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Parcours boutangien - Sauver le sujet
SAUVER LE SUJET[1]
Lauteur, Henri DU BUIT, philosophe lui-même, a eu BOUTANG comme directeur de thèse ; celle-ci quil a défendue en Sorbonne était intitulée LÊtre et largent. Sa conversion au catholicisme (1982, à lâge de 25 ans) a été aidée par la rencontre des philosophes chrétiens en Sorbonne et la proximité de Pierre Marie Delfieux. La présence de Pierre BOUTANG en cette prestigieuse Sorbonne à la chaire de Métaphysique et de Morale ne devait rien au hasard : cest, en effet, sur linsistance dEmmanuel LÉVINAS qui avait reconnu en lui un éminent humaniste , que celui-ci avait été appelé à lui succéder ; chaire quil occupera de 1977 à 1985. Lunité sous-jacente à lApocalypse du désir[2] nest pas une idée : cest la réalité du libre-arbitre ARENDT, dans La Crise de la culture, précise que la notion de liberté en philosophie est spécifiquement chrétienne[3] . Cest à partir de la révolution chrétienne que la notion de liberté devient centrale en philosophie. Dautre part, on peut aussi voir combien sur ce point la pensée de BOUTANG est proche de celle de LÉVINAS, par exemple dans son texte sur la philosophie de lhitlérisme. La différence est que LÉVINAS présente une modification[4] par le judaïsme alors que BOUTANG la situe dans le christianisme, pour lui, accomplissement du judaïsme. ARENDT écrit dans La Crise de la culture (p 189) : « Comme première et préliminaire justification de cette approche, on peut remarquer quhistoriquement le problème de la liberté a été la dernière des grandes questions métaphysiques traditionnelles comme lêtre, le néant, lâme, la nature, le temps, léternité, etc. à devenir thème de la recherche philosophique. Il ny a pas de préoccupation concernant la liberté dans toute lhistoire de la grande philosophie depuis les présocratiques jusquà Plotin4 le dernier philosophe antique. Et quand la liberté fit sa première apparition dans notre tradition philosophique ce fut lexpérience de la conversion religieuse - de saint Paul dabord, de saint Augustin ensuite, qui la suscita. » BOUTANG donc, dans un horizon chrétien, cest-à-dire une philosophie modifiée par la Croix, recoupe aussi luvre de HUSSERL Telle que comprise de la même manière par Edith STEIN[5]. Edith STEIN et ARENDT qui ont été élèves de HUSSERL. ARENDT a fait sa thèse sur saint AUGUSTIN. Nous baignons dans une atmosphère judéo-chrétienne. « Rien de plus proche de saint THOMAS que HUSSERL », écrit-il dans La Fontaine politique. Le lien est le retour de HUSSERL aux essences, on peut chipoter, en phénoménologue, sur le sens des essences chez lun et lautre mais BOUTANG, comme STEIN et ARENDT, préfère relever la convergence vers lunité. On ne comprend Les Origines du totalitarisme que si on prend les essences husserliennes à la manière de la philosophie pérenne. Ces essences permettent de sortir du déterminisme logico-mathématique qui fleurit par la logique de lidée dans la révolution galileo-cartésienne. Les essences permettent de retrouver « lau-delà des essences » de PLATON-LÉVINAS-BOUTANG cest-à-dire la transcendance qui ouvre la porte au libre-arbitre et permet de laccueillir. B. écrit : « ladversaire : DESCARTES (...) VICO, encore, par sa lutte personnelle (énorme et pitoyable, qui lui valut lhumiliant compte rendu dans le Journal de Leipzig) désignait ladversaire commun à LA FONTAINE et à lui : DESCARTES et sa réduction de lhomme (et de lhistoire par là-même annulée) au discours de lâge de lhomme ; DESCARTES abandonnant tout le territoire de limagination à la machine, et avec limagination le monde effectivement réel de la vie (...) Songez à lindignation cocasse du petit bonhomme de Naples devant la théorie cartésienne triomphante quil lui faut bien traiter avec respect ! Que trouve-t-il, comme hier La Fontaine, à lui rétorquer ? Le cri du cur, à la lettre : il se révolte contre lidée que notre cur, le cur humain, puisse être sans réelle couleur ; je crois entendre