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    Parcours habermassien - Transformation des structures sociales de la sphère publique




    TRANSFORMATION DES STRUCTURES SOCIALES

    DE LA SPHÈRE PUBLIQUE


     

    Synthèse proposée par Miguel Abensour

     

    Le modèle libéral de la sphère publique, outre qu’il repose sur la répression de l’opinion publique plébéienne (a), se révèle inadéquat pour rendre compte de l’espace politique des démocraties de masse, régies par un Etat-social. Au terme d’un processus complexe d’interpénétration des domaines privé et public, on assiste à une manipulation de la Publicité par des groupes d’intérêts et à une reféodalisation de la sphère publique.

     

    (a) Au cours de l’histoire, la sphère publique plébéienne  –  à quelques exceptions près (notamment sous Robespierre) – est restée en quelque sorte réprimée. Dans la mesure où elle est illettrée, elle se distingue de la forme littéraire de l’opinion publique qui renvoie à un public constitué par des personnes privées faisant usage de la raison telle que celle existant au XVIIIe siècle.

     
     

    INTERPÉNÉTRATION PROGRESSIVE DU DOMAINE PUBLIQUE ET DU DOMAINE PRIVÉ

     

    [150] Ce qui faisait de la société essentiellement une sphère privée n’a été menacé qu’à partir du moment où les puissances sociales se sont elles-mêmes emparé de domaines qui, jusque-là étaient du ressort de l’autorité publique. Dès lors, la politique « néo-mercantiliste » s’est accompagnée d’une sorte de « reféodalistion »  de la société.

     

    1/ Enclenchement de la dialectique d’une socialisation de l’Etat qui s’affirme en même temps qu’une étatisation progressive de la société.

    L’interventionnisme du XIXe siècle finissant a pour origine le fait que des conflits d’intérêts se sont traduits en conflits politiques lorsqu’il n’a pas été possible de les régler sur le seul plan de la sphère privée. C’est ainsi qu’à long terme l’intervention de l’Etat au sein de la sphère sociale a provoqué du même coup un transfert de compétences : certains domaines qui relevaient de l’autorité publique incombent alors à des organismes privés. 

     Et l’extension de l’autorité de l’Etat  à des domaines privés plus nombreux  a eu pour corollaire le processus inverse suivant lequel le pouvoir social s’est substitué à l’Etat  en certaines occurrences. La base de la société publique bourgeoise (la séparation de l’Etat et de la société) n’a commencé à s’effriter qu’à partir du moment où s’est enclenchée cette dialectique. On peut constater entre l’Etat et la société, et pour ainsi dire « à partir de » chacun de ces deux domaines, l’apparition d’une sphère sociale repolitisée qui a échappé à la distinction entre « public » et « privé ».

     

    2/ Dissolution du domaine spécifique de la sphère privée au sein duquel les personnes rassemblées en un public réglaient entre elles les affaires générales concernant leurs échanges – autrement dit, la sphère publique sous sa forme libérale.

     

    La grande dépression qui se déclenche en 1873 marque la fin de l’ère libérale et s’accompagne aussi d’un très net revirement de la politique commerciale. Peu à peu, tous les pays qui sont à la pointe du capitalisme sacrifient à un nouveau protectionnisme les lois sacrées du libre-échange auxquelles de toute façon seule l’Angleterre avait pu rester fidèle sans accroc, puisqu’elle dominait le marché mondial.

    [151] On constate également au niveau des marchés intérieurs le renforcement d’une tendance à la concentration (formation d’oligopoles). Ce à quoi correspondent les mouvements du marché de l’argent : la société par actions de l’Allemagne, comme la trust company aux USA, se révèlent les instruments les plus efficaces de la concentration du capital. Aux USA, cette évolution amène bientôt la création d’une législation anti-trust, et, en Allemagne, d’une loi anti-cartels. Il est significatif qu’en ce domaine, les jeunes nations industrielles devancent très largement la France mais aussi et surtout l’Angleterre où la tradition du capitalisme est plus ancienne et plus continue, en tout cas plus solidement enracinée dans ce qu’on appelle la phase manufacturière.      

    Au cours du dernier tiers du XIXe siècle, dans tous les pays, des restrictions à la concurrence interviennent sur le marché, que ce soit par le biais de la concentration de capital et la fusion de grandes entreprises en consortium qui deviennent des oligopoles, ou, directement grâce à un partage de marché après accord passé sur les prix et le volume de la production. Le jeu des tendances contradictoires à l’expansion et à la récession, que le libre-« change n’avait d’ailleurs jamais laissé se manifester longtemps ni s’affirmer comme moteur de l’évolution du capital financier et commercial, conditionne à son tour l’évolution du capital industriel ; et contrairement à l’illusion d’optique que provoquent les modèles théoriques de l’économie classique, ce jeu contradictoire réduit l’ère libérale à un bref épisode : considéré du point de vue de l’évolution du capitalisme prise dans son ensemble, la période qui s’étend de 1775 à1875 n’apparaît plus que comme un « vast secular boom ». Ce que la célèbre loi de Say se bornait à prescrire au capitalisme du laisser-faire, c’est-à-dire s’en remettre à l’intervention automatique d’un équilibre au sein du processus économique d’ensemble, englobant la production et la consommation, ne dépendait pas en fait du système en tant que tel, mais de conditions historiques concrètes qui n’ont cessé d’évoluer au cours du sicle, non sans subir l’influence de l’antagonisme inhérent au mode de production capitaliste lui-même. D’ailleurs l’hypothèse de Say est également falsifiée dans la mesure où l’on peut constater que chaque fois qu’il vient d’essuyer une crise, l’équilibre du système ne se rétablit nullement de façon automatique au niveau le plus élevé atteint par les forces productives disponibles.

     

    Au cours de cette période, la société bourgeoise a dû complètement renoncer à apparaître encore comme une sphère où se neutraliseraient les rapports de force

     

    [152] Le modèle libéral, qui correspond en réalité à une économie de petite production, ne prévoyait que des relations d’échange horizontales entre propriétaires individuels. Si la concurrence est libre, comme la fixation des prix, aucun propriétaire ne devait pouvoir acquérir une puissance telle qu’elle lui aurait permis de d’en dominer d’autres. Or, contrairement à ces attentes, la puissance sociale se concentre entre les mains de propriétaires ou d’entreprises privées, alors même que la concurrence est limitée et que les prix ne peuvent plus être librement fixés.

    Dans le tissu des relations verticales entre des unités collectives, il se forme des rapports de dépendance unilatérale ou de pression réciproque. Les phénomènes de concentration et les crises, en démasquant l’idée d’échange équitable, mettent au jour la structure antagoniste de la société. Et plus celle-ci se révèle être fondée sur un pur et simple rapport de force, plus l’exigence d’un Etat fort se fait impérieusement sentir.

    [153] La concentration de la puissance économique au sein de la sphère privée des échanges d’une part, et d’autre part le fait que la sphère publique soit devenue un organe de l’Etat et réaffirme sa promesse, désormais institutionnalisée, d’un libre accès ouvert à tous, renforcent tous deux, au sein des couches économiquement faibles, la tendance de vouloir s’attaquer par des moyens politiques aux classes dominantes dont la supériorité repose sur la position qu’elles occupent au sein des échanges.

    En Angleterre, des réformes électorales eurent lieu en 1867 et 1883 ; en France Napoléon III avait introduit le suffrage universel dont Bismarck comprit comment exploiter la nature plébiscitaire et conservatrice quand il l’introduisit d’abord dans la Fédération de l’Allemagne du Nord, puis dans celle de l’Empire qui venait d’être fondé. Fortes de cette possibilité qui leur est accordée pour la forme – participer à la décision politique –, les catégories sociales victimes de la paupérisation comme les classes qui en sont menacées, ont cherché à acquérir une certaine influence qui devait leur permettre de contrebalancer sur le plan politique les entorses subies dans le domaine économique, par l’égalité des chances – à supposer que celle-ci ait jamais existé.     

     

    Incapacité de la sphère publique à évacuer les intérêts privés du fait de l’action syndicale

     

    Cette évacuation a été rendue impossible dès lors que les conditions du transfert de ces intérêts ont été impliquées dans la lutte d’intérêts organisés : les syndicats ne constituent pas seulement sur le marché du travail, des organisations qui jouent le rôle de contrepoids, ils acquièrent également, par le biais des partis socialistes, une influence jusque sur le pouvoir législatif. Influence que partage les entrepreneurs et en général les « forces conservatrices de l’Etat » – c’est ainsi qu’on les nomme depuis –, puisque leur puissance sociale d’ordre privé se convertit immédiatement en pouvoir politique. Et il n’est pas toujours facile de dresser dans le détail un bilan qui montre clairement quels intérêts collectifs d’ordre privé ces interventions ont avantagés : ceux de la bourgeoisie ou ceux des masses. Toujours est-il qu’en général l’Etat intervient même là où il est forcé d’aller contre les intérêts « dominants », afin de sauvegarder l’équilibre du système que le libre-échange n’est plus capable d’assurer.  

