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Sciences politiques - Symboles Nationaux 2




SYMBOLES NATIONAUX (2)


NOS SYMBOLES ONT MÛRI DANS
DES PENSÉES DISSIDENTES


Pour décrire les vicissitudes qui ont entouré le drapeau national au cours la dernière révolution (celle de 1848), nous aurons recours une nouvelle fois à Mona Ozouf (a) et, pour la Marseillaise, au spécialiste mondialement reconnu de l’histoire de France, le professeur américain Eugen Weber (b).


Les dernières turbulences autour du drapeau tricolore


Voici le coup de tonnerre de 1848, annonciateur d’un épisode illustré par la royauté des symboles. Les questions du drapeau et de la devise ont surgi comme du pavé, dès l’après-midi du 25 février. Le drapeau de la monarchie abattue avait été le tricolore. Son rival, le drapeau rouge, emblème des sociétés révolutionnaires en lutte contre Louis-Philippe, avait été immédiatement arboré sur des barricades, et on avait pu apercevoir aussi place de Grève, l’incarnat de quelques cocardes. La revendication de ce drapeau émeutier éclate tout de suite, quand volent par les fenêtres de l’Hôtel de Ville des morceaux de velours écarlate, arrachés aux canapés éventrés. La foule en confectionne de sommaires étendards, qu’elle agite au nez des membres du gouvernement en séance, Lamartine, Garnier-Pagès, Marie, prompts à comprendre qu’on cherche à leur imposer le symbole d’une révolution plus ardente. Lamartine trouve alors la formule inspirée qui calme les ouvriers en armes : « Le drapeau rouge n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple [réprimé par les gardes nationaux aux ordres de La Fayette], et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie ». La peur du drapeau rouge est une approximation historique, car loin d’être un emblème insurrectionnel ou démocratique, le drapeau rouge de 1791 était celui de la loi martiale, drapeau de l’ordre par conséquent. Mais elle montre une sûre compréhension des symboles : opposé au rouge, le tricolore rassure comme une promesse de paix sociale. Au terme de la journée, un décret décide, au nom des souvenirs de la Grande Révolution, de conserver le coq gaulois et les trois couleurs. Nul ne parle encore de la devise, le drapeau portera seulement les glorieuses initiales, R.F.

Mais dès le lendemain, le problème rebondit. La nuit a vu fleurir sur les murs parisiens une affiche – on peut y voir la patte de Blanqui, fraîchement relâché – qui déclare le tricolore déshonoré par Louis-Philippe. Une nouvelle manifestation tout hérissée de drapeaux rouges, coule alors sous les murs de l’Hôtel de Ville, où s’ouvre une ardente discussion. Face aux tenants du rouge, symbole nouveau d’une ère nouvelle (Louis Blanc), il y a de nouveau Lamartine, un instant ébranlé pourtant, puis convaincu par Goudchaux qu’il ne fait pas céder à l’intimidation. Victoire des tenants du tricolore. Mais tous ont senti la nécessité de faire au peuple une concession que traduit le nouveau décret : le drapeau reste le drapeau tricolore, mais une rosette rouge sera placée à la hampe, et sur le drapeau seront écrits les mots, Liberté, Égalité, Fraternité. La devise reparaît donc avec valeur de compromis, comme une concession au peuple. Tout le monde salue alors le retour à une « formule éternelle », comme le dit Crémieux, lors des funérailles du 4 mars. Éternelle ? Nous savons bien que non. Mais nous savons aussi qu’elle durera quand la rosette rouge, elle aussi concédée à la foule, aura depuis longtemps disparu.


Qui a chanté la Marseillaise ?


Le 25 avril 1792, le ci-devant baron de Dietrich, maire de Strasbourg, invita un de ses hôtes, le capitaine Rouget de Lisle, à composer un air patriotique pour l’armée du Rhin. Le jeune officier en écrivit aussitôt les paroles et la musique, et le lendemain soir, dans le salon de Dietrich, le Chant de guerre pour l’armée du Rhin(c). Le nouveau chant joué par la musique de la Garde nationale fut très bien accueilli : selon la femme du maire écrivant à son frère, c’était « du Glück, en mieux ». Quelques jours plus tard, il fut imprimé, ce qui facilita sa diffusion dans tout le pays. fut chanté pour la première fois. Trois jours plus tard, le dimanche 29, il retentit sur la place d’armes de la ville en l’honneur des volontaires lyonnais du premier bataillon de Rhône-et-Loire

Nous ne savons pas véritablement ce qui se passa dans les jours qui suivirent, sinon qu’il fut chanté à Montpellier le 17 juin. Peu après, un délégué de la Société constitutionnelle (c’est-à-dire des Girondins) le fit connaître à Marseille. Ce délégué, un nommé Mireur qui allait devenir ensuite général de la République, fut chargé d’une mission difficile : encourager les Marseillais à former un corps réclamé par Paris de 500 hommes « qui sachent mourir ». Le 22 juin, à la suite d’un banquet constitutionnel, il entonna le Chant de guerre, aux fins de galvaniser les participants.