Anna, princesse de Brancovan, définir le cur un mot rond, rouge, où il y a du sang, ce qui est savoir intérieurement les universaux fantastiques... Mais le bonhomme, lui, ne se résigne pas mieux à la décoloration et dévitalisation du monde. Pour la première fois, avec DESCARTES, le fondement même de toute fable souffre un ébranlement énorme ; les animaux-machines, ce nest pas seulement linvolontaire prélude, très vite suivi daccomplissement, à lhomme-machine des cartésiens conséquents; cest linventaire de frauduleuse faillite pour les analogies, figures et homophonies, sous- jacentes à la vie imaginaire et mythique de lhomme[6].» Mais BOUTANG séloigne encore du « DESCARTES inutile et incertain » pour rejoindre surtout le PASCAL des Écrits sur la grâce, qui explique clairement ce que THOMAS et lÉglise affirment de laccord de la Grâce et du libre-arbitre. Le libre-arbitre est sauvé, il nest pas écrasé par la grâce, même si cest la toute puissance de Dieu qui vient sauver lhomme On dirait aujourdhui sauver le sujet : cest le problème que tente déclairer BOUTANG. En effet, retrouver le libre-arbitre cest retrouver le sujet (voire le sauver). Mais ce libre-arbitre nest que dans et par la grâce. Cest-à- dire que le sujet trouve en dernière analyse son fondement dans la transcendance de la grâce. Cest la raison pour laquelle les grands maîtres du soupçon qui ont façonné notre monde moderne refusent absolument le libre-arbitre : FREUD trouve la liberté dans la prise de conscience des déterminations de linconscient dont la cure psychanalytique libère non seulement contre de largent mais encore au prix de la contradiction essentielle de limpossibilité du premier psychanalyste psychanalysé. Il faut de la transcendance ! Se perdre en définitive même du point de vue de la psychanalyse cest perdre son libre-arbitre. Le trouver ou le retrouver cest se « sauver » : cest déjà une forme de résurrection. Le libre-arbitre est la foi elle-même dira donc KIERKEGAARD : « je suis ma liberté ». Les paroles prononcées au baptême indiquent la libération des puissances des ténèbres et de la nécessité de la mort. Le baptisé demande alors chaque jour à son Père : « délivre-nous du mal ». Cest la raison pour laquelle : « Nous ne demandons quun axiome, écrit BOUTANG dans l Apocalypse du désir; celui de saint BERNARD, que cest la grâce qui sauve, et le libre-arbitre qui est sauvé Ce nest pas peu et engage toute la foi en la révélation chrétienne mais cest simple, et croyons-nous, fécond. (...) Le temps où limpie (le non-croyant, ou le croyant chaque fois quil retombe) est justifié, cest ensemble le temps de la grâce et le temps de la liberté. Notons que ce ne peut être le temps dont quelque extase nous irriterait (...).» Pour NIETZSCHE le libre-arbitre est une « illusion de théologien », pour FREUD le « moi nest pas maître dans sa propre maison ». Pour MARX cest la conscience de classe qui prime. Plus de sujet, voilà le résultat. Une grande partie de luvre de BOUTANG est la désarticulation des arguments de ces penseurs. Une lecture sans préjugés rend presque nécessaire le changement de regard. Jamais BOUTANG ne dénigre ces auteurs, cest toujours dans la grande tradition argumentative quil sinscrit. Dautant plus quil les a parfois aimés, il disait que sil nétait pas chrétien, il serait marxiste et il na jamais caché son penchant de jeunesse pour NIETZSCHE comme dailleurs pour SPINOZA : « Et pourtant ce NIETZSCHE dont le christianisme ma délivré à jamais (je navais pas entièrement tort de le faire servir contre le germanisme) revient souvent, fantôme têtu, par dautres rencontres, non sans attrait, non sans pitié. Je déplore quil ait connu trop tard DOSTOÏEVSKI, au moment, à peu près ou il écrit à Goerg BRANDES : Pas un désir, pas lombre dun désir devant moi. Une surface lisse. Et jai compris que jai désappris de désirer sans lavoir voulu. Faibles désirs, comme Stavroguine[7], avec laggravation de la mauvaise venue , de la mauvaise santé ; mais plus le génie