    [154] L. G. Strachey, dans Capitalisme aujourd’hui et demain (Kaitalismus heute und morgen-1957) en tire la conclusion paradoxale suivante : « C’est précisément la lutte des forces démocratiques contre le capitalisme qui a permis le maintien du système. Car d’une part ce combat rend supportables aux travailleurs leurs conditions d’existence et, d’autre part, il ouvre en même temps aux produits finis ces débouchés qu’aurait fermés un bond en avant suicidaire entraînant une inégalité croissante dans la répartition des revenus de la masse ».

    [155] Par le biais des lois et de certaines mesures, l’Etat intervient profondément au sein de la sphère des échanges et du travail, puisque les intérêts concurrents des forces sociales se traduisent en une dynamique de nature politique avant de réagir, une fois médiatisée par l’intervention de l’Etat, sur leur sphère propre. A ce propos, on ne saurait nier, à considérer les choses dans leur ensemble, qu’une « influence démocratique » ne parvienne à s’exercer sur le plan économique ; car c’est bien grâce à ces actions de caractère publique au sein du domaine privé et qui contrecarraient la tendance à la concentration du capital et à la formation d’oligopoles que la masse des non-possédants a réussi, apparemment du moins, à ce qu’à long terme sa part du revenu national n’ait pas diminué, bien que, jusqu’au milieu du XXe siècle, elle ne semble pas non plus avoir sensiblement augmenté.

    Dans la mesure où l’interventionnisme est commandé par de tels rapports, les domaines sociaux qu’il protège doivent être rigoureusement distingués d’une sphère privée où seraient simplement en vigueur des réglementations étatiques – les institutions privées elles-mêmes revêtent pour une bonne part un caractère semi-public ; et l’on peut directement parler du « caractère quasi politique de certaines entreprises privées ».  

    [156] Dans le cadre de la société civile, on voit apparaître au sein de la sphère privée, dont l’importance sur le plan public n’a cessé de croître, une sphère sociale repolitisée où des institutions sociales et celles de l’Etat se fondent en un unique complexe de fonctions qu’il n’est plus possible de différencier selon les notions de public et de privé. Cette relation nouvelle d’interdépendance qui réunit deux sphères jusque-là distinctes trouve son expression juridique dans un éclatement du droit privé classique.

    La société industrielle régie par un Etat-social voit se développer des rapports et des types de relations qui ne peuvent que partiellement être articulés sur les institutions du droit privé ou du droit public ; ils obligent au contraire à introduire les normes de ce qu’on appelle le droit social. Cette introduction est d’autant plus nécessaire qu’il existe une séparation entre producteurs et moyens de production, c’est-à-dire un rapport de classe, que le capitalisme à la fin du XIXe siècle amène à son plein développement ; il a transformé le lien juridique entre capitalistes et ouvriers salariés qui, du point de vue formel est un rapport d’égalité en une relation effective de subordination ; tel qu’il est formulé dans le droit privé, ce rapport masque un pouvoir de nature quasi publique. Compte tenu du rôle qui découle de la propriété des moyens de production et de ses garanties connexes (liberté de contrat, d’entreprise et d’héritage), elles ne peuvent qu’être rattachées au droit public, le droit privé assurant au capitaliste l’exercice d’un pouvoir public de commandement par délégation. 

    L’évolution du Droit commence donc à suivre jusqu’à un certain point celle de la société, et provoque une confusion savante des différents domaines juridiques que l’on a enregistrée en parlant tout d’abord d’une « publicisation du droit privé » ; on a compris plus tard qu’il fallait considérer le même processus du point de vue systématiquement opposé et complémentaire d’une « privatisation du droit public ».

    [157] « Certains éléments du droit privés et certains autres du droit public s’articulent pour former des unités où il devient impossible de reconnaître et de démêler l’origine respective des éléments qui les composent ».    

     

    Schématisation des contrats en fonction de situations sociales-types  

     

    Normalement, la standardisation croissante des relations contractuelles réduit la liberté de celui des partenaires qui est économiquement le plus faible ; tandis que grâce aux conventions collectives, c’est précisément l’égalité des positions occupées sur le marché qui peut être rétablie.  

    [158] Les conventions collectives passées entre syndicats et associations patronales ne relèvent plus à proprement parler du droit privé et revêtent directement le caractère de relations juridiques d’ordre public, car la série des mesures qu’elles sanctionnent jouent le rôle d’un succédané de loi : « La fonction des associations lors de la signature d’un contrat collectif de travail est moins à rapprocher de l’existence d’une autonomie privée que de la création de relations juridiques par délégation ». Ce sont les effets juridiques produits par des relations contractuelles dans la réalité de leur application qui s’harmonisent aux rapports juridiques classiques.

    Au final, le système du droit privé se trouve envahi par le nombre croissant de contrats passés entre le pouvoir public et les personnes privées , et conclus sur la base du « do ut des » du droit romain : « Je donne afin que tu me donnes ».

    La « fuite » de l’Etat hors du droit public, c’est-à-dire le transfert de certaines tâches, incombant à l’administration publique à des entreprises, des établissements, des associations et des chargés d’affaires relevant du droit privé, révèle aussi l’envers d’une « publicisation » du droit public : autrement dit, la « privatisation » du droit public. Il suffit pour rendre caducs les critères classiques du droit privé que l’administration fasse appel à des moyens qui relèvent du droit privé dans l’exercice de ses fonctions : répartir, assister, stimuler. Car le système de droit public n’interdit nullement, par exemple à un fournisseur communal, de nouer avec son « client » une relation juridique de caractère privé ; et le fait qu’une telle relation juridique soit pour une large part standardisée n’exclut pas davantage qu’elle relève essentiellement du droit privé. 

    [159] Le fait de disposer d’un monopole et de pouvoir imposer des contrats forcés interdit qu’on réfère alors des relations contractuelles au droit public ; mais il ne suffit pas non plus que le rapport juridique ainsi conclu ait eu pour base un acte administratif. . En investissant le droit privé, l’intérêt public s’adjoint alors cet aspect de la formulation contractuelle qui relève du droit privé, dans la mesure où, avec la concentration du capital et l’interventionnisme, le processus de socialisation de l’Etat et de l’étatisation de la société fait apparaître une sphère nouvelle. Celle-ci ne peut être véritablement considérée comme étant purement privée, ni comme étant authentiquement publique ; et il est impossible de la rattacher de façon univoque, soit au domaine du droit privé, soit à celui du droit public.

       

    POLARISATION PROGRESSIVE DE LA SPHÈRE SOCIALE ET DE LA SPHÈRE PRIVÉE

     

    La vie privée des bourgeois de l’ère libérale se déroulait pour l’essentiel au sein de la famille et dans le cadre de leur profession ; le domaine de l’échange et du travail social était tout autant partie intégrante que la « maison » qui ne jouait absolument aucun rôle économique. Ces deux sphères autrefois structurées selon le même principe, subissent désormais une évolution qui les oppose : « Et l’on peut affirmer que le caractère privé de la famille ne cesse de se renforcer, tandis que s’affirme toujours davantage le caractère « public » du monde du travail et de l’organisation sociale.

    Le niveau atteint par la concentration du capital détermine directement le développement des grandes industries, et, indirectement celui des grands appareils de la bureaucratie. On voit apparaître dans les deux cas des formes spécifiques de travail social qui s’écartent du modèle auquel obéissaient les professions de caractère privé.    

    [160] Considérée sous l’angle de la sociologie du travail, l’appartenance de l’entreprise au domaine privé comme celle d’une instance administrative au domaine public, n’est plus nettement définie. Quelle que soit la part d’une entreprise qui revient à des propriétaires individuels, à  des grands actionnaires, ou la part d’un appareil démocratique qui échoit au contrôle d’une direction administrative, l’entreprise ou l’appareil bureaucratique ont cependant été soumis à une telle objectivation par rapport aux instances de contrôle privées que le « monde du travail » s’est rendu autonome pour devenir une sphère sui generis qui prend place entre les domaines public et privé – phénomène qui est présent à la conscience des travailleurs et des employés, tout comme à celle de ceux qui assument de hautes fonctions. Bien entendu cette évolution repose aussi sur le fait que l’autonomie des propriétaires des moyens de production, formellement maintenue, perd en réalité son caractère privé. Résumé dans la formule selon laquelle la propriété en titre est à distinguer des instances qui la gèrent, ce phénomène a été mainte fois analysé en prenant pour exemple les grandes sociétés capitalistes qui montre d’une façon particulièrement nette comment s’accomplit la mise entre parenthèses de l’exercice direct des droits de propriété au profit de la gestion de pointe et de quelques grands actionnaires. Ces entreprises acquièrent souvent une une certaine indépendance par rapport au marché de l’argent grâce à la pratique de l’autofinancement ; elles accentuent dans la même proportion leur autonomie par rapport à la masse de leurs actionnaires. Quels qu’en soient les effets sur le plan économique, ils sont représentatifs, d’un point de vue sociologique, d’une évolution qui dépouille l’entreprise – et ce indépendamment de sa nature (usine ou appareil bureaucratique) – de sa caractéristique d’être une sphère d’autonomie privée et individuelle ; caractéristique qui était, durant la phase libérale, au principe du magasin ou de l’atelier des propriétaires indépendants.       

