Bienvenue !
Grâce à 6 PARCOURS philosophiques, l'internaute est invité à s'initier aux oeuvres de philosophes contemporains tels que Lévinas et Ricoeur, et à des philosophes de l'Antiquité.

Parcours
+ Parcours lévinassien
+ Parcours axiologique
+ Parcours cartésien
+ Parcours hellénique
+ Parcours ricordien
+ Parcours spinoziste
+ Glossématique

Autres perspectives
+ Archéologie
+ Economie
+ Sciences politiques
+ Sociologie
+ Poésie
 -  Théologie 1
+ Théologie 2
+ Psychanalyse générale

Mises à jour du site
26/09/2007 ajout :
Sociologie - Laïcité
Sciences politiques : Sujets de la réforme(3)
18/09/2007 ajout :
Glossèmes Liberté et Vérité

Visites

 9680 visiteurs

 4 visiteurs en ligne


Théologie 1 - Livres du pentateuque 3



EXEGESE PATRISTIQUE DE
L'ANCIEN TESTAMENT

LIVRES DU PENTATEUQUE 3



-
ALLIANCE AU SINAI
-
DEPART DU SINAI VERS LA TERRE PROMISE
- POSTFACE



CHAPITRE VII.



A - ALLIANCE AU SINAI.
B - DEPART DU SINAI VERS LA TERRE
PROMISE.


"Maintenant si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation sainte" (Livre de l'EXODE19,5).

Paragraphes d'appui du Livre de l'Exode:

L'alliance et le décalogue.
Arrivée au Sinaï:(Ex.19,1-2).
Promesse de l'alliance:(Ex.19,3-8).
Préparation de l'alliance:(Ex.19,9-15).
La théophanie:(Ex.19,16-25).
Le décalogue:(Ex.20,1-21).
Le code de l'alliance.
Loi de l'autel:(Ex.20,22-26).
Lois relatives aux esclaves:(Ex.21,1-11).
Homicide:(Ex.21,12-17).
Coups et blessures:(Ex.21,18-27).
Viol d'une vierge:(Ex.22,15-16).
Lois morales et religieuses:(Ex.22,17-27).
Prémices et premiers-nés:(Ex.22,28-30).
La justice.Les devoirs envers les ennemis:(Ex.23,1-9).
Année sabbatique et sabbat:(Ex.23,10-13).
Fêtes d'Israël:(Ex.23,14-19).
Promesses et instructions en vue de
l'entrée en Canaan:(Ex.23,20-33).
Conclusions de l'alliance.
Moïse sur la montagne:(Ex.24,1-18).


Prescriptions relatives au sanctuaire et à ses ministres.

Contribution pour le sanctuaire:(Ex.25,1-9).

La Tente (Tabernacle) et son mobilier-L'arche:(Ex.25,10-22).

La table des pains d'oblation:(Ex.25,23-30).
Le candélabre:(Ex.25,31-40).

La demeure-Les étoffes et les couvertures:(Ex.26,1-14).

La charpente:(Ex.26,15-30).
Le rideau:(Ex.26,31-37).
L'autel des holocaustes:(Ex.27,1-8).
Le parvis:(Ex.27,9-19).

L'huile pour le luminaire:(Ex.27,20-21).

Les vêtements des prêtres:(Ex.28,1-43).
Consécration d'Aaron et de ses fils:(Ex.29,1-35).

Consécration de l'autel des holocaustes:(Ex.29,36-46).

Autel des parfums:(Ex.30,1-10).
Impôt de la capitation:(Ex.30,11-16).
Le bassin:(Ex.30,17-21).
L'huile d'onction:(Ex.30,22-33).
Le parfum:(Ex.30,34-37).
Les ouvriers du sanctuaire:(Ex.31,1-11).
Repos sabbatique:(Ex.31,12-17).
Remise à Moïse des tables de la Loi:(Ex.31,18).
Le veau d'or.
Une idole en or:(Ex.32,1-6).
Yahvé avertit Moïse:(Ex.32,7-10).
Intercession de Moïse:(Ex.32,11-14).
Moïse brise les tables de la loi:(Ex.32,15-20).

Le rôle d'Aaron dans la faute du peuple:(Ex.32,1-24).

Zèle des Lévites:(Ex.32,25-29).
Nouvelle prière de Moïse:(Ex.32,30-35).
L'ordre de départ:(Ex.33,1-6).

La Tente (le Tabernacle):(Ex.33,7-11).

Prière de Moïse:(Ex.33,12-17).
Moïse sur la montagne:(Ex.33,18-23).
Renouvellement de l'alliance.
Les tables de la Loi:(Ex.34,1-5).
Apparition divine:(Ex.34,6-9).
L'alliance:(Ex.34,10-28).
Moïse redescend de la montagne:(Ex.34,29-35).
Construction et érection du sanctuaire.

Les chapitres 35à39 décrivent l'exécution très scrupuleuse des ordres donnés de 25à31, ainsi que la livraison de tous les ouvra- ges à Moïse (installations, objets du culte et costumes).

Bénédiction de l'ouvrage par Moïse:(Ex.39,42-43).

A la suite, Yahvé parla à Moïse et lui donna ses ordres pour l'érection et la consécration du sanctuaire, ordres que Moïse s'appliqua à respecter(Ex.40,17-33).

Yahvé prend possession du sanctuaire:(Ex.40,34-36).
La nuée guide les Israélites:(Ex.40,36-38).

Ainsi s'achève le LIVRE DE L'EXODE. L'alliance est conclue, la Loi est fixée, le culte est précisé; les Israélites vont bientôt quitter le Sinaï pour reprendre leur marche dans le désert, en direction de la Terre promise. Avant le départ se produit une "irrégularité" dans le sanctuaire, sanctionnée par la mort des deux premiers fils d'Aaron, Nadab et Abihu.Le récit en est consigné au LEVITIQUE[1] quifaitdirectement suite au livre de l'Exode.

La faute des fils d'Aaron:(Lév.10,1-5).
Règles de deuil spéciales aux prêtres:(Lév.10,6.7).

Interdiction de l'usage du vin pour Aaron et ses fils quand ils se présentent à la Tente du Rendez-vous:(Lév.10,8-11).

La part des prêtres sur les offrandes:(Lév.10,12-15).

Règle concernant le sacrifice pour le péché:(Lév.10,16-20).



LE DEPART DU SINAI VERS LA TERRE PROMISE.

La suite du récit de la vie de Moïse et d'Aaron est contenue dans LES NOMBRES[2],quatrième livre du Pentateuque. Ce livre reprend le thème de la marche au désert, émaillée de nombreux incidents qui surviennent entre Moïse et le peuple "à la nuque raide". De nouveaux personnages s'illustrent, les uns contre Moïse, les autres en faveur de Yahvé dans les différents épisodes de rébellion du peuple élu qui doute pourtant de sa destinée.

La théologie qui justifie les institutions auxquelles il doit satisfaire repose sur quelques données essentielles: Israël, dans la tradition "sacerdotale",n'estpasunpeuple enarmes,une nationengagée dans des guerresde conquêtes,mais une communauté vouée au cultede Yahvé et littéralement gouvernée par sa Parole. C'est un peuple en marche, jusqu'à son installation en Canaan. La seule localisation que consente son Dieu,c'est de demeurer au milieu delui dans une tente située au centre du camp ou au centre de la communauté en marche. La présence de Yahvé est à la fois rassurante et redouta- ble. Moïse et Aaron sont là pour faire écran entre les erreurs du peuple et la colère de Yahvé; reste à ces fidèles "serviteurs" l'intercession en vue du pardon.

Recensement du peuple:(Nb.1,1-4).

Après les grandes offrandes faites pour la Dédicace du Tabernacle et la célébration de la seconde Pâque, les Israélites s'apprêtent à quitter la montagne sainte.

L'ordre de marche:(Nb.10,11-28).
La colonne fait étape à Tabeéra:(Nb.11,1-3).
Plaintes du peuple:(Nb.11,4-6).
Intercession de Moïse:(Nb.11,10-15).
La réponse de Yahvé:(Nb.11,16-20).
Les cailles:(Nb.11,31-35).
Myriam et Aaron contre Moïse:(Nb.12,1-15).
Les envoyés des douze tribus en Canaan:(Nb.13,17-33).
Révolte d'Israël:(Nb.14,1-9).

Colère de Yahvé et intercession de Moïse:(Nb.14,10-19).

Pardon et châtiment:(Nb.14,20-38).
Défaite des Israélites à Horma:(Nb.14,39-45).
Révolte de Coré:(Nb.16,1-35).
Les encensoirs:(Nb.17,1-5).
L'intercession d'Aaron:(Nb.17,6-15).
Le bâton d'Aaron:(Nb.17,16-26).
Les eaux de Mériba:(Nb.20,1-11).
Châtiment de Moïse et d'Aaron:(Nb.20,12.13).
Edom refuse le passage:(Nb.20,14-18).
Mort d'Aaron:(Nb.20,22-29).
Le serpent d'airain:(Nb.21,4-9).
Etapes vers la Transjordanie:(Nb.21,10-20).
Conquête de la Transjordanie:(Nb.21,21-35).
Israël à Péor:(Nb.25,1-18).
Le deuxième recensement:(Nb.26,1-65).
L'héritage des filles:(Nb.27,1-11).

Annonce de la mort de Moïse (Josué le remplace):(Nb.27,12-23).

Les étapes de l'Exode:(Nb.33,1-49).
Projet de partition du pays de Canaan:(Nb.33,50-56).

Les derniers moments de la vie de Moïse ne sont pas indiqués au Livre des Nombres mais en dernière partie du DEUTERONOME[3]. Après les paroles de l'alliance conclue au pays de Moab, on y trouve les dernières instructions de Yahvé à Moïse, le cantique témoin et la grande bénédiction de Moïse. Cette bénédiction qui s'adresse aux différentes tribus précède immédiatement sa mort.

Paroles de l'alliance conclue au pays de Moab:(Dt.28,69).

Regards sur le passé:(Dt.29,1-8).
L'alliance en Moab:(Dt.29,9-20).
Instructions de Yahvé:(Dt.31,14-18).
Le cantique témoin:(Dt.31,19-22).
La loi, source de vie:(Dt.32,45-47).
Bénédictions de Moïse:(Dt.33,1-29).
Mort de Moïse:(Dt.34,1-12).



EXEGESE PATRISTIQUE

ORIGENE.

Grâce à sa formation à la fois profane et religieuse, Origène a excellé dans le décryptage des symboles et la découverte du sens caché de l'Ecriture. Parmi les homélies du Livre de l'Exode qu'il a prononcées et rédigées, l'homélie IX sur le Tabernacle est l'une de celles qui nous montrent le mieux comment il s'y prend concrète- ment pour résoudre les énigmes divines.

"Il est une technique à laquelle il attache la plus grande importance. Son maître<l'Hébreu>[4] la lui avait enseignée sous la forme d'un apologue: l'Ecriture, expliquait-il, ressemble à une maison dont toutes les chambres sont fermées à clef, la clef de chaque porte se trouvant devant une autre porte. Cela signifiait que pour expliquer un passage de la Bible, il fallait consulter d'autres passages. Origène applique très fidèlement ce principe: son premier réflexe en présence d'un texte est de chercher les autres versets où se retrouvent les mêmes mots ou, à défaut la même image. C'est la méthode de recours aux passages parallèles, classique pour l'explication des textes. On l'employait pour fixer le sens d'un mot obscur chez Homère. Puisque le langage de Dieu était obscur, il paraissait tout naturel de recourir au même procédé pour déterminer la signification spéciale qu'il donnait au mot.

De plus, pour accroître encore la précision, il était nécessaire d'examiner le contexte, car le mot en question devait s'y adapter. Le recours à ces deux moyens a donné à l'herméneutique sacrée une allure scientifique qui semblait garantir ses résultats puisqu'on employait, pour décrypter le langage divin, les meilleurs procédés qui avaient été mis au point pour comprendre un auteur quel qu'il fût"[5].

Le Tabernacle.
Textes en présence:
Approche du tabernacle.

2Corinthiens3,3: Vous êtes manifestement une lettre du Christ remise à nos soins, écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs.

Interprétation-de Paul.
Epître aux Hébreux9:

(2) Une tente en effet-la Tente antérieure avait été dressée; là se trouvaient le chandelier, la table et l'exposition des pains; c'est celle qui est appelée: le Saint.

(3) Puis derrière le second voile était une tente appelée Saint des Saints,

(4) comportant un autel des parfums en or, l'arche de l'alliance entièrement recouverte d'or, dans laquelle se trouvait une urne d'or contenant la manne, le rameau d'Aaron qui avait poussé, et les tables de l'alliance;

(5) puis au-dessus, les chérubins de gloire couvrant d'ombre le propitiatoire. Ce n'est pas le moment de parler de tout cela en détail.

(12) (Le Christ, lui, survenu comme grand-prêtre des biens à venir) entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle.

(24) Ce n'est pas, en effet, dans un sanctuaire fait de mains d'hommes dans une image de l'authentique, que le Christ est entré, mais dans le ciel lui-même, afin de paraître maintenant devant la face de Dieu en notre faveur.

Epitre aux Hébreux10,20: par cette même voie qu'il a inaugurée pour nous, nouvelle et vivante, à travers le voile - c'est-à-dire sa chair.

Matth.7,8etLc.11,10: Car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve; et à qui frappe on ouvrira.

Interprétation-de l'Ancien Testament.

1Samuel2,12: Or les fils d'Eli étaient des vauriens; ils ne connaissaient pas Yahvé.

1 Samuel4:

(10) Les Philistins livrèrent bataille et Israël fut battu, chacun s'enfuyant vers sa tente; ce fut un très grand massacre et trente mille hommes de pied tombèrent du côté d'Israël.

(11) L'arche de Dieu fut prise et les deux fils d'Eli moururent, Hophni et Pinhas.

En chacun de nous:-le tabernacle.

2Corinthiens6,13: Payez-vous donc de retour; je vous parle comme à mes enfants, ouvrez tout grand votre cœur, vous aussi.

1Corinthiens11,3: Je veux cependant que vous le sachiez: l'origine de tout homme, c'est le Christ; l'origine de la femme, c'est l'homme; et l'origine du Christ, c'est Dieu.

1Corinthiens13,13: Maintenant donc demeurent, foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité.

Epitre aux Galates5,22: Mais le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres.

Genèse23,6: "Monseigneur, écoute-nous plutôt! Tu es un prince de Dieu parmi nous".

Genèse15,5: Il le conduisit en dehors et dit:"Lève les yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux les dénombrer"et il lui dit:"Telle sera ta postérité".

Approche du tabernacle

Comprendre dignement le départ d'Egypte des Hébreux ou le passage de la Mer Rouge, et encore tout ce chemin parcouru à travers le désert et chacun des emplacements des camps; y avoir montré de l'aptitude de manière à recevoir aussi la Loi de Dieu "écrite non avec de l'encre, mais par l'Esprit du Dieu vivant"[6], à ces camps, dis-je, venir en suivant l'ordre des étapes en sorte que, les réalisant en esprit, on les atteigne un par un, ainsi que les accroissements de vertus qu'ils symbolisent: voilà ce qui rend capable de parvenir encore à la vision et à l'intelligence du tabernacle.



Interprétation:
de Paul

De ce tabernacle, les divines Ecritures font mention en bien des passages. Elles donnent des indications que peut à peine saisir l'oreille humaine. C'est en particulier, du moins, le cas de l'apôtre Paul. Pour l'intelligence du tabernacle, il nous présente certains linéaments d'une science supérieure, mais, je ne sais pourquoi, eu égard peut-être à la faiblesse des auditeurs, il referme en quelque sorte ce qu'il vient d'ouvrir. Car, écrivant aux Hébreux, il dit: "En effet une tente fut dressée, la première, où sont le candélabre et les pains de proposition; on l'appelait Saint des saints. Derrière le second voile, une tente appelée Saint, avec l'autel d'or pour l'encens, l'arche de l'alliance, et dans celle-ci les deux tables, la manne, le bâton d'Aaron qui avait fleuri". Mais il ajoute: "De quoi il n'y a pas lieu maintenant de parler en détail"[7]. Son propos: "De quoi il n'y a pas lieu maintenant de parler", pour certains, ferait allusion au temps où il écrivait sa lettre aux Hébreux; pour d'autres, il voudrait dire que, en raison de la grandeur des mystères, tout le temps de la vie présente ne suffirait pas pour les expliquer.

