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    Histoire - En prélude à "La grande aventure de l'humanité"

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    EN PRÉLUDE À « LA GRANDE AVENTURE DE L’HUMANITÉ » 

    Deux textes de Arnold Toynbee

     

    1.  LES ÉNIGMES QUE POSENT LES PHÉNOMÈNES

    Les progrès de la connaissance et de l’intelligence scientifiques n’ont pas permis jusqu’alors d’expliquer la nature ni la finalité (si finalité il y a) de la vie et de la conscience elles-mêmes

    Tout au long de [ses] soixante-dix ou quatre-vingts années de conscience, l’homme perçoit des phénomènes. Ces phénomènes lui posent un certain nombre d’énigmes, et les énigmes ultimes n’ont pas été élucidées par les progrès de la connaissance et de l’intelligence scientifiques, si rapides et si avancés qu’aient été ces progrès à l’époque moderne…

    L’accroissement de notre connaissance des conditions physiques qui rendent possibles la présence de la vie ainsi que celle de la conscience et de la perception humaines n’a pas permis d’expliquer la nature ni la finalité (si finalité il y a) de la vie et de la conscience elles-mêmes. Celles-ci sont des modes d’existence différents aussi bien l’une par rapport à l’autre que par rapport à la matière dotée de structure organique avec laquelle, dans notre expérience, elles sont associées. Tout être humain vivant qu’un être humain connaît ou dont il a connaissance, y compris lui-même, est un esprit consciemment réfléchi qui vit d’une vie physique dans un corps matériel. Aucune des ces composantes de l’être humain vivant ne s’est jamais rencontrée isolément. Elles se trouvent toujours associées les unes aux autres, bien que leurs relations réciproques soient incompréhensibles.

    Les énigmes de la vie et de la conscience

    Pourquoi certains éléments des phénomènes matériels sont-ils temporairement associés à la vie (comme ils le sont chez les êtres vivants de toutes les espèces) et aussi à la conscience (comme ils le sont chez les êtres humains), alors que d’autres éléments (apparemment de loin la plus grande proportion de la somme totale de matière contenue dans le cosmos) sont en permanence inanimés et inconscients ? Comment, dans l’espace-temps, à un moment particulier – c’est-à-dire dans la « biosphère » ténue qui enveloppe temporairement notre planète éphémère – la vie et la conscience se sont-elles trouvées associées à la matière ?

    Pourquoi la vie, incorporée à la matière organique, s’efforce-t-elle de se perpétuer ou, pour les organismes sexués et mortels, de se reproduire conformément à un modèle ancestral ? Le maintien de toute espèce d’êtres vivants coûte manifestement un effort intense. Cet effort est-il inhérent à la nature de l’espèce et de ses représentants ? Si oui, pourquoi n’est-il pas inhérent à la nature des parties constituantes de la matière organique dans les phases préorganique et postorganiques de ces parties constituantes dont la configuration organique est un épisode si bref de leur existence ? Et si cet effort n’est pas inhérent mais introduit, quel est l’agent qui l’introduit, si nous excluons l’hypothèse de l’intervention d’un dieu créateur ?

    Ensuite, admettons la réalité de mutation dans la structure et dans le fonctionnement des organismes vivants et admettons, en outre le bien-fondé de la thèse darwinienne selon laquelle les mutations, confirmées par la sélection naturelle au cours d’une période suffisamment longue, rendent compte de manière adéquate de la diversification de la vie en différentes espèces et de la raison pour laquelle certaines espèces réussissent à survivre alors que d’autres échouent. Même en acceptant tout cela, les mutations elles- mêmes restent inexpliquées.

    Les mutations sont-elles fortuites ?  Répondent-elles à un dessein, sont-elles des entorses au dessein, ou encore ces trois questions sont-elles sans objet lorsqu’elles sont posées à propos de phénomènes et qui ne bénéficient pas de la conscience et de la faculté de faire des plans ? En supposant que nous nous permettions de considérer les espèces non humaines en ces termes anthropomorphiques, nous nous trouverions confrontés à de nouvelles questions.  La propension d’une espèce à subir des mutations est une tendance contraire à l’effort de l’espèce pour se perpétuer ou se reproduire conformément à son modèle ancestral.

