur déroulement même que nous pourrons démontrer la validité de cette affirmation. [219] En effet, la sphère publique, mobilisée pour la seule durée limitée des élections et reconstituée à titre provisoire, fait régner cet autre type de « Publicité », celle des public relations, qui peut dautant plus facilement se développer par-dessus le public inorganisé des associations que celles-ci cherchent elles-mêmes à tourner le principe démocratique de Publicité. Lanalyse électorale la plus récente montre « tout lavantage quil y a pour un parti à ne pas avoir de membres permanents, mais à ne revivre quen période électorale, en se dotant dune capacité de manuvre aussi centralisée que celle dune firme publicitaire dont lexistence na quun seul but : réaliser la campagne de publicité ». Un processus de communication publique, et qui se déroule au sein des partis et des organisations, soppose bien évidemment à lactivité démonstrative et manipulatoire dune « Publicité » qui cherche à mobiliser le potentiel acclamatif explosif des larges masses et surtout à en toucher la partie qui politiquement reste la plus indécise. PUBLICITÉ FABRIQUÉE ET OPINION NON-PUBLIQUE La défense des intérêts apolitiques de citoyens Ceux-ci sen tiennent à une « exigeante indifférence ». Dans le cadre de lEtat-social qui surtout administre, distribue et assiste, les intérêts « politiques » des citoyens, constamment soumis à des actes administratifs, se réduisent essentiellement à des revendications liées à tel ou tel secteur professionnel. Celles-ci ne peuvent à vrai dire efficacement représentées que si elles sont prises en charge par les grandes organisations. Ce qui, au-delà de cette obligation, resterait encore laffaire du vote individuel est pris en main par les partis qui proposent un choix organisé sous la forme dun scrutin. Il est possible dapprécier à quel point la sphère publique politique sest dégradée, puisquelle nest plus cette sphère fondée sur la participation continue à lexercice de la raison en prise sur les pouvoirs publics, si lon observe limportance acquise, au sein des partis par les tâches authentiquement publicitaires (publizistisch) dont le but est de fabriquer périodiquement il ny a absolument pas dautre procédure possible une sorte de « Publicité ». [220] Désormais les campagnes électorales nont plus pour origine la lutte ininterrompue des opinions dans le cadre dune sphère publique garantie par les institutions. Néanmoins, la procédure démocratique des élections parlementaires continue comme pat le passé à sappuyer sur la fiction libérale dune Publicité bourgeoise. On attend en effet des électeurs quils prennent, forts dun certain niveau de connaissance et doués dune certaine capacité de jugement, une part active à la discussion publique afin quils contribuent, au terme dune démarche rationnelle guidée par lintérêt général, à mettre en lumière la justesse et la justice, critères auxquels laction publique devra obligatoirement se conformer. Les différents aspects dune structure de la personnalité civique « Lintérêt pour les affaires publiques ; la maîtrise des informations et de certaines connaissances ; la fidélité à des principes politiques ou à des valeurs ; la capacité dobservation rigoureuse des faits ; lengagement dans le processus de communication et de discussion ; un comportement rationnel et conséquent ; la prise en compte de lintérêt général ». Les composantes sociologiques de la sphère publique politique y sont devenues, par glissement, des caractéristiques dordre psychologique. La composition sociale de lélectorat [221] La composition sociale de ce public, qui autrefois ne rassemblait pour ainsi dire que des électeurs, se retrouve aujourdhui être à peu de chose près celle de la frange plus active qui, au sein dune population où le droit de vote a été étendu à tout le monde fait réellement usage de ce droit : en général, les hommes votent plus souvent que les femmes ; les gens mariés que les célibataires ; ceux dont le statut social est le plus élevé, qui bénéficient dun revenu plus important et jouissent dun niveau supérieur déducation, participent davantage au scrutin que les membres des classes inférieures. En outre, il est à signaler que les hommes daffaires, les membres des classes moyennes travaillant dans des entreprises vont voter dans une proportion assez considérable. Le fait que la participation la plus active aux élections se rencontre parmi les classes dâge situées entre 35 et 55 ans, laisse en tout cas supposer une forte influence exercée, non pas seulement par lactivité professionnelle (comme cest le cas pour la stratification du public bourgeois des personnes privées), mais essentiellement par le fait dêtre impliqué professionnellement dans les rapports du travail social. Même la participation à la discussion publique, qui était autrefois la condition officieuse dune participation aux élections, semble aujourdhui encore trouver un écho dans le fait que les membres des associations et des partis font usage de leur droit de vote dans une plus large mesure que les citoyens nappartenant à aucun groupement. Au lieu demprunter la voie plutôt horizontale, spécifique à chaque couche sociale, de la diffusion des modes et en général des habitudes de consommation, le canal de lopinion politique suit un canal plutôt vertical : des couches supérieures vers celles qui leur sont respectivement inférieures ; les « leaders dopinion dans le domaine des affaires publiques » sont en général plus aisés et plus cultivés, et jouissent dun statut meilleur que les membres des couches où sexerce leur influence. [222] Dun autre côté, on a pu établir quau sein du public, ces mêmes noyaux politiquement actifs, informés et intéressés, avaient la plus grande résistance à mettre en question leurs idées au cours de discussions de fond. Cest précisément chez les supports dun processus de communication à deux niveaux (médiatisé par les leaders dopinion) quune opinion peut souvent, une fois acquise, se scléroser et devenir et devenir un réflexe figé. En labsence dun processus de communication dont le moteur serait le public faisant usage de sa raison, même les opinions susceptibles de passer sur la scène publique ne se développent jamais jusquà former une opinion publique. On sait fort bien, par ailleurs, que ceux qui sont pour ainsi dire les mieux informés, et se laissent presque le plus souvent entraîner dans des discussions, ne cherchent en fait quune confirmation réciproque de leurs conceptions respectives et nexercent leur influence que sur les indécis ou sur ceux qui prennent à la discussion la part la plus effacée : ce fait bien connu indique combien peu ces gens informés contribuent au processus dune opinion publique. De plus, les discussions politiques restent cantonnées pour lessentiel dans des microgroupes dappartenance (ingroups) [la famille, le cercle des amis, les voisins] qui de toute façon créent surtout un climat homogène dopinion. La division en deux groupes de la clientèle électorale des partis A vrai dire, la clientèle électorale de nimporte quel parti se divise en deux groupes très différents. On trouve dun côté, la minorité restreinte des citoyens quon peut encore sans trop se tromper qualifier dactifs, quils soient membres dun parti ou dautres organisations sociales, voire électeurs indépendants mais bien informés et très actifs dans leur participation, et même le plus souvent opinion leaders très influents. [223] A lopposé, on rencontre la majorité des citoyens tout aussi profondément engagée dans ses choix, mais sur qui semble glisser sans lentamer le courant des controverses politiques de lheure. La stagnation quils représentent résulte à la fois dune perception fondée, mais stéréotypée des différents groupes dintérêts et dun ensemble dévidences culturelles : attitudes et préjugés profondément enracinés, reposant sur des expériences qui, pour la plupart, remontent fort loin dans lhistoire et ont été transmises de génération en génération. Les différentes classes dâge sont influencées par des groupes spécifiques à chaque génération, différents du point de vue confessionnel et éthique, mais dont les expériences sont similaires, si bien que des décisions de vote en apparence identiques sont dictées en fait par des intentions tout à fait hétérogènes et bien souvent opposées, de sorte aussi quil est dautant plus facile de les prendre en bloc, en accréditant la notion dun consensus, que leurs présupposés non discutés restent en marge du processus de la communication publique. Entre les deux blocs délecteurs, actifs dune part et suivistes dautre part, oscillent des groupes aux contours non définis Pour suivre la classification de M. Janowitz, ils se composent, dune part dhommes de compromis, et dautre part de neutres, dambivalents ou dapathiques ; selon la rigueur avec laquelle on utilise ces critères, ces groupes représentent une masse comprise entre 25% et 50% des électeurs inscrits. M. Janowitz y fait également figurer les non-votants et ceux quon appelle les électeurs occasionnels qui peuvent être acquis, tantôt à un parti, tantôt à tel autre, voire nêtre absolument pas mobilisés : no-voters et changers. La définition des non-votants selon laquelle ils constituent le groupe pour ainsi dire le moins informé et celui qui, du point de vue démocratique, serait parmi les moins fiables, sapplique également sous certaines réserves aux tenants du floating vote : « Les électeurs « indépendants » sont en général le moins bien informés et se sentent le moins concernés ». Néanmoins, ces électeurs qui sont le moins apte à participer au processus de lopinion publique sont la cible des managers électoraux : chaque parti cherche à exploiter autant que faire se peut le réservoir des « indécis », non par la raison (Aufklärung), mais en lidentifiant à lattitude apolitique du consommateur, fortement répandue précisément dans cette catégorie sociale. Cest à juste titre que M. Janowitz pose la question de savoir « si de tels efforts qui mobilisent pour lessentiel les mass media et dautres méthodes publicitaires ne représentent pas un mauvais investissement de ressources limitées ». [224] Quoi quil en soit, cette publicité électorale ne va pas sans réagir sur le reste des groupes électoraux ; de sorte que le lien entre la participation électorale et lorientation définie par les objectifs dun programme est bien plus faible que le rapport qui sinstaure entre les électeurs et limage des principaux candidats, offerte en spectacle selon les méthodes efficaces de la publicité. En quoi consiste véritablement lidéologie de la culture de masse En premier lieu, la culture dintégration fabriquée et diffusée par les media, bien quelle prétende être apolitique, constitue elle-même une idéologie politique ; tout horizon politique, et en général toute manifestation « démonstrative », nauront pas la possibilité, par exemple, dentrer en concurrence avec elle mais devront