et, surtout, la musique. Or, complétant cette vulgate de la volonté, où le moindre article de la Somme a plus dimportance que toutes les philosophies allemandes, cest SCHOPENHAUER, et surtout NIETZSCHE que je rencontre Surtout parce que NIETZSCHE sétait, avant de sasservir à dautres idoles, libéré de lidéalisme ; cela lui avait été moins difficile quà son maître SCHOPENHAUER, du fait de sa formation philologique plutôt que philosophique. Et cest sur la pensée du corps que sordonnent ces retrouvailles critiques ; rien, on le verra, dun retour[8]. (...) » SARTRE propose aussi une philosophie de la liberté et elle semble honnête et convaincante. Lexistentialisme paraît vraiment un humanisme. Quoi de plus beau que cette belle affirmation que lexistence de lhomme précède son essence ? Que lhomme se fait par sa liberté ? SARTRE a bien suivi KIERKEGAARD, père de tous les existentialistes mais il a rejeté ce qui fait lessence de la philosophie kierkegaardienne : Dieu garant de cette liberté, créatrice de cette essence, donnée par grâce pour être librement recréée par le sujet, dans son Amour. Cest la raison pour laquelle BOUTANG parle de possession : Sartre est-il un possédé P (« ...ou un imposteur », propose le bandeau du livre de 1950.) En quoi est-ce une possession ? Posséder cest potis sedeo « être maître de ». Le sujet possédé se croit maître de lui- même mais en réalité il agit sous la contrainte dune autre puissance. Sartre refuse linconscient quil nomme « mauvaise foi ». Possédé par son inconscient le sujet ne serait plus sujet. La bonne foi serait de se reconnaître libre. Mais pour BOUTANG la « mauvaise foi » est de ne pas voir que sans la Foi il ny a pas de garantie dernière de la liberté véritable, cest la Grâce qui garantit plus que le sujet : la personne. Ainsi SARTRE, dans sa négation de Dieu, se trouve dans la même logique que NIETZSCHE alors que ce dernier nie le libre-arbitre Il est même très proche de SPINOZA paradoxalement puisquil ny a pas de libre-arbitre chez ce dernier. La liberté sartrienne est explicitement reçue de DESCARTES et KIERKEGAARD mais en posant lathéisme comme principe et commencement, SARTRE doit abandonner toute substance ou toute essence. En effet PLATON en découvrant les substances est conduit à poser le principe premier lUn qui est Dieu ; ARISTOTE de même en posant lÊtre en tant quÊtre qui aussi est Dieu. SPINOZA peut garder une seule substance mais il est tenu de lappeler Dieu. Sans doute, SARTRE devrait-il abandonner toute idée dêtre aussi mais cest une autre histoire. La seule liberté sartrienne et cela sans aucune polémique, lheure est trop grave ! est le néant. La liberté est le pouvoir de néantisation. KOJEVE dans Introduction à la phénoménologie de lEsprit la clairement et définitivement démontré : « Ainsi, savoir absolu hégélien ou Sagesse et acceptation consciente de la mort, comprise comme anéantissement complet et définitif, ne font quun. HEGEL le dit lui-même en toutes lettres (...) la liberté, qui est la réalisation et la manifestation de la Négativité, consiste donc dans lacte de nier le réel dans sa structure donnée et de maintenir la négation sous la forme dune uvre créée par cette négation même. Et cette liberté, qui est négativité, est la réalité essentielle de lHomme. (...) Cest donc en fin de compte parce quil peut mourir que lhomme peut-être un individu. » ARENDT, fidèle en cela à HEIDEGGER, rappellera que pour les Anciens « lhomme est le seul animal mortel » Mais en inversant la logique elle laissera demeurer la question du mystère de la mort qui nest pas, par vanité peut-être, chez KOJÈEVE ou SARTRE associée au néant dans le sens des Possédés de DOSTOÏEVSKI, mais à lignorance ou au mystère. En effet, la liberté, finalement, nest pas moins que la nécessité de la mort acceptée comme horizon de mon existence et doù proviennent tous mes refus. Mais en réalité puis-je encore prétendre parler de « mon » existence ? SARTRE reste prisonnier de SPINOZA comme NIETZSCHE et peut-être comme