    Maintenir la conformité à ce modèle, est-ce l’objectif d’une espèce et les mutations ne sont-elles qu’autant d’échecs dans la réalisation de cet objectif ?  Ou bien une espèce est-elle destinée à changer, et la conformité qu’elle conserve à son modèle, est-elle un obstacle que l’inertie oppose au changement ? 

    La diversification de la vie en différentes espèces a entraîné à la fois une compétition entre certaines espèces et une collaboration entre d’autres. Laquelle de ces relations antithétiques est-elle – si elle l’est – la loi souveraine de la nature ? Dans les relations mutuelles des espèces non conscientes, ni la collaboration, ni la compétition ne sont un acte délibéré ; mais le choix est délibéré chez les êtres humains et il est lié au sens humain de la différence et de l’antithèse entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.

    Quelle est la source de ces jugements moraux qui semblent propres à la nature humaine mais qui sont étrangers à la nature des espèces non humaines ?  

    Finalement, quelle est la place et la signification, dans l’univers, d’un être conscient et réfléchi, pénétré de ce sens de la distinction entre le vrai et le faux, et poussé (même s’il résiste à cette impulsion morale) à faire ce qui lui semble juste. ? L’être humain éprouve le sentiment de se trouver au centre de l’univers parce que c’est de sa propre conscience qu’il voit le panorama cosmique, spirituel et matériel. Il est aussi centré sur lui-même en ce sens que son penchant naturel le pousse à essayer de plier le reste de l’univers au service de ses propres fins. En même temps, il est conscient que ce que, bien loin d’être le centre de l’univers, il est lui-même éphémère et appelé à disparaître. Et sa conscience lui dit que, dans la mesure où il cède à son égocentrisme, il se place lui-même , moralement et intellectuellement, dans l’erreur.

    Telles sont quelques-unes des énigmes que posent à l’être humain les phénomènes dont il est conscient.  

    L’avenir de la science et de la technologie

    La science peut continuer ou non à progresser. Qu’elle progresse ou piétine n’est pas une question de capacité intellectuelle. Il ne semble exister aucune limite à la capacité intellectuelle de l’homme à accroître ses connaissances scientifiques et appliquer ses connaissances à au progrès de sa technologie. L’avenir de la science et de la technologie dépend en partie de l’intention que manifestera la société de continuer à apprécier aussi hautement ces activités, et de les récompenser aussi généreusement que cela a été son habitude ces derniers temps. Il dépend aussi en partie de l’intention que manifesteront les individus les plus doués des plus hautes capacités intellectuelles de se consacrer à la science et à la technologie. On ne peut tenir cela pour acquis. Dans tous les domaines de l’activité humaine, les modes changent. On peut concevoir que la religion ou l’art redeviennent la préoccupation essentielle des esprits le plus doués, comme ce fut le cas dans le passé, à différentes époques et en différents lieux.

    Cependant, même si la science doit continuer à progresser à son rythme actuel, il semble vraisemblable que ses acquisitions futures ne dépasseront pas ses limites passées et présentes. La connaissance que nous avons du fonctionnement de l’univers et de ses phénomènes peut s’accroître, mais la science ne semble pas devoir réussir dans le futur plus qu’elle n’a réussi dans le passé, à nous rendre capables de comprendre pourquoi l’univers fonctionne comme il le fait  ou même pourquoi l’univers existe.