A vrai dire, l'Apôtre ne nous laisse pas tout à notre tristesse, mais à son habitude, il ouvre parmi bien d'autres quelques aperçus, si bien que le sens est fermé aux négligents, mais trouvé par ceux qui cherchent, ouvert à ceux qui frappent"[8]. Il reprend donc, au sujet du tabernacle: "Ce n'est pas, en effet, dans un sanctuaire fait à la main, réplique du véritable, que Jésus est entré, mais dans le ciel même pour paraître maintenant devant la face de Dieu, à travers le voile, c'est-à-dire sa chair"[9]. Donc, interpréter le voile de la tente intérieure comme la chair du Christ, le sanctuaire lui-même comme le ciel ou les cieux, mais le grand prêtre comme le Christ Seigneur et dire qu'il est entré "une fois pour toutes dans le sanctuaire, ayant acquis une rédemption éternelle"[10]: à ces quelques expressions, si l'on sait comprendre le sens de Paul, on peut voir quel océan d'intelligence il nous a ouvert. Mais ceux qui aiment trop la lettre de la Loi de Moïse et en refusent l'esprit, suspectent l'apôtre Paul quand il avance des interprétations de cet ordre.


Interprétation:de l'Ancien Testament

Voyons donc si quelques-uns des anciens saints n'ont pas eu une idée du tabernacle tout autre que l'opinion de ces gens d'aujourd'hui. En effet, écoute la pensée magnifique qu'en a David, illustre parmi les prophètes: "Tandis que tous les jours on me dit: Où est ton Dieu?, je me souviens, j'épanche en moi mon âme, car je m'avancerai au lieu du tabernacle admirable jusqu'à la maison de Dieu"(a)[11]. Et encore, dans le Psaume quatorzième: "Seigneur, qui habitera dans ton tabernacle? qui se reposera sur ta montagne sainte? Celui qui s'avance sans tache et qui pratique la justice, et dit la vérité de son cœur"(b). Quel est donc ce lieu du tabernacle admirable", d'où l'on parvient "jusqu'à la maison de Dieu"(c), dont le souvenir fait qu'il épanche en lui son âme et qu'il défaille, pour ainsi dire, d'un désir intolérable? Eh quoi! faut-il donc croire que c'est ce tabernacle composé de peaux, de courtines, de tentures en poils de chèvres, et d'autres matières à notre usage(d), dont le désir fait que le prophète s'épanche en son esprit et s'effondre de toute son âme? Ou du moins, comment sera-t-il vrai de dire de ce tabernacle: n'y habite que "celui qui a les mains innocentes etle cœur pur,quinelivrepasson âmeaumensonge"(e)?

L'histoire des Rois ne rapporte-t-elle pas qu'habitèrent dans le tabernacle de Dieu des prêtres vauriens, "fils de pestilence", et que l'arche d'alliance elle-même fut prise par des étrangers et longtemps gardée chez des impies et des profanes[12]? Tout cela montre que le prophète a des pensées d'un tout autre sens sur ce tabernacle, dont il dit que n'y habite que "celui qui a les mains innocentes et le cœur pur, qui n'a pas livré son âme au mensonge, ni fait du mal à son prochain, ni jeté sur lui l'opprobre"(f).

Tel doit donc être l'habitant de ce tabernacle, établi par Dieu et non par l'homme.

(a)et(c):Ps.41,4-5 /(b)Ps.14,1-2 /(d)Ex.26,1 s./(e)et(f)Ps.23,4et14,3.


Interprétation du Nouveau Testament

Mais,venons-en aux Evangiles,pourvoirsinous y trouvons quelque chose sur les tabernacles, afin de pouvoir, grâce à l'expression du Seigneur, donner à notre question une réponse hors de doute. On trouve alors que le Seigneur Jésus-Christ lui-même mentionne non pas un tabernacle mais plusieurs, et non pointtemporels mais éternels: "Faites-vous des amis avec Mammon (le malhonnête argent) afin que, lorsqu'il fera défaut, ils vous accueillent aux tabernacles éternels"(Lc.16,9). Tu as entendu notre Seigneur déclarant qu'il y a des tabernacles éternels; écoute maintenant l'Apôtre: "Désireux que nous sommes de revêtir par dessus l'autre, notre tente (tabernacle) céleste"(2Cor.5,2). Par tous ces témoignages, la voie ne t'est-elle pas encore ouverte, par où, abandonnant la terre, suivant la pensée prophétique et apostolique, et-ce qui surpasse tout-, suivant la parole du Christ de tout ton esprit et de toute ton intelligence, tu dois monter au ciel et y chercher la magnificence du tabernacle éternel, dont la figure est esquissée par Moïse sur terre. En effet, c'est à lui que le Seigneur dit encore: "Vois, et fais tout d'après la figure qui t'est montrée sur la montagne"[13].


Tabernacle à édifier par tous

Ordre est donc donné que tout le peuple, chacun y contribuant selon ses forces, édifie le tabernacle de façon, pour ainsi dire, à former tous ensemble un seul tabernacle. La contribution toutefois n'est pas imposée, mais spontanée? Car le Seigneur dit à Moïse: que chacun, "au gré de son cœur", offre pour l'édification du tabernacle: or, argent, pierres précieuses, bronze, et en outre lin fin, écarlate, hyacinthe, et pourpre; et encore, peaux de béliers rouges et violacées; bois imputrescibles enfin, et poils de chèvres (Ex.25,1-29). On cherche également des femmes expertes dans l'art du tissage, et des artisans qui sachent façonner l'or, l'argent, le bronze,et même sertirles pierres et revêtir le bois d'or (Ex.35,25-29).


En chacun de nous le tabernacle

Chacun de nous peut aussi édifier en lui-même un tabernacle à Dieu. Si en effet, comme certains l'ont dit avant nous, ce tabernacle figure le monde entier, et que chacun peut aussi avoir en lui l'image du monde, pourquoi chacun ne pourrait-il pas réaliser en lui l'image du tabernacle! Il doit donc se tailler des colonnes de vertus, colonnes d'argent, c'est-à-dire de patience raisonnable. Il peut y avoir, en effet, dans l'homme une patience apparente, mais qui n'est pas raisonnable. Car ne pas ressentir une injustice et, partant, ne point la rendre, semble faire preuve de patience, mais cette patience n'est pas raisonnable. C'est bien avoir des colonnes, mais elles ne sont pas d'argent. Au contraire, souffrir à cause de la parole de Dieu et le supporter avec courage, c'est être orné et protégé par des colonnes d'argent. On peut alors déployer en soi des parvis, si l'on dilate son cœur, d'après le mot de l'Apôtre aux Corinthiens: "Dilatez-vous, vous aussi"[14]! On peut se fortifier par des barres en se liant par l'unanimité de la dilection. On peut se tenir ferme sur des bases d'argent lorsqu'on est placé sur la fermeté de la parole de Dieu, de la parole prophétique et apostolique. On peut avoir à la colonne un chapiteau doré, si on a pour tête d'or la foi au Christ. "Car la tête de tout homme est le Christ"[15]. On peut déployer en soi dix parvis, lorsqu'on dilate son cœur, non à la mesure d'une parole de la Loi seulement, ni de deux ou de trois, mais qu'on peut élargir à tout le décalogue l'ampleur de l'intelligence spirituelle de la Loi, ou bien quand on produit les fruits de l'Esprit: joie, paix, patience, bénignité, bonté, modestie, foi, continence, y ajoutant la charité, fruit supérieur àtous[16].


Tente des pères

Car ce n'est pas en vain qu'on rapporte des pères qu'ils ont habité sous des tentes. Pour moi, j'interprète en ce sens le fait qu' Abraham ait habité sous une tente ainsi qu'Isaac et Jacob. Ils élevèrent au-dedans d'eux-mêmes un tabernacle à Dieu, ceux qui se parèrent d'un si extraordinaire éclat de vertus. Resplendissait en eux la pourpre, parure des rois; d'où la parole des fils de Heth à Abraham: "Tu es parmi nous un roi envoyé de Dieu"[17].


SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

"Avec Basile et Grégoire de Nazianze, ses aînés de quelques années, Jean Chrysostome (Jean "Bouche d'or")[18] appartient à la génération de ceux qui édifièrent l'Eglise après les bouleversements doctrinaux et politiques qui suivirent l'avènement de l'Empire chrétien. La force de son verbe et la fougue de sa pensée lui ont valu d'être considéré comme l'auteur chrétien par excellence et le réformateur austère des mœurs."Apôtre" avant tout,enseignant la "Bonne Nouvelle", il lutta contre toutes les déviations doctrinales qui menaçaient sa communauté. Il s'attacha aussi à définir les relations nécessaires entre l'appel à une vie spirituelle plus parfaite et le service de l'Eglise; enfin, il chercha à insérerle messageévangéliquedanslaviesociale de sontemps[19]."Leshomélies de Chrysostome surla Genèse évoquentavec une grande admiration persuasivel'extrêmecondescendance de Dieu (sugkatabasis)[20] face aux hommes. Dans le double contexte d'un Dieu à la fois transcendant et immanent, on comprend mieux que Dieu ait élevé progressivement l'humanité et que l'on aurait tort de se choquer des rugosités de l'histoire, voire des imperfections de l'Ancien Testament.De même,si l'on admetque Dieu a consentià employer le langage ordinaire des hommes,les défectuosités dans le style ou levocabulaire paraîtrontnormales.Simultanément,chaque motétant un moyen divin d'expression, présentera un très grand intérêt et il faudra soumettre, sans réserve, le texte sacré à une minutieuse analyse littérale, ce qui fut le propre de l'école d'Antioche[21] par rapport à celle d'Alexandrie. Saisir la pensée de l'homme permettra de découvrir en même temps celle du Dieu condescendantquis'ex- primeentermeshumains.Car,commel'afait remarquer P.Benoît[22], "l'influx divin va jusqu'au texte, qui est son véritable terme. On peut donc parler d'inspiration verbale. L'expression a fait peur, tant que l'inspiration a été conçue à la façon d'une révélation. L'écrivain sacré n'aurait plus été qu'un instrument passif écrivant sous la


Commentaire de Jean Chrysostome tendant à montrer que Moïse fut le messager de la lettre que Dieu envoya aux hommes pour renouveler son amitié avec eux, attirant à lui tout le genre humain.

Les "Lettres d'exil à Olympias et à tous les fidèles" écrites par Jean Chrysostomelorsde son exil sont l'émouvante description auto-biographique d'une longue agonie, l'ultime préparation du grand prédicateur et exégète à l'acheminement spirituel de son âme vers l'au-delà (théôria). Elle est aussi le symbole en acte inversé d'un aspect de sa théologie biblique qui a été mis en relief par J.-M. Leroux[23]. Chrysostome, selon cet auteur, n'a pu écrire ses lettres d'exil que parce qu'il avait longuement lu et relu, avant son exil personnel,non sans prendre consciencede sa participation à l'exil collectif de l'humanité éloignée du paradis en Adam,la correspondance que Dieu luiadresse pour la ramener à Lui en lui manifestant son amour miséricordieux.

Ainsi s'exprime l'orateur de l'école exégétique d'Antioche:

A l'origine, le Créateur des hommes parlait aux hommes, s'entretenait avec eux à la manière que comportait la nature humaine. C'est ainsi que Dieu vint vers Adam, accusa Caïn, s'entretint avec Noé, devint l'hôte d'Abraham.

Mais quand, dans le cours des siècles, tout le genre humain se fut précipité dans l'abîme du mal, Dieu son Créateur ne voulut pas tout à fait s'éloigner de lui; bien que les hommes se fussent montrés indignes de cette familiarité, il voulut renouveler son amitié avec eux, il leur envoie donc une lettre comme à des personnes éloignées, attirant à lui tout le genre humain.

De cette lettre conclut Chrysostome, Moïse fut le messager.

"La pensée est profonde:la parole manifestela proximité par rapport à Dieu de ceux avec lesquels dialoguait le Créateur. La lettre, au contraire, manifeste une distance tout en ayant pour but le rapprochement. On notera aussi que, aux yeux de Chrysostome, la lettre divine est adressée, non seulement à l'Israël selon la chair ou à l'Israël de Dieu qu'est l'Eglise, mais encore à tout le genre humain dans un but d'amitié salvifique.

Chrysostome considère donc l'ensemble deslivresbibliques comme une immense correspondance adressée par Dieu à l'humanité. En rattachant l'Ecriture au genre épistolaire, Chrysostome lui retirait le caractère anonyme et impersonnel des ouvrages littéraires; il introduisait au cœur de chacun des livres, y compris ceux que l'on appelle historiques, le lien affectif particulier à la correspondance. A cause de cela, la Bible ne peut pas être considérée comme un écrit mort où seraient consignés l'histoire du peuple élu et les commandements édictés par Dieu; elle est le document vivant où s'exprime l'échange de pensées entre Dieu et l'humanité, la lettre où vibre la philanthropie divine, qui veut à tout prix conserver le contact avec l'humanité rebelle, le moyen inventé par Dieu pour demeurer en liaison avec l'homme.

Simultanément,la lettre est l'image qui exprime de manièreadéquate l'imperfection actuelle du dialogue entre Dieu et le genre humain. Dieu continue de s'adresser à l'homme et de lui communiquer son message, mais des circonstances malheureuses issues du péché ne permettent plus l'échange d'une conversation directe. Le message de Dieu s'est figé dans le cadre d'un écrit qui, par sa forme, est tributaire de la condition humaine. L'Ecriture est liée aux vicissitudes de l'histoire qui compromet sa transmission. Un effort de compréhension est donc nécessaire pour retrouver le sens profond du message divin. L'homme affaibli par le péché ne peut le découvrir sans ascèse.

De plus, le caractère épistolaire met en lumière plus que tout autre genre la nature dynamique de l'Ecriture, par laquelle s'exprime la pédagogie divine. En effet, si l'ensemble d'une correspondance exprime la pensée de son auteur, chacune des lettres prise isolé- ment reflète un moment de cette pensée et correspond en principe aux préoccupations actuelles des deux interlocuteurs. Ainsi en est-il de l'Ecriture où chacun des livres correspond à une étape de la Révélation voulue par Dieu. La Bible est en effet dominée par ce souci éducatif de Dieu qui conduit progressivement l'humanité de l'abîme où elle s'était précipitée vers le salut[24]". Quel honneur pour les Ecritures de nous mettre sur le chemin du salut:

Qu'elle est douce, la lecture de l'Ecriture Sainte, plus douce que toute prairie, plus agréable que le paradis, surtout lorsque la science s'ajoute à la lecture. Les prairies, la beauté des fleurs, le feuillage des arbres...délectent la vue; mais après peu de jours, tout cela se flétrit.

Mais la connaissance des Ecritures affermit l'esprit, purifie la conscience, arrache les passions asservissantes, sème la vertu, rend la pensée aérienne, nous empêche d'être submergés par les vicissitudes inattendues des évènements, nous élève au-dessus des traits du diable, nous fait demeurer tout près du ciel même, délivre l'âme des liens du corps, en rend les ailes légères et fait entrer dans l'âme des lecteurs tout ce qu'on a jamais pu dire de bien.

SAINT GREGOIRE DE NYSSE.

Dans la première partie de sa vie, (vers les années 379-380), à l'époque de ses traités sur la Création et l'Hexaemeron, Grégoire, dans son exégèse, s'est montré surtout soucieux de rejoindre les évènements et le sens de l'auteur humain. Il a reconnu-et c'est ce qui avait échappé à l'école d'Alexandrie-que le sens littéral pouvait être métaphorique[25]. A cette période, il n'y avait pas pour Grégoire une lecture inévitablement spirituelle du récit de la création, tout énoncé n'étant pas à ses yeux un signe d'une réalité intelligible.

Il semble avoir évolué progressivement, selon la thèse inédite de J.E. Pfister (Maryland,USA,1964), d'une exégèse littérale vers une exégèse allégorique de type origénien (donc philonien). Enfin sont apparues dans la dernière partie de sa vie,(vers 390-395), des préoccupations morales, dans le prolongement de la haggada juive (commentaire littéral édifiant). La Vie de Moïse qu'il écrit alors se veut une amplification édifiante du texte de l'Exode, où comme par un souci de synthèse, se trouvent mis en oeuvre les deux courants d'interprétation qu'il a successivement pratiqués.

L'intérêt permanent de l'œuvre de Grégoire de Nysse, comme l'a souligné B.de Margerie[26], se situe ailleurs que dans ces évolutions. Le type de lecture de l'Ecriture auquel il nous convie "consiste plutôt à nous laisser reconnaître à quel point celle-ci était conditionnée par la liturgie et surtout par une vision théologique.

Ce que Grégoire nous rappelle,in actu exercito,c'est qu'unelecture de l'Ecriture non conditionnée par des convictions philosophiques et théologiques est difficile, sinon impossible. Si quelquefois, chez lui, l'exégèse traditionnelle détermine l'explication théologique, l'ordre inverse est plus fréquent. Le fait même de l'Incarnation, prolongé par la considération, dans la foi, des deux natures du Christ, devient la clef des explications possibles des textes particuliers, notamment - nous allons le voir de ceux de Jean et de Paul. Le but de Grégoire est de dégager l'enseignement théologique des Ecritures."