au contraire tendre à sy conformer. Depuis quelques décennies déjà, K. Mannheim avait diagnostiqué ce phénomène de la mort des idéologies ; mais il semble que cela ne représente que lavers dun processus dont Raymond Aron peut parler précisément en termes de « fin de lâge idéologique ». En second lieu, on peut observer que lidéologie prend la forme de ce quon appelle la culture de consommation et réalise, mais en quelque sorte au niveau le plus profond de la conscience, son programme de toujours : imposer aux hommes une adéquation aux systèmes sociaux existants. Selon Adorno, « si lon voulait résumer en une phrase ce en quoi consiste véritablement lidéologie de la culture de masse, il faudrait la formuler comme une parodie de la maxime : Deviens ce que tu es : autrement dit, la reproduction et la légitimation exacerbée de létat des rapporte sociaux tels quils sont, en confisquant toute transcendance et toute critique. Dans la mesure où lidéologie dominante se borne à ne représenter aux hommes que ce qui de toute façon constitue les conditions de leur vie mais en faisant simultanément de cette existence la norme à laquelle ils doivent se conformer, ceux-ci seront contraints de croire, sans foi, à cette pure et simple existence ». Les partis et leurs organes auxiliaires se voient donc contraints dexercer sur les décisions de vote une influence dordre publicitaire par analogie à la pression quexercent les réclames sur le choix des acheteurs [225] Cest là lorigine du marketing politique. Les agents et les propagandistes ancienne manière, qui étaient liés à un parti, cèdent leurs fonctions à des spécialistes de la publicité, neutres politiquement, indépendants de tout parti et dont on loue les services afin de vendre de la politique sans en faire. Bien quelle se soit dessinée depuis longtemps, cette tendance ne sest réellement imposée quaprès la Seconde Guerre mondiale, en parallèle avec le progrès accompli dans le domaine des sciences sociales, par les techniques empiriques appliquées à létude de marché et en sondage dopinion. Les résistances à cette évolution, qui dans nombre de partis nont cédé quà la suite de diverses défaites électorales, révèlent que ceux qui organisent les élections ne se sont pas contentés de prendre connaissance du dépérissement de la Publicité authentiquement politique, mais quils y ont eux-mêmes contribué en toute conscience. La sphère publique politique fabriquée pour une durée limitée reproduit, simplement à dautres fins, cette sphère où règne la culture dintégration ; le domaine politique est lui aussi intégré, grâce à des techniques psycho-sociologiques, au monde de la consommation. Les destinataires de cette « Publicité » constituent ce type de consommateur politique appelé le « nouvel indifférent » Selon D. Riesman ce nouvel indifférent « nest plus un électeur libre, il ne perçoit plus aucun rapport entre ses opinions politiques et le rôle politique quil est appelé à jouer. Cest pourquoi ses opinions lui servent de traites à terme dans sa fonction de membre dune communauté de consommateurs-destinataires des informations politiques quotidiennes. Sa tolérance vis-à-vis des opinions des autres repose non seulement sur une disposition de son caractère mais aussi sur le fait quil peut justement les considérer comme de « pures et simples » opinions, qui sans doute suscitent la curiosité ou lintérêt, mais nont plus la force dun engagement partiel ou total dans laction politique ». A trop vouloir simposer à cette communauté de consommateurs-destinataires des informations, les media perdent de leur efficacité La décomposition de lélectorat en tant que public se manifeste dans le fait que la Presse et la radio restent totalement inefficaces si on continue à « les utiliser de la manière habituelle » ; car, dans le cadre de la « Publicité » fabriquée, les media nont que la fonction de supports publicitaires. Les partis sadressent sans intermédiaire au « peuple » mais en fait à cette minorité dont le niveau de conscience a été évalué par des études démoscopiques afin détablir le vocabulaire de 500 mots qui y est adapté. En même temps que la Presse, lautre instrument traditionnellement appliqué à la formation de lopinion, les réunions de parti, perd également son sens. [226] On a pu constater que ces réunions, « menées selon la manière habituelle », nont dautre utilité que de communiquer certains mots dordre au petit groupe des membres qui de toute façon y sont déjà acquis. Les assemblées, elles aussi ne jouent plus que le rôle de manifestations publicitaires où, lorsque la situation est tendue, la présence des participants nest requise quà titre de figuration gratuite pour les besoins de la retransmission télévisée. Au sein de la « Publicité » manipulée, ce nest plus lopinion publique qui est motrice, mais un consensus prêt à lacclamation, un climat dopinion La manipulation consiste avant tout en un travail psycho-sociologique qui permet de mettre au point le type doffre dont les cibles sont certaines tendances inconscientes, et qui provoqueront des réactions prévisibles, sans par ailleurs obliger à quoi que ce soit ceux qui sassurent ainsi dun assentiment plébiscitaire : sappuyant sur des « paramètres psychologiques » soigneusement élaborés, ces sollicitations testées sur des échantillons doivent évoquer dautant plus radicalement ce qui les rattache au contenu dun programme politique ou même à des arguments concrets, que leur impact sera optimal si elles