    L’attachement de l’être humain à la biosphère au cours de sa vie physique et psychique, le poussera à répondre aux ultimes questions dans les termes invérifiables de l’intuition religieuse

    Les nécessités de la vie et de l’action le forcent à se fournir des réponses provisoires aux énigmes que lui posent les phénomènes, même s’il ne peut obtenir ces réponses de la science et même s’il croit que la connaissance scientifique est le seul mode de connaissance digne de foi. Cette dernière conviction n’est pas inattaquable. Néanmoins, il est vrai que les réponses obtenues en dehors des limites de la science sont des actes de foi invérifiables. Ce ne sont pas des démonstrations intellectuelles, ce sont des intuitions religieuses. Voilà pourquoi il paraît probable que dans le futur, comme dans le passé, la vie poussera les êtres humains à répondre aux ultimes questions dans les termes invérifiables de l’intuition religieuse. Vues superficiellement, les expressions postscientifiques et préscientifiques de la religion peuvent apparaître comme des pôles indépendants l’un de l’autre. Chaque expression passée de la religion s’est trouvée en harmonie avec l’orientation intellectuelle de l’époque et du lieu où elle a été formulée. Mais l’essence sous-jacente de la religion est sans aucun doute aussi constante que l’essence de la nature humaine elle-même. La religion est, en fait, une caractéristique intrinsèque et distinctive de la nature humaine. C’est la réponse nécessaire de l’être humain au défi posé par le mystère des phénomènes que sa faculté de conscience – une faculté exclusivement humaine – lui fait rencontrer.

     

    2.  LA BIOSPHÈRE

    Définition de la biosphère et de ses caractéristiques

    Le mot biosphère a été forgé par Teilhard de Chardin. Ce néologisme est rendu nécessaire à ce stade où nous sommes parvenus dans nos connaissances scientifiques et dans notre pouvoir sur la matière. La biosphère est une mince pellicule de terre ferme, d’eau et d’air, qui enveloppe le globe (ou l’espèce de globe) de notre planète, la Terre. C’est le seul habitat actuel et aussi, dans la mesure où nous pouvons le prévoir aujourd’hui, le seul habitat qui soit jamais accessible à toutes les espèces vivantes que nous connaissons, y compris l’homme.

    Le volume de la biosphère est strictement limité. Il ne contient donc qu’une quantité limitée des ressources auxquelles doivent puiser les diverses espèces d’êtres vivants pour subsister. Certaines de ces ressources se renouvellent, d’autres sont irremplaçables. Toute espèce qui abuse des ressources renouvelables ou qui épuise les ressources irremplaçables se condamne elle-même à disparaître. Le nombre des espèces éteintes qui ont laissé des traces dans les dépôts géologiques est étonnamment grand en comparaison du nombre de celles qui existent encore.

    La caractéristique la plus significative de la biosphère est la petitesse relative de ses dimensions et l’exiguïté des ressources qu’elle offre. Par rapport à la terre, la biosphère est prodigieusement mince. Sa limite supérieure peut être fixée à l’altitude maximale à laquelle un avion volant dans la stratosphère peut encore bénéficier du support de l’air. Sa limite inférieure est la profondeur, sous la surface de sa portion solide, à laquelle les ingénieurs peuvent creuser et forer. L’épaisseur de la biosphère, entre ces deux limites, est ténue comparée à la longueur du rayon du globe qu’elle recouvre comme une peau délicate. Ce globe est loin d’être la plus grande des planètes de notre soleil et il est loin également d’être la plus distante de toutes les planètes tournant autour du soleil suivant des orbites qui, en réalité, ne sont pas circulaires mais elliptiques. De plus, notre soleil n’est que l’un de ces soleils innombrables qui forment notre galaxie, et notre galaxie n’est qu’une galaxie dans une armée dont le nombre est inconnu (le nombre connu des galaxies s’accroît avec la portée de nos télescopes). Ainsi, comparées aux dimensions de la portion connue du cosmos physique, les dimensions de notre biosphère sont infiniment ténues.

    Comment la biosphère est parvenue à l’existence ?