Dans la Vie de Moïse de Grégoire de Nysse, à l'exégèse tradition- nelle, s'ajoute une lecture christocentrique de l'Ancien Testament

d'inspiration paulinienne et johannique.

Textes en présence:

Epitre aux Hébreux,10,19-21:(19)Ayant donc, frères, l'assurance voulue pour l'accès au sanctuaire par le sang de Jésus,(20)par cette voie qu'il a inaugurée pour nous, nouvelle et vivante à travers le voile,-c'est-à-dire sa chair-...(21)approchons-nous avec un coeur sincère dans la plénitude de la foi, le coeur nettoyé de toutes les souillures d'une conscience mauvaise et le corps lavé d'une eau pure.

Exode,26,33:Le rideau (le voile du tabernacle) marque pour vous la séparation entre le Saint et le Saint des Saints.

Evangile selon saint Jean,3,14.15:(14)Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, aussi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme,(15)afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle.

Nombres,21,9:Moïse façonna donc un serpent d'airain qu'il plaça sur l'étendard, et si un homme était mordu par quelque serpent, il regardait le serpent d'airain et restait en vie.

Première Epître de Paul aux Corinthiens,1Co.,10,4:tous(nos pères) ont bu le même breuvage spirituel-ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c'était le Christ.

Exode,17,6:Voici que je vais me tenir devant toi, là sur le rocher (en Horeb), tu frapperas le rocher, l'eau en sortira et le peuple boira.

Exode,3,2:L'Ange de Yahvé lui apparut, dans une flamme de feu, du milieu d'un buisson. Moïse regarda: le buisson était embrasé mais le buisson ne se consumait pas.

Exode,17,12:Comme les mains de Moïse s'alourdissaient, Aaron et Hur lui soutenaient les mains, l'un d'un côté l'autre de l'autre. Ainsi ses mains restèrent-elles fermes jusqu'au coucher du soleil.

Exode,34,1:Yahvé dit à Moïse:"Taille deux tables de pierre semblables aux premières, et j'écrirai sur les tables les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées".

La Vie de Moïse de Grégoire de Nysse, en de nombreux développements se rattache à l'exégèse spirituelle de l'Exode inaugurée par Philon[27], pour qui la vie de Moïse devient le symbole de l'itinéraire mystique de l'âme (théôria). Avec notre auteur, ce courant d'interprétation en rencontre un autre qui va le charger d'une signification toute différente: la lecture christocentrique amorcée dans le Nouveau Testament, notamment chez Jean et Paul. Suivant ces deux apôtres, les évènements et institutions de l'Exode ne sont pas d'abord figures de réalités purement spirituel- les, mais plutôt d'une autre réalité historique et spirituelle tout à la fois, le Christ et l'ordre nouveau institué par Lui.

Grégoire nous a donné le principe même de sa méthode et affirmé qu'elle n'était que le développement de l'exégèse paulinienne dans un passagecaractéristiqueàproposdutabernacle(Tente du Rendez- vous).

Nous disons donc, nous aidant de Paul qui a traité ce mystère en partie et dans les paroles de qui nous trouvons un point de départ, que Moïse a enseigné à l'avance, en figure, le mystère du vrai tabernacle qui contient toutes choses, c'est-à-dire le Christ, Vertu et Sagesse de Dieu...Puis donc que Paul a dit que le voile du tabernacle intérieur était la chair du Christ(He,10,20), il sera de bonne méthode d'étendre cette explication partielle au tout: les énigmes du tabernacle s'éclairent alors par la parole même de l'Apôtre.

Ainsi,non seulementle serpent d'airain oule rocher-comme chez Jean (3,14.15) ou Paul (1 Co.,10,4)-mais encore le buisson ardent (Ex.,3,2), la prière de Moïse les bras étendus (Ex.,17,12), la restauration des tables brisées ( Ex.,34,1) deviennent autant de symboles christologiques. De même la transfiguration du visage de Moïse est rapportée au Christ, non d'ailleurs à la transfiguration de son premieravènement,en compagniedeMoïse,surle montThabor, mais plutôt elle est vue comme une figure de la manifestation du Christ dans sa gloire définitive, au temps de la parousie, quand les pécheurs ne pourront pas supporter son éclat:

Celui qui a restauré les tables brisées de notre nature, les ayant transformées par le Doigt divin, n'est plus désormais à la portée des yeux des indignes, mais il leur est inaccessible, à cause de l'excès de sa gloire. Ensuite, lorsqu'il viendra, comme dit l'Ecriture, dans sa gloire et tous ses anges avec lui, c'est à peine si les justes pourront le regarder et le contempler.

Ainsi, lisant l'Ecriture dans le contexte d'une conviction bien enracinée, à savoir que la Bible a pour but de manifester les deux natures du Christ[28], la particularité de Grégoire de Nysse consiste à mettre au service de cette conviction le principe de l'akolouthia (ordonnancement) d'une logique humaine révélatrice d'une Logique divine. Le mystère de l'Incarnation rédemptrice renforce ainsi la possibilité qu'a l'intelligence humaine à travers les choses sensi- bles, par analogie, de s'élever à la contemplation des attributs de Dieu, de passer de la considération des êtres à celle de l'Essence divine, le Celui qui Est[29].


CYRILLE D'ALEXANDRIE.

Evêque et docteur de l'Eglise, il était neveu de l'évêque Théophile d'Alexandrie.La première partie de l'épiscopat de Cyrille[30] qui débute en 412 est marquée par la lutte contre les Juifs (expulsion de leur communauté), les païens et les hérétiques. La sévérité qu'il déployalaissa supposer à certainsdeses contemporains,sansdoute à tort,qu'il avait trempé dans le meurtre d'Hypathie(415)[31]. Il semble que,tout comme son oncle Théophile,que l'on surnommait "le Pharaon", Cyrille ait parfois abusé du pouvoir immense que lui donnait son titre d'évêque d'Alexandrie. Pendant la décennie qui suivit, Cyrille put jouir d'une plus grande tranquillité et s'adonna à la composition de nombreux ouvrages d'érudition biblique et de théologie[32].

Une exégèse christocentrique jusque dans sa méthode.

Cyrille, héritier de la tradition exégétique de l'Eglise d'Alexandrie, y introduit cependant d'importantes nuances nouvelles. Il reprend les grandes catégories de ses prédécesseurs: sens littéral et sens spirituel, but (skopos), approche raisonnée des mystères (gnose), au sein d'une forte concentration christologique:

Le but de l'Ecriture inspirée est de signifier le mystère du Christ au moyen d'objets sans nombre.On peutl'assimiler à une magnifique cité quipossède non pas une, mais plusieurs images de son Roi, toutes exposées publique- ment partout. L'Ecriture ne néglige rien pour atteindre ce but...Si le sens littéral contient quelque chose de laid, rien n'empêche l'Ecriture de s'en servir d'une manière élégante. Son but n'est pas de nous exposer les vies des patriarches. Loin de là. Mais plutôt de nous communiquer une connaissance de son mystère de salut, par le moyen duquel la parole qui le concerne devient claire et vraie.

Pour Cyrille, dans ce texte, le sens littéral est clairement au service du sens spirituel: tout concourt à la connaissance du mystère du salut, qui est le Sauveur, le Christ lui-même. Plus précisément, la distinction entre sens littéral et sens spirituel se fait avant tout, non sur les intentions de l'auteur humano-divin, mais sur les objets qu'il prend en considération: appartient au sens littéral ce qui est humain, au sens spirituel ce qui est divin. L'Auteur humain s'intéresse aux pensées des hommes,l'Auteur divin à celles de Dieu. Le premier considère aussi bien les réalités perçues par les sens que les traits et activités caractéristiques de l'être humain, prises soit individuellement soit collectivement. Au contraire, le second vise tout ce qui se rapporte aux dogmes divins et aux mystères (à tout ce que Pie XII appelait "le sens littéral théologique", dans son Encyclique Divino Afflante Spiritu). Le sens spirituel est toujours, pour Cyrille, d'une manière ou d'une autre, relatif au mystère du Christ: "toute contemplation spirituelle regarde vers le mystère du Christ" (un sens scripturaire sans relation avec le mystère du Christ ne peut être que littéral). Dans cette vision spirituelledusens spirituel(theôriapneumatiké[33]) des Ecritures, l'esprit humain est aidé par l'Esprit divin à "dépasserle masque delalettre etl'ombre des réalités apparentes".

Cette vision spirituelle du sens spirituel des Ecritures est, pour Cyrille, reprenant avec ses nuances personnelles les enseigne- ments de Clément et d'Origène, un charisme et une gnose, une révélation qui enrichit l'esprit de l'exégète en lui communiquant la connaissance de la vérité. Par la gnose, "raisonnements qui nous mettent en mesure de savoir que le Christ est Dieu et qu'il est vraiment et réellement le fils de Dieu"[34], nous accédons à la vision de Dieu. Par cette dernière et en elle, pour peu que nous soyons croyants et soumis au Christ, l'Inaccessible se rend accessible. Aussi l'évêque d'Alexandrie ne cesse-t-il de demander à Dieu, pour lui-même comme pour ses auditeurs, ce don si précieux de la gnose biblique. L'attribution qu'il fait aux prêtres du rôle "d'illuminateurs bibliques"[35], implique cette même espérance.

Cyrille, lecteur chrétien de l'Ancien Testament.

Textes appelés:

Evangile selon saint Luc24,25-27: (Paroles du Christ ressuscité aux pélerins d'Emmaüs) :« (25)Alors il leur dit: "O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes!(26)Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire?"(27)Et commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il interpréta dans tourtes les Ecritures ce qui le concernait ».

Luc 24,44 (Dernières instructions du Christ ressuscité aux Apôtres) :

« Puis il leur dit: "Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous: il faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes."

Deuxième Epitre de Paul aux Corinthiens,3,16.17:« (16)C'est quand on se convertit au Seigneur que le voile est enlevé.(17)Car le Seigneur, c'est l'Esprit, et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté ».

Deutéronome,27,2: Moïse et les anciens d'Israël donnèrent cet ordre au peuple...Lorsque vous passerez le Jourdain pour vous rendre au pays que Yahvé ton Dieu te donne, tu dresseras de grandes pierres, tu les enduiras de chaux.(On sait par le Livre de Josué, en 4,4, qu'elles étaient au nombre de douze, une par tribu).

Ce qui a déjà été dit montre que la lecture de l'Ancien Testament de Cyrille n'est pas seulement chrétienne, mais surtout telle. Pas seulement, puisqu'il admet qu'un certain nombre de passages ne comportent pas de sens spirituel, ni d'allusion au mystère du Christ. Mais surtout chrétienne, car, pour lui, successeur des Apôtres au patriarcat d'Alexandrie,c'est bien son charismeprophétique d'exégète de l'Ancien Testament que le Christ ressuscité lui a communiqué en ouvrant son esprit au Sien (cf. Luc,24,27.44). Comment comprendre autrement ce que dit Cyrille: <Une fois le Christ incarné, mort et ressuscité, une fois consommée toute son économie parmi nous, quelle occasion y a-t-il encore de prophétie ou de prédiction? Dès lors, prophétiser n'est donc rien d'autre que la faculté d'interpréter les textes et les symboles de la Bible.> Le prophète chrétien n'est-il pas celui qui a reçu le charisme de reconnaître l'accomplissement des prophéties de L'Ancien Testament dans le Nouveau ?

La loi ancienne était une illumination accompagnée de ténèbres, contrastant avec "les rayons sans mélange irradiés par le Soleil de Justice, l'Etoile du Matin, le Christ. Elle continue d'éclairer d'une lumière lunaire, quoique l'Evangile brille dans la splendeur solaire du midi, grâce au Christ qui manifeste, dans l'Esprit, sa connaissance de la Loi et des Prophètes". De cette lumineuse interpréta-ion de la Loi ancienne par le Christ Jésus, nous avons besoin, car la Loi de Moïse a été enténébrée par les ombres procédant de la lettre. Le texte de Paul, en 2Cor.,3,16-17, suggère à Cyrille que "le Seigneur montre la vraie face de la loi (celle qui a été glorifiée) aux sages sanctifiés en esprit et rendus illustres par la foi au Christ". L'activité illuminatrice du Christ est inextinguible, car elle est perpétuée dans l'Eglise par les apôtres, les évangélistes, les didascales[36] et les prêtres de tous les temps, devenus à leur tour des astres capables d'illuminer ceux qui vivent dans les ténèbres.


L'exégèse christocentrique de Cyrille l'amène à voir en Moïse un super-prophète du Christ.

Dans le contexte christique qui était celui choisi par Cyrille, la figure prophétique de Moïse se devait d'être exaltée[37]. Ce serviteur modèle n'avait-il pas vu à l'avance la gloire du Christ: "Satan conquis,les lépreux guéris,la mer calmée d'un mot"?A l'évidence, le législateur d'Israël avait lui-même compris que la loi ne justifie personne et que seul le Christ libèrera le monde de ses chaînes et introduira les croyants dans l'Eglise. Moïse, pour Cyrille, a connu jusqu'au symbolisme de ses propres actions:ainsi les douze pierres érigées pour les douze tribus d'Israël (cf.Deutéronome,27,2) évoquaient à l'avance pour Israël les douze apôtres et l'universelle Eglise du Christ. Moïse apparaît donc, pour Cyrille, comme un super-prophète du Christ.

"Le même Cyrille, par ailleurs, ne se lasse pas de souligner à quel point Moïse a besoin du Christ pour son propre salut et à quel point toute sa grandeur s'éclipse devant celle du Christ. Aucune contradiction en ces diverses approches: c'est à cause du Christ que Moïse est doué d'une connaissance extraordinaire dont l'objet transcende le sujet. Ce qui est plus paradoxal, c'est que Moïse est doué, aux yeux de Cyrille, d'une science prophétique dont le Christ pré-pascal, en son humanité, ne semble pas, pour lui, si clairement pourvu.

Par rapport àl'ancienne écoled'Alexandrie(Clément,Origène), l'exégèse vétéro-testamentaire de Cyrille marque un progrès décisif sur deux points: non seulement, comme il a été déjà souligné, Cyrille reconnaît que certains textes de l'Ancien Testament ne présentent pas de sens spirituel, mais encore-corollaire nécessaire -il admet, à l'instar de Grégoire de Nysse, l'existence d'un sens littéral métaphorique. On serait tenté de dire que sa méthode représente une synthèse des meilleurs éléments des deux écoles d'Antioche et d'Alexandrie.

Cyrille apparaît ainsi comme le sceau des Pères, le sceau qui vient sceller et parfaire la doctrine des Pères antérieurs et notamment d'Athanase.Il est avant tout et demeureral'exégète de la Glorieuse

nature divine du Christ qui brille à travers son humanité: sous l'action de l'Esprit Saint, la theôria pneumatikè ramène sans cesse l'exégète à la vision dans la foi, de la gloire et de la divinité du Christ, Fils de Dieu, plus encore que Fils de l'homme.[38]"

AMBROISE.


Par Moïse la Loi, car dans la trichotomie ombre-image-vérité, l'ombre est par l'homme.

Après avoir fait remarquer que cette trichotomie rapportée à la Loi n'a que son premier terme au sein de l'Ancien Testament, nous pensons qu'il est opportun de soumettre ici ce type d'exégèse au lecteur, d'autant plus qu'il l'a déjà rencontré chez Origène.

L'aptitude d'Ambroise à utiliser le schéma ternaire et à dépasser les limites étroites de l'espace-temps pour universaliser et spiritualiser, retrouve ici une nouvelle application. Ambroise aura pu ainsi procurer à ses fidèles une vue d'ensemble de l'Ancienne Alliance et de la Nouvelle.

Textes en présence:

Evangile selon Saint Jean,1,17: "Car la Loi fut donnée par l'entre- mise de Moïse, la grâce et la vérité advinrent par l'entremise de Jésus-Christ".

Epître aux Hébreux,8,5: "Ceux-là (les grands prêtres) dans leur offrande des dons et des sacrifices assurent le service d'une copie et d'une ombre des réalités célestes, ainsi que Moïse quand il eut à construire la Tente, en fut divinement averti. Vois, est-il dit en effet, tu feras donc d'après le modèle qui t'a été montré sur la montagne".

Epître aux Hébreux,10,1: "N'ayant, en effet, que l'ombre des biens à venir, non l'image première des réalités, la Loi est absolument impuissante avec ces sacrifices toujours les mêmes, que l'on offre perpétuellement d'année en année, à rendre parfaits ceux qui s'approchent de Dieu".

Epître de Paul aux Colossiens,2,16-17: "Dès lors que nul ne s'avise de vous critiquer sur des questions de nourriture et de boisson, ou en matière de fêtes annuelles, de nouvelles lunes ou de sabbats. Tout cela n'est que l'ombre des choses à venir, mais la réalité c'est le corps du Christ".