toute philosophie qui refuse la philosophie de la personne fondée sur la « grâce du libre-arbitre ». Le christianisme, lui, fonde « lindividu » quil appelle « personne ». Cela dit, cest vrai que cette liberté passe par la mort du Christ (et son imitation) mais à travers la résurrection sans laquelle « notre foi est vaine. » Cest dailleurs une des raisons qui permettent aussi une lecture chrétienne de HEGEL à la manière de Claude BRUAIRE contre KOJÈVE et de BOUTANG contre SARTRE et DELEUZE. Mais SARTRE, au lieu du « nous expérimentons que nous sommes éternels » de SPINOZA, va dans la logique de « lHistoire » Telle quhéritée de HEGEL et quand même encore du christianisme, quoique la science ne démontrera (fond diffus cosmologique) quaprès la parution de Être et temps et de LÊtre et le néant que lunivers a réellement une histoire. SPINOZA en restait à la pensée se contemplant à la manière de PLATON dans la Substance et son éternité, heureuse de prendre conscience de ses déterminations : la liberté se réduisait à la conscience de sa nécessité. La plus grande des déterminations restant bien sûr la mort. Cependant aucun sujet (sauf en matière politique) ne subsistait chez SPINOZA. De même chez SARTRE, en fait. Son existentialisme est un humanisme au sens spinoziste, cest-à-dire uniquement politique. Nous sommes là très loin et même à lopposé de lhumanisme classique qui, en affirmant le sujet et sa liberté, le gardait dans lhorizon de la Grâce qui lui donnait son sens en toute liberté. C.Q.F.D. On pourrait simplement donner des circonstances atténuantes à SPINOZA pour son amour de Dieu, comme la souligné BUBER, dans Éclipse de Dieu. En réalité ou cest lÊtre et la grâce ou cest lÊtre et le néant. Si lApocalypse du désir attaque à plusieurs reprises la formule « homme de désir » qui est une autre formulation de : « le désir est lessence de lhomme », lattaque nest pas seulement métaphysique et théologique - sauver le libre-arbitre pour que lhomme puisse se sauver personnellement Elle est aussi politique. On est près des analyses faites par ARENDT du désir pour ainsi dire conquérant et colonial dun « bourgeois » typiquement spinoziste. Dans Les Origines, sagissant de LImpérialisme elle écrit : « BOULAINVILLIERS était profondément influencé par les doctrines de la force fait droit chères au XVIIe siècle, et il fut certainement lun des plus fermes disciples contemporains de SPINOZA dont il traduisit lÉthique et dont il analysa le Traité théologico-politique. Selon son interprétation et sa mise en application des idées politiques de SPINOZA, la force devenait conquête et la conquête agissait comme une sorte de jugement unique quant aux qualités naturelles et aux privilèges humains des hommes et des nations. On décèle ici les premières traces des transformations naturalistes que devait subir par la suite la doctrine de la force fait droit. Cette perspective se trouve renforcée par le fait que BOULAINVILLIERS fut lun des libres penseurs les plus marquants de son époque, et que ses attaques contre lÉglise chrétienne nauraient pu être motivées par son seul anticléricalisme. (...) » Nous voyons ainsi comment la théologie, la métaphysique et la politique sont imbriquées. Lunité du monde réalisée par le désir du « bourgeois conquérant » est la marque même de limmanence pour ainsi dire totale du monisme spinoziste. Il ny rien pour le freiner : la raison fait son chemin. ADORNO, HORKHEIMER et lÉcole de Francfort ont ainsi raison de parler de la tyrannie de la rationalité technologique dans son alliance naturelle avec largent qui en est la représentation. En ce sens, la raison retrouve son étymologie : le compte (ratio). Et en fin de compte, si on peut dire, il ny a quun seul compte puisquil ny quun seul monde : linfinité des attributs divins ne change rien au fait que nous ne puissions en percevoir que deux. De toutes façons ils ne font quun : totalité et infini se disent alors UN. Cest clair comme deux et deux font quatre. Seule la grâce dans sa transcendance