fonctionnent comme symboles dune identification. Elles nont pas dautre objectif que de produire cette forme de popularité qui, « actuellement au sein de la société de masse se substituent aux rapports immédiats que les individus entretenaient avec le domaine de la politique ». Cest pourquoi la manière de présenter le chef ou son équipe joue un rôle décisif, car eux aussi ont besoin dun conditionnement et dune présentation ajustés en fonction du marché. Lindice de popularité fournit au gouvernement le critère qui lui permet dapprécier à quel point il contrôle lopinion non-publique de la population ou dans quelle mesure il doit procurer à son équipe un complément de publicité convertible en popularité. En tant que telle, la popularité nest pas identique à la « Publicité », mais à long terme on ne peut la maintenir sans avoir recours à celle-ci : lassentiment dont la popularité témoigne est une variable qui dépend de la « Publicité » fabriquée à titre temporaire, bien quelle ne relève nullement de cette seule instance. TRANSFORMATION DE LÉTAT CONSTITUTIONNEL LIBÉRAL EN ÉTAT SOCIAL Les droits fondamentaux tels que définis par les premières Constitutions modernes [231]Dans les premières Constitutions modernes, les sections où sont énumérés les droits fondamentaux sont le reflet du modèle libéral de la sphère publique bourgeoise : ces droits sont garants dun ordre où la société est conçue comme ma sphère de lautonomie privée ; le pouvoir, limité à certaines fonctions peu nombreuses en est le pendant ; et, en quelque sorte, entre ces deux sphères se situe le domaine imparti aux personnes privées, rassemblées en un public, qui jouent, en tant que citoyens, le rôle de dintermédiaires entre lEtat et les besoins de la société civile. Dans lesprit de ce modèle libéral, les citoyens ont le devoir de contrôler cette autorité politique dans le cadre de la sphère publique. La garantie de ces droits fondamentaux se transforme dans la société de libre-échange [232] Le corrélat de la société de libre-échange est, en effet, la prétendue égalité des chances dans lacquisition de la propriété, autrement dit de lindépendance privée et de la participation à la politique ; dans cette société, le contrôle des citoyens ne semble pouvoir être garanti quà partir du moment où le « commerce » des personnes privées sest émancipé par rapport à la domination, tant au sein du marché que de la sphère publique. Condition réalisée dans le modèle libéral où tous les rapports de forces étaient susceptibles de se neutraliser dans le cadre dune société de petits propriétaires puisque celle-ci était indépendante du pouvoir. A vrai dire, et du point de vue du rôle tel que les législateurs le concevaient à lépoque quils avaient à jouer dans la société, les droits fondamentaux ne pouvaient nullement sen tenir à une fonction de pure et simple délimitation ; car ils devaient intervenir dune façon positive au sein de linfrastructure pour laquelle cet ordre social était conçu, en garantissant une participation équitable au processus de production, à la richesse nationale, comme aux institutions de lopinion publique. Mais dans la société déchange telle quon la présupposait, il nétait possible quassurer indirectement une part équitable des bénéfices économiques du pays (à travers le marché) et une juste participation aux institutions (au sein de la sphère publique) ; il fallait avoir recours à lassurance que certaines libertés et garanties, seraient respectées par le pouvoir concentré entre les mains de lEtat ; les effets positifs des droits fondamentaux nétaient gagés que sur leur caractère négatif. Ce qui conduit à penser, si lon se place dans une perspective sociologique que, contrairement à la conception en vigueur chez les juristes, la Constitution de lEtat libéral avait, dès le départ, la volonté de réglementer non seulement le domaine proprement étatique ainsi que les rapports entre lEtat et la société, mais également tout lensemble de la vie sociale. Cet ordre public déterminé par les droits fondamentaux englobait donc le domaine réglé par le droit privé ; ce qui éclaire dun jour nouveau la distinction couramment opérée entre garantie des libertés, sur le versant du libéralisme, et garanties sur la participation aux institutions, du point de vue démocratique. Cest en continuité avec la tradition juridique de lEtat libéral que lEtat- social a été amené à donner aux rapports sociaux leur structure [233] Les Droits de lhomme, sur le versant du libéralisme, et les droits du citoyen, sur le versant de la démocratie, ne se scindent quà partir du moment où se révèle le caractère fictif de lordre social dont on simaginait quil était au principe de la société et où la bourgeoisie, assurant pas à pas son pouvoir réel, prend elle-même conscience du caractère ambigu de sa domination (personne privée en tant que bourgeois et personne civile en tant que citoyen). Cest à partir de cette constellation quil faut comprendre la transformation de lEtat constitutionnel libéral en Etat-social. La différence entre Etat-social et Etat libéral ne réside pas dans le fait que « la Constitution dun Etat impliquerait par nature, cette obligation juridique qui imposerait aux organisations sociales dobéir elles aussi, dans leurs statuts, à certains principes fondamentaux ». Car cest tout le contraire, puisque cest précisément en continuité avec la tradition juridique de lEtat libéral que lEtat- social a été amené à donner aux rapports sociaux