L'ombre de la Loi ancienne.

"Loin de mépriser l'Ancien Testament, Ambroise veut au contraire initier à sa lecture allégorique et chrétienne, sans porter préjudice à son sens littéral et historique. Pour lui, la considération de la-sévérité-de l'Ancienne Alliance,estune préparation nécessaire à celle de la-mansuétude-de la Nouvelle. L'ombre et la lettre de l'Ancienne Alliance, sous l'action du Verbe, préparent sans cesse l'image de la Nouvelle, orientant à travers l'agir d'une éthique chrétienne, vers les mystères des sacrements et la vérité totali- sante de l'éternelle vie.

Ombre-image-vérité, nous connaissons en effet, selon la Loi, ces trois réalités: l'ombre dans la Loi, l'image dans l'Evangile, la vérité dans le jugement. Elles sous-tendent largement les sens littéral, moral et mystique sur lesquels Ambroise s'étend si souvent"[39].

L'image de la Loi Nouvelle et les Biens Futurs.

L'image,ce deuxième élément de la trichotomie,est interprété dans le contexte eschatologique de la première épître aux Corinthiens (1 Co.13,12):

"Car nous voyons à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je connais d'une manière partielle, mais alors je connaîtrai comme je suis connu".

ainsi que dans celui de l'Epître aux Hébreux (He.9,23-24):

"Il est donc nécessaire,d'une part que les copies des réalitéscéles- tes soient purifiées de cette manière, d'autre part que les réalités célestes elles-mêmes le soient aussi, mais par des sacrifices plus excellents que ceux d'ici-bas.

Ce n'est pas, en effet, dans un sanctuaire fait de main d'homme, dans une image de l'authentique, que le Christ est entré, mais dans le ciel lui-même, afin de paraître maintenant devant la face de Dieu en notre faveur".

"A présent, nous voyons dans un miroir de façon confuse. Mainte- nant nous militons selon la chair, alors nous verrons par l'esprit les divins mystères. Et que donc soit exprimé dans nos mœurs le caractère de la vraie loi, dans nos mœurs à nous qui marchons dans l'image de Dieu; puisque déjà l'ombre de la Loi a passé: l'ombre était pour les Juifs charnels, l'image pour nous, la vérité pour ceux qui doivent ressusciter.

Mais tout est au Christ et tout est dans le Christ, dans ce Christ que maintenant nous ne pouvons voir selon la vérité; mais nous le voyons comme dans une certaine image des biens futurs, dont nous avons aperçu l'ombre dans la Loi. Donc le Christ n'est pas l'ombre, mais l'Image de Dieu: non une Image vide, mais la Vérité. Et donc par Moïse la Loi, parce que l'ombre est par l'homme, la figure par la vraie loi, tandis que la vérité est par Jésus (celle par laquelle nous parviendrons à la totale Vérité de la vision face à face et de la résurrection du corps glorifié)"[40].

AUGUSTIN.

Originaire d'Afrique du Nord, le jeune Augustin[41] était doté de solides qualités intellectuelles qui lui permirent d'aborder des études supérieures. Son père mort, il ne put les poursuivre que grâce à la générosité d'un ami de sa famille. Il acheva donc le cursus de toute éducation libérale antique à Carthage, métropole de l'Afrique romaine. D'une culture plus littéraire que philosophique, il s'appliqua à l'acquisition de la rhétorique, cet art de parler en public de façon à convaincre et séduire ses auditeurs. Contraint de faire vivre sa famille, il devint professeur, ouvrit une école dans sa ville natale puis occupa à Carthage l'emploi officiel de rhéteur.

A vingt neuf ans, il s'établit à Rome et, grâce à des amis bien placés, il obtint un an après, une chair de rhétorique à Milan. C'est dans cette ville où sa mère l'avait rejoint que s'acheva son évolution spirituelle. Tout jeune, il avait été inscrit un certain temps parmi les catéchumènes, puis avait adhéré à la secte de Mani. Les Manichéens l'avaient attiré parce que,rationalistes,ils prétendaient introduire l'esprit à la foi en lui donnant d'abord l'intelligence.

"Si, las d'une église où l'intelligence promise ne vint jamais, Augustin se détacha finalement de la secte, ce fut pour s'abandonner à l'aimable scepticisme de Cicéron (il découvrit son Hortensius àl'âge dedix neuf ans);etlorsqu'il émergea decescepticismegrâce à Plotin, ce fut pour découvrir bientôt que tout ce qu'il y avait de vrai dans le néo-platonisme était déjà contenu dans l'Evangile de saint Jean et dans le Livre de la Sagesse, plus bien des vérités que Plotin lui-même n'avait jamais connues. Ainsi, tandis qu'il la cherchait vainement par la raison, la philosophie était là, qui l'attendait et s'offrait à lui par la foi...En ce sens, on pourrait sans inexactitude résumer toute l'expérience d'Augustin dans le titre qu'il a lui-même donné à l'un de ses ouvrages: "De l'utilité de croire", même pour assurer la rationalité de la raison. S'il répète sans cesse la parole d'Isaïe "sans foi, pas d'intelligence", c'est parce qu'elle est l'exacte formule de son expérience personnelle.[42]"

Après une retraite de plusieurs mois à Cassiciacum (ville des environs de Milan), il se fit baptiser par Ambroise, archevêque de Milan, à l'âge de trente trois ans. Un an plus tard, il décida de rejoindre l'Afrique en compagnie de sa mère. Celle-ci, malade, décéda à Ostie sur le chemin du retour. Ayant regagné sa ville natale, il vendit ses biens au profit des pauvres, puis se fixa à Hippone (aujourd'hui Annaba). Il fut ordonné prêtre à trente huit ans et, cinq ans plus tard il fut nommé au siège épiscopal de cette ville.

Devenu évêque, Augustin gouverna et enseigna son peuple(cinq cents sermons ont été conservés); contreversiste, il défendit la foi catholique contre tousleshérétiquesdel'époque,lesmanichéens[43], les donatistes[44], les pélagiens[45]; apologiste,dans sa Cité de Dieu,il défendit et continue de défendre le christianisme contre les reproches des païens. Accomplissant tout cela, il tenta de dégager le sens surnaturel de l'histoire.

Théologien et philosophe, il a multiplié les traités doctrinaux (au-delà de la centaine),s'intéressant à tous les grands problèmes dogmatiques, moraux, ascétiques et mystiques.Outre sesConfessions qui en sont une longue relation, près de trois cent lettres ont été conservées dont plus de cinquante appartiennent à ses correspon- dants. Toute sa pensée resta centrée sur deux problèmes essentiels: Dieu et le destin de l'homme, perdu par le péché, sauvé par la grâce. Comme le rappelle M. Meslin[46], son éminente personnalité a rayonné dans toute la chrétienté de son temps:

"C'est un romain d'Afrique qui, dans une constante fidélité à la civilisation romaine, a vécu l'effondrement de l'Empire d'Occident.

Contemporain des efforts de Rome pour arrêter le flot sans cesse grossissant des invasions barbares, il connaîtra la prise de Rome en 410 et mourra vingt ans plus tard face aux Vandales venus de Silésie. Il fut le grand témoin de ce siècle d'or que fut le IVème pour l'Eglise chrétienne. Dans un Empire officiellement chrétien, il fut la seule voix autorisée."

L'autorité des Ecritures.

Avant même de développer son actionausein del'Eglise d'Afrique, Augustin s'est attaché à préciser le concept d'autorité des Ecritures, affirmée à la fois comme un fait social et universel et comme un droit reçu de Dieu, leur auteur: le caractère divin du suprême Auteur détermine l'autorité de cette Ecriture qui est tout à la fois Livres et Lettres (Epîtres). Mais cette autorité s'explique aussi par les deux sens, littéral et spirituel, que présente cette littérature sacrée: s'offrant à tous en sa lettre, l'Ecriture réserve la dignité de son mystère intime, de son sens spirituel,"à l'attention d'une interprétation plus profonde".

Tu m'as persuadé que ce n'était pas ceux qui croyaient à tes Livres, dont tu as si fermement fondé la haute autorité dans presque toutes les nations, mais ceux qui n'y croyaient pas, qu'il fallait accuser de faute. Et qu'il ne fallait pas écouter ceux qui me diraient peut-être: "D'où sais-tu que ces livres ont été procurés au genre humain par l'Esprit du seul Dieu de vérité et de parfaite véracité ?"

Oui, voilà surtout ce qu'il fallait croire, puisque nul âpre conflit

d'objections calomnieuses, à travers les opinions si nombreuses que j'avais lues des philosophes opposés entre eux[47], n'a jamais pu m'arracher le refus de croire que tu "es"-quoi que tu fusses, car je ne le savais pas-ou que le gouvernement des choses humaines relève de toi...J'ai toujours cru et que tu es et que tu prends souci de nous, même si j'ignorais, soit ce qu'il faut penser de ta substance, soit quelle est la voie qui mène ou qui ramène à toi.

Ainsi puisque nous étions sans force pour trouver la vérité par un raisonnement limpide, et que pour ce motif nous avions besoin de l'autorité des saintes Lettres, j'avais déjà commencé à croire que, d'aucune façon, tu n'aurais accordé à cette Ecriture une autorité aussi prépondérante sur toute la terre si tu n'avais pas voulu et que par elle on crût en toi et que par elle on te cherchât.

Car déjà l'absurdité qui me choquait d'habitude dans ces Lettres je l'attribuais,après avoir entendu sur bien des passages des interprétations plausibles, à la profondeur de leurs vérités mystérieuses. Et cette autorité de l'Ecriture m'apparaissait d'autant plus digne de foi sacrée qu'elle était à portée de lecture pour tous et réservait en même temps la dignité de son mystère à uneinterprétation plus profonde;danslestermesles plus simples, dans le style le plus humble, elle s'offrait à tous et elle exerçait aussi l'attention de ceux qui ne sont pas légers de coeur, afin d'accueillir tous les hommes dans son sein ouvert à tous[48].


L'exégèse d'Augustin est dominée par le principe selon lequel la charité est l'âme et la fin de l'Ecriture tout entière.

Textes en présence:

Epître aux Romains,13,10: La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude.

Première Epître de Paul à Timothée,1,5: Cette injonction ne vise qu'à promouvoir la charité qui procède d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans détours.

Première Epître de saint Jean,4,8.16:(8)Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour.(16)Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est Amour: celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.

Deutéronome,6,5: Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir.

Lévitique,19,18: Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis Yahvé.

Evangile selon saint Matthieu,22,37-39:(37)Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit.(38)Voilà le plus grand et le premier commandement.(39)Le second lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Exode33,13:Si donc j'ai trouvé grâce à tes yeux, daigne me faire connaître les voies pour que je te connaisse et que je trouve grâce à tes yeux...

Nombres12,6-8:(6)Yahvé dit: Ecoutez donc mes paroles:
S'il y a parmi vous un prophète
c'est en vision que je me révèle à lui,
c'est dans un songe que je lui parle.
(7)Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse,
toute ma maison lui est confiée.
(8)Je lui parle face à face
dans l'évidence, non en énigmes,
et il voit la forme de Yahvé...

Première Epître aux Corinthiens13,12: Car nous voyons,à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je connais d'une manière partielle; mais alors je connaîtrai comme je suis connu.

C'est sans doute en 397, dès le début de son épiscopat à Hippone, qu'Augustin exprima clairement dans son De Doctrina Christiana, le principe fondamental qui dominera toute son exégèse: la charité est l'âme et la fin de l'Ecriture tout entière.

Le point capital de tout ce que nous avons dit...est de comprendre que la plénitude et la fin de la loi(Rom.13,10;1Tim.1,5)comme de toutes les divines Ecritures, c'est l'amour, l'amour de l'Etre dont nous devons jouir et de l'être qui peut en jouir avec nous ...

Quiconque s'imagine avoir compris les Ecritures ou du moins une partie quelconque d'entre elles sans édifier, par leur intelligence ce double amour de Dieu et du prochain, ne les a pas encore comprises. Mais quiconque, d'autre part, tire de son étude une idée utile à l'édification de la charité, sans rendre pourtant la pensée authentique de l'auteur, dans le passage qu'il interprète, ne fait pas d'erreur pernicieuse...En tout cas, quiconque, dans les Ecritures, pense autrement que l'écrivain, se trompe, vu qu'elles ne mentent pas. Pourtant...s'il se trompe tout en donnant une interpréta- tion qui édifie la charité, fin du précepte, il se trompe à la façon d'une personne qui, par erreur, abandonnerait la route et poursuivrait sa marche à travers champs, vers le point où, d'ailleurs, cette route conduit.


La fin de toutes les divines Ecritures, c'est l'amour.

Telle est l'intuition fondamentale qu'Augustin a eu le mérite de dégager des Ecritures comme clef de leur interprétation. Pensée simple et profonde: le Dieu qui est Amour (1,Jean 4,8.16), en devenant écrivain et en inspirant des écrivains, ne peut qu'aimer et vouloir que l'on aime.Le commandement d'aimer s'adresse àl'écrivain sacré comme tel: son écrit (pour être digne du divin auteur qui l'inspire) devra naître de l'amour, être orienté vers l'amour de Dieu et du prochain.

Ce commandement d'aimer, l'exégète le reçoit à son tour, comme origine, objet et fin de son exégèse:

-à l'origine de toute exégèse, en effet, se trouve la charité; c'est par amour pour Dieu et pour le prochain (saints Anges et hommes) que l'Ecriture, don de l'amour divin, doit être interprétée.

-objet de l'exégèse, cette charité divine est à découvrir par l'exégète dans les différentes parties de l'Ecriture, notamment dans les intentions des auteurs inspirés.

-enfin, "si l'amour est la fin de toutes les Ecritures", il doit être aussi la fin de toute activité d'interprétation de celles-ci (herméneutique), grâce à laquelle l'exégète s'efforce de croître dans la charité.

La manière dont Augustin présente l'insertion de la loi de l'amour dans le Nouveau Testament et l'Ancien est pour nous du plus haut intérêt:dans le Nouveau Testament,comme nous venons delevoir, il s'appuie directement sur Paul dans son Epitre aux Romains (en 13,10) et dans sa première Epître à Timothée (en 1,5).

Dans l'Ancien Testament, il insinue la conclusion que Moïse, subjectivement, écrivait par et pour l'amour de tous les hommes. Bien que les points d'appui scripturaires fassent défaut, Augustin n'en a pas moins souhaité développer positivement ce thème, et il l'a fait en tout premier lieu, dans ses Confessions:

C'est en vue de ces deux préceptes de la charité que Moïse a pensé tout ce qu'il a pu penser dans ces livres; si nous ne le croyons pas, nous faisons mentir le Seigneur, en prêtant à son serviteur notre compagnon (conservi), un sentiment différent de celui que le Maître a inspiré.

Propos irréfutables et où l'on peut constater qu'Augustin, en précisant que "la charité est le but de tout ce que Moïse a dit", entend cette charité au même sens où Jésus la comprenait (cf. Matthieu, 22,39). Jésus unifie ainsi toute la morale , et comme le fait remarquer C. Spicq[49],(l'a-t-on assez fait remarquer?) "la merveille est que Jésus ait exprimé cette conception à partir du texte même de l'Ancien Testament" (Dt.,6,5 et Lév.,19,18).

D'où l'attribution à Moïse d'une charité néo-testamentaire que l'évêque d'Hippone a tenu à préciser dans son commentaire du Psaume138,28; il y réfutait par avance des objections que pour-raient faire naître certains agissements du prophète: "Comment Moïse, serviteur de Dieu et qui appartenait par l'esprit au Nouveau Testament, haïssait-il les pécheurs, lui qui priait pour eux? Et comment ne les haïssait-il pas, lui qui leur donnait la mort, sinon parce qu'il les haïssait d'une haine parfaite? En ceci consistait cette perfection: il haïssait l'iniquité qu'il punissait et aimait l'homme pour qui il priait".

Qui plus est, pour Augustin, tel qu'il l'exprime dans sa Cité de Dieu, Moïse situait la loi de l'amour du prochain dans le contexte de la bénédiction promise à Abraham en faveur de toutes les nations et, par conséquent, dans un contexte universel.

Toutes ces précisions étant apportées, il semble bien, selon le Père Bertrand de Margerie, que rien ne s'oppose à retenir le principe fondamental de l'exégèse dégagée par Augustin:

"Oui, la fin ultime à laquelle Dieu veut conduire tous les hommes à travers les Ecritures, même de l'Ancienne Alliance, est l'amour de tous ceux qui peuvent jouir de Lui-même-la double charité.

En quel sens peut-on qualifier d'ultime la finalité de la double charité par rapport aux Ecritures divines et humaines?