    [161] Vis-à-vis de ses employés ou de ses ouvriers, l’appareil bureaucratique ou la grande entreprise, se charge tout d’abord de donner un certain nombre de garanties touchant au statut, que ce soit en décentralisant les instances de direction ou en assurant certains services sociaux  et certaines protections (sécurité sociale) ou bien encore en s’efforçant d’intégrer les travailleurs à leur lieu de travail ; mais bien plus évidentes que ces réformes objectives sont les transformations d’ordre subjectif au rang desquelles on voit la grande entreprise promouvoir au rang de modèle dominant d’organisation de travail (social) une sphère sociale « neutre » par rapport à la séparation de la sphère privée et de la sphère publique : « Les entreprises industrielles construisent des logements, ou viennent en aide aux ouvriers, même lorsqu’ils veulent acheter une maison ; construisent des écoles, des centres d’apprentissage, des bibliothèques, des dispensaires, organisent des coopératives, des fanfares, etc. Autrement dit tout un ensemble de fonctions qui étaient à l’origine assumée par des institutions publiques, au sens non seulement juridique, mais aussi sociologique du terme, sont désormais prises en main dans des organisations dont l’activité n’est pas d’ordre public. L’organisation que représente une grande entreprise détermine ainsi la vie d’une ville et fait apparaître un phénomène que l’on a qualifié à juste titre de « féodalisme industriel ».

              

    Dans la mesure même où la sphère professionnelle gagne en autonomie, la sphère de l’intimité familiale se réduit à ses propres dimensions

     

    [162] Même si la famille bourgeoise de type patriarcal ne jouait plus de longue date une communauté de production, elle restait néanmoins impliquée dans un processus de production : conserver, accroître et hériter cette propriété, telles étaient les tâches de l’homme privé qui confondait en sa personne les rôles de propriétaire et de chef de famille ; les relations d’échange  au sein de la société bourgeoise avaient de profondes répercussions sur les liens personnels au sein des familles bourgeoises. Dans la mesure où les revenus individuels prennent la relève de la propriété familiale, c’est-à-dire dans la mesure où l’infrastructure de la propriété familiale disparaît, celle-ci perd, outre ses fonctions dans la production qu’elle avait déjà largement abandonnées, son influence sur la production. De plus, le fait aujourd’hui caractéristique que la propriété familiale soit réduite au revenu de chacun ses membres qui touche un salaire ou une rétribution, retire à la famille la possibilité de subvenir à ses propres besoins en cas de crise et de prendre en charge elle-même, et par avance, la retraite de chacun de ses membres.

    Les risques traditionnels, avant tout le chômage, les accidents, la maladie, la vieillesse et les décès, sont aujourd’hui largement couverts par des garanties socio-politiques, ce à quoi correspondent des prestations de base qui se traduisent généralement par des aides aux revenus. Mais cette assistance ne s’adresse pas à la famille entant que telle, pas plus qu’on attend d’elle une prestation d’aide appréciable.         

    [163] Les compensations d’ordre socio-politiques qui doivent combler la perte presque totale de ce qui constituait la base de la propriété familiale, ne se présentent pas seulement sous la forme d’aides matérielles (aides aux revenus), car elles revêtent aussi l’aspect d’aides sociales qui conditionnent l’existence même.

     

    En perdant ses fonctions sur le plan économique, la famille cesse également de jouer son rôle d’orientation, tout en devenant une instance consommatrice

     

    Elle perd le pouvoir qu’elle avait de déterminer les comportements de ses membres, et principalement dans des domaines qui, au sein de la famille bourgeoise, constituaient le noyau le plus intime de la sphère privée. D’une certaine manière, les garanties publiques du statut familial dépouillent elles aussi la famille de son caractère privé, alors même qu’elle n’était déjà plus qu’un reliquat de la sphère privée. Mais la famille, devenue bénéficiaire des dédommagements et des aides sociales que lui garantissent les instances publiques, connaît par ailleurs et pour la première fois, un développement au cours duquel elle devient consommatrice de revenus et de loisirs ; s’il faut parler d’autonomie privée, ce n’est plus tant à propos du rôle de la famille en tant que gestionnaire qu’à propos de son rôle de consommateur ; et, aujourd’hui, cette autonomie réside moins dans le pouvoir discrétionnaire de propriétaire que dans la capacité de ceux qui sont commis aux tâches de « prestateurs de services » à jouir des biens qu’ils consomment.

    [164] On voit ainsi apparaître un illusoire renforcement du caractère privé au sein d’une sphère intime réduite à n’être plus qu’une communauté de consommation dans le cadre de la famille restreinte.       

     

    Déchargée de ses fonctions économiques, la famille perd également le pouvoir qu’elle avait de favoriser l’intériorisation de l’individu

     

    Cette tendance qui apparait comme le corollaire de la perte des fonctions économiques de la famille a été diagnostiquée au cours des années 1950, par H. Schelsky ; il la voit comme une réification des relations intra-familiales correspondant à une évolution au cours de laquelle la famille est de moins en moins sollicitée dans son rôle de courroie de transmission de la société. C’est dans ce même contexte qu’il faut comprendre le démantèlement de l’autorité paternelle ; phénomène observé dans tous les pays industriels avancés, et qui tend à un rééquilibrage des structures d’autorité au sein de la famille. De plus en plus écartées des domaines qui touchent directement à la reproduction sociale, la famille ne conserve donc qu’en apparence seulement une sphère intime dont le caractère privé n’est renforcé que de manière illusoire ; en réalité, déchargée de ses fonctions économiques, la famille n’est plus à même d’assurer ses fonctions protectrices. Au fait que la famille restreinte patriarcale était requise dans le domaine économique par son environnement social correspondait directement sa capacité institutionnelle à former ce domaine d’intériorité qui, aujourd’hui abandonné à lui-même, a commencé à se dissoudre en une sphère d’intimité factice, cédant à la mainmise directe sur l’individu d’instances extérieures à la famille.

      

    Cette extroversion subreptice de la sphère d’intimité se traduit également dans l’urbanisation

     

    [165] Après une période où a dominé l’encloisonnement des maisons familiales, on a vu se développer dans les banlieues une « version civile de la vie de garnison ». Dans la même mesure où la vie privée devient publique, la sphère publique revêt elle-même certaines caractéristiques propres à la sphère d’intimité ; dans le cadre des relations de voisinage, on a vu réapparaitre la grande famille ptébourgeoise sous une forme nouvelle.

    [166] Là encore, les limites qui définissaient ce qui appartient en propre à la vie privée et d’autre part ce qui était du ressort de la sphère publique s’estompent. Et l’usage que faisait le public de sa raison est également victime de cette reféodalisation. Aux rapports de société qui s’expriment sous la forme de la discussion se substitue ce fétiche que le fait d’être purement et simplement avec d’autres : « On ne se satisfait plus de la réflexion solitaire où le moi se réalisait » – la lecture en privé a toujours été, au sein du public bourgeois, la condition de l’usage qu’on faisait de sa raison – « mais on se réalise en faisant quelque chose avec d’autres gens ; ne serait-ce que regarder la télévision ensemble contribue à faire de vous un être humain authentique.

    Le nouvel urbanisme ne garantit pas à la sphère privée un espace qui le protège, pas plus qu’il ne crée de lieux appropriés aux contacts et à la communication publics, ce qui amènerait les personnes privées à se constituer en un public : « On peut décrire le processus d’urbanisation comme une polarisation progressive de la vie sociale qui se concentre soit sous l’aspect de la « vie publique », soit sous l’aspect de la « vie privée ». Il faut à ce propos observer qu’il existe une corrélation constante entre sphère publique et sphère privée.

     

    Sans le soutien et la protection d’une sphère privée, l’individu est aspiré par la sphère publique 

     

    C’est précisément ce processus qui la dénature elle-même. Il suffit que le moment où l’individu prend un certain recul – ce qui est essentiel à la sphère publique – disparaisse, et que ses membres se pressent au coude à coude pour que cette sphère publique se transforme en masse. Le problème social que posent à l’heure actuelle les grands centres urbains modernes ne réside pas tant dans le fait que la vie s’y est pas trop urbanisée : ce qui est réellement problématique, c’est qu’elle a perdu à son tour certaines caractéristiques essentielles de la vie urbaine.

    [167] La corrélation qui liait la sphère privée à la sphère publique n’existe plus. Elle n’a pas disparu parce que le citadin est en soi un homme de masse qui ne saurait donc plus comment entretenir une sphère privée, mais parce qu’il lui est désormais impossible de considérer la vie toujours plus complexe des grandes villes comme une vie publique. Plus la ville dans son ensemble se transforme en une jungle impénétrable et plus il se réfugie dans sa sphère privée, laquelle ne cesse d’être démantelée, mais lui permet tout de même de percevoir le déclin de la sphère publique urbaine, et d’abord à travers le fait que l’espace a été perverti en une surface où règne de manière désordonnée une circulation tyrannique.