leur structure ; en effet, lEtat libéral lui aussi avait pour finalité première de doter lensemble formé par la société et lEtat dun ordre juridique commun. [234] Dès que lEtat est devenu lui-même, et dans une mesure croissante, le support de lordre social, il lui a fallu sassurer les déterminations négatives proposées par-delà les droits fondamentaux du libéralisme, un mandat positif tel que l« égalité des chances » mais qui, cette fois, ne pourrait être réalisée que grâce aux interventions dun Etat-social. La conception libérale de la loi a été si radicalement vidée du contenu de ses deux dimensions légalité, garantissant son universalité, et la justesse, cest-à-dire la vérité garantissant la justice quil ne suffit plus de répondre à ses critères formels pour produire une réglementation adéquate aux contenus nouveaux. Cest au contraire une garantie concrète qui, se substituant à la garantie formelle, impose aux compromis dintérêts le cadre le cadre général des règles dune justice distributive : cest ainsi par exemple que la répartition du produit social relève désormais, et dans une mesure croissante, de la compétence de certaines instances politiques. Les associations et les organisations entrent en compétition avec les pouvoir législatif et exécutif pour sassurer du mode de répartition qui sera alors appliqué. Cest pourquoi lEtat « engagé par ses devoirs sociaux » aura à surveiller que léquilibre des intérêts, résultant de cette compétition, ne sort pas des limites imposées par lintérêt général. La Déclaration des Droits de lhomme adoptée par lONU le 10 décembre 1948 De nos jours, des droits fondamentaux adaptés à un Etat-social ont été formulés outre dans le préambule de la Constitution française de 1946, depuis frappée dinvalidité dans la Déclaration des Droits de lhomme adoptée par lONU le 10 décembre 1948 (a). [235] Ils garantissent une part des bénéfices du produit social et une participation aux institutions politiques : « La liberté garantie par délimitation négative aux caractéristiques dun Etat qui simpose certaines limites et laisse aux individus la responsabilité de leur situation au sein de la société telle quelle est. La participation en tant que droit, en tant quexigence, suppose un Etat producteur (réalisation du produit intérieur brut) (b), répartiteur, distributeur, réglant le partage des bénéfices (la redistribution se faisant par un système de taxes, de charges sociales et par limposition) et qui, loin dabandonner lindividu à sa situation dans la société, lui offre certaines garanties afin de lui venir en aide ». Conformément au concept de loi tel quil est formulé par le droit constitutionnel, les garanties des droits fondamentaux reposent bien entendu sur une délimitation négative de la sphère privée et de la sphère publique politique par rapport au domaine directement placé sous le contrôle de lEtat ; et les garanties constitutionnelles touchant la propriété et la famille viennent renforcer cette délimitation. Or, si les droits fondamentaux de caractère social viennent sadjoindre à ces garanties pour les compléter, cest pour la seule raison quun contenu « positif » nintervient plus « automatiquement » pour répondre au caractère négatif de leur fonction ; cest aussi parce que les mécanismes inhérents à la société ne sont plus en mesure dassurer la « responsabilité » que leur impose, vis-à-vis de certains domaines sociaux, le fait que leur délimitation négative les rend indépendants de lEtat. Cette participation double, tant aux bénéfices du produit social quaux institutions politiques, ne peut être garantie que par lEtat. Car cest le seul biais qui permette à lordre politique de ne pas trahir les principes (autrefois recteurs des institutions de lEtat constitutionnel bourgeois) de la sphère publique politique, et dy rester fidèle, aujourdhui encore, malgré la mutation structurelle subie par cet espace public. Depuis que la Presse et la Publicité sont devenues des puissances sociales, la formation dune opinion publique nest plus suffisamment protégée [236] Elle nest pas garantie par le simple fait que nimporte qui peut exprimer librement ses opinions et fonder un journal. Le public nest plus un tout uni, formé par des personnes égales tant sur le plan juridique quéconomique. En analysant intelligemment la fonction sociale de la liberté (privée) dopinion, H. Ridder dans Die Grundrichte, parvient à la conception dune « liberté publique dopinion » qui seule offre aux citoyens une participation au processus de la communication publique respectant légalité des chances. Cela suppose, et H. Ridder la bien vu, que lon complète la doctrine classique de la liberté de la Presse en faisant obligation aux institutions de la Presse et de la « Publicité » de respecter les principes fondamentaux de lEtat constitutionnel et démocratique et social ; « Il est manifeste quon ne peut plus caractériser la liberté de la Presse comme une liberté qui, tant sur le plan individuel que collectif, serait définie négativement par rapport aux interventions de lEtat. Ce qui est essentiel cest le rôle public assumé par la Presse politique ; et, par conséquent, si certaines libertés lui sont garanties, cest en raison de ce rôle même et dans son intérêt ». [237] La libre expression des opinions par voie de Presse ne peut plus être considérée comme un simple mode dexpression parmi dautres canaux traditionnellement utilisés par les individus pour communiquer entre eux, cest-à- dire