    La biosphère n’est pas aussi ancienne que la planète qu’elle enveloppe actuellement. C’est une excroissance – on pourrait l’appeler aussi un halo ou une «couche de rouille» – parvenue à l’existence longtemps après que l’écorce terrestre se soit suffisamment refroidie pour que des portions de ses composantes originellement gazeuses se liquéfient ou se solidifient. C’est presque certainement la seule biosphère existant actuellement à l’intérieur de notre système solaire, et il est possible que, à l’intérieur de ce système, aucune autre biosphère ne soit jamais parvenue à l’existence ou n’y parvienne jamais. Bien sûr, notre système solaire, comme notre biosphère, n’est qu’une partie infiniment ténue des parties connues du cosmos.

    Il est possible que d’autres soleils – peut-être de nombreux autres –, outre le nôtre, possèdent des planètes

    Et que, parmi ces autres planètes, il s’en trouve qui, comme la nôtre, tournent autour de leur soleil à une distance telle qu’elles puissent développer, comme notre planète, des biosphères à leurs surfaces. Mais s’il existe, en vérité, d’autres biosphères potentielles, on ne peut tenir pour assuré que celles-ci soient réellement habitées, comme l’est la nôtre, par des êtres vivants. Dans un habitat potentiel de la vie, cette potentialité ne doit pas nécessairement se réaliser.

    Ce que nous savons et ce que nous ignorons

    Nous savons comment se configure physiquement la matière organique, mais l’enveloppe physique de la vie, de la conscience et de la perception ne se réduit pas à la vie, à la conscience et à la perception elles-mêmes. Nous ne savons pas comment ni pourquoi la vie, la conscience et la perception sont arrivées à l’existence à la surface de notre planète. Nous savons bien, cependant, que les composantes matérielles de notre biosphère ont été redistribuées dans l’espace et ont été recomposées chimiquement du fait de l’interaction des organismes vivants et de la matière inorganique. Nous savons qu’un effet de la genèse des organismes vivants «primitifs» a été de produire un filtre au travers duquel les radiations qui bombardent constamment notre biosphère depuis le soleil et d’autres sources extérieures sont maintenant admises à l’intérieur de notre biosphère avec une intensité qui les rend non seulement tolérables mais propices aux formes «supérieures» de la vie (le terme « supérieur » signifiant plus proche de la forme qu’a prise la vie dans l’espèce Homo sapiens — un usage relatif et subjectif du mot «supérieur»).

    Nous savons aussi que la matière contenue dans notre biosphère a été, et reste, constamment échangée ou « recyclée » entre les différentes portions de cette matière qui, à un moment donné, sont inanimées et celles qui sont animées, et que, dans la portion qui est animée à un moment donné, certaines sections sont végétales et d’autres animales et que, dans la section animale, certaines espèces sont non humaines et d’autres humaines.

    La biosphère existe et survit grâce à un délicat équilibre des forces, équilibre autorégulateur et autoconservateur

    Les composantes de la biosphère sont interdépendantes, et l’homme est tout aussi dépendant dans ses relations avec le reste de la biosphère que n’importe laquelle des autres composantes actuelles de la biosphère. Par un acte de pensée, un être humain peut se distinguer du reste de l’humanité, du reste de la biosphère et du reste de l’univers physique et spirituel. Toutefois, la nature humaine – c’est-à-dire la perception et la conscience tout autant que la structure physique de l’être humain – est également située dans la biosphère et rien ne prouve que des êtres humains isolés ou l’humanité dans son ensemble aient, ou puissent avoir, la moindre existence hors de leur vie dans la biosphère. Si la biosphère devait cesser d’être un habitat propice à la vie, l’humanité, pour autant que nous le sachions, serait appelée à disparaître, tout comme disparaîtraient alors les autres formes de vie.

    De plus, la biosphère potentielle la plus proche de la nôtre (si tant est que, outre la nôtre, il s’en trouve une quelque part dans le cosmos physique) peut se trouver à des millions d’années-lumière de notre planète.