    Le fait que la sphère privée se réduise aux limites du camp retranché d’une famille restreinte – le bonheur petit-bourgeois –, largement dépouillée de ses fonctions, et dont l’autorité a été affaiblie, ne constitue qu’en apparence une perfection de l’intimité ; car dans la mesure où les personnes privées abandonnent leur rôle de propriétaires, auquel étaient liées certaines obligations, au profit de la fonction purement « personnelle » d’organiser leurs loisirs où rien ne les oblige, elles tombent alors, sans bénéficier  désormais de la protection qu’offrait la sphère d’intimité familiale garantie par les institutions, sous l’influence directe d’instances semi-publiques. La manière dont les gens privés occupent leurs loisirs permet d’analyser cette « intimité des projecteurs » propre aux nouvelles sphères, ainsi que le processus de « désintériorisation » subi par une sphère intime qui continue à s’affirmer telle. Ce que l’on peut aujourd’hui définir comme domaine des loisirs, par rapport à une sphère professionnelle qui a conquis son autonomie, tend à prendre la place occupée par la sphère publique littéraire qui, autrefois, allait de pair avec une subjectivité pleinement développée au sein de la sphère intime de la famille bourgeoise.        

     

    DE LA CULTURE DISCUTÉE À LA CULTURE CONSOMMÉE :

    ÉVOLUTION DU PUBLIC
     

    Si les personnes privées étaient autrefois conscientes du double rôle qu’elles assumaient en étant bourgeois et hommes, et si elles affirmaient en même temps l’identité du propriétaire et du pur et simple « être humain », c’est qu’elles devaient cette représentation d’elles-mêmes au fait qu’une sphère publique s’était déployée à partir du noyau même de la sphère privée.

     

    La sphère publique littéraire était exempte d’implication dans la sphère de reproduction sociale

     

    [168] Bien qu’elle n’ait été, de par sa fonction qu’un préalable à la sphère publique politique, la sphère publique littéraire n’en possédait pas moins, elle aussi un certain caractère qu’on pouvait déjà qualifier de « politique », et qui lui permettait de ne pas être impliquée dans la sphère de la reproduction sociale.

    La culture bourgeoise n’était pas une pure et simple idéologie. Dans la mesure où l’usage que les personnes privées faisaient de leur raison, dans les Salons, les Clubs et les sociétés de lecture, elle n’était pas directement soumise au circuit de la production et de la consommation, ni aux diktats des nécessités vitales ; dans la mesure où, au contraire, cet usage de la raison possédait, au sens grec, du fait de son  indépendance par rapport aux impératifs de la survie, un certain caractère « politique », elle pouvait représenter cette idée d’humanité (morale) qui, plus tard, s’est trouvée réduite à l’état d’idéologie.        

     

    La consommation des biens culturels telle qu’elle est devenue ne permet pas de faire apparaître une sphère publique en tant que telle

     

    Si le temps des loisirs reste lié au temps de travail dont il est le complément, les affaires privées de chacun ne peuvent que s’y poursuivre sans jamais passer au stade de la communication publique entre personnes privées. Il est vrai que certains besoins peuvent trouver satisfaction de façon ponctuelle dans le cadre de la sphère publique, c’est-à-dire de la masse ; mais cela ne suffit pas à faire apparaître une sphère publique en tant que telle.

    [169] A partir du moment où les lois du marché qui dominent la sphère des échanges et du travail social pénètrent aussi dans la sphère réservée aux personnes privées rassemblées en un public, le raisonnement tend à se transformer en consommation et la cohérence de la communication publique se dissout en des attitudes, comme toujours, stéréotypées, de réception isolée.

    Ce qui a pour effet direct de bouleverser la sphère privée corrélative d’un public. Les modèles qui autrefois portaient l’emprunte littéraire du tissu même de l’intimité circulent aujourd’hui comme les secrets de fabrication délibérés d’une industrie culturelle patentée dont les produits, diffusés par les media dans le public, ne produisent dans la conscience des consommateurs que l’illusion d’une sphère privée bourgeoise. Cette subversion d’ordre psycho-sociologique du rapport originel entre domaine intime et sphère publique littéraire va de pair, sur le plan sociologique, avec une transformation des structures de la famille.

     

    Menaces pesant sur le domaine d’intimité familiale

     

    Dans la mesure où les citoyens n’ont la possibilité de fonder l’autonomie de leur vie familiale, ni sur le fait de disposer d’une propriété privée, ni non plus sur une participation à la sphère publique politique, deux choses font défaut : premièrement, l’individuation de la personne, selon le modèle de l’« éthique protestante », ne peut plus être garantie par des institutions ; deuxièmement, on ne voit pas pour l’instant se dessiner les conditions sociales qui permettraient de substituer au processus de l’intériorisation classique la voie formatrice que serait une « éthique politique », et qui ainsi donnerait une nouvelle infrastructure au processus d’individuation. 

    [170] L’idéal bourgeois prévoyait qu’une sphère publique littéraire se formerait à partir de la sphère intime, solidement assise, de la subjectivité corrélative d’un public. Au lieu de quoi la sphère publique littéraire est aujourd’hui la porte ouverte par où s’engouffrent, pour envahir le domaine d’intimité familiale, certaines forces sociales soutenues par cette sphère publique de la culture de masse que constituent les média. Le domaine intime, déjà dépouillé de sa nature privée est sapé par les éléments de caractère public ; une pseudo Publicité privée de son caractère littéraire , en est réduite à n’être plus que l’espace où une sorte de superfamille retrouve un climat, non pas d’intimité mais de promiscuité. Les mutations subies par la famille elle-même a fait se périmer le genre des revues littéraires familiales. Leur place est aujourd’hui occupée par les illustrés publicitaires largement diffusés des Clubs du livre – malgré leur but avoué, accroître le tirage des livres, ils témoignent d’une culture qui ne met plus sa confiance dans le pouvoir de l’écrit.

     

    La discussion de société entre individus n’est plus le modèle des relations sociales  

     

    [171] Les formes bourgeoises du commerce de société ont trouvé au cours du XXe siècle des substituts qui, malgré toutes les différences nationales ou régionales, tendent à avoir au moins ceci en commun : l’absence de tout usage de la raison  sur le plan littéraire comme dans le domaine politique. La discussion de société entre individus cède la place à des activités de groupe dont le caractère obligatoire est plus ou moins accentué. Celles-ci créent aussi des cadres fixes pour une convivialité informelle ; mais il leur manque toutefois cette force spécifique de l’institution  qui autrefois assurait la cohérence des contacts de société et en faisait le substrat de la communication publique ; or, les activités de groupes ne suscitent aucun public. Même le fait d’aller ensemble au cinéma, d’écouter ensemble la radio ou de regarder ensemble la télévision, rien ne subsiste des relations caractéristiques d’une sphère privée corrélative  d’un public : la communication propre au public qui faisait un usage culturel de sa raison allait étroitement de pair avec la lecture qu’on pratiquait dans cette retraite qu’offrait la sphère privée domestique. Les occupations dont le public consommateur de culture  meuble ses loisirs se déroulent au contraire au sein d’un climat  social, sans qu’elles aient aucunement besoin de se poursuivre sous la forme de discussions : la disparition de la forme privée de l’assimilation entraîne avec elle celle de la discussion publique sur ce qui avait été assimilé. Et la tension dialectique qui liait l’une à l’autre se trouve neutralisée dans le cadre des activités de groupe.

    Mais d’un autre côté, le besoin de faire usage publiquement de sa raison ne disparaît pas pour autant. On organise, en leur donnant des cadres précis, des « causeries », mais on leur assigne aussitôt de n’être que les composantes de la formation pour adultes.

    [172] Des universités confessionnelles, des forums politiques, des associations littéraires vivent de débats qui prennent pour thèmes des productions culturelles, lesquelles sollicitent d’être commentées et suscitent la discussion ; des stations de radio, des maisons d’édition, des associations développent, grâce aux débats « publics » (les « tribunes »), une florissante activité d’appoint. Ainsi la discussion semble-telle entourée de soins attentifs, et son extension ne connaître aucune limite. Mais, malgré les apparences, elle a subi en fait une transformation essentielle puisqu’elle devient elle-même un bien de consommation. Et certes, à l’origine, la commercialisation de biens culturels fut une condition nécessaire d’un usage public de la raison critique ; mais lui-même restait fondamentalement extérieur aux échanges commerciaux pour demeurer le centre précisément de cette sphère où les propriétaires privés se rencontraient en tant que purs et simples « êtres humains », et n’acceptaient de se rencontrer qu’en tant que tels. On peut dire en gros qu’il fallait payer pour lire, aller au théâtre, au concert, au musée, mais pas pour parler de ce qu’on avait lu, vu, ou entendu, ni pour ce qu’on voulait ainsi, par le seul biais de la discussion assimiler plus complètement. Aujourd’hui la discussion en tant que telle se trouve en outre véritablement administrée : dialogues professionnels ex cathedra, débats publics, tables rondes – l’usage que les personnes privées faisaient de leur raison devient un show où se produisent les stars de la télé ou de la radio, qui remplit les caisses lorsqu’on délivre des billets d’entrée, revêt une forme marchande, même là où n’importe qui peut « prendre part » au débat. Réduite à n’être qu’une « affaire », la discussion devient formelle : thèses et antithèses sont tenues d’emblée de respecter certaines règles du jeu inhérentes à la présentation ; le consensus sur  la procédure de la discussion rend  largement superflu un accord sur le thème discuté. La manière de poser les problèmes devient une question de protocole et les conflits, qui autrefois se réglaient au sein de la polémique publique, sont ramenés au plan des frictions d’ordre personnel. Ainsi transformé, l’usage de la raison remplit certes d’importantes fonctions psycho-sociologiques ; il est avant tout un substitut rassurant de l’action, perdant donc sans discontinuer le rôle qu’il jouait au sein de la sphère publique.