Le nouveau chant fut publié dans la presse locale le lendemain même et tiré à part pour assurer un diffusion plus large. Les volontaires du bataillon marseillais, laborieusement recrutés, en reçurent chacun plusieurs exemplaires. Tout au long de leur marche sur Paris, qui dura tout le mois de juillet, ils le chantèrent et le distribuèrent. Peut-être en hurlèrent-ils des fragments lorsqu’ils participèrent à la prise des Tuileries, le 10 août. Quoi qu’il en soit, il fut bientôt connu comme l’hymne ou le chant des Marseillais.

Cette dénomination pique la curiosité : Qui donc chantait La Marseillaise ? On peut formuler la question autrement : pourquoi était-elle chantée en français ?

En 1792, la langue française était aussi étrangère à la plupart des Provençaux qu’elle devait l’être un siècle plus tard. A vrai dire, elle n’était pas familière à la majorité des gens fixés à l’intérieur des frontières. L’abbé Grégoire qui mena une enquête approfondie sur ce sujet en 1790, avait conclu que les trois-quarts des habitants de la France savaient un peu de français, mais que seule une partie de ceux-ci était capable de soutenir une conversation dans cette langue. Il estimait qu’environ trois millions de personnes seulement le parlaient correctement – tandis qu’encore moins, de toute évidence, savaient l’écrire.

Acceptons ces données comme des ordres de grandeur, puisqu’au sud de la ligne Saint-Malo-Genève, qui séparait la France septentrionale, francophone et relativement développée, du reste du pays, les gens ignorant le français étaient proportionnellement beaucoup plus nombreux que Grégoire ne l’indiquait. En 1824, un tiers de siècle après la naissance de La Marseillaise, la Statistique des Bouches du Rhône indiquait que la langue courante des classes moyennes et populaires était le provençal. « Il s’écoulera encore bien des années, commente ce document officiel, avant que la langue française ne devienne populaire ».

Dès l’automne 1792, l’hymne composé en Alsace et propagé depuis le Midi, était chanté dans toue la France – « par toutes les troupes et par les enfants », selon un rapport d’octobre 1792, qui désignait ainsi les principaux facteurs de sa pénétration. Quand Kellerman exprima le désir de célébrer la victoire de Valmy par un Te Deum, le ministre de la Guerre répondit en imposant à la place l’Hymne des Marseillais « dont il joignit le texte à cet effet ».

Le paradoxe est que le nouveau chant national était associé à une ville dont les habitants ne parlaient pas le français ou même, pour nombre d’entre eux ne se sentaient pas français. Et pourtant même ceux qui ne parlaient pas français pouvaient chanter en français et en chantant l’apprendre.

L’exemple de La Marseillaise permet de souligner l’ampleur des domaines ou des régions où elle ne signifiait encore rien : là où la vie quotidienne se poursuivait comme devant, là où la notion de pays ou de patrie était toujours limitée à une vallée, à une paroisse, à un terroir. Dans ces domaines et ces régions, il allait falloir beaucoup de temps encore pour que des symboles comme La Marseillaise reflètent une réelle identification à une culture plus large – la culture dans laquelle

baignent aujourd’hui les Français, la culture de la nation, celle de Paris, celle dispensée par l’école.

Avec son destin particulier, elle est pourtant le symbole de la transformation de cette France. A Jemmapes, elle entraîne les soldats de Dumourier à la victoire, et est ensuite associée aux grandes batailles de la République : Hoche la fait chanter à Wissenbourg, Bonaparte franchit le Grand-Saint-Bernard avec elle et, en juillet 1795, après que Thermidor eut fait sortir Rouget de Lisle de prison (d), un décret en fait un chant national. Sous le Consulat et l’Empire, La Marseillaise se fait toute petite, bien qu’on la retrouve à la Berezina, à Waterloo et surtout pendant les Cent-Jours. Après cela, elle se réfugie dans la clandestinité, mais resurgit en 1828 dans l’opéra d’Auber La Muette de Portici, et marque non seulement la révolution de 1830 à Paris, mais aussi à Bruxelles. Louis-Philippe ne l’aimait pas beaucoup (ce qui ne l’empêcha pas d’accorder une pension à Rouget de Lisle, vieux et malade). Elle était trop étroitement liée aux cannibales, ce que confirma son adoption par les insurgés de la rue Transnonin, en avril 1834. Elle fut ensuite largement étouffée jusqu’en 1840, quand au plus fort de la crise d’Orient, le gouvernement permit qu’on la chantât, ce qui donna aux villes de France un excellent moyen d’exprimer leur chauvinisme.