En un triple sens:

Tout d'abord-premier sens-le but dernier poursuivi par Dieu à travers le don des Ecritures immortelles est de conduire les hommes mortels vers un amour immortel à Son égard et à l'égard de tous ceux qui peuvent jouir éternellement de Lui, au sein de la vision face à face. Mais aussi de les conduire ici-bas, au sein de la Révélation de la nouvelle et éternelle Alliance, à l'exercice du double amour universel, allant jusqu'à aimer les ennemis en Dieu et Dieu en eux.

Puis-et voici le second sens-la double charité est la plénitude, l'accomplissement et la fin de toutes les Ecritures et de toute la Loi de l'Ancienne Alliance pour tous ceux qui, dès à présent, au sein de la vision éternelle du Dieu éternel, aiment parfaitement en Dieu tous ceux qui sont encore capables de les y rejoindre, grâce à la Révélation contenue dans les Ecritures. Moïse et les saints Prophètes, y ont certainement part.

Enfin, troisième sens, si l'on pense avec Augustin que Moïse a joui ici-bas, de manière transitoire, d'une vision face à face de l'Etre divin[50], accordée tout spécialement en faveur de l'Eglise universelle,on peutadmettre que le Législateur-Prophète de la Loi ancien- ne a connu en cette vision les interprétations futures de la Loi; il les aurait ainsi connues, non seulement de celle qu'il promulguait mais tout spécialement de la loi nouvelle que donnerait Jésus universalisant jusqu'aux ennemis l'amour du prochain.

On peut donc penser que Moïse a voulu pratiquer une charité atteignant jusqu'à ses ennemis, et la pratiquer dans le Christ à l'égard de tous ceux qui pourraient jouir de Dieu avec lui. C'est bien ainsi qu'Augustin a compris le rôle et la mission du prophète lorsqu'il déclare: le "très fidèle serviteur de Dieu" a mérité de voir le Seigneur"[51].


L'économie temporelle au service de la charité.

Le passage-clef définissant la fin des Ecritures comme étant la double charité est presque immédiatement suivi par une autre assertion capitale: "pour nous rendre possible cet amour, la divine Providence a créé pour notre salut toute l'économie temporelle" que sont les sacrements et les Ecritures de l'Eglise de notre temps. "Nous pouvons par suite aimer tous ces objets qui nous portent, à cause du but vers lequel nous sommes portés". En termes clairs: nous aimons l'Ecriture à cause du Christ et de la vision béatifique, au sein de laquelle elle aura disparu.

La charité qui est la fin des Ecritures porte sur un Etre qui ne connaît pas de fin et qu'elle espère posséder sans fin. C'est dire assez quel'histoire dusalut est toute polarisée parlatranscendance du Verbe de laquelle elle vient. Si l'on élimine cette transcendance, la charité disparaît faute de source et d'objet. Et avec elle l'histoire du salut, comme le salut lui-même.

Quant au prochain dont l'amour finalise l'Ecriture, il ne sera définitivement tel que si nous acceptons d'aimer pour toujours le Christ en son Eglise et avec elle,car elle est communion,"communauté de foi d'espérance et de charité"(Lumen Gentium,8). C'est pour- quoi, comme le dit Augustin, la charité accomplissant les Ecritures est une charité croyante et espérante:

Lorsque chacun aura appris que la fin de la loi est la charité, "née d'un cœur pur, d'une conscience droite et d'une foi non feinte (1Tim.,1,5) et qu'il rapportera à ces trois dispositions toute l'intelligence des Ecritures, il pourra aborder en toute sécurité l'étude des Livres sacrés. Après avoir dit "la charité", l'Apôtre a ajouté, "née d'un coeur pur" pour qu'on n'aime rien d'autre que ce qu'on doit aimer. Il y a joint, d'autre part, "d'une conscience droite" et c'est à cause de l'espérance. Car celui qui a le remords d'une mauvaise conscience désespère de parvenir à ce qu'il croit et aime. L'Apôtre a dit en troisième lieu: "d'une foi non feinte". Car, lorsque notre foi ne comporte pas de mensonge, nous n'aimons pas ce qui ne doit pas être et, menant une vie droite, nous espérons que notre espérance ne sera, en aucune manière, trompée.

Dans ce texte de l'évêque d'Hippone nous voyons que, d'une part, sans foi pas de charité, un peu comme l'exercice de l'intelligence conditionne celui de la volonté; mais aussi, d'autre part, sans espérance, pas de persévérance dans la charité, car l'exercice soutenu de la charité suppose que l'on puisse escompter mériter sa récompense... Ainsi que les Ecritures le disent, c'est seulement si l'on possède et exerce les trois vertus théologales que l'on peut aborder utilement pour la vie éternelle-l'exégèse des Livres Saints.

L'exercice des trois vertus théologales, comme moyen de dépasse-ment des images terrestres du texte de l'Ecriture.

De cette même finalisation en la charité, Augustin a dégagé les implications sur notre façon d'interpréter le langage biblique. Il voit dans cette même foi, cette même espérance, cette même charité accompagnant la lecture de l'Ecriture, le moyen d'opérer un dépas- sementdesimages terrestres queletexte inspiré véhicule.Soucieux de ne pas "prendre une expression figurée (métaphorique), pour une expression au sens propre (littéral)" et d'éviter le péril inverse, Augustin dégage de son principe fondamental une conséquence logique; il le fait dans ce texte structuré selon une double opposition: sens propre et sens figuré, cupidité et charité:

Tout ce qui, dans la parole divine,ne peut se rapporter,pris au sens propre, ni à l'honnêteté des moeurs, ni à la vérité de la foi, est dit-sachez-le bien- au sens figuré. L'honnêteté des moeurs a pour fin l'amour de Dieu et du prochain, la vérité de la foi, la connaissance de Dieu et du prochain. Quant à l'espérance, elle est pour chacun , dans sa conscience personnelle, le degré où il se sent avancer vers l'amour et la connaissance de Dieu et du prochain...L'Ecriture ne prescrit que la charité et ne condamne que la cupidité. Et c'est par ce moyen qu'elle forme les moeurs des hommes...Elle n'affirme que la foi catholique, en ce qui touche les réalités passées, futu- res et présentes. Elle est récit du passé, annonce de l'avenir, description du présent. Mais tout son enseignement n'a qu'un but: nourrir et fortifier cette même charité, vaincre et éteindre la cupidité.

Dans ce texte, le langage biblique est vu comme un ensemble de signes qui spécifient deux attitudes inséparables: la condamnation de la cupidité (amour désordonné de soi) et l'exaltation de la charité (amour ordonné de Dieu, du prochain et de soi-même)[52]. Tous les signes sont orientés vers cette double nécessité. Si donc une parole divine ne présente pas, lorsqu'elle est prise au sens propre, un sens dans la ligne de ce double horizon, il convient de l'interpréter comme une figure. Ainsi:

Tout ce qu'on lit de dur et, pour ainsi dire, de cruel dans les actes et les paroles mis par les Saintes Ecritures surle compte de Dieu etde ses saints, a pour but de détruire le règne de la cupidité.

Les actes et les paroles considérés prétendûment parlesignorantscomme les turpitudes et mises au compte, soit de Dieu, soit des hommes dont on nous vante la sainteté, sont entièrement figurés. Et leur sens secret ne peut être dévoilé que pour servir d'aliment à la charité.

Les paroles dures que transmet l'Ecriture au nom de Dieu devien- nent donc des paroles d'un amour crucifiant la concupiscence et sont, à ce titre, retenues comme divines parce que vues comme aimantes. Au contraire, ne peuvent être que figurées et figuratives d'une secrète charité, les narrations attribuant à Dieu des dires et des agirs qui, aujourd'hui, nous semblent à nous, vivant sous la nouvelle Alliance, des turpitudes! On le voit, le même principe aboutit à des conséquences antithétiques.

La vision face à face pensée comme une synthèse de toutes les exégèses faites sur les paroles de Moïse.

" Pour Augustin, la synthèse terrestre des exégèses d'un verset de Moïse, au cours de l'histoire de l'Eglise, constitue comme une anticipation parfaite au sein de la vision du Verbe unique vers lequel elles tendent toutes. Sa polysémie ordonnée s'oriente vers une parfaite et absolue monosémie: ne voir et n'écouter que le Verbe[53], ne dire que le Verbe.

Moïse, pour l'évêque d'Hippone, est un personnage du passé, mais aussi du présent, mais surtout de l'avenir. Augustin admire le prophète, il l'écoute, il scrute sa pensée sans la voir; quoique rien n'indique chez Augustin la conviction que l'intercession actuelle de Moïse pourrait l'aider à mieux saisir cette pensée et quoique lui-même ne l'invoque jamais, il continue de diffuser les dires de Moïse au point qu'il veut même en diffuser toutes les exégèses possibles précisément parce qu'il espère mériter ainsi la vision face à face, éternelle, dans le Verbe, de Moïse et de tout ce que Moïse a pu dire et écrire pour son salut, comme de tous les rayons de vérité qui se réfractent ici-bas à travers le prisme de sa parole inspirée...Pour l'évêque d'Hippone, le prophète Moïse est un écrivain inspiré par le même Esprit qui se donnera en visible abondance à la Pentecôte pour se donner enfin parfaitement à Moïse et à ses lecteurs ecclésaux au sein de la vision aimante de Lui-même. En Moïse se réalisait à l'avance et beaucoup mieux qu'au jour de la Pentecôte, le don humain accordé à chacun des disciples par le Don divin, langue de feu:-chacun parlait toutes les langues, annonçant l'Eglise à venir dans toutes les langues. Chaque homme était un signe d'unité: toutes les langues dans un seul homme, toutes les nations dans l'unité-. Pour Augustin, Moïse est le signe de l'unité à venir du genre humain dans la vision de la Parole de Feu et d'Amour: il unifie dans son intention d'auteur prophétique toutes les langues exégétiques, toutes les plumes vraies; en lui, l'Eglise entière proclamait le Verbe créateur et illuminateur du ciel et de la terre, pour mériter de Le voir enfin sans la médiation d'aucun verbe"[54].

MOISE CHEZ PHILON

En marge des exégèses patristiques qui précèdent, nous avons choisi de nous référer aux écrits de Jean Daniélou concernant « Moïse chez Philon ». Il lui a consacré tout un chapitre (le IVème) de son ouvrage "Sacramentum futuri". Nous en donnerons ici de larges extraits. Mais, au préalable, il nous faut présenter cet auteur et dire pour qui il a écrit. Philon qui a vécu entre 20 av.J.C. et 45 ap.J.C. est le représentant le plus éminent de l'école philosophique juive qui interpréta la Bible selon les catégories hellénistiques[55]. Il a laissé une oeuvre qui est dans sa majeure partie un vaste commentaire de la Tora.

"Cetteoeuvre est une source précieuse de renseignements sur le judaïsme de l'époque et un témoignage essentiel sur l'exégèse alexandrine de l'Ancien Testament. Elle est à la fois la somme et la résultante de ces efforts dela pensée juive affrontée àl'hellénisme, qui ont jeté un pont entre la révélation biblique et la philosophie grecque. L'éclectisme philonien interdit de parler de synthèse philosophique, il est bien plutôt une vision religieuse du monde, fidèle aux affirmations bibliques traditionnelles: grandeur du Dieu unique, élection d'Israël. Cette vision intègre nombre de concepts philosophiques puisés aux diverses écoles grecques (épicurisme excepté), sans recherche de cohérence. La culture hellénistique vient illustrer les données bibliques et, assurément, elle en transforme souvent le sens.

Philon, qui était contemporain du Christ, n'a connu ni ce dernier ni ses disciples, mais c'est pourtant grâce à des mains chrétiennes que son oeuvre a survécu[56].Ellea exercé une grande influence sur l'école chrétienne d'Alexandrie, sur Clément et Origène, et par là sans doute sur beaucoup de Pères de l'Eglise.Ceux-ci découvraient chez Philon les principes et la mise en oeuvre de l'exégèse [57].

De plus, fermement attaché à l'observance de la loi, Philon, par cette méthode, a cherché à dégager le sens intérieur et le sens profond de la loi extérieure. Ainsi son commentaire allégorique de la Genèse contient une histoire morale de l'âme humaine, depuis son origine céleste jusqu'à sa purification morale définitive.

La méthode allégorique permetà Philon de retrouver,dans l'Ancien Testament toute la philosophie hellénique ; à ses yeux, les sages de la Grèce n'ont rien dit ni enseigné que les écrivains inspirés n'aient déjà dit ou enseigné mieux qu'eux. Philon se sent donc citoyen du monde. Au lieu d'être enfermé dans les limites étroites de sa race et de sa religion, il vit et écrit en communion avec tous les sages de tous les temps. Le judaïsme tel qu'il le décrit, devient la religion spirituelle de l'humanité. En écrivant le De vita Mosis, Philon ne faisait ni oeuvre de polémiste, ni d'exégète; il proposait seulement les éléments d'une introduction à la religion juive pour des Gentils qui s'y intéressaient avec sympathie. Cette oeuvre a pu être regardée comme une esquisse simplifiée, une introduction pour profanes à l'exposition de la loi, cette loi, qui sans l'effort des Septante,serait restée longtemps lettre morte pour une grandepartie du genre humain[58].

Moïse et l'Exode.

Pour le thème de l'Exode, la figure de Moïse est au cœur de l'œuvre de Philon. Si les patriarches représentent les étapes de l'ascension vers Dieu,Moïse en présente l'accomplissement.Nous laisserons de côté le "De vita Mosis", qui reste sur le plan de l'explication littérale, pour nous attacher aux éléments rassemblés parGoodenough(Allégorie des Lois). Ce ne sont pas ici quelques types essentiels: c'est toute la suite de la vie de Moïse où Philon va nous montrer une allégorie de sa théologie. Nous n'avons rencontré nulle part jusqu'ici d'interprétation figurée de Moïse enfant exposé sur le Nil. Ceci est expliqué par Philon: "Le genre supérieur, de nature et de nom, dont le nom est Moïse, qui comme habitant du monde a fait du monde sa cité et sa patrie, englué dans le corps dont il est enduit comme dans un mélange de bitume et de poix (Ex.,2,3), gémit dès le commencement de son exis- tence à cause de sa captivité, pressé du désir de la réalité incorporelle".

Ce premier passage nous met au cœur et de la méthode de Philon et de son interprétation de Moïse. Moïse est, comme Isaac, celui qui possède la science infuse. Il représente donc celui qui est initié à la vie de l'esprit, pour qui le monde incorporel est seul réel. Or au début de sa vie, nous le voyons gémir, enfermé qu'il est sur le Nil dans un coffre enduit de bitume, ce qui est la figure du corps. Il est en effet quelqu'un qui "considère comme étrangèrela demeure du corps". L'interprétation du coffre de Moïse, comme figure du corps, se retrouve à propos de l'arche de Noé et reparaîtra sous cette forme chez saint Augustin.

Dans la dispute de Moïse avec l'Egyptien, que rapporte Ex.,2,12, ...Philon veut opposer sa philosophie aux philosophies de son temps. Moïse représente la doctrine biblique; l'Egyptien représente l'épicurisme, qui attaque l'Hébreu, c'est-à-dire l'âme, et est enfoui dans le sable, figure de l'atomisme; les deux hébreux qui se dispu- tent représentent les stoïciens, qui divisent le bien entre biens du corps, biens de l'âme et biens extérieurs. Moïse combat pour faire triompher la vérité.

C'est aussi le sens de l'épisode suivant, le départ de Moïse au désertde Madian:"Moïse ne s'enfuit pas d'auprès duPharaon,mais il se retire dans la solitude, c'est-à-dire qu'il prend un répit dans sa lutte, à la manière d'un athlète qui souffle et rassemble ses esprits jusqu'à ce que, ayant réveillé le secours de la prudence et des autres vertus par les paroles divines, il attaque avec une force redoublée".

Le séjour dans la terre de Madian présente l'épisode des filles de Jéthro qui mènent le troupeau de leur père boire au puits (Ex.,2, 16). Ceci est longuement commenté par Philon. Jéthro est l'esprit; ses sept filles sont les sept puissances sensibles: les cinq sens, le sens sexuel et la parole, qui font paître les troupeaux paternels, c'est-à-dire qui abreuvent les perceptions de l'esprit avec les sensibles externes; ceci est la théorie de la connaissance selon Aristote. Mais surviennent les mauvais bergers, qui veulent détour- ner les puissances sensibles de leur usage naturel et les soustraire au domaine de l'esprit. C'est alors que, "s'étant levé, le genre ami de la vertu et inspiré, nommé Moïse, qui jusque là paraissait mener la vie solitaire , les arrache à ceux qui s'en étaient emparés et nourrit le troupeau du père avec les logoi (paroles de raison) désaltérants".