     

    Dans le cadre plus étendu du marché des loisirs, le marché des biens culturels assure désormais un rôle nouveau               

     

    Il convient de se rappeler le rôle qu’a joué à ses débuts le marché :  c’est grâce à lui que les œuvres  artistiques, littéraires, philosophiques et scientifiques ont pu se constituer en créations autonomes d’une culture qui semblait coupée de la pratique ; en effet le public à qui elles devinrent alors accessibles les considéra d’abord comme des objets propres au jugement, au goût, et librement choisis par inclination.  

    [173] C’est alors que, grâce à la médiation commerciale, sont apparus les compte-rendus critiques et esthétiques qui semblaient n’avoir aucun rapport avec la pure et simple consommation. Mais c’est aussi la raison pour laquelle la fonction du marché a consisté consécutivement à distribuer les biens culturels afin de les soustraire à l’usage exclusif des mécènes et des connoisseurs de l’aristocratie. La valeur d’échange n’avait alors aucune influence sur la qualité propre des créations culturelles : jusqu’alors, les affaires où étaient traitées les productions culturelles avaient toujours gardé un caractère particulier qui témoignait d’une certaine incompatibilité entre ce type de produits et leur forme marchande. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la conscience autrefois propre à ces domaines n’est plus vivante aujourd’hui que dans certains secteurs réservés ; car déjà les lois du marché ont pénétré la substance même des œuvres et leur sont devenues immanentes tels des principes recteurs. Dans le domaine très large de la culture de consommation, ce sont des considérations dictées par la stratégie de la vente qui déterminent non plus seulement le choix, la diffusion, la présentation et le conditionnement des œuvres, mais aussi leur production en tant que telle. Si la culture de masse porte ce nom équivoque c’est bien précisément parce qu’elle peut étendre son chiffre d‘affaires en se conformant au besoin de détente et de distraction d’une clientèle dont le niveau culturel est relativement bas, et non pas parce qu’elle chercherait au contraire à étendre son public en le formant à une culture dont la substance resterait intacte.

    C’est pourtant de cette manière, démodée, qu’à la fin du XVIIIe siècle le public constitué par les classes cultivées s’est élargi en englobant certaines couches de la petite bourgeoisie manufacturière et commerçante. A l’époque et en beaucoup d’endroits, des petits commerçants, le plus souvent exclus des clubs bourgeois du fait qu’ils tenaient boutique ouverte, fondèrent leurs propres associations ; les associations professionnelles étaient encore plus répandues, répliques exactes des sociétés de lecture : il s’agissait d’ailleurs souvent de succursales des clubs de lecture bourgeois ; leur direction comme le choix des livres étaient confiés aux notabilités qui, tout à fait dans le style de l’Aufklärung, voulaient apporter la culture à ce qu’on appelait les classes inférieures. Etait cultivé celui qui possédait une Encyclopédie ; critère qu’adoptèrent peu à peu les commerçants et les artisans. C’est le « peuple » qu’on élève à la culture, et non pas la culture elle-même que l’on rabaisse au niveau de celle de la masse.

    [174] Par rapport à ce qui vient d’être dit, il importe d’opérer une distinction rigoureuse entre deux fonctions du marché, selon qu’il permet d’abord l’accès d’un public à des biens culturels pour ensuite, et dans la mesure où ces produits deviennent meilleur marché, en faciliter l’acquisition, du point de vue économique, à un public toujours plus vaste ; ou selon qu’il adapte le contenu de ses productions culturelles aux attentes de la masse, de sorte qu’il leur en facilite la réception sur le plan psychologique aussi. T. Meyerson, décrivant les réactions sociologiques en Amérique, parle à ce propos d’un assouplissement « des conditions de l’accession aux loisirs ». Dans la mesure où la culture devient une marchandise, non plus seulement dans sa forme, mais dans son contenu même, elle s’aliène ceux de ses aspects dont la compréhension suppose une certaine formation – processus où l’assimilation « réussie » élève à son tour la capacité même d’assimiler. La commercialisation des biens culturels entre dans un rapport de proportionnalité inverse avec leur difficulté, non pas du fait de la seule standardisation, mais bien du fait que ces produits sont préfabriqués de sorte qu’ils sont déjà prêts à être consommés, c’est-à-dire qu’ils présentent la garantie de pouvoir être assimilés sans préalables exigeants, sans laisser non plus il est vrai de marques sensibles. Entrer en commerce avec la culture exerce l’esprit, tandis que la consommation de la culture de masse ne laisse aucune trace et procure ce genre d’expériences dont les effets ne sont pas cumulatifs mais régressifs.

    Ces deux fonctions du marché des biens culturels, en faciliter l’accès d’un point de vue économique, ou bien du point de vue psychologique, ne vont pas nécessairement de pair. C’est ce dont témoigne jusqu’à nos jours, le domaine qui joue le rôle le plus essentiel par rapport au raisonnement littéraire : le marché du livre.

    [175] Le contenu des livres de poche n’est en général nullement modifié par les lois inhérentes aux tirages massifs auxquels ils doivent leur large diffusion. Avec les livres de poche, ce qui est durable apparaît sous la forme du périssable, alors qu’en revanche – on n’a pas manqué de signaler ce paradoxe –, les clubs du livre offrent des succès littéraires éphémères sous la forme de livres faits pour durer : reliés demi-plein et dorés sur tranche.

    En second lieu, les clubs du livre – qui ont commencé à apparaître après la Première Guerre mondiale, dans les pays anglo-saxons, et qui aujourd’hui contrôlent déjà la plus grande part du marché – réduisent le risque commercial et font baisser le prix à l’unité ; les stratégies de vente et l’organisation de la diffusion, qui conditionnent l’assortiment et restreignent les possibilités de choix des consommateurs dans la mesure même où elles renforcent le contact immédiat du lectorat avec les attentes qu’exprime le goût du grand public, facilitent néanmoins, et pas seulement d’un point de vue économique, l’accès à la lecture de ces consommateurs, issus en majeure partie des classes inférieures. C’est en effet bien davantage sur le plan psychologique qu’elles assouplissent les « conditions d’accès », puisque la littérature elle-même doit être taillée sur le patron, fait de confort et d’agrément, d’une réception peu exigeante quant aux conditions qu’elle présuppose et sans conséquences marquables.

    Les clubs du livre régissent leur clientèle sans qu’il y ait d’intermédiaire entre l’édition et la réception  – et ce, à l’écart de la sphère publique littéraire. Ce qui, par réaction, a pour conséquence d’affaiblir aussi la critique elle-même qui, autrefois bien sûr, représentait l’institution  où s’exprimait le jugement profane des personnes privées intéressées par la littérature.

    On ne pourrait à vrai dire prendre la mesure du déclin progressif de la sphère publique littéraire qu’à partir du moment où l’extension du public des lecteurs a presque toutes les catégories sociales irait de pair avec une propagation effective de la lecture.

    [176] Or, en Allemagne fédérale, plus du tiers de l’ensemble des lecteurs potentiels ne lisent jamais de livres, et plus des deux cinquièmes n’achètent aucun livre ; ces chiffres correspondent à ceux que l’on a établis pour la France et les pays anglo-saxons. C’est pourquoi cette extension du marché du livre ne peut refléter qu’imparfaitement la relève d’un public de lecteurs, dont la littérature déterminait l’usage qu’ils faisaient de leur raison, par la masse des consommateurs de produits culturels. Car le livre, ce médiateur de la culture, bourgeois par excellence, n’est pas le seul facteur déterminant de cette évolution.         

    Le premier journal à atteindre un tirage massif, c’est-à-dire au moins plus de 50.000 exemplaires, fut, ce qui est significatif l’organe du mouvement chartiste : le Political Register créé en 1816. Dès le début des années 30, le Penny Press, qui atteignit alors des tirages de 100.000 à 200.000 exemplaires et au milieu du siècle, la Presse du dimanche, encore plus répandue assurent cette « accessibilité psychologique », qui, dès lors, caractérise la presse commerciale de masse. On peut observer une évolution parallèle en France, après la révolution de 1830, à travers les débuts d’Emile de Girardin, et aux USA également avec le New York Sun.

     

    La grande Presse repose sur le détournement à des fins commerciales de la participation à la sphère publique de larges couches de la population 

     

    [177] Elle vise à procurer aux masses essentiellement un simple accès à la sphère publique. Cependant, cette sphère publique élargie perd son caractère politique dès lors que les moyens mis au service de « l’accessibilité psychologique » ont pu être transformé en une fin en soi : maintenir la consommation à un niveau déterminé par les lois du marché. L’exemple de la Penny Press des années 1830 permet déjà de constater  à quel point cette presse compte sur la dépolitisation de son contenu pour accroître ses tirages – « en éliminant les informations et les éditoriaux politiques qui traitent de thèmes à caractère moral comme la tempérance et le jeu ».