entre personnes privées (c). Car seule une garantie statutaire accordée par lEtat peut préserver un accès à la sphère publique qui soit égale pour toutes les personnes privées ; il ne suffit donc plus que lEtat se contente dassurer quil ninterviendra pas. La nature des libertés de réunion et dassociation subit une transformation analogue Les partis et les associations publiques, devenus de grandes organisations bureaucratisées, ont le monopole de toutes les réunions et associations qui ont une quelconque importance sur le plan politique et une réelle action dordre « publicitaire ». Par conséquent et là encore la liberté de réunion ou dassociation ne saurait se passer dune garantie statutaire qui constitue le seul moyen efficace de préserver la participation des citoyens à la sphère publique politique , dans la mesure où cette garantie impose aux partis et aux associations, de définir précisément leur but et dobéir, dans leur structure interne, qui corresponde à leurs finalités ainsi explicitées. Cette contrainte ne va pas sans compensation puisque certaines exigences sont à leur tour certaines garanties qui trouvent leur expression dans ce quon appelle les prérogatives accordées aux partis. Lautre série de droits fondamentaux, dont le noyau est la garantie institutionnelle de la propriété privée sont à interpréter dans une perspective concrète Les libertés institutionnelles du droit privé qui garantissent le libre choix de la profession, du lieu de travail et dapprentissage, ne peuvent plus être conçus comme les garants dune sphère privée qui repose sur un capital de libre concurrence. Ils revêtent, dune part, le caractère de droits assurant une participation aux bénéfices sociaux dans la mesure où, articulés sur un principe dégalité interprété dans une perspective concrète, il faut les comprendre comme les garanties de certaines revendications sociales (obtenir, par exemple, une profession qui corresponde aux compétences réelles, ou un lieu dapprentissage qui soit fonction des capacités, etc.) Mais, par ailleurs, dautres garanties propres à lEtat-social viennent en limiter la portée, et cest ainsi que ces droits perdent le caractère de délimitation négative qui, en principe, était le leur. Ce qui se manifeste, par exemple, à travers le fait que la libre jouissance de la propriété privée ne se trouve pas seulement limitée par lobligation quon lui impose ; cette obligation peut être faite, soit dans une perspective sociale, de tenir compte de sa compatibilité avec les intérêts de la société dans son ensemble, soit dans une perspective socialiste, lorsquon la contraint à un éventuel transfert de la propriété dans les mains de la communauté pour satisfaire aux impératifs de lintérêt général ; car cest surtout dans le domaine du droit de la construction, du droit locatif et du droit du travail que les garanties sociales imposent aux droits libéraux de la propriété des limites immédiates. Les conditions dans lesquelles la liberté de la personne peut continuer à se déployer [238] Cette liberté de la personne ne peut pas se déployer au sein dune sphère privée qui sest en fait rétrécie aux domaines restreints de la famille et des loisirs, sans avoir besoin dun statut garanti officiellement par la participation démocratique, car ce libre développement ne repose plus sur la base que constituait une propriété privée, suffisamment protégée par les délimitations négatives du droit libéral. Lautonomie privée nest à vrai dire plus possible, sauf à être indirecte ; quant aux droits dont la fonction a été subvertie dans une perspective sociale ou dEtat-social (droit à la sécurité, droit à lindemnisation, droit au libre épanouissement), ils nont plus le caractère constitutionnel dun Etat dont léquilibre serait automatiquement assuré par les intérêts mis en jeu dans léchange bourgeois. Au contraire, ces droits reposent sur une intégration quil faut à chaque fois réaliser de manière démocratique en fonction des impératifs de lEtat-social des intérêts de toutes les organisations corrélatives de lEtat : « Cest dans cette seule perspective quil est possible de concilier les assurances données par les droits individuels, garanties par une décision juridique impartiale, et légalité devant les lois, interprétée de manière positive ». Lalternative réelle, dans ce contexte, selon W.Abendroth ne consiste pas à se demander « si lon veut doter lindividu dune liberté totale de décision sur le plan économique et social, ou si on veut le soumettre au pouvoir planificateur dun Etat représentant démocratiquement la société, mais à se poser la question de savoir : si lon soumet la majorité des citoyens au pouvoir officiellement privé (donc guidé par des intérêts particuliers et non par lintérêt général) des membres de la société qui occupent dans le domaine économique des postes-clefs, ou bien si lon soustrait aux hasards des décisions arbitraires de certains groupes minoritaires la planification nécessaire et inévitable ; cette planification sappliquant tant dans le domaine de la production que dans celui de la vie sociale, donc si on la soumet au contrôle commun de tous les citoyens qui prennent part au processus commun de production, et dont lEtat représente linstance suprême de décision. [239] Dans les deux cas, la planification à long terme, conforme aux décisions officielles, se trouvera freinée par les effets de larbitraire privé des membres de la société. Cest alors que deux configurations se