Le mariage de Séphora est interprété allégoriquement comme tous les mariages des patriarches. Séphora est la Sagesse. Mais Philon observe qu'à la différence de Jacob,le progressant, qui dut rechercher Rachel, elle aussi figure de la sagesse, Moïse, comme Isaac, est digne de la sagesse infuse et la reçoit comme lui appartenant de droit et par nature. Mais ce n'est pas le plus grand mystère: "Ayant reçu Séphora, la vertu ailée et céleste, sans prière ni demande, Moïse la trouve enceinte, mais non d'aucun mortel". Il en était de même pour Rébecca et Isaac."Ces choses, ô mystes, dont les oreilles sont purifiées, recevez-les, et ne les répétez à aucun profane". Ce mystère, Philon y a été initié: "Et moi, initié aux grands mystères auprès de Moïse, l'ami en Dieu, je n'ai pas hésité à m'en approcher". La signification de ce mystère, c'est que "Dieu est le lien incorporel des idées incorporelles et le père de l'univers, en tant qu'il l'a engendré, et l'époux de la Sagesse qui répand la semence dans la terre bonne et vierge pour le bonheur de la race mortelle". Nous arrivons ici au sommet du mystère de Moïse. Il est jugé digne d'être l'époux de la Sagesse, c'est-à-dire d'être initié au mystère le plus profond des choses. Et quel est ce mystère?...(Il semble bien) que ce soit la doctrine biblique du Dieu créateur qu'il interprète d'ailleurs dans une perspective platonicienne d'une première création qui est celledu monde desidées[59], dont le monde mortel est la participation.

Fortifié par la retraite, uni à la Sagesse, Moïse est envoyé par Dieu pour délivrer le peuple qui est en Egypte, l'âme prisonnière du plaisir des sens. Il s'excuse toutefois en disant qu'il ne sait pas parler (Ex.,4,10) et Yahvé lui donne Aaron pour parler à sa place. Ce silence de Moïse inspire à Philon une belle idée: "Moïse ne se complaît pas dans les choses vraisemblables et persuasives, mais il poursuit la vérité sans mélange. Et lorsqu'il s'approche dans la solitude de Dieu, il déclare franchement qu'il ne sait pas parler- peut-être parce qu'il n'a pas d'attrait pour les choses bien dites et persuasives". Celui qui a été initié à la vérité méprise les discours des rhéteurs... Cependant "il est invité à aller étudier les choses bien dites et persuasives, afin de surmonter les sophistes d'Egypte qui honorentles sophismes des mythes plus quel'éclat de la vérité. En effet,lorsquel'espritvaque aux choses du Seigneur,il n'abesoin de rien d'autre pour sa contemplation, puisque, dans les choses spirituelles, c'est l'esprit dans sa solitude qui est l'oeil le plus pénétrant; mais lorsqu'il doit s'occuper de ce qui concerne la sensibilité, la passion ou le corps, dont le Pays d'Egypte est le symbole, il aura besoin de la technique et de la puissance des discours".

Ce texte est très intéressant pour définir l'attitude de Philon à l'égard de la culture profane, de l'art des discours. Celle-ci est apparue pour Abraham comme une étape versla sagesse.C'estelle que figurait Agar. Il n'en est plus de même pour le parfait. La science humaine est inutile à celui qui vaque à la contemplation divine, qui est un don gratuit. Mais si Dieu l'envoie vers les hommes pour les convertir, alors il devra utiliser la sagesse du monde pour lutter avec les hommes du monde. Philon pose ici les principes du véritable humanisme chrétien, qui restera celui des Pères de l'Eglise , et qui suppose à la fois la transcendance de la vie de foi et l'utilisation apostolique des biens de la culture. Or justement ces moyens du discours,mis au service de la contempla- tion, sont figurés par Aaron: "C'est pourquoi il est dit à Aaron de venir avec lui; Aaron est le logos prophorikos (l'intermédiaire qui énonce). Voici Aaron ton frère. Je sais qu'il parlera (Ex.,4,14). Comprendre est en effet le propre de la réflexion, parler celui de l'énonciation. Il parlera pour toi. L'esprit en effet ne pouvant énoncer ce qu'il a emmagasiné en lui, se sert de la parole, sa voisine, comme interprète pour manifester ce qu'il a ressenti". L'opposition du logos prophorikos au logos intérieur nous met en plein vocabulaire philosophique.

Philon nous montre alors comment Moïse triomphe des sophistes d'Egypte et fait passer-c'est le sens qu'il donne au mot Pascha- Israël du corps à celui de l'esprit[60]. Les Egyptiens noyés dans la Mer Rouge sontla figure des passions:"Moïse loue Dieu, dans son cantique, de ce qu'il a jeté dans la mer le cheval et l'homme monté, c'est-à-dire les quatre passions et le noûs (intelligence) coupable qui les monte, vers la destruction et vers l'abîme sans fond" (Legum AllegoriaeII,102).

"L'amant de la Sagesse ne poursuit rien d'autre que le passage hors du corps et des passions qui assujettissent l'âme à la manière d'un fleuve impétueux. La Pâque signifie allégoriquement la purification de l'âme". Toutefois les passions essaient de se "cramponner" aux Hébreux, comme les troupeaux de bêtes qui passent avec eux (Ex.,12,38). C'est pourquoi il faut veiller à ne pas emporter avec soi ces passions au-delà de la Mer Rouge. Philon voit de ceci le symbole dans les pains sans levain emportés d'Egypte: "C'est pourquoi ils me paraissent avoir sagement agi ceux qui, avant ces grands mystères, furent initiés aux petits mystères. Ils cuisirent en galettes non levées la pâte qu'ils avaient emportée d'Egypte, c'est-à-dire qu'ils travaillèrent la passion cruelle et sauvage comme une nourriture en la faisant cuire au feu du logos". Nous retrouverons ces deux thèmes dans Grégoire de Nysse: les passions essaient de suivre les chrétiens après le baptême et les pains azymes signifient qu'on ne doit pas les emporter d'Egypte avec soi.

La traversée du désert va maintenant être la figure de l'itinéraire spirituel de l'âme qui se dégage progressivement des vestiges de passion qui subsistent en elle et qui parallèlement est progressivement illuminée par le Logos. Philon inaugure ici une symbolique dont l'influence sera immense.

La première étape est Mara. L'amertume des eaux signifie que l'exercice de la vertu paraît d'abord amère à l'homme encore sensuel: "La raison pour laquelle les commandements sont ensei- gnés dans un lieu appelé amertume, c'est que faire le mal est facile, mais laborieux l'accomplissement de la justice. Telle est la loi absolue. Etant sortis des passions d'Egypte, est-il dit en effet, ils vinrent à Mara et ne purent boire de l'eau, car elle était amère... Là Yahvé donna au peuple des justices et des jugements et là il le mit à l'épreuve (Ex.,15,23). En effet l'épreuve et l'examen de l'âme se fait dans l'effort et l'amertume". Ceux qui craignent l'effort veulent repartir en Egypte, mais "ceux qui acceptent les réalités terribles du désert, avec courage, remporteront la victoire dans le combat de la vie. Ce n'est pas que l'effort diminuera, mais il s'accompagnera de douceur. Il est dit en effet que l'eau devint douce. L'effort suave et doux est appelé amour de l'effort". C'est l'amour qui transfigure l'effort et le rend suave. Et cet amour c'est le désir de l'immortalité que figure le bois, qui est l'arbre de vie: "Ce bois n'annonce pas seulement la nourriture, mais l'immortalité: on dit en effet que l'arbre de vie est planté au milieu du Paradis".

L'oasis d'Elim est commentée dans le De Fuga et inventione: les douze sources représentent les "petits mystères" et les soixante-dix palmiers, les grands mystères, ceux du Logos: "Il y a aussi des fontaines variées de la culture, auprès desquelles ont poussé, comme des troncs de palmiers, les logoi droits et très substantiels: Ils vinrent, est-il écrit, à Elim, et il y avait douze fontaines d'eau et soixante-dix palmiers; et ils campèrent là près de l'eau (Ex.,15,27). Elim signifie portique, symbole de l'entrée dans la vertu. De même en effet que le portique est le principe de la maison, la culture libérale est celui de la vertu". Le nombre de douze est parfait: c'est celui du zodiaque, de l'année, des heures. Moïse le célèbre en plus d'un endroit: les douze tribus, les douze pains de proposition. Il célèbre aussi l'hebdomade multipliée par la décade, parlant ici des soixante-dix palmiers, ailleurs de soixante-dix vieillards. "Etant donc parvenus au portique de la vertu, les disciplines préliminaires, et ayant vu les sources et les palmiers, ils campèrent, est-il écrit, non pas près des palmiers, mais près des sources.Pourquoi?Parce que ceux qui ont remporté les prix de la vertu parfaite sont ornés de palmes etde diadèmes,mais ceux quisont encore danslechoeur des disciplines préliminaires, comme ils ont soif de l'instruction, s'établissent près de sources qui peuvent désaltérer et abreuver leurs âmes".Tout ceci sera transposé par les Pères à la prédication de l'Evangile par les douze Apôtres et les soixante-dix disciples. Mais les réminiscences de Philon sont apparentes: "C'est par la prédication que le monde reconnaîtra les palmes de la victoire du Christ".

Viennent ensuite les deux épisodes de la manne et de l'eau du rocher. La première figure la nourriture de l'âme "qui se nourrit des sciences et non d'aliments et de boissons. Or, que les nourritures de l'âme soient célestes et non terrestres, la parole sacrée l'atteste en beaucoup d'endroits: Vois, je ferai pleuvoir pour vous des pains du ciel et le peuple sortira et en recueillera jour par jour la provision nécessaire (Ex.,16,4). Tu vois que l'âme ne se nourrit pas de choses terrestres et corruptibles, mais des logoi que Dieu fait pleuvoir de la réalité céleste et pure qu'il appelle ciel". Quant au fait qu'il ne faut recueillir à la fois que la nourriture du jour, Philon en donne une explication remarquable: "D'abord l'âme ne pourrait contenir à la foislarichesse abondante des grâces divines, mais elle les laisserait déborder et se répandre, comme une averse. Ensuite il est mieux, ayant reçu les biens en quantité suffisante, de laisser Dieu gardien du reste. En effet celui qui veut poursuivre tout à la fois acquiert du doute, de la défiance et de la folie. Il manque de confiance,s'il pense que c'est maintenant seulement et non plus tard que Dieu fera pleuvoir sur lui les biens; il manque de foi s'il ne croit que c'est maintenant et toujours que les grâces de Dieu sont partagées abondamment à ceux qui en sont dignes;il est fou enfin s'il pense qu'il sera capable de les conserver , malgré Dieu". Dans ce passage, la manne est la pluie des logoi, qui sont les grâces avec lesquelles Dieu nourrit l'âme. Ces grâces, l'âme ne doit pas se les approprier, mais les attendre de Dieu chaque jour, ce qui la maintient dans les dispositions de foi et d'espérance...

Quant à l'épisode du rocher, il a retenu aussi l'attention de Philon. Si la manne était le Logos, la pierre d'où jaillit l'eau vive est la Sophia." La soif, celle qui vient des passions tient l'âme jusqu'à ce que Dieu fasse jaillir la source du rocher, qui est sa sagesse, et abreuve l'âme,qui s'est tournée vers elle,en lui donnant une santé inébranlable. Car la pierre dure (Deut.,8,16)[61] est la Sagesse de Dieu, qu'il a taillée comme l'arête et le sommet de ses puissances et dont il abreuve les âmes amies de Dieu (Legum allegoriae,II,86).

Ainsi, à travers ces diverses étapes, c'est toute la philosophie de Philon qui est décrite. Celui-ci conçoit l'ensemble de la réalité sur un triple plan. Il y a tout en bas le Logos immanent du monde, symbolisé par les douze sources d'Elim et dont la connaissance constitue les petits mystères: c'est la connaissance de Dieu par le monde visible. Il y a au-dessus le Logos créé dans son existence spirituelle: ceci correspond au monde des idées, des archétypes du monde.L'âme s'élève àla connaissance de ce monde dansla mesu- re où elle se dégage des sens: c'est l'objet des grands mystères, dont Moïse est le hiérophante; les soixante-dix palmiers, la manne, le rocher, en sont autant de symboles. Peut-on parvenir plus haut? Au-delà, il y a le Logos incréé, identique à l'Etre. C'est l'effort de Moïse de parvenir jusqu'à lui que va nous décrire maintenant l'épisode suprême de la vie du Législateur, l'ascension du Sinaï: "Moïse désire insatiablement voir (Dieu), si bien qu'il supplie de lui montrer clairement son essence, bien qu'elle soit difficile à conjecturer, afin que, ayant quitté désormais l'opinion vraie, il passe du doute fragile à la foi très certaine. Son désir ne se relâchera pas de sa tension , mais sachant qu'il désire une chose difficile à saisir ou mieux inaccessible, cependant il engagera la lutte, ne relâchant en rien la tension de son ardeur, mais se servant sans hésitation et sans timidité de tout ce qui est à sa portée pour l'obtenir. Désormaisil pénétrera dans la ténèbre où Dieu demeure,c'est-à-diredans les notions cachées et sans forme sur l'Etre".

C'est alors qu'il atteindra la révélation suprême, qui n'est pas celle qu'il espérait, mais qui comble pourtant son attente. L'Etre n'est pas accessible à l'esprit. Il reste enfermé dans la ténèbre. Mais pourtant sa recherche, si elle n'aboutit jamais, constitue un pro- grès constant, et ce progrès constant est la béatitude: "Lorsque l'âme, amie de Dieu, recherche ce qu'est l'Etre selon son essence, elle s'avance dans une quête informe et invisible, qui lui procure le bien le plus grand, qui est de comprendre que Dieu, selon son être est incompréhensible à tout être et de voir cela même qu'il est invisible". Tel est en effet pour Philon le plan supérieur de la réalité. La transcendance de Dieu est à jamais inaccessible au regard créé. Et cette révélation, qui est la Révélation de l'Ecriture, est la connaissance suprême. On voit bien comment Philon oppose le Dieu biblique, absolument transcendant, à la conception grecque du divin. Il apparaît comme un théologien de L'Ecriture. Et le mystère auquel il introduit, c'est la doctrine révélée de l'Ancien Testament. Ces pages de Philon auront la plus grande portée pour la théologie chrétienne. Clément d'Alexandrie s'en inspirera, Grégoire de Nysse les reproduira presque textuellement dans sa Vie de Moïse et par lui elles passeront, au Vème siècle, à la Théologie mystique du pseudo-Denys l'Aréopagite.Ainsi c'est toute lathéologie négative[62] qui a son point de départ dans cette page...

Théologien, Philon dégage les grandes idées de la Bible de leur revêtement historique, pour les présenter au monde intellectuel de l'époque des origines chrétiennes, dans le cadre de la philosophie de ce temps. On peut donc parfaitement (avec différents auteurs) le considérer comme le fondateur de la philosophie biblique. Par ailleurs, c'est un mystique, non pas un mystique au sens des mystiques hellénistiques, mais au sens biblique et chrétien du mot. La Bible pour lui n'est pas seulement un livre de doctrine, mais aussi une nourriture spirituelle. Mais cette théologie et cette mystique, Philon ne les dégage pas, du moins ordinairement, du sens littéral de la Bible, mais les rattache à elle par le lien artificiel de l'allégorie.


Postface.

C'est ici le lieu de prévenir certaines critiques sur nos intentions et de proposer au lecteur quelques réflexions sur l'objet de ces recensions.

Pour mettre en évidence le sens spirituel de certains textes de L'Ancien Testament, nous avons regroupé, chapitre par chapitre, plusieurs exégèses des Pères de l'Eglise. Cette démarche qui pourrait être reçue comme passéiste n'a qu'une ambition: rendre palpable le fait que l'Ecriture s'explique par l'Ecriture et faire percevoir au lecteur que les points de vue exprimés, souvent à des époques bien différentes, loin de se contrarier, se supplémentent. Par eux, la Révélation s'accroît.

Nous restons subjugué par tant de foi, d'humilité, et d'intelligence persuasive de la part de ces Pères de l'Eglise, de même que par le degré d'écoute des fidèles que ce haut niveau d'enseignement nous laisse supposer. Notre démarche s'est inscrite résolument contre ce point de vue qui voudrait tenir pour simplement périmé sur le plan de la pensée ou même de son expression, l'ensemble de l'apport patristique. Faudrait-il croire, comme s'en insurgeait le Père de Lubac, "que cet apport pourvoyeur encore, en un sens étroit, de , ne serait plus d'aucun secours pour une recherche d'ordre intellectuel? N'aurait-il désormais aucune fécondité? Tout ce qu'il contenait de solide aurait-il été si totalement assumé, systématisé ou dépassé dans la spéculation postérieure, que ce serait au moins perdre son temps que d'y recourir?" Grâce soit rendue à la richesse pérenne de ces écrits, car aucun des grands penseurs chrétiens qui se sont succédés depuis lors, n'en a convenu. Les exégèses qui font partie de ce document montrent, à qui accepte de l'observer, que la pensée ne progresse pas à la manière des techniques, par substitutions successives, mais bien par un approfondissement des concepts. Saint Augustin, dans ses Confessions, a fait depuis longtemps le point sur toutes ces "mutabilités".