    Les principes journalistiques de la presse illustrée ont une origine tout à fait respectable ; mais dans la mesure où le public des journaux s’étend, la Presse qui faisait un usage politique de sa raison perd à long terme son pouvoir d’influence ; et c’est au contraire le public consommateur de culture, dont l’héritage provient plus de la sphère publique littéraire que de la sphère publique politique, qui acquiert une étonnante prépondérance.     

    La consommation culturelle s’est à vrai dire largement dégagée d’une médiation proprement littéraire. Des informations non verbales, ou d’autres qui, si elles ne sont pas pour l’essentiel converties en sons et en images, bénéficient néanmoins d’un soutien optique ou phonique qui facilite leur assimilation, évincent dans une proportion plus ou moins grande les moyens classiques de la production littéraire. Et même la presse quotidienne, qui en est extrêmement proche, subit elle aussi les mêmes évolutions. Une mise en page aérée et une illustration variée soutiennent la lecture dont la marge de spontanéité est de toute façon réduite par une préparation de son contenu (techniques de patterning et de predigesting). Les prises de position de la rédaction cèdent le pas aux informations transmises par les agences spécialisées et aux reportages des correspondants ; les décisions, prises en comité restreint, sur la sélection et la présentation de la matière prennent le pas sur le raisonnement, et l’on n’accorde plus la même place aux informations politiquement orientées ou qui ont une signification sur le plan politique : 

    [178] « Les affaires publiques, les problèmes sociaux, les questions économiques, l’éducation, la santé » – pour reprendre l’introduction à une enquête menée par deux auteurs américains –, c’est-à-dire précisément « les informations dont le bénéfice n’est pas immédiat » ne sont pas seulement évincées au profit « des informations dont l’aspect gratifiant est immédiat : bandes dessinées, faits divers, catastrophes, sports, loisirs, nouvelles de la haute société, histoires vécues », elles sont aussi effectivement moins lues et plus rarement, comme l’indique déjà la distinction opérée par les auteurs. Les nouvelles finissent par être essentiellement travesties et sont assimilées à un récit (news stories) dont elles adoptent le format et jusqu’aux caractéristiques stylistiques ; la stricte frontière entre fact et fiction ne cesse de s’estomper. Les informations, les reportages et même les prises de position sont présentés selon des méthodes identiques à celles employées dans la publication de la littérature récréative, tandis que, par ailleurs, les articles culturels tendent, dans un style strictement « réaliste », à redoubler un état de fait de toute façon subsumé sous des clichés, et lèvent à leur tour la barrière entre roman et reportage.

    Cette évolution qui se manifeste depuis peu dans la Presse quotidienne est depuis longtemps à l’œuvre dans les media plus récents : le fait d’intégrer la littérature au journalisme, domaines autrefois distincts, raison critique et information d’un côté, littérature proprement dite de l’autre, provoque un déport de la réalité d’un genre tout à fait singulier, et fait en même temps s’entrecroiser des niveaux de réalité différents. Sous le dénominateur commun que l’on appelle human interest, on voit apparaître ce genre composite des divertissements à la fois agréables et facilement assimilables qui tend à substituer le prêt-à-consommer à une représentation objective de la réalité, et qui rend attirante la communication impersonnelle des avantages de la détente, plutôt qu’il ne conduit à faire de sa propre raison un usage public. La radio, le cinéma et la télévision font radicalement disparaître la distance que le lecteur est obligé d’observer lorsqu’il lit un texte imprimé – distance qui exigeait de l’assimilation qu’elle ait un caractère privé, de même qu’elle était la condition nécessaire d’une sphère publique où pouvait avoir lieu un échange réfléchi sur ce qui avait été lu. Les nouveaux media transforment la structure de la communication en tant que telle ; leur impact est dans cette mesure-là, plus pénétrant, au sens littéral du terme, que ne fut jamais celui de la Presse. Le comportement du public se transforme aussi sous la contrainte du « don’t talk back ».

    [179] Sous cette contrainte, les émissions telles qu’elles sont diffusées par les nouveaux media, réduisent singulièrement la possibilité qu’ont leurs destinataires de réagir, ce qui est moins le cas des informations imprimées. Les nouveaux media captivent le public des spectateurs et des auditeurs, mais en leur retirant par là-même occasion toute « distance émancipatoire », c’est-à-dire la possibilité de prendre la parole et de contredire.

     

    L’usage que le public des lecteurs faisait de sa raison tend à s’effacer au profit des « simples opinions sur le goût et l’attirance » qu’échangent des consommateurs  

     

    Même le fait de parler de ce qu’on a consommé, « cette contre-épreuve des expériences du goût », est intégré au processus de consommation lui-même.

    Cet univers produit par les mass media n’a que l’apparence d’une sphère publique ; comme il est tout aussi illusoire de croire que s’est maintenue intacte la sphère privée qu’elle devait par ailleurs maintenir à ses consommateurs.

    Au cours du XVIIIe siècle, à travers la correspondance privée, comme à travers la lecture de romans et de nouvelles, d’une littérature psychologique qui s’était développée à partir de ces échanges épistolaires, le public des lecteurs bourgeois avait pu cultiver, une subjectivité corrélative de la Publicité, et dont l’élément était d’ordre littéraire. Grâce à leur psychologie fondée sur le postulat du pur et simple être humain, de l’individualité abstraite de la personne naturelle, l’expérience (vécue) de la sphère intime rendait possible l’expérimentation d’ordre littéraire. Ce rapport s’inverse aujourd’hui, dans la mesure où les mass media dépouillent de son empreinte littéraire cette conception que les bourgeois avaient d’eux-mêmes, et utilisent leur propre représentation afin d’en faire la forme courante que revêtent les prestations publiques de service en quoi consiste la culture de consommation.

     

    Les modifications subies par la sphère publique au détriment de la sphère d’intimité familiale

     

    La sphère publique devient la sphère où l’on rend publiques des biographies privées : soit qu’on donne de la publicité aux destins fortuits de ce qu’on appelle l’homme moyen ou de stars fabriquées selon une stratégie commerciale, soit que les évolutions et les décisions d’importance publique soient travesties sous une présentation qui leur donne un caractère privé, et défigurées jusqu’à être méconnaissables parce qu’on les personnalise.

    [180] Ce qui en résulte avec la force d’une nécessité sur le plan psycho-sociologique, c’est un certain sentimentalisme à l’égard des personnes doublé d’une attitude cynique vis-à-vis des institutions ; d’évidence, se trouve alors  réduite la capacité de faire un usage critique de sa raison contre les instances du pouvoir publique, pour n’être plus que subjective, là même où cette critique aurait été encore objectivement possible.

    Même dans les couches de la population que l’on aurait auparavant considérées comme cultivées, le domaine autrefois protégé de la sphère d’intimité familiale s’est à ce point effondré que les occupations privées, comme la lecture des romans ou la correspondance, ne sont plus du tout les conditions nécessaires d’une participation à une sphère publique dont la littérature serait l’élément. A l’habitude des échanges épistolaires privés s’est substituée, sous nombre d’aspects, la participation à des dialogues épistolaires qu’entretiennent la rédaction des journaux et des revues avec leurs lecteurs, mais aussi les stations de radios et les chaînes de télévision avec leur public. Plus encore, les media se présentent comme des instances à qui l’on peut s’adresser pour leur confier des difficultés et des détresses personnelles et s’affirment compétentes pour aider les gens dans leur existence : radio et télévision offrent de multiples possibilités d’identification, de nombreuses occasions de ressusciter en quelque sorte le domaine privé grâce au fond disponible que constituent les services « publics » de conseil et d’encouragement. Le rapport qu’entretenait à l’origine la sphère d’intimité à la sphère publique littéraire s’inverse : l’intériorité corrélative de la Publicité recule sans cesse face aux progrès d’une réification corrélative de l’intimité. Tous les problèmes qui se posent dans le cadre de l’existence privée sont dans une certaine mesure aspirés par la sphère publique, et, s’ils n’y sont pas réglés, ils sont du moins étalés au grand jour, sous la haute surveillance d’instances publiques. Mais par ailleurs, les gens prennent une conscience plus aigüe de leur sphère privée, précisément à cause de cette « publicisation » qui confère à la sphère produite par les media certains aspects d’une intimité de second ordre.   

     

    Comment le nouveau type de consommation culturelle a-t-il pu s’imposer?

     

    [181] Il est impossible à partir de la composition sociale du public actuel, de projeter purement et simplement sur sa situation passée les orientations de son existence présente, comme si des couches sociales périphériques et en quelque sorte toujours nouvelles avaient été introduites au sein du public des lecteurs de la bourgeoisie urbaine, représenté par les anciennes « classes cultivées ». Mais d’autre part, les faits excluent aussi l’hypothèse opposée selon laquelle le public des média, exerçant une double pression, d’« en-bas », à partir du monde du travail, et de « l’extérieur », à partir de la population des campagnes, aurait fait éclater l’ancien public auquel il se serait substitué. Or, dans ses analyses, l’histoire sociale aurait plutôt tendance, à extrapoler à partir d’un cas particulier d’extension du public – celle qui a pu être observée aux USA grâce à une enquête de sociologie empirique lors de l’introduction de la télévision – pour conclure à un élargissement et simultanément à une transformation, même aux premiers stades de la culture de masse, du public qui faisait un usage culturel de sa raison en un public consommateur de culture. Il a été établi aux USA, que la majorité de ceux qui se sont les premiers décidés à acheter un poste de télévision était constituée de gens dont le niveau culturel ne correspondait pas au montant de leurs revenus.