présentent : dans le cadre dun Etat démocratique et social dont les mesures de prévision à longue échéance ont pour objectif une prospérité générale, cette prévision peut être maintenue dans ses grandes options, sinon bien entendu dans le détail, certaines garanties dindemnisation peuvent venir en atténuer les effets. lorsque ce sont des oligopoles ou des monopoles qui imposent à la société, et sans recours possible, son organisation, cette prévision est livrée à un arbitraire, qui semble complètement accidentel aux yeux des individus, mais qui a bien pour cause des décisions dordre privé. Cest pourquoi dans ce cas-là, les citoyens les plus défavorisés sont constamment exposés dans leur situation sociale à des bouleversements qui ne peuvent saccompagner daucun dédommagement. Les possibilités de régulation de lEtat-social ne diffèrent pas de celles dun Etat libéral quant aux revenus et aux fortunes, mais sont particulières quand il sagit de la propriété Elles reposent sur une délimitation bien spécifique de lautorité régulatrice par rapport à la propriété protégée par les droits fondamentaux ; cest ainsi quil devient possible de faire, grâce à lautorité régulatrice, certaines interventions dans les revenus et les fortunes ; alors que si ces interventions ( ) sattaquaient dans la même mesure à la propriété, elles seraient qualifiées dexpropriations et déclencheraient aussitôt des indemnisations. [240] « A vrai dire, au cours de lévolution qui aboutit à un Etat-social, la différence qualitative entre interventions dans les revenus et fortunes, et interventions limitant la libre jouissance de la propriété privée, se trouve peu à peu réduite à une différence « quantitative » entre niveaux dintervention si bien que le système des impôts peut directement être transformé en instrument de contrôle de la propriété privée ». Dans la mesure où lEtat et la société sinterpénètrent la fixation par les droits fondamentaux dune sphère publique politique va se trouver subvertie, tant dans sa fonction sociologique que dans son tôle de réalité constitutionnelle Elle va se trouver subvertie par un régime juridique concurrent, puisque ce qui ne peut plus être indirectement garanti par délimitation négative exige désormais une garantie dordre positif : cest-à-dire une part des bénéfices de la production sociale (Teilhabe) et une participation aux institutions de la sphère publique politique (Teilnahme). En même temps et dans la mesure où cette participation aux bénéfices du produit national doit être effective, le domaine de compétences dont elle relève doit nécessairement être élargi. Cest dans cette perspective que se situe laction, sur la scène publique politique, des organisations sociales corrélatives de lEtat, qui agissaient soit par le biais des partis, ou en traitant directement avec ladministration publique. Il sagit, dune part de groupements économiques, au sens restreint, [du type Sécurité sociale] qui organisent sous une forme désormais collective les intérêts autrefois individuels des propriétaires dont lactivité reposait, à lorigine sur lautonomie privée ; dautre part, ce sont des organisations de masse [du type syndicats] qui ne peuvent acquérir et défendre un statut privé, garanti par le droit social, que par le biais dune représentation collective de leurs intérêts sur la scène publique ; plus précisément, seule lautonomie politique permet dasseoir une autonomie privée. [241] Liée à laction politique de ceux qui représentent les forces culturelles et religieuses, cette concurrence des intérêts organisés face au « néo-mercantilisme » dune administration interventioniste conduit à une « reféodalisation » de la société, dans la mesure où, compte tenu de linterpénétration des domaines privé et public, ce ne sont pas seulement des instances politiques qui commencent à assumer certaines fonctions dans la sphère des échanges et du travail social, car on voit également, et à linverse, certaines puissances sociales jouer un rôle sur le plan politique. Cest la raison pour laquelle cette « reféodalisation » gagne même la sphère publique En effet, elle représente le cadre au sein duquel les organisations cherchent à passer des compromis avec lEtat ou entre elles, en excluant autant que faire se peut de les rendre publiques (Publicité), ce qui les contraint dailleurs à employer une « Publicité » démonstrative et manipulatoire pour sassurer lassentiment plébiscitaire dun Public vassalisé. Le principe de Publicité est étendu par les organes étatiques à toutes les organisations dont lactivité est corrélative de lEtat. Au fur et à mesure que saccomplit cette extension, un public de personnes privées organisées se substitue au public désagrégé des personnes privées dont les rapports ne se déroulaient que sur un plan individuel. Dans le contexte actuel seul ce public organisé serait en mesure de prendre une part active à un processus de communication publique, à travers les canaux de la Publicité interne des partis et des organisations, et sur la base de la « Publicité » mise en jeu dans les relations quentretiennent les organisations avec lEtat et entre elles. Et cest vis-à-vis de ce processus que les compromis politiques auraient à justifier leur existence. Deux tendances opposées caractérisent la sphère publique politique de lEtat-social Dans la mesure où elle nest quune forme dégénérée de lespace public bourgeois, elle est investie par une « Publicité » de démonstration et de manipulation