<Car il est des réalités-telles les lumières de la sagesse et de la science-qui impliquent d'une part des notions fixes et déterminées qui ne s'accroissent pas de génération en génération, et d'autre part des opérations d'ordre matériel,multiples et variées, s'accroissant l'une de l'autre et se multipliant, sous ta bénédiction, ô mon Dieu:tu as compenséle dégoûtquenous causent nos sens mortels, en faisantque des formes physiques puissent de mille façonsexprimer de manière figurée une réalité intelligible unique>[63].

La modernité, toujours annoncée comme rédhibitoire, s'acharne contre ces réalités et, au quotidien, les perturbe gravement; au nom d'un rationalisme nimbé des "Lumières", ce fantôme rôde plus que jamais parmi nous, en dépit de toutes les mises en garde les plus autorisées et les plus probantes:

<Telle est bien cette société contemporaine où ne compte plus la conscience individuelle attachée au monde moral invisible, cette masse dépourvue de tout centre moral, insoucieuse de toutes les valeurs éternelles, reprenant cette apparence gélatineuse des méduses, dont l'humanité était sortie par le lent progrès des consciences individuelles>[64].

Ce monde moral invisible a pourtant de solides points d'appui dans les Ecritures; mais eux aussi sont contestés. Ne l'étaient-ils pas déjà au temps de Saint Augustin?

<...voici ce que je constate: deux sortes de d peuvent surgir propos message au moyen signes par des messagers dignes foi. le premier porte sur la v faits eux-m second l du messager: une chose est rechercher cr monde autre s mo>admirable serviteur de ta foi, a voulu, par ce récit (de la création), faire comprendre au lecteur et à l'auditeur. Sur le premier point, arrière tous ceux qui prennent leurs faussetés pour de la science! Sur le second, arrière tous ceux qui prennent les dires de Moïse pour des faussetés!...Aussi bien, si quelqu'un vient me dire: "Moïse a pensé ceci comme moi! Et un autre: "Non cela, comme moi!" je leur ferai cette réponse, plus conforme à la piété me semble-t-il: "Pourquoi pas plutôt les deux points de vue à la fois, s'ils sont vrais tous les deux? Et si l'on y voit un troisième, un quatrième, et ainsi de suite, du moment qu'il est vrai, pourquoi ne pas croire que Moïse les a tous vus, lui par qui le Dieu unique a adapté les Saintes Lettres aux intelligences d'une multitude qui devait y trouver la vérité dans la diversité?"

Pour moi,en tout cas, je le déclare hardiment, et du fond du cœur: si, investi de la plus haute autorité, je devais produire un écrit, je préfèrerais que mes paroles fussent un écho de ce que tout un chacun peut trouver de vérité en la matière; et cela plutôt que de poser une signification unique, fût-elle vraie, mais assez évidente pour en exclure d'autres, où je ne trouverais aucune fausseté choquante. Je ne veux donc pas, ô mon Dieu, pousser la témérité jusqu'à croire qu'un si grand homme n'en a pas de toi autant reçu. Oui, dans ces mots, Moïse a parfaitement perçu et pensé, en les écrivant, tout ce que nous avons pu y trouver de vrai, et tout ce que nous n'avons pas pu-ou pas encore-pu y trouver, et qui néanmoins peut s'y trouver>[65].

En dernier lieu, nous voudrions exprimer notre reconnaissance au Père Bertrand de Margerie dont l'importante "Introduction à l'histoire de l'exégèse", fréquemment citée dans cette étude, a nourri notre réflexion et guidé nos choix.Ayant soutenu ce projet avec bienveillance, il nous a fait part récemment d'une remarque pour vous la faire partager:

Parmi les grandes figures de l'Ancien Testament, l'Eglise catholique et romaine a retenu nommément, pour les commémorer, sept saints.Les deux premiers, Abraham et Moïse concernent les « Livres du Pentateuque »; cinq concerneront « Les Livres historiques » qui suivent: le Roi David[66] ainsi que les quatre prophètes Elie, Elisée, Isaïe et Jérémie[67].

Le premier "Propre" les concernant, rédigé en 1848, a abouti, à la suite d'un long cheminement, au nouveau "Propre" décidé par Vatican II. Approuvé successivement par la Sacrée Congrégation des Rites en 1975 et par le Saint-Siège, en 1977, le "Propre" de ces commémorations fait partie intégrante de la Liturgie du Patriarcat de Jérusalem (double édition latine et arabe)[68].

Pour pouvoir commémorer l'un ou l'autre de ces saints dans d'autres diocèses, le prêtre doit s'assurer qu'il figure au martyrologe romain, et que le jour choisi par lui est exempt de célébration obligatoire.

Quant aux fidèles, rien ne s'oppose à ce qu'ils les invoquent dans leurs prières, comme nous souhaitons le faire ici, en communion de pensée avec nos lecteurs:

SAINT ABRAHAM ! SAINT MOISE ! PRIEZ POUR NOUS !



[1] Le Lévitique, à caractère presque uniquement législatif, interrompt le récit des évènements. "Le texte dans son état actuel et canonique, est de rédaction post-exilique, bien qu'il rassemble en un tout relativement cohérent des éléments d'origines diverses, dont certaines peuvent remonter à une haute antiquité"(TOB). Il contient un rituel des sacrifices(1-7), le cérémonial d'installation des prêtres qui s'applique à Aaron et à ses fils(8-10); viennent ensuite les règles relatives au pur et à l'impur(11-15) et le rituel du grand jour des Expiations(16). Les versets 17à25 décrivent la "loi de sainteté" qui inclut un calendrier liturgique (23); ce troisième livre du Pentateuque est relativement court et se termine par des bénédictions et des malédictions(26).

[2] "L'histoire relatée par LES NOMBRES est caractéristique des textes sacerdotaux. Leur intention est de décrire les institutions du peuple de Dieu qui répondent exactement à leur théologie. Le fait que les textes "sacerdotaux" (P) supposent l'organisation des institutions achevée avant le départ du Sinaï montre bien que pour eux l'existence d'Israël est impensable en dehors de ce cadre soigneusement décrit"(TOB).

[3] Le Deutéronome, outre les pièces concernant la fin de Moïse, est un code de lois civiles et religieuses enchâssé dans un discours central de Moïse; ce discours et les deux qui l'encadrent, rappellent les grands évènements de l'Exode, du Sinaï et du début de la conquête. D'après les indications de la TOB, ce dernier livre du Pentateuque serait "le point d'aboutissement d'une tradition apparentée à certaines traditions du royaume du Nord (Israël) et au courant prophétique". La comparaison de ses textes avec les mesures prises par Josias lors de sa réforme religieuse tend à prouver que ces mesures auraient été inspirées par "un livre de la Loi" dont la découverte est rapportée aux chapitres 22 et 23 du 2ème Livre des Rois.

L'existence de ce "livre de la Loi" découvert au Temple, et qui semble bien être le Deutéronome, prouverait qu'il existait déjà vers 621av.J.C., mais probablement sous une forme plus concise que celle que nous connaissons. Cette même appellation "livre de la Loi" figure en Dt.,28,61; 29,20; 30,10; 31,26, ainsi qu'au Livre de Josué en 1,8 et 8,34.

[4] Il s'agit d'un juif de Palestine, fils de rabbin, qui avait émigré en Egypte après sa conversion au christianisme. L'influence que cet homme a exercé sur la méthode exégétique et la spiritualité d'Origène fut profonde.

[5] PIerre Nautin dans son introduction aux Homélies sur Jérémie, par Origène. (Sources chrétiennes,au Cerf,232, p143).

[6]2Cor.3,3.
[7] Hébr.9,2-5.

[8] Matth.7,8 et Lc.11,10.

[9] Hébr.9,24 et 10,20.

[10] Hébr.9,12.

[11] Même aspiration vers le temple, dans tout le psautier. Commentaire analogue: "L'âme, quand elle part de l'Egypte de cette vie pour se diriger vers la Terre promise, doit suivre certains chemins et...parcourir certaines stations. C'est leur souvenir, je crois, qui faisait dire au prophète: <Je me souviens-et j'épanche mon âme-car je passerai dans le lieu du tabernacle admirable jusqu'à la maison de mon Dieu.> Voilà les stations, voilà les tabernacles dont il est dit ailleurs:<Que tes tabernacles sont aimables, Seigneur des "armées du ciel" (Yahvé Sabaoth)! Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur (Ps.83,2-3).

[12]1Sam.4,10-11et 2,12.

[13] Nombreuses sont les citations sur la quête infinie que symbolisent les tentes; par exemple, comme ici, l'affirmation du modèle éternel proposé à notre imitation: "Il convient que je sorte de ce monde pour voir les tentes (tabernacles) fixées par le Seigneur. Ce sont assurément celles que Dieu fit voir à Moïse, alors qu'il dressait la tente au désert, en lui faisant sa recommandation". C'est donc à l'imitation de ces tentes fixées par le Seigneur qu'Israël doit faire ses tentes, et chacun de nous préparer et confectionner la sienne.

[14]2 Cor.6,13.

[15]1 Cor.11,3.

[16]Gala.5,22 et 1 Cor.13,13.

[17]Gn.23,6.

[18] Né à Antioche vers 354 dans une famille aristocratique chrétienne, il bénéficia d'une éducation raffinée qui lui permit d'assimiler à la fois la culture grecque et la doctrine du christianisme. Son éducation fut surtout marquée par le fait qu'il appartenait à un milieu "contestataire". Enfance et adolescence se déroulèrent dans la communauté religieuse animée par Mélice, Diodore et Flavien, à une époque où les remous de la crise arienne étaient loin d'être estompés. En rupture avec les Eglises orthodoxes d'Egypte et d'Occident, persécutée par l'empereur Julien, cette communauté était animée d'une foi intense.

Dès sa jeunesse, il recherche intensément la communion avec Dieu par la contemplation et l'ascèse. Successivement moine, cénobite, anachorète, il se livre à des pratiques ascétiques excessives, mais n'en poursuit pas moins l'étude de l'Ecriture. Il quitte la solitude et vient se mettre au service de l'Eglise. Ordonné en 386; pour lui le salut est communautaire, la vraie perfection étant dans le service d'autrui. Son livre fondamental "Sur le sacerdoce" combat les hérétiques ariens, les astrologues, les fêtes scandaleuses, les riches; il est profondément antisémite.

Désigné pour occuper le siège de Constantinople (le plus prestigieux de l'Empire d'Orient) en 397, il se rend vite indésirable au pouvoir civil et religieux. Déposé au "conciliabule du Chêne" en 403, et exilé une première fois, il devient un brandon de discorde. Rappelé à la suite d'un mouvement populaire, il ne tarde pas à être exilé de nouveau. Il meurt en 407, dans un fossé à Cermana (région pontique), en cours de déportation. Réhabilité peu après sa mort, il est placé au premier rang des pasteurs chrétiens.

[19] J.M. Leroux, in Encyclopaedia Universalis,T.9,p413.

[20] "Pour Chrysostome,l'immense avantage queprésentaitlanotion desugkatabasis était celui d'unir en un seul vocable l'exaltation de la transcendance d'un Dieu qui ne peut descendreparmileshommesqu'endemeurantau-dessus d'eux(kata:de haut en bas) et corrélativement celle de son immanence: sa supériorité ne l'empêche pas d'être avec (sun) eux.

La sugkatabasis ou condescendance de Dieu permettait à Chrysostome, dans son dialogue avec les ariens "anoméens" (pour qui le Verbe était d'une nature différente de celle du Père), de leur manifester que l'Ecriture ne séparait pas de la supériorité du Créateur sa grande philanthropie: "Dieu use de sa condescendance en vertu de sa grande philanthropie". Chez l'exégète et théologien d'Antioche, la sugkatabasis rejoint en fait la notion d'économie: Chrysostome emploie plusieurs fois ce mot dans le sens d'une accommodation, de condescendance inspirant encore de la réserve dans la révélation de la vérité. Mais une nuance semble séparer les deux mots: la condescendance implique l'idée d'une aide à l'incapacité, l'économie celle d'une réserve qu'impose le dessein salutaire de Dieu"(B. de Margerie, in IEPGO p.223).

[21] "C'est même un trait caractéristique de cette école d'avoir eu recours, pour élucider le vocabulaire biblique, à des lexiques profanes. Chrysostome a pu utiliser, comme son ami Théodore de Mopsueste, le dictionnaire de Diogénianos, un contemporain d'Hadrien. Ces exégètes restaient fidèles à la méthode, prônée jadis par Aristarque danssesRecherches homériques,d'expliquer un auteur parlui-même. Toute l'Ecriture d'ailleurs était considérée comme l'œuvre d'un seul auteur, Dieu lui-même, dont les écrivains sacrés n'étaient que les interprètes" (J.Dumortier, in Introduction au Commentaire sur Isaïe par Jean Chrysostome, S.C n°304).

[22] Art."Inspiration",Catholicisme,V(1962).

[23] "Relativité et transcendance du texte biblique d'après saint Jean Chrysostome" in La Bible et les Pères (colloque de Strasbourg), Paris 1971 pp.67-78.

[24] Texte de B.de Margerie, incluant plusieurs citations de J.-M.Leroux, in IEPGO, pp.233 et 234.

[25] Dans son Contre Eunome, Grégoire de Nysse se montre conscient du caractère figuratif, métaphorique, du sens littéral de Gn1,4("Dieu vit"),Gn 8,21("Yahvé respira") et du Ps.30(29),11("Ecoute Yahvé"); quand l'Ecriture nous dit ainsi que Dieu voit, respire, entend, il s'agit d'un anthropomorphisme pour nous décrire le divin. Il y a là une avancée très nette par rapport à Origène et Clément qui semblaient confondre sens littéral métaphorique et sens spirituel (allégorique).

[26] B.de Margerie in IEPGO pp.266et267.

[27] C'estau Philon des Questions sur l'Exode(Livre II De vita Mosis)que se rattache plus précisément Grégoire: même conception générale de la vie de Moïse comme migration mystique; mêmes épisodes majeurs, en particulier le Buisson ardent et l'ascension du Sinaï; même structure générale de la vie spirituelle, comportant d'abord purification de la vie charnelle, puis illumination, enfin mystère de l'Etre inaccessible"(cf.J. Daniélou, in Introduction à la Vie de Moïse, SC 1bis Paris 1955).

[28] Athanase avait déjà été le théoricien de cette lecture christocentrique des Ecritures (voir pp.117à119).

[29] Cf. Grégoire de Nysse in Homélies sur le Cantique10, MG 44).

[30] Né vers 396, après des études classiques et théologiques, il mena sans doute pendant un certain temps la vie monastique, puis devint clerc. Son oncle évêque l'emmenaen403à Constantinople auconcileduChêne quidéposaJeanChrysostome. A la mort de Théophile, en 412, Cyrille fut élu au siège d'Alexandrie. En 428, Cyrille ouvrit les hostilités contre Nestorius, évêque de Constantinople. Contre la dénomination de "Marie, mère de l'homme Jésus" ou "Marie, mère du Christ" que prônait Nestorius, il prit la défense de l'appellation "Marie, mère de Dieu". En 430, l'évêque de Rome, Célestin, chargea Cyrille d'obtenir le désaveu de Nestorius. Ce dernier refusa et obtint de l'empereur Théodose la convocation d'un concile à Ephèse en 431. Dès l'ouverture de ce concile présidé par Cyrille, Nestorius se trouva déposé et condamné avant même que n'arrivent ses partisans, les évêques orientaux d'Antioche. Lorsque Jean d'Antioche arriva à Ephèse, il s'empressa, lui aussi, de tenir un concile et de déposer Cyrille ainsi que l'évêque d'Ephèse (Memnon). Mais c'est Cyrille qui parvint finalement à obtenir l'approbation de l'empereur; d'où le renvoi de Nestorius à son monastère d'Antioche, puis son exil en Haute-Egypte. Lorsqu'il fut demandé à Cyrille de condamner les deux théologiens (Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste) à qui l'on reprochait d'avoir préparé par leur doctrine l'enseignement de Nestorius, il se refusa de le faire en raison de leur disparition. Les dernières années de Cyrille furent à nouveau des années de paix au sein de l'Eglise, jusqu'à son décès en 444.

Peu de Pères ou de docteurs de l'Eglise ont joui, autant que lui, des éloges et approbations des Papes et des Conciles Oeucuméniques. Peu après sa disparition, le concile de Chalcédoine (451) compara sa doctrine à la sagesse du pape Léon le Grand (440 à 461) qui, précisément, recommandait les écrits de Cyrille parce qu'ils concordaient entièrement avec la foi des saints Pères. Constantinople II (553), Constantinople III (681), lui rendirent hommage, ce dernier concile vengeant sa mémoire de l'accusation de monothélisme. Comme le fait remarquer B. de Margerie dans IEPGO p.221, "si la raison fondamentale de tant d'éloges est relative à la défense de l'unité et de la divinité du Christ Sauveur, sans qu'ils paraissent inclure une mention directe de l'exégèse cyrillienne, ils ne sont pas néanmoins indépendants d'elle".