    [182] On peut alors dire, en s’autorisant une généralisation, que les catégories sociales où de nouvelles formes de culture de masse pénètrent en priorité sont constituées de consommateurs qui n’appartiennent ni aux classes traditionnellement cultivées, ni aux classes inférieures, mais assez fréquemment à ces groupes en cours d’ascension et dont le statut social est encore en quête de sa légitimation culturelle. Grâce à l’entremise de ce groupe dont le rôle a été de les introduire, les nouveaux media se répandent tout d’abord au sein des couches supérieures de la société pour peu à peu se propager, à partir d’elles, dans les classes inférieures.

     

    Scission de l’intelligentsia par rapport aux couches cultivées de la bourgeoisie

     

    La bourgeoisie, malgré le maintien sur le plan idéologique de la conception qu’elle avait  d’elle-même, a continué, moins glorieusement il est vrai, à jouer son rôle de guide, même au sein du nouveau public de consommateurs de culture. On a pu dire que, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, tous les gens lettrés avaient pu lire le roman Pamela ou La Vertu récompensée (1740) de S. Richardson ; mais force est de constater que le rapport étroit qui liait l’artiste et l’écrivain à leur public s’est dénoué un siècle plus tard avec le naturalisme (a) ; simultanément, le public, désormais « retardataire » par rapport à l’évolution de l’art, ne fut plus à même de jouer son rôle de critique vis-à-vis des nouveaux créateurs. L’existence de l’art moderne se déroula alors sous un voile de battage publicitaire : la reconnaissance par la Presse de l’auteur et de l’œuvre n’entretint plus qu’un rapport accidentel à leur reconnaissance par le grand public. C’est alors seulement qu’apparut une intelligentsia qui dans son ensemble, croyait s’être émancipée – ce qui était illusoire – de son origine sociale, au fur et à mesure où elle s’était isolée du public des bourgeois cultivés.

    [183] En fait, un siècle plus tard, cette intel­ligentsia se trouve socialement tout à fait intégrée ; au lumpenpro­letariat de la bohème artiste, s'est substituée la caste des fonction­naires de la culture, fort bien rémunérés, dont l'ascension sociale les fait bénéficier de la respectabilité attachée aux classes dirigeantes de la bureaucratie et de l'administration ; l'avant-garde, elle, a été et est restée institutionnalisée. Ce à quoi correspond un écart croissant entre d'une part les minorités productives et critiques, constituées par les spécialistes et les amateurs compétents — qui sont familiers de démarches d'un haut niveau d'abstraction appliquées à l'art, à la littérature et à la philosophie, et qui n'ont rien à envier à l'obsolescence rapide caractéristique de toutes les productions modernes – et d'autre part le grand public des media.

    Il est possible de résumer ainsi encore une fois le déclin de la sphère publique littéraire : la surface de résonance que devait constituer cette couche sociale cultivée, et éduquée pour faire de sa raison un usage public, a volé en éclats ; le public s'est scindé d'une part en minorités de spécialistes dont l'usage qu'ils font de leur raison n'est pas public, et d'autre part en cette grande masse des consommateurs d'une culture qu'ils reçoivent par l'entremise de media publics. Mais, par là même, le public a dû renoncer à la forme de communication qui lui était spécifique.

                 

    SYNTHÈSE : LES GRANDES LIGNES DU DÉCLIN DE LA SPHÈRE PUBLIQUE BOURGEOISE ET SON ÉVOLUTION

     

    La culture des media est en fait une culture d’intégration

     

    Au cours de l'évolution où s'opère la transformation d'un public qui discutait la culture en un public qui la consomme, la distinction entre sphère publique littéraire et sphère publique politique, qu'on pouvait autrefois encore mettre en évidence, a perdu toute spécificité. Cette « culture » que diffusent les media est en fait une culture d'intégration : elle ne se contente pas d'intégrer l'information et le raisonnement, c'est-à-dire le versant journalistique comme l'aspect proprement littéraire de la littérature psychologique, à la prose récréative, dominée par le style des « histoires vécues », et aux services qui prennent en charge le « mieux-vivre » ; elle est en même temps assez souple pour s'assimiler certains aspects « publicitaires » (b), voire pour devenir elle-même une sorte de super-slogan qui, si cela n'avait pas déjà été fait, aurait pu être inventé afin de jouer le rôle de relations publiques justifiant pure­ment et simplement le statu quo.

    [184] La sphère publique se charge de fonctions publicitaires (Werbung), et plus elle est investie par la politique et l'économie qui en font le moyen par l'intermédiaire duquel leur influence s'exerce, plus elle se dépolitise dans son ensemble, de même que son caractère privé n'est désormais rien moins qu'illusoire.

    Le modèle de la sphère publique bourgeoise supposait une stricte séparation entre domaine privé et domaine public – séparation qui impliquait l'appartenance au domaine privé de la sphère publique elle-même, constituée par des personnes privées rassemblées en un public, et qui jouait un rôle d'intermédiaire entre les besoins de la société et l'État. Mais dans la mesure où domaines privé et public s'interpénètrent, ce modèle n'est plus applicable.

     

    Apparition d’une sphère sociale inclassable, ni dans la sphère publique, ni dans la sphère privée

     

    On a vu en effet apparaître une sphère sociale qui, ni du point de vue sociologique ni sous l'angle juridique, ne peut être rangée sous les catégories de public ou de privé. Cette sphère intermédiaire est le terrain où s'interpé­nètrent les domaines étatisés de la société et ceux, « socialisés », de l'État, sans aucune médiation des personnes privées qui font un usage politique de leur raison. Car ce sont d'autres institutions qui déchargent dans une très large mesure le public de cette fonction-là : et d'abord des associations grâce auxquelles les intérêts privés qui s'y organisent collectivement cherchent à se donner une forme directement politique; d'un autre côté, ce sont des partis qui, soudés aux organes du pouvoir dès leur formation comme au cours de leur développement, se sont établis en quelque sorte au-dessus de la sphère publique dont pour­tant ils étaient autrefois les instruments. Lorsqu'ils ont une importance d'ordre politique, les processus d'exercice et de rééquilibrage des pouvoirs mettent directement en présence les appareils privés, les associations, les partis et l'administration publique ; le public n'est invité que sporadiquement à entrer dans ce circuit, et lorsqu'il y est convié, on n'attend rien d'autre de lui qu'un comportement acclamatif. Dans la mesure où elles sont salariées ou rémunérées, et admises à travailler, les personnes privées ne peuvent que faire représenter par un biais collectif leurs revendications d'ordre public. Mais les décisions qu'il leur resterait à prendre individuellement, en tant que consommateurs et en tant qu'électeurs, tombent sous l'influence d'instances politiques ou économiques, dès lors qu'on leur accorde crédit sur le plan public.

    [185] Puisque la reproduction sociale dépend encore des choix qu'effectuent, en tant que consommateurs, les personnes privées, et puisque l'exer­cice du pouvoir politique est lié à leurs choix électoraux, l'intérêt per­siste de pouvoir contrôler ces décisions-là, afin d'augmenter le volume de la production ; ici, afin d'accroître l'électorat de tel ou tel parti, ou bien, de manière plus informelle, dans le but de donner plus de poids à la pression d'organisations déterminées. Bien entendu, la marge de manœuvre dont disposent, socialement parlant, les personnes privées lorsqu'elles prennent de telles décisions est déterminée par des objectifs, le pouvoir d'achat ou l'appartenance à tel groupe social, et surtout par le statut socio-économique. Mais il est d'autant plus facile d'influencer ces décisions, même au sein de cette marge de manœuvre, que le rapport d'origine entre sphère intime et sphère publique litté­raire s'est inversé en rendant possible l'extroversion de la sphère privée désormais étalée sur la scène publique. C'est ainsi que la culture de consommation est entrée également au service des campagnes publici­taires politiques et économiques.

     

    L'absorption d'une sphère publique politique, par une sphère publique que la culture de consommation a dépolitisée

     

    Tandis qu'autrefois le rapport entre sphères publiques littéraire et politique était la base sur laquelle repo­sait l'identification fondamentale du propriétaire au pur et simple « être humain », sans pour autant que ces deux sphères s'abolissent l'une dans l'autre, on observe aujourd'hui une tendance persistante à l'absorption d'une sphère publique « politique », dont la fonction est devenue plé­biscitaire, par une sphère publique que la culture de consommation a dépolitisée. Pour Marx, la perspective était encore celle de masses qui n'avaient pas été scolarisées et qui ne possédaient rien, qui, sans rem­plir les conditions ouvrant l'accès à la sphère publique bourgeoise, l'investissaient pourtant peu à peu afin de donner aux conflits écono­miques la seule forme qui leur donnât une assurance d'en triompher : la lutte politique. Marx pensait que les masses se serviraient de la sphère publique institutionnalisée par l'État constitutionnel comme d'une plate-forme, non pour la détruire, mais pour l'amener à devenir effecti­vement ce que son apparence libérale ne cessait de promettre qu'elle serait. Mais en réalité, cette occupation de la sphère publique par les masses des non-possédants a conduit à cette interpénétration de l'État et de la société qui retira ses fondements anciens à la sphère publique sans lui donner une nouvelle base. L'intrication des domaines public et privé a eu de fait pour corollaire une désorganisation de la sphère publique qui autrefois jouait un rôle de médiateur entre l'État et la société. Cette fonction, tout d'abord propre au public, incombe aujour­d'hui à ces institutions qui se sont formées soit sur la base de la sphère privée, comme les associations et les syndicats, soit à partir de la sphère publique, comme les partis, et qui mènent en collaboration avec l'appa­reil d'État, mais à travers les circuits internes des administrations, les opérations d'exercice et de rééquilibrage des pouvoirs.