Elle représentait la guerre et la révolution, la guerre ou la révolution. En 1848 (e), chaque fois que Rachel la chantait, drapée de tricolore, elle se faisait applaudir à tout rompre.

Ainsi ce chant était chargé de significations politiques, et c’était l’hymne d’un parti. En 1850, un rapport de police sur les émeutes sanglantes de Tarascon nous apprend que les rouges hurlaient férocement (sans doute en dialecte !) tout en chantant La Marseillaise. Elle fut interdite sous le Second Empire mais quand le retour des Assemblées à Paris signa la victoire de la République (janv.1875), la IIIe du nom – celle qui instaura le bicamérisme –, La Marseillaise redevint le chant national.

Après cette reconnaissance officielle, sa fortune continua de connaître des hauts et des bas. Elle ne pouvait être l’hymne de l’ordre moral ; de fait, elle symbolisait l’opposition à celui-ci : en 1877, quand le maréchal Mac-Mahon se rendit à Roanne entre le 16 mai et les élections d’octobre, sa visite fut troublée par une foule d’ouvriers braillant le chant subversif. Mais les élections législatives d’octobre 1878 et sénatoriales de janvier 1879 ayant été remportées par les Républicains, La Marseillaise fut de nouveau choisie comme chant national.

L’acceptation générale de ce qui avait été longtemps un chant de combat avait affadi sa signification, de sorte que les ouvriers dont les pères avaient chanté La Marseillaise apprenaient à chanter L’Internationale. En 1880, La Marseillaise était encore le chant préféré des ouvriers en grève, mais Michelle Perrot (f) nous apprend qu’après 1884, La Carmagnole commença à la concurrencer sérieusement. En 1890, elle l’avait supplantée dans la classe ouvrière, et les premiers accents de L’internationale étaient entendus dans les meetings socialistes. Un nouveau chant partisan avait remplacé l’ancien, lequel était maintenant reconnu comme un symbole de l’unité nationale.

Pourtant, bien des résistances durent être vaincues, non seulement sur le terrain politique, où la droite mit longtemps à l’accepter, mais encore sur celui de la culture, car, comme la plupart des expressions de la culture officielle, La Marseillaise resta une affaire urbaine, et, même quand « le peuple » la chantait, c’était celui des villes.

La langue française et les sentiments français restaient à inculquer ; les enseignants s’y appliquèrent ? Dès janvier 1884, une revue qui leur était destinée, L’École, avait recommandé aux instituteurs d’enseigner à leurs élèves La Marseillaise, « dont les paroles sont aussi ignorées que sa musique est célèbre ». De fait, c’est à l’école que l’on allait apprendre aussi bien ses paroles que les sentiments français – l’identité française qu’elle symbolise.

A la fin du XIXe siècle, le chant guerrier, patriotique, révolutionnaire d’un clan politique était effectivement devenu le chant de la France. Et il portait non seulement les mots de ses couplets, mais encore une puissante identité. « On chante La Marseillaise pour ses paroles, bien entendu, disait Maurice Barrès en 1902, mais (surtout) pour la somme d’émotions qu’elle soulève dans notre inconscient (g) ». A une époque de culture orale, quoi d’autre qu’un chant eût-il pu produire cet effet ?



(a) Les lieux de mémoire 3, sous la dir. de Pierre Nora, Quarto, Gallimard,1997.

(b) Ma France, Fayard, février 1992.

(c) La Loire et le Rhône ne deviendront des départements qu’un peu plus tard, en 1793.

(d) Arrêté sous la Terreur, Rouget de Lisle fut sauvé par la chute de Robespierre, consécutive aux journées révolutionnaires des 9 et 10 Thermidor An II (27-28 juillet 1794).

(e) A cette date, quand les paysans d’Oyonnax (Ain) l’entendront, ils se barricaderont : « Fermons nos portes, ils chantent La Marseillaise, voici la Terreur ! »

(f) Michelle Perrot, Les ouvriers en grève, Paris, 1974.

(g) M. Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme français, Paris 1902.



Date de création : 29/03/2010 @ 15:59
Dernière modification : 01/04/2010 @ 10:26
Catégorie : Sciences politiques
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