Remarque:

En ce milieu du Vème siècle, plusieurs expressions concernant le mystère de l'Inhumanation du Fils unique de Dieu avaient cours: l'hérésie monophysite (d'où sortira plus tard le monothélisme) pour qui le Verbe incarné ne présentait qu'une seule nature individuelle après l'union de l'humanité et de la divinité. A cette hérésie s'ajouta la tentative nestorienne de division du Christ en deux personnes. Pour redresser ces deux erreurs, l'Eglise fit sien le principe des opérations distinctives et coordonnées de chacune des deux natures du Christ Sauveur, sinon en son expression cyrillienne de la formule d'union de 433, du moins,peu après, sous la plume du pape saint Léon le Grand: "Le Verbe fait ce qui appartient au Verbe et la chair exécute ce qui appartient à la chair. L'un resplendit de miracles, l'autre succombe sous les outrages". Le concile de Chalcédoine, en 451, entérina cette position.

[31] Hypathie fut la seule femme de l'Antiquité à avoir été versée dans les sciences exactes et à avoir tenu une école de philosophie à Alexandrie. Les historiens anciens insistent sur le fait que malgré sa beauté, elle resta vierge toute sa vie. Elle mourut en pleine rue, assaillie et mise en pièces par un groupe de chrétiens malfaisants d'Alexandrie. Il lui était reproché d'avoir empêché la réconciliation entre le préfet Oreste et l'évêque Cyrille. Son nom est souvent évoqué dans la littérature moderne comme exemple des méfaits de l'intolérance religieuse.

[32] Sont accessibles de nos jours dans la collection "Sources chrétiennes"au Cerf, Deux Dialogues christologiques (n°97) et Dialogues sur la Trinité (n°231,237,246).

[33] Cette expression que Cyrille favorise entre toutes pour désigner le sens spiri- tuel de l'Ecriture implique une vision (theôria), qui, pour ouvrir l'esprit au mystère du Christ, doit être (pneumatiké),"pneumatique",spirituelle.

[34] Cette définition de la gnose est fournie par Cyrille dans ses très importants commentaires sur l'Evangile de saint Jean.

[35] Clément d'Alexandrie avait assigné ce rôle aux seuls "gnostiques".

[36] Les didascales étaient, aux premiers temps de l'Eglise, les personnes chargées de l'instruction et du soutien des catéchumènes.

[37] A. Kerrigan (dans son livre St Cyril,Interpreter of the Old Testament, Rome 1952) a rapproché cette attitude de celle d'Origène et de celle de Philon. On trouve chez ce dernier (De vita Mosis,livreII) un long développement sur Moïse prophète. On y relève notamment:"(188) Certes, je n'ignore pas que tout ce qui se trouve consigné dans les Livres Saints est oracles rendus par lui (Moïse). Mais je rapporterai ceux qui lui sont propres, après avoir fait les remarques suivantes: parmi les oracles les uns viennent de la Personne de Dieu à travers l'interprétation donnée par son prophète, les autres sont rendus par demande et réponse, les autres viennent de la personne de Moïse, Dieu étant descendu en lui et l'ayant transporté hors de lui-même." On trouve à la suite les exemples se rapportant aux deux dernières catégories.

Quatre exemples concernentladeuxième catégorie:deux châtiments d'impiesconfirmés par question et réponse, l'un pour le blasphème du fils d'Egypte, l'autre pour celui qui a violé le sabbat. Sont cités à la suite le rite de la Pâque célébré hors saison et l'héritage des filles.

Dans la catégorie des oracles rendus dans un transport de Dieu, Philon a retenu: la traversée de la Mer Rouge, les trois oracles successifs concernant la manne, le châtiment des adorateurs du veau d'or avec l'attribution du sacerdoce aux Lévites, la révolte et le châtiment de Coré et, pour finir la dernière prophétie de Moïse où, de son vivant, il a parfaitement décrit tout ce qui allait concerner sa propre mort.

[38] B.de Margerie,IEPGO pp 276,277,401.
[39] B.de Margerie,IEPL,p101.

[40] St Ambroise, De Excessu fratris sui Satyri (cf B.de Margerie, IEPL,p118).

[41] Né en 354, à Thagaste (Souk-Ahras) en Algérie actuelle, aux confins de la Tunisie, de père païen (Patricius) et de mère chrétienne (Monique). De 19 à 28 ans, Augustin professa l'éloquence à Thagaste, à Carthage, à Rome, puis sur la recommandation de Symmaque à Milan (384). Il avait alors trente ans. Depuis l'âge de dix-sept ans il vivait avec une compagne dont il eut un fils prénommé Adéodat qui mourut à l'âge de dix sept ans. C'est à Milan où sa mère l'avait rejoint que s'acheva son évolution spirituelle et qu'il se sépara de sa compagne (385). Son adhésion au christianisme, selon ses Confessions, survint alors qu'il séjournait en août 386, dans le jardin de sa maison à Milan: une voix se fit entendre lui intimant l'ordre de suivre l'enseignement de saint Paul: Tolle,lege! Tolle,lege!(Prends,lis).

Il fut baptisé un an plus tard et, revenu en Afrique, il reçut la prêtrise dans des conditions tout-à-fait inattendues pour lui. "Alors qu'il assistait à un office à Hippone, il entendit l'évêque Valérius exposer le besoin qu'avait son diocèse d'un prêtre de plus. C'est avec inquiétude qu'Augustin vit les regards converger vers lui. Et ce qu'il redoutait arriva: selon les coutumes du temps, on l'acclama, on le porta aux pieds de l'évêque. Il s'inclina devant les desseins de la Providence et, sur l'heure, fut ordonné prêtre de l'Eglise d'Hippone". Quatre ans plus tard il était nommécoadjuteurde Valérius,alorstrès âgé,avec promesse de succession.En396, à la mort de l'évêque, il devenait le chef de l'Eglise d'Hippone, la seconde ville d'Afrique, et recevait l'appui de son ami Aurelius, primat de Carthage , conférant à son action apostolique toute l'autorité canonique nécessaire. Il resta évêque d'Hippone jusqu'à l'arrivée des Vandales. Des troupes de Goths avaient été envoyées pour défendre l'Afrique. Après une première défaite, "le comte d'Afrique Boniface qui les commandait, s'enferma dans Hippone assiégé. Malgré son âge (76 ans) et le siège, Augustin accomplit scrupuleusement les devoirs de sa charge: prier, écrire, enseigner son peuple, visiter les nombreux réfugiés qui cherchaient dans les remparts d'Hippone une défense provisoire contre les Barbares. Il tomba malade au troisième mois du siège, et ayant légué ses biens à l'Eglise d'Hippone, il mourut en août 430. Lorsque, après un siège de dix huit mois, les Vandales s'emparèrent de la ville, l'incendiant et la pillant, ils respectèrent le tombeau et la bibliothèque d'Augustin".

[42] E. Gilson in Esprit de la philosophie médiévale, p.28, Vrin, Paris, rééd.1998.

[43] Secte de Mani:Mani né en 216 en Babylonie,s'était imposé commemissionnaire antilégaliste à la suite de deux révélations. Arrêté et accusé de vouloir ruiner la religion traditionnelle de l'ancien Iran (mazdéisme), Mani fut supplicié et mourut en 277. Chaque année, sa Passion fut célébrée au printemps, précédée par trente jours de jeûne. Ce fut la fête du Bêma, "autel" symbolisant à la fois la "chaire" de Mani et le "Tribunal du Christ". Il est tout à fait notable que, dans la biographie de Mani, abondent les rapprochements volontaires constants entre ls paroles (logias) et les actes de Jésus d'une part, et ceux de Mani, d'autre part. On comprend mieux le succès rapide et considérable du manichéisme au sein des communautés chrétiennes et judéo-chrétiennes au point que l'on a pu parler d'un "christianisme manichéen" dans ces premiers siècles; il est capital de le rappeler pour comprendre les raisons qui ont pu séduire Augustin. Les manichéens se faisaient fort de tout expliquer rationnellement sans jamais faire appel à la foi. Leur cosmogonie était issue des livres saints que Mani avait lui-même révélés; elle s'appuyait sur deux principes égaux et antagonistes:le Clair(le Bien) et l'Obscur(le Mal). S'y ajoutaient trois moments dont le concept était beaucoup moins simple qu'il n'y paraît: le Passé, le Futur, et le Présent.

[44] Parti donatiste: issu de l'épuration qui suivit la grande persécution de Dioclétien au début du IVème siècle, le parti donatiste regroupait en principe les anciens résistants s'opposant à l'Eglise officielle jugée trop laxiste. Partisans de la rigueur envers ceux qui avaient failli lors de la persécution (les "traditeurs" qui avaient livré les Livres Saints aux païens), et partisans de leur réintégration s'affrontèrent dans chaque cité. Les "donatistes" érigèrent une Contre-Eglise, développant une hiérarchie parallèle. Augustin tenta d'abord de convaincre les schismatiques de se rallier; n'y parvenant pas, en 411, une conférence contradictoire rassembla à Carthage, sous la présidence d'un commissaire impérial, les évêques des deux camps: 286 évêques catholiques, 279 donatistes. Trois jours de débats, à la fin desquels l'envoyé de l'empereur proclama vainqueurs les catholiques, dont le porte-parole avait été Augustin. En réalité, cette conférence marqua l'intervention brutale du bras séculier; définitivement condamnés, les donatistes furent partout pourchassés par la police impériale.

[45] Théories pélagiennes: la même année que la conférence qui avait condamné les "donatistes" (411), un concile réuni à Carthage fut amené à condamner la doctrine d'un moine, Celestius, qui se réclamait de l'enseignement de Pélage, moine breton très influent dans une société aristo-romaine. Le concile pria Augustin de réfuter ces théories jugées hérétiques qui concernaient la grâce, le péché originel et le libre-arbitre. Avec Pélage et Celestius, ainsi que Julien d'Esclane leur successeur, Augustin allait trouver des adversaires de taille. La réfutation de leurs thèses allait occuper Augustin jusqu'à sa mort, et c'est à la théologie qu'il développa contre eux qu'Augustin doit d'être passé à la postérité "comme le grand docteur de la grâce et de la prédestination". Condamnés par l'Eglise d'Afrique, blanchis au concile de Diospolis, Pélage et Celestius intriguèrent à Rome; les Africains mirent en garde le pape, saisirent le gouvernement impérial et finirent par obtenir à leurs dépens une sentence de bannissement d'Italie.

[46] M. Meslin in Encyclopaedia Universalis,T.2,p.796.

[47] Il s'agit d'Aristote, d'Epicure et des stoïciens.

[48] Confessions,VI.5.7 et 8.

[49] C. Spicq in Agapé, Paris1958, p45.

[50] Voir les trois textes Ex.,33,13;Nb.,12,6-8;1Co.,13,12. Urs von Balthasar fait remarquer à ce propos que "la connaissance de Dieu n'a jamais pour fin l'illumina- tion d'une âme individuelle, mais une fonction charismatique au service du peuple de Dieu: c'est pourquoi, d'après Augustin, les seuls bénéficiaires d'une vision plénière de Dieu dans un état d'extase parfaite ont été Moïse, le prophète de l'Ancienne Alliance et Paul, l'apôtre de la Nouvelle".

[51] Introduction à l'histoire de l'exégèse,T.III St Augustin,Paris,Cerf,1983.

[52] Définitions données par Augustin dans le De Doctrina Christiana:

- cupidité: j'appelle cupidité le mouvement de l'âme qui la porte à jouir de soi, du prochain et de n'importe quel être corporel sans rapporter à Dieu cette jouissance.

- charité: j'appelle charité le mouvement de l'âme qui la porte à jouir de Dieu pour lui-même et de soi-même comme du prochain pour Dieu.

[53] Ce raccourci renvoie aux propos échangés entre Augustin et sa mère Monique à Ostie:Que celui-là parlât, lui-même et non par elles,

Qu'on entendit son Verbe
Non par langue de chair,
Ni par voix angélique,
Ni par fracas de nuée,
Ni par énigme de parabole;

Mais que lui-même, lui que nous aimons en eux,

Se fit entendre à nous, sans leur intermédiaire...

Cela continuement(Confessions, LivreIX,X,25).

[54] B. de Margerie,in op.cit.pp105à107.

[55] Les "catégories" sont, pour Aristote, les genres les plus généraux de l'Etre; ce sont des notions irréductibles entre elles, et irréductibles à un universel suprême et unique. Au nombre de dix, ce sont la substance, la quantité, la qualité, la relation, le lieu, le temps, la position, la possession, l'action, la passion. Pour ces expressions sans aucune liaison, il n'y a ni vrai ni faux.

[56] C'est encore à des mains chrétiennes que l'on doit la traduction en français de ses oeuvres, au cours de ces trente dernières années. Trente cinq ouvrages ont été publiés sous le patronage de l'Université de Lyon par R.Arnaldez, J.Pouilloux, et Cl.Mondésert, Direction des Sources chrétiennes, Edit. du Cerf.

[57] A.Jaubert, Philon d'Alexandie in Encyclopaedia Universalis, T.12,p969.

[58] "Mais lorsque, par le soin et l'effort quotidien et constant de ceux qui les pratiquaient pour les autres hommes et que leur gloire se fut répandue de tous côtés...alors certains jugèrent scandaleux que ces lois pussent être étudiées seule- ment par une moitié du genre humain, les barbares, et que la patrie grecque dans sa totalité en fût exclue, ils s'occupèrent de les faire traduire"(De vita Mosis, Livre II,27).

[59] "Car la raison qui gouverne,le logos (traduit soit par loi,soit par raison) apparaît sous deux formes dans l'univers et dans la nature humaine: dans l'univers,celledes idées immatérielles et exemplaires d'après lesquelles le monde intelligible a été fixé, et celle des choses visibles, qui sont des imitations et des copies de ces idées, et dont ce monde sensible a été constitué"; Philon (De vita MosisII<127>).

[60] Philon l'entend du "passage" de la Mer Rouge. Par lui, cette interprétation se transmettra à Clément d'Alexandrie, à Origène, à Ambroise, à Augustin, à Cyrille d'Alexandrie. Il est curieux de constater que le mot de l'Evangile: "Avant le jour de la fête de Pâques, Jésus sachant que l'heure était venue de passer de ce monde à son Père" semble supposer l'interprétation de Philon. Les écrivains de Syrie, Cyrille de Jérusalem, Théodoret, le Pseudo-Chrysostome, suivront au contraire l'interpréta- tion de Flavius Josèphe, celui du "passage" de l'ange par-dessus les enfants des Hébreux. Une troisième interprétation devient une figure de la "passion": elle est amorcée chez Philon; on la trouve ensuite chez Irénée, chez Tertullien, chez Grégoire d'Elvire. Elle est rejetée par Augustin.

[61](16) Il se peut donc que l'âme rencontre un scorpion, c'est-à-dire la dissipation, dans le désert et que la soif, celle des passions, la saisisse jusqu'à ce que Dieu lui envoie l'onde qui coule du rocher de la propre sagesse , et étanche la soif de l'âme qui a subi la diversion, en lui donnant une santé immuable.

[62] Cette théologie dit de Dieu ce qu'il n'est pas et non ce qu'il est, et consiste à nier de lui tout prédicat qui pourrait lui être attribué.

[63] Confessions, Livre XIII,XX,27).

[64] F.W.Foerster in L'Europe et la question allemande,tr.française1937,p10.

[65] Saint Augustin,Confessions,LivreXII,XXXI,42.

[66] Sont joints à la commémoration de David, sans que leurs noms soient précisés, les saints ancêtres du Christ.

[67] Sontjoints à la commémoration de Jérémie,celle des saints Maccabéesmartyrs.

[68] Pour les dates et les lectures de ces commémorations, consulter le Missel des messes particulières du Patriarcat de Jérusalem, au Centre pastoral liturgique, 4 rue Vavin à Paris.


Date de création : 16/01/2007 @ 09:09
Dernière modification : 12/03/2007 @ 17:59
Catégorie : Théologie 1
Page lue 124 fois


Prévisualiser la page Prévisualiser la page     Imprimer la page Imprimer la page


Réactions à cet article


Personne n'a encore laissé de commentaire.
Soyez donc le premier !



^ Haut ^

Initiationphilo - site d'initiation à la philosphie - Henri Duthu
contacter le webmaster : webmaster@initiationphilo.fr

  Site créé avec GuppY v4.5.18 © 2004-2005 - Licence Libre CeCILL

Document généré en 1.1 secondes