fabriquée par les organisations sans quy collabore le public désormais vassalisé. En tant quil ne sécarte pas dune certaine continuité avec lEtat libéral, dautre part, lEtat-social maintient le principe dune sphère publique politique qui entraîne pour ce public le devoir denclencher, à travers ces mêmes organisations qui le vassalisent, un processus critique de communication publique. [242] Il faut bien voir que, du point de vue de la réalité constitutionnelle de lEtat-social, la Publicité critique entre en concurrence avec la « Publicité » fabriquée aux seules fins de la manipulation ; et le niveau de démocratisation atteint par une société industrielle dotée de la structure dune Etat-social, cest-à-dire le niveau atteint par une rationalisation de lexercice du pouvoir politique et social, se mesure au terrain conquis par la Publicité critique. LEtat-social a renoncé à la fiction de lEtat constitutionnel libéral, qui supposait réelles, tant lexistence dune sphère publique politique que son intégration à lappareil de lEtat. Est-il tout simplement possible de rationaliser, dans le cadre dun Etat-social, la domination politique et le pouvoir social ? A vrai dire, la réponse à cette question nous ramène en fin de compte à la problématique inhérente, dès lorigine, à lidéal de la sphère publique bourgeoise telle quelle est formulée par la conception ambivalente du libéralisme. Cet idéal avait supposé objectivement possible la réduction des conflits structuraux dintérêts ainsi que des décisions bureaucratiques à un minimum. Ce second objectif pose un problème dordre technique et le premier peut être ramené à un problème économique. Aujourdhui, la possibilité de réaliser une sphère publique politique qui corresponde à ces impératifs critiques dépend uniquement de la possibilité de résoudre ces deux problèmes. Comment contrôler lappareil bureaucratique de lEtat ? [243] « Ce contrôle nest possible que par le biais de la bureaucratie politique de la sphère sociale ; autrement dit, celle des partis et des groupements dintérêts ». Car ces derniers sont à vrai dire contraints de respecter eux-mêmes les impératifs dun contrôle dans le cadre de la Publicité inhérente à leur structure. Dans la mesure où il ne dagit que de laspect technique du problème, des impératifs de structure ne devraient pas rendre, du moins à lintérieur dune organisation, que sétablisse, entre linstance bureaucratique de décision et la délibération quasi-parlementaire des membres, de véritables relations sappuyant sur un processus de communication « publique ». De nos jours, bien entendu, ce problème ne se pose pas tout dabord sous son aspect uniquement technique. Leffacement progressif de la Publicité au sein des grands appareils de lEtat et de la sphère sociale, et la véritable fuite devant la Publicité qui caractérise bien leurs relations aujourdhui, résultent de la multiplication non réduite des intérêts en conflit. Ce qui fait réellement douter que delle puisse jamais surgir lintérêt général auquel une opinion publique pourrait se référer comme à un critère. Un antagonisme dintérêts, sil reste foncièrement irréductible finirait par imposer des limites très étroites à une sphère publique dont la fonction critique sest transformée pour sadapter au contexte dun Etat-social. Aplanir les conflits par le moyen de la discussion publique suppose comme toujours, la possibilité dun consensus Il sagit bien dobtenir un accord entre intérêts concurrents, réalisé selon des principes généraux et ayant valeur exécutoire. En labsence dun tel accord, le pouvoir, qui sexerce comme toujours publiquement, mais sous la forme dun jeu de pressions et doppositions, ne peut créer quun équilibre provisoire entre des intérêts concurrents, qui, même sil sappuie temporairement sur un rapport de forces, reste totalement dépourvu dune rationalité commandée par lintérêt général. [244] La lutte reste ouverte entre la Publicité critique et la « Publicité » mise en scène en fonction des seuls impératifs de la manipulation. Il nest nullement certain que, face à cette « Publicité » fabriquée dans une perspective plébiscitaire, la Publicité prescrite à titre de programme par lEtat-social dans lexercice du pouvoir et léquilibre des forces politiques parvienne à simposer. Mais on ne peut pas la dénoncer en tant quidéologie, comme lidéal de la sphère publique bourgeoise à lépoque de son développement dans le cadre du libéralisme ; car, de toute façon, elle mène à son terme la dialectique de cet idéal déjà réduit à nêtre plus quidéologie. (a) Articles 22-27 : Droit à la sécurité sociale, au travail, au temps de repos proportionnel à la durée du travail, droit à un niveau de vie minimum et aux soins médicaux, droit à léducation et à la formation, droit daccéder aux biens culturels en général. (b) P.I.B. : mesure des richesses créées dans un pays donné et pour une année donné ; schématiquement on le calcule en faisant la somme des valeurs ajoutée dans le pays. (c) Pour H. Ridder, la liberté traditionnelle dexpression (et qui concerne les individus à un titre privé) subsiste parallèlement à la « liberté dopinion garantie par le droit public, et en liaison avec des « institutions de caractère public » ; mais il ne va pas jusquà reconnaître explicitement que la première entre sous la dépendance de la seconde et perd ainsi elle-même la caractéristique dêtre un droit fondamental de nature libérale. Date de création : 15/11/2010 @ 08:15 Réactions à cet article
|