    Notre génération a vu quelques êtres humains débarquer sur la lune et, après un bref séjour, revenir sur la terre, vivants dans presque tous les cas

    Ce fut un exploit magnifique de la science appliquée à la technnologie, mais ce fut un fait social plus remarquable encore si on considère que, jusqu’à présent, les êtres humains ont remporté bien moins de succès dans l’organisation de leurs relations mutuelles que dans leur effort pour maîtriser les secteurs non humains de la nature. Cet exploit nous a enseigné des leçons d’une portée pratique en ce qu’elles nous permettent d’évaluer nos perspectives et de choisir notre politique sur la terre.

    La lune est beaucoup plus proche de la terre qu’aucune autre étoile. C’est le satellite de notre planète. Pourtant, le débarquement de quelques hommes sur la lune pour quelques heures a exigé une minutieuse coordination et une collaboration enthousiaste de la part de plusieurs centaines de milliers d’êtres humains. Il a aussi nécessité des dépenses considérables en ressources matérielles et une confiance considérable a dû être accordée au courage et à l’intelligence qui sont les atouts les plus rares et les plus précieux de l’humanité. Même si la lune devait se révéler aussi riche en ressources pour la vie humaine que les Amériques, l’exploitation de ces ressources ne serait pas économiquement rentable.

    La colonisation permanente de la lune par les terriens serait impraticable

    Le corps humain possède une structure physique qui lui permet de résister à la force d’attraction terrestre et à la pression de l’air qui enveloppe la terre. Il a besoin d’une nourriture constituée de substances organiques, soit végétales soit animales. Toutes ces conditions étaient réunies et tous ces besoins pouvaient être satisfaits dans les Amériques, lorsque les Européens les atteignirent en traversant l’Atlantique à partir de la Scandinavie au Xe siècle et à partir de l’Espagne au XVe siècle. La rencontre d’autres êtres humains, qui avaient atteint et occupé les Amériques avant les Européens, prouvait que ces régions de la portion ferme de la terre étaient également habitables.

    La lune n’est habitable par aucune forme de vie. La seule matière lunaire qui pourrait constituer une ressource pour l’être humain serait une matière inanimée qui n’aurait jamais, même temporairement, été organique. Pour devenir utilisable, cette matière lunaire devrait être transportée de la lune sur la terre par des êtres humains campant et travaillant sur la lune, en butte à des conditions extrêmement éprouvantes. Cela ne serait pas rentable comme le fut le transport du tabac de l’Amérique vers l’Europe ou la culture, en Europe et en Asie, de plantes – par exemple le maïs ou la pomme de terre – qui avaient été mises en culture par les prédécesseurs des Européens, arrivés en Amérique par le côté opposé.

    Bien que ni la lune ni les planètes sœurs de la terre, qui sont beaucoup plus éloignées de la terre que ne l’est la lune, ne soient habitables par les habitants de notre biosphère, on peut concevoir qu’un soleil autre que le nôtre, peut-être un soleil d’une autre galaxie, possède une planète qui serait habitable par nous.

    Quand bien même nous aurions repéré une autre planète habitable, des voyageurs partis de notre biosphère n’auraient guère la possibilité de l’atteindre

    Supposons que nous découvrions le moyen de conduire notre course sans être attirés en chemin par l’un de ces foyers ardents que constituent les innombrables soleils qui se meuvent dans l’espace ; le voyage pourrait durer cent ans. Nous devrions par conséquent inventer un vaisseau spatial à bord duquel les passagers pourraient engendrer des enfants qui devraient être capables de vivre à bord et d’engendrer à leur tour des enfants et des petits-enfants jusqu’à ce que le véhicule atterrisse et débarque la troisième ou la quatrième génération. Et, même si la génération parvenue à destination pouvait s’attendre à trouver de l’air respirable, de l’eau potable, de la nourriture comestible, une pression atmosphérique supportable et une force d’attraction tolérable dans cette réplique hypothétique de notre biosphère, le véhicule (une moderne arche de Noé) avec lequel elle aurait fait le voyage d’une biosphère habitable à l’autre aurait dû être pourvu de provisions d’air, de nourriture et de boisson suffisantes pour maintenir en vie à bord plusieurs générations successives pendant un siècle. Il semble tout à fait invraisemblable que ce fabuleux voyage puisse jamais se réaliser.