empêche le monde de nêtre quune totalité. Et le Dieu qui le garantit est la Trinité qui non seulement empêche tout dualisme mais principalement tout monisme et en dernière analyse tout monisme économique voire politique. La trinité divine indique aussi cette non totalité du monde, qui devra se trouver une métaphysique aussi compliquée que celle de Saint THOMAS et sa théorie de lindividuation par la matière, qui implique un accord de la Prédestination et de la grâce non seulement dans chaque décision du libre-arbitre mais encore dans sa matière. Cest ce que souligne BOUTANG en rappelant que cest « le libre-arbitre qui est sauvé » cest-à-dire en réalité lhomme, ses actes et leur matière. Cest lobjet de son livre Karin Pozzi et la quête de limmortalité. Dun point de vue politique cest peut-être ici que la convergence de B. avec ARENDT est la plus forte, les corps intermédiaires ne sont pas des obstacles à la liberté, au contraire, ils sont des manifestations de libertés, libertés « objectivées » dans des traditions à la manière des privilèges. Ceux-ci étaient dabord des « mémoires » objectives et cest peut-être à ce titre quils ont été abolis. Simone WEIL dira que la force de lAngleterre, seule à ne pas se « coucher » devant Hitler, était dans cette mémoire vivante. Lorsque la mémoire nationale se trouve dramatiquement affaiblie, on peut encore puiser dans la tradition vivante quest lÉglise ce qui continue de porter aux hommes la grâce du libre-arbitre. Contre « la force fait droit » personnifiée dans Goulavare, BOUTANG rappelle lexemple du prêt à intérêt dont linterdit était fondé sur la transcendance et la tradition judéo-chrétienne : largument principal en était la présence de la transcendance et de la grâce dans le temps donnant à celui-ci une dimension infinie qui ne nous appartient pas. Les nouveaux désastres économiques ont pu en raviver la vertu, toutefois la tâche se complique puisque la sophistique de la finance islamique (contrat « mohatra ») dont PASCAL sétait déjà moqué dans Les Provinciales, prétend à nouveau inspirer les banquiers : certes ceux-ci ne puisent plus auprès des Jésuites leur inspiration, mais ce sont directement les économistes et les ministres dEurope qui leur enseignent lart de conformer leurs affaires aux prescriptions de la charia. La question de lintérêt de largent est donc encore dactualité, le dialogue est possible et PASCAL est actuel. Largent et sa manière dêtre ne sont-ils pas culturels par excellence ? En définitive, la philosophie de lApocalypse du désir tente de libérer du spinozisme Nous avons rappelé le monisme. Sous leffet du monisme la morale et le péché disparaissent puisquil ny a plus de place ou dindétermination pour ladéquation de laction avec la vérité. Il ny a plus de vérité du monde sinon celle de SPINOZA. Et finalement la seule liberté sera la liberté politique retrouvant ainsi la liberté de lAntiquité si on en croit ARENDT dans La Crise de la culture. La liberté de la personne na plus de sens comme le mot personne, au sens chrétien. En réalité, la critique boutangienne suit les conseils de LEIBNIZ qui, dans le Discours de métaphysique et la Monadologie, demande de garder à lesprit les substances (formes substantielles) de la scolastique. Quand on dit de BOUTANG quil est platonicien, il faut aussitôt ajouter ARISTOTE et la synthèse scolastique. Cest vrai quil travaille beaucoup Nicolas DE CUES mais un peu de manière pédagogique, pour ne pas faire fuir les allergiques à tout ce qui touche à la scolastique. Sil se rattache à LEIBNIZ cest peut-être, aussi, comme HUSSERL redécouvrant les essences. En fait, on sait que HUSSERL se réfère davantage à BRENTANO et sa Psychologie du point de vue empirique reprenant 1« intentio » de la scolastique (BRENTANO a fait sa thèse sur DUN SCOT). Dans lApocalypse du désir BOUTANG renvoie au Traité du libre-arbitre de BOSSUET, même si celui-ci est un peu trop cartésien à son goût Les Élévations sur les mystères de lAigle de Meaux sont un livre de