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Parcours axiologique - Les valeurs et les fins directrices de la vie moderne
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LES VALEURS ET LES FINS DIRECTRICES DE LA VIE MODERNE[1] Le problème des croyances concernant les valeurs et les fins qui doivent diriger la conduite de lhomme, est le plus sérieux que la vie moderne connaisse. Cest celui auquel doit saffronter toute philosophie qui nest pas coupée de cette vie. Lattention accordée au fait que la science a renoncé, dans le cadre de la procédure expérimentale quelle préconise, à la séparation entre le connaître et lagir trouve sa source dans cet autre fait : nous pouvons désormais accéder, dans un domaine limité, spécialisé et technique, à la possibilité et à la garantie, pour ce qui est de la théorie, deffectuer lintégration requise dans le champ plus vaste de lexpérience humaine collective. On en appelle à la philosophie pour être la théorie de la pratique, par lentremise didées suffisamment déterminées pour être opératoires dans le cadre dune démarche expérimentale qui puisse donner à cette intégration une prise plus sûre dans lexpérience effective. Le problème central se situe au niveau de la relation qui existe
Une philosophie sattaquant à ce problème est demblée confrontée à une difficulté qui tient à ce que les croyances concernant les valeurs sont, à peu de choses près, dans létat qui était celui des croyances relatives à la nature avant la révolution scientifique.
Dans la mesure où la philosophie technique reflète cette situation, on y relève lexistence de deux genres de théorie des valeurs.
Les deux genres de théorie des valeurs
Avec le développement des intérêts séculiers, les valeurs temporelles se sont néanmoins fortement multipliées ; elles requièrent de plus en plus dattention et dénergie. Le sens des valeurs transcendantes sest affaibli ; au lieu dimprégner toutes choses de la vie, ces dernières se cantonnent de plus en plus à des temps et à des actes particuliers. Lautorité de lÉglise a une capacité moindre à énoncer et imposer la volonté et les fins divines.
Par là, Dewey nentend pas affirmer que jamais on ne tenta de remplacer lancienne théorie concernant lautorité des valeurs immuables et transcendantes par des conceptions plus conformes aux pratiques de la vie quotidienne. Bien au contraire. La théorie utilitariste, pour prendre un exemple, a exercé en ce sens une grande influence. Lécole idéaliste est la seule parmi les philosophies contemporaines, à lexception dune forme de néo-réalisme, à faire grand cas dune réalité ne faisant quune avec les valeurs morales et religieuses ultimes. Mais cette école est celle qui se préoccupe le plus de préserver la vie « spirituelle ». Est tout aussi significatif le fait que les théories empiriques persistent à défendre que la pensée et le jugement sont concernés par des valeurs dont on fait lexpérience indépendamment deux. Pour ces théories, en effet, les satisfactions émotionnelles occupent la même place que celle que les sensations occupent dans lempirisme traditionnel. Ce que lon apprécie et ce dont on jouit constituent les valeurs ; apprécier quelque chose et être une valeur : ce sont là deux formules pour désigner un même fait. Dans la mesure où la science a exclu les valeurs du nombre de ses objets, ces théories empiriques font tout leur possible pour souligner leur caractère purement subjectif. Une théorie psychologique du désir et de linclination est supposée couvrir lensemble du terrain couvert par cette théorie des valeurs. En elle, le sentiment immédiat est le pendant de la sensation immédiate. Dewey ne saurait reprocher à cette théorie empirique de faire des liens entre la théorie des valeurs et les expériences concrètes du désir et de la satisfaction. Lidée quune telle relation existe lui semble la seule manière déchapper tant à léloignement fantomatique que marque la théorie rationaliste quà la place excessive accordée à la théorie institutionnelle des valeurs transcendantales. Il lui reproche, en revanche, de ramener la valeur aux objets dune satisfaction antérieure, sans se préoccuper de la méthode qui les a fait naître. Selon cette théorie, de telles satisfactions, tenues pour être dordre causal parce que non réglées par des opérations intelligentes, sont des valeurs en elles-mêmes et par elles-mêmes. Or il convient dappliquer la pensée opérationnelle au jugement de valeur, comme elle la été à la conception des objets physiques. Il ne sagissait pas détablir, en tant que valeurs, des satisfactions qui se produisent de toute façon, mais de définir les valeurs en fonction des satisfactions qui se présentent comme les conséquences de laction intelligente. Sans lintervention de la pensée, les satisfactions sont, non pas des valeurs, mais des biens problématiques, qui deviennent des valeurs lorsquils sont réélaborés sous une forme autre, sous linfluence dun comportement intelligent. Le problème fondamental que pose la théorie empirique des valeurs tient au fait quelle reformule simplement lhabitude qui a cours socialement et consiste à tenir les satisfactions telles que lon en fait lexpérience effectivement en tant que valeurs en elles-mêmes et par elles-mêmes. Elle laisse complètement de côté la question de la régulation de ces satisfactions. Ce problème nengage rien de moins que la reconstruction dirigée des institutions économiques, politiques et religieuses. Lidée que lon puisse, en tournant le dos aux qualités immédiatement perçues des choses, formuler des conceptions valides des objets et autoriser un usage de ces dernières qui donne lieu à une expérience de ces choses qui soit plus sûre et plus signifiante a pu sembler paradoxale. Mais la méthode aboutissait au dévoilement des connexions ou des interactions dont dépendent les objets perçus, considérés en tant quévénements. Lanalogie formelle suggère que nous envisagions notre expérience directe et originelle des choses dont nous jouissons et que nous apprécions uniquement en tant que possibilités de valeurs à accomplir. Le fait de jouir de cette chose devient une valeur quand nous découvrons les relations dont sa présence dépend. Une telle définition causale et opérationnelle ne donne quune conception de la valeur et non une valeur elle-même. Lusage de la conception dans laction donne cependant lieu à un objet qui possède une valeur sûre et signifiante (cest le principe signifiant). [1] In « La quête de certitude » de John Dewey ; nrf Gallimard, novembre 2014, pp. 271-275.. [2] Voir la phytosynthèse au sujet de la fièvre.
Date de création : 24/01/2016 @ 14:26 Réactions à cet article
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