    Ainsi, notre connaissance et notre expérience actuelles nous poussent à conclure que l’habitat des hôtes de la biosphère, qui couvre la surface de la planète terre, restera confiné dans la capsule à l’intérieur de laquelle la vie, sous la forme que nous lui connaissons, a fait son apparition

    Bien qu’il soit possible qu’existent d’autres biosphères, habitables par les hôtes de notre biosphère, il est tellement improbable que nous puissions jamais atteindre et coloniser aucune d’entre elles que cette possibilité ne peut raisonnablement être prise en considération. Une telle vision est, en fait, utopique.

    Qu’en conclure ?

    Si nous adoptons la conclusion selon laquelle notre biosphère, qui est, le seul habitat que nous ayons eu jusqu’à présent, est aussi le seul habitat physique que nous soyons jamais susceptibles d’avoir, nous ferons bien de concentrer nos pensées et nos efforts sur cette biosphère-là : il nous faut inventorier son histoire, prévoir son avenir et faire tout ce que l’activité humaine peut faire de manière à être sûr que cette biosphère – qui est pour nous la biosphère – demeurera habitable aussi longtemps que des forces cosmiques échappant au contrôle de l’homme ne la rendront pas inhabitable.

    La puissance matérielle de l’homme s’est aujourd’hui accrue à un degré tel qu’elle peut rendre la biosphère inhabitable

    Elle produira effectivement ce résultat suicidaire dans un avenir prévisible si la population humaine du globe n’entreprend pas, dès maintenant, une action concertée, prompte et vigoureuse, pour faire échec à la pollution et au pillage que l’avidité bornée de l’humanité inflige à la biosphère. D’autre part, la puissance matérielle de l’homme ne suffira à garantir l’habitabilité de la biosphère que dans là mesure où nous nous abstiendrons de la ruiner, car, bien que la biosphère soit finie, elle ne se suffit pas à elle- même. La terre-mère n’a pas engendré la vie par parthénogénèse. La vie dans la biosphère est née de la fécondation de la terre-mère par un père : l’Aton du pharaon Akhenaton, le disque solaire, le «Soleil invaincu», Sol Invictus, des empereurs illyriens d’Aurélien à Constantin le Grand.

    Le fond d’énergie physique de la biosphère – qui est la source matérielle de la vie –est aussi la source de la puissance physique contenue dans la matière inanimée telle que l’homme l’a maintenant maîtrisée

    Matière inanimée qui ne trouve pas son origine dans la biosphère elle-même. Cette énergie physique a été et est constamment irradiée dans la biosphère à partir du soleil ainsi que d’autres sources cosmiques, et le rôle de la biosphère dans la transmission de ces radiations vitales venues d’au-delà de ses limites est purement sélectif. On a déjà signalé que la biosphère filtrait les radiations qui la frappent. Elle laisse passer les rayons vivifiants et repousse les rayons mortels. Mais l’influence bénéfique des radiations issues de sources extérieures à la biosphère ne continuera de s’exercer qu’aussi longtemps que le filtre ne sera pas mis hors d’usage et aussi longtemps que ces sources de radiations demeureront inchangées. Et notre soleil, comme tout autre soleil dans le cosmos planétaire, subit des variations continuelles. On peut donc concevoir que, à une date à venir, certaines de ces variations cosmiques, soit dans notre soleil soit dans une autre étoile, altèrent l’incidence des radiations reçues par notre biosphère à un point tel qu’elles rendent inhabitable ce qui est maintenant une biosphère. Au cas où notre biosphère viendrait à être menacée d’un tel désastre, il semble improbable que la puissance matérielle de l’humanité soit assez grande pour faire obstacle à l’altération mortelle du jeu des forces cosmiques.