chevet du Forézien. Et ce qui lintéresse beaucoup cest lHistoire des variations des églises protestantes (et la correspondance de BOSSUET avec LEIBNIZ) et peut-être pardessus tout le Traité de lusure. Il faut se souvenir que apocalypse est pris dans son sens premier de révélation : la révélation du désir. Le desiderium est le regret de lastre manquant ou perdu. Nhésitons donc pas à traduire ce titre par : révélation de lastre perdu. Nous retrouvons cette racine sider (étoile) dans considérable, considération ou sidéré. On sait que cet astre est pour B. celui de Bethléem, et que si le soleil de Dieu « est mort », il est ressuscité. Cest « Je suis qui je suis » de Moïse se greffant à lÊtre en tant quÊtre dARISTOTE et au « Soleil » de lUn-Bien. Cette Ontologie de lastre perdu est celle du secret mais lhomme ne peut vivre sans une certaine stabilité, une certaine unité : PLATON nous la appris. La disparition des essences de la révolution galileo-cartésienne ne permet plus à lesprit de saccrocher à elles. SPINOZA lavait si bien saisi quil a cherché la stabilité dans la Substance. Et à sa suite, ou parce que lesprit en a besoin, la modernité en a fait de même. Lesprit ne pouvait pas ne pas se raccrocher à lunité : ce sera celle de Mammon. Lastre manquant sera le « soleil noir de la mélancolie » (déjà le néant). Nous montrerons plus précisément comment les mots « substance » et « ousia » sont aussi des mots qui appartiennent au domaine de largent. La perte des essences de la philosophie classique ouvre, à nouveau, la porte à celle de lÊtre qui ne sera jamais une personne, qui ne dira jamais : « Je suis qui je suis » ou « Je suis ». Il ne peut pas y avoir de personne chez SPINOZA comme chez NIETZSCHE ou HÉRACLITE. Il faut pour cela « lApocalypse » du libre-arbitre.
[1] Henri DU BUIT, in Le petit boutang des philosophes, édit Les provinciales, oct 2016, pp.41-49. [2] Pierre BOUTANG, Apocalypse du désir, Paris, Grasset, avril 1979. Présentation de léditeur : Aux bords des ruines du désir, l'auteur entend le galop des quatre chevaux de l'apocalypse de saint Jean. Sa réponse n'est pas le désespoir, pas plus que le désastre n'est le dernier mot du texte de Jean. Mais il a fallu d'abord déblayer les ruines. Ainsi Pierre BOUTANG démasque-t-il les effets mortifères de l'idéalisme des lumières", de la psychanalyse, des "machines désirantes" de Deleuze. Après avoir montré comment le désir s'est "dévoilé" dans trois siècles d'erreurs théoriques et pratiques, l'auteur restaure, ré-instaure un libre arbitre dont le christianisme a seul compris la tragédie et la gloire. Réunissant à cette fin les Pères de l'Eglise et les modernes comme KIERKEGAARD (et même, sur de rares points de convergence, HEIDEGGER), il désigne enfin l'espérance, fondamentale et constitutive de tout désir. Fondée sur la foi en la Révélation chrétienne et l'idée proprement catholique de la Personne à l'image de Dieu, cette métaphysique particulière permet à l'homme qui a reconnu son origine surnaturelle d'accéder à une authentique délivrance." [2] Hannah ARENDT, La crise de la culture, éd. Gallimard, « Folio essais ». [2] Dans Reprendre le pouvoir, BOUTANG explique quil ny a pas de pouvoir chrétien mais une modification chrétienne du pouvoir en lien avec le consentement de la liberté. [3] Hannah ARENDT, La crise de la culture, éd. Gallimard, « Folio essais ». [4] Dans Reprendre le pouvoir, BOUTANG explique quil ny a pas de pouvoir chrétien mais une modification chrétienne du pouvoir en lien avec le consentement de la liberté. [5] Edith STEIN, LÊtre fini et lÊtre éternel, éd. Nauwelearts,1972. [6] La Fontaine politique, Editions libres Hallier-Albin Michel, 1984, pp. 25-26. [7] Ce roman de DOSTOÏEVSKI a pour but de dénoncer le nihilisme : Stavroguine, le personnage central de luvre, symbolise une forme pure, excédentaire de cet esprit du néant. [8] La Fontaine politique.
Date de création : 01/01/2017 @ 18:21 Réactions à cet article
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