     

    La Publicité de manipulation a pris le pas sur la Publicité critique

     

    [186] Ce pour quoi elles s'efforcent, grâce aux media qui leur sont les plus favorables, d'obtenir du public vassalisé (mediatisiert) un assentiment, ou tout au moins qu'il les tolère. La Publicité est dispensée en quelque sorte par le haut, afin de créer autour de certaines prises de position déterminées une atmosphère de bonne volonté. A l'origine, la Publicité garantissait le lien qu'entretenait l'usage public de la raison aussi bien avec les fon­dements législatifs de la domination qu'avec un contrôle critique de son exercice. Depuis, elle est au principe d'une domination qui s'exerce à travers le pouvoir de disposer d'une opinion non publique, ce qui aboutit à cette singulière équivoque : la « Publicité » permet de mani­puler le public, en même temps qu'elle est le moyen dont on se sert pour se justifier face à lui. Ainsi, la « Publicité » de manipulation (de type réclame) prend-elle le pas sur la Publicité critique.

    Le fait que le lien entre la discussion publique et la norme légale soit dissous et ne soit, plus invoqué — alors que le libéralisme l'affirmait encore — révèle la manière dont se sont transformés en même temps que le principe de Publicité, l'idéal de la sphère publique politiquement orientée, ainsi que la fonction qu'elle assume de fait. La conception libérale des normes législatives, dont dépendent dans la même mesure, voire de la même manière, le pouvoir exécutif et la Justice, implique les caractéristiques d'universalité et de vérité (justice justesse). La structure de cette conception reflète celle de la sphère publique. Tout d'abord, en effet, l'universalité des lois au sens rigoureux n'est garantie que dans la mesure où l'autonomie, intacte, de la société civile en tant que sphère privée permet d'écarter du matériel traité par la législation certains intérêts dont la situation est par trop spéciale, et de limiter le travail de codification aux conditions générales nécessaires à l'équi­libre de ces intérêts. En second lieu, la vérité des lois n'est garantie que dans la mesure où une sphère publique élevée, en tant que Parlement, à la dignité d'organe de l'État permet à des discussions publiques de faire apparaître les nécessités pratiques qui répondent à l'intérêt général. Le fait qu'au sein de cette conception ce soit précisément le caractère for­mel de l'universalité qui ait garanti la « vérité » en tant que justesse, dans le sens concret de l'intérêt de classe bourgeois, est à mettre au compte de la dialectique, très vite mise à jour, du concept. libéral de loi ; et cette dialectique reposait sur celle de la sphère publique bourgeoise elle-même.

     

    Aujourd'hui, à la discussion s’est substi­tuée la démonstration de caractère publicitaire à laquelle se livrent des intérêts concurrents 

     

    [187]  Dans la mesure où la séparation entre État et société a été dépassée, et puisque l'État, à travers ses fonctions de protecteur, de distributeur et d'administrateur, intervient au sein de l'ordre social, il est devenu impossible de maintenir sans réserve le principe d'une généralité de la loi. Les situations qui nécessitent une codification sont aujour­d'hui aussi des situations sociales au sens étroit, donc concrètes, c'est-à-dire liées à certains groupes déterminés et à des conjonctures instables. Dans ces conditions, les lois, même lorsque leur esprit n'est pas expres­sément celui des lois-mesures  (autrement dit précisément celui de normes non générales), revêtent souvent un caractère qui est déjà celui de dispositions administratives détaillées ; et la distinction entre loi et mesure s'estompe. Le pouvoir législatif se voit parfois contraint à des applications qui empiètent largement sur les compétences de l'admi­nistration ; mais plus souvent, ce sont les compétences de l'exécutif qui s'élargissent au point que son activité ne peut presque plus être consi­dérée comme une simple application de la loi. E. Forsthoff résume à trois cas représentatifs les procédures qui tendent à abolir la sépara­tion traditionnelle, et du même coup l'intrication, de ces deux pouvoirs. Dans le premier cas, le législateur en vient en quelque sorte à appliquer lui-même les lois en prenant des mesures qui ressortissent à l'exécutif; il intervient dans le domaine de compétence de l'administration (c'est ce qui se produit avec les lois-mesures). Dans le second cas, le législa­teur transfère à l'exécutif ses propres fonctions ; celui-ci est institué par ordonnance comme pouvoir législatif auxiliaire (c'est le cas de la loi des pleins pouvoirs). Enfin, troisième cas, face à des situations qui attendent d’être réglementées, le pouvoir législatif fait complètement abstraction de la codification et laisse carte blanche à l'exécutif.

    Dans la mesure même où cette interpénétration de l'État et de la société supprime la sphère privée dont l'autonomie était la condition de possibilité du caractère général des lois, elle ébranle les fondements sur lesquels reposait le public relativement homogène des personnes privées faisant usage de leur raison. C'est désormais au sein de la sphère publique où elle a pénétré que se développe la concurrence d'intérêts privés représentés par des organisations. Si, autrefois, les intérêts particuliers — neutralisés sous le commun dénominateur de l'intérêt de classe parce qu'ils étaient de nature privée — avaient pu doter la discussion d'une certaine rationalité en lui accordant aussi une certaine efficacité, c'est aujourd'hui la démonstration de caractère publicitaire à laquelle se livrent des intérêts concurrents qui s'est substi­tuée à la discussion.

     

    Le consensus qui résultait d'un usage public de la raison cède le pas au compromis non public qu'on arrache ou tout sim­plement qu'on impose

     

    [188] De ce fait, il n'est plus possible d'exiger des lois promulguées au terme de semblables procédures qu'elles possèdent encore un carac­tère de « vérité », même si dans bien des cas elles ont conservé leur aspect d'universalité ; car la sphère publique parlementaire — la pierre de touche de la « vérité » des lois — s'est elle aussi décomposée : « La discussion perd son caractère heuristique, ce que la littérature a fré­quemment décrit de façon détaillée. Les discours tenus lors des réunions plénières du Parlement n'ont plus pour fonction de convaincre les députés dont les opinions sont divergentes, mais ils s'adressent direc­tement à la bourgeoisie active — tout du moins lorsqu'il s'agit de ques­tions fondamentales qui décident de la vie politique (...) La sphère publique, qui autrefois vivait des débats parlementaires en donnant de son côté un éclat particulier au Parlement, revêt ainsi un caractère plébiscitaire».

    Le positivisme dont est empreint le fait qu'aujourd'hui même la conception de la norme légale abandonne jusqu'à ses caractéristiques d'universalité et de vérité correspond aux transformations effectives que nous venons de passer en revue. Depuis 1860 environ, la doctrine d'une double conception de la loi s'est imposée en Allemagne. La loi au sens matériel désigne désormais un énoncé juridique doté d'un caractère obligatoire, mais indépendamment du fait de savoir s'il s'agit de règles générales ou de mesures particulières ; en revanche, sont dites formelles toutes les lois qui sont promulguées selon une procédure par­lementaire, quel que soit leur contenu. Le rapport originel, si clairement souligné chez Kant, entre la sphère publique politique et le règne de la loi s'effondre puisqu'il se situe à mi-chemin entre ces deux conceptions récentes. La transformation subie par la structure de la loi se révèle dans le fait que ce n'est plus au principe de Publicité qu'in­combe la tâche de rationaliser la domination politique. Certes, au sein d'une sphère publique immensément élargie, il est fait appel incompa­rablement plus souvent et sous de bien plus nombreux aspects à un public vassalisé  requis aux fins plébiscitaires d'une acclamation ; mais ce dernier reste en même temps si éloigné des procédures d'exercice et de rééquilibrage des pouvoirs qu'il est désormais à peine possible d'attendre du principe de Publicité une rationalisation de ces proces­sus, et moins encore qu'il s'en porte garant.

     

    (a) Ecole littéraire groupée autour de Zola qui fonde la vérité du roman sur l’observation scrupuleuse prise sur le vif, sans aucun souci antiscientifique de morale, ou de dignité, mais sur l’expérimentation qui soumet l’individu au déterminisme de l’hérédité et du milieu : Thérèse Raquin (1867) est son premier roman « naturaliste », suivi de la série des Rougon-Macquart commencée en1871.

    (b) Il ne s'agit plus de la Publicité (Publizität), au sens de • mise en sphère publique • (Öffentlichkeit), mais de la publicité (Werbung) au sens des • réclames •.

     





    Date de création : 11/10/2010 @ 07:46
    Dernière modification : 11/10/2010 @ 08:10
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