    Considérons maintenant les composantes de la biosphère et la nature de leurs relations réciproques

    Il y a trois composantes dans la biosphère :

    •  primo, la matière qui n’a jamais accédé à la vie en acquérant une structure organique ;
    •  secundo, la matière organique vivante ;
    •  tertio, la matière inanimée qui fut autrefois organique et vivante et qui conserve encore certaines qualités et certains pouvoirs organiques.

    Nous savons que la biosphère est plus jeune que la planète qu’elle enveloppe. Nous savons aussi que, à l’intérieur de la biosphère elle-même, la vie et la conscience n’existent pas depuis aussi longtemps que la matière avec laquelle elles se trouvent associées. La pellicule de matière qui constitue actuellement la biosphère était autrefois entièrement inanimée et inconsciente, comme l’est encore la plus grande partie de la matière du globe. Nous ne savons ni pourquoi ni comment une partie de la substance matérielle de la biosphère est devenue animée, ni comment ni pourquoi, à un stade encore plus récent, une partie de cette matière vivante est devenue consciente. Nous pouvons retourner la question: comment et pourquoi la vie et la conscience se sont-elles incarnées ?

    Mais, même sous cette forme inversée, la clef de l’énigme nous échappe encore.

    La composante ex-organique de la biosphère est étonnamment grande et elle a fourni à l’humanité des ressources de la plus grande importance pour la préservation de son existence. Il est de notoriété commune aujourd’hui que les récifs et les îlots coralliens sont le produit de myriades d’animalcules, chacun apportant son infime contribution à l’accroissement d’une roche artificielle solide et durable. Le travail accompli par ces animalcules au cours de périodes infinies a considérablement étendu l’aire de terre ferme qui, dans la biosphère, offre un habitat aux formes non aquatiques de la vie. Ces êtres vivants, minuscules mais innombrables et infatigables, ont créé, sous forme d’îles, davantage de terre ferme habitable que les puissantes forces inanimées du volcanisme dont l’activité a rivalisé   avec la leur pour entasser sous l’eau de grandes quantités de matières solides et pour faire surgir des îles à la surface de la mer.

    Il est aussi de notoriété publique aujourd’hui que le charbon est le produit de la décomposition d’arbres autrefois vivants et que le sol fertile tire une partie de sa fertilité du fait qu’il est passé par le corps de vers et qu’il est peuplé de bactéries qui ont la propriété de renforcer la capacité du sol à assurer la subsistance de la végétation. Mais le profane est toujours étonné lorsqu’un géologue lui suggère que le calcaire qui frappe aujourd’hui le regard sur l’horizon dentelé de l’une ou l’autre des chaînes de montagnes de la biosphère est le résultat d’une accumulation immémoriale de coquillages et de carcasses d’animaux marins sur le fond de mers disparues et que les dépôts horizontaux de ces organismes autrefois vivants se sont plissés – récemment, à l’échelle de la géologie – sous l’effet de la contraction de l’écorce terrestre de sorte que leur masse tordue a pris la forme contournée qui est la sienne aujourd’hui. Le profane est encore plus étonné d’apprendre que les vastes gisements de pétrole souterrains sont aussi de la matière ex-organique, plus proche donc du charbon que du minerai de fer ou du granit, substances qui ne sont jamais passées par un stade organique dans la configuration de leurs molécules constitutives.

    L’abondance étonnante de matière ex-organique dans la biosphère attire notre attention sur certains aspects déconcertants de l’histoire de la vie (nommée à tort «évolution», d’un mot que ne signifie pas changement véritable mais simplement «déploiement» de quelque chose qui a toujours existé à l’état latent). La vie en est arrivée à se diversifier en un certain nombre de genres et d’espèces distincts, et chaque espèce est représentée par un certain nombre de spécimens. La multiplicité des espèces et des spécimens a été la condition nécessaire de la progression de la vie depuis les organismes relativement simples et faibles jusqu’aux organismes relativement complexes et puissants, mais le prix de cette progression par la division et la diversification a été la compétition et la lutte. Chaque espèce, et chaque spécimen de chaque espèce, s’est trouvé en compétition avec d’autres pour s’approprier les constituantes de la biosphère, inanimées et animées, qui, pour une espèce donnée et pour ses spécimens, constituaient des ressources en ce sens qu’elles leur fournissaient les moyens pratiques de préserver la vie. Dans certains cas, la compétition a été indirecte. Une espèce, ou un spécimen de l’espèce, a provoqué l’extinction d’une autre, non pas en en faisant sa proie ou en l’exterminant, mais en s’arrogeant la part du lion d’une ressource qui, pour les deux rivaux, était une nécessité vitale.

    Lorsque les spécimens d’espèces non humaines se disputent de la nourriture, de l’eau ou qu’ils s’opposent en vue de l’accouplement, les perdants sont supposés demander et obtenir la grâce de leurs vainqueurs en échange de leur capitulation.

    Les êtres humains sont les seuls animaux à se combattre jusqu’à la mort et à massacrer les femmes, les enfants et les vieillards de l’«ennemi» en plus de ses combattants mâles

    Cette forme d’atrocité propre à l’homme est en train de se perpétrer au Viêtnam au moment où Toynbee écrit ces lignes à Londres. Des œuvres d’art célèbres l’ont glorifiée – tout en la stigmatisant involontairement – au cours des 5 000 dernières années : par exemple, la palette de Narmer, le bas-relief d’Eanatoum, la stèle de Naramsin et les monuments de ses émules assyriens, l’épopée homérique et la colonne trajane.

    La progression de la vie a donc été, au mieux, parasitaire, et, au pis, prédatrice

    Le règne animal a été parasitaire pour le règne végétal. Les animaux (en tout cas les animaux non marins) n’auraient pu atteindre à l’existence si la végétation n’avait déjà existé, source vivifiante d’air et de nourriture pour les animaux. Certaines espèces animales se maintiennent en vie en tuant et en dévorant des animaux d’autres espèces. Et l’homme a rejoint ces carnivores le jour où il est descendu de son abri perché dans les arbres pour s’aventurer sur le sol et y courir sa chance de tuer ou d’être tué. Les victimes de cette progression de la vie sont les espèces aujourd’hui éteintes et les représentants des espèces survivantes soumises à un massacre permanent. L’homme a domestiqué certaines espèces non humaines pour leur dérober leur production – lait ou miel  – tant qu’elles vivent et pour les tuer sans pitié afin de se nourrir de leur chair et d’utiliser leurs os, leurs nerfs, leur peau et leur fourrure comme une matière première pour confectionner des outils et des vêtements.

    Les êtres humains se dévorent aussi les uns les autres. Le cannibalisme et l’esclavage ont été pratiqués dans des sociétés hautement raffinées : l’une et l’autre de ces monstruosités dans l’Amérique centrale précolombienne, par exemple, et l’esclavage dans les sociétés gréco-romaine, islamique et occidentale. L’esclave est un être humain que l’on traite comme s’il était un animal domestique, et l’aspect choquant du sort que l’homme réserve aux animaux a été implicitement reconnu par le mouvement développé au cours des deux siècles passés pour l’abolition de l’esclavage. Bien plus, l’émancipation juridique des esclaves peut ne pas leur apporter de liberté réelle, car un homme juridiquement libre peut être exploité comme un esclave. Un colon romain du IVe siècle après J.-C., de même qu’un décurion romain de la même époque, était de facto moins libre qu’un esclave-berger du Ier siècle après J.-C. ou qu’un esclave-fonctionnaire dans la maison de l’empereur ou qu’un mamelouk musulman («mamelouk», en arabe, signifie «réduit à l’état d’objet de propriété» ; néanmoins, pour un mamelouk, l’asservissement juridique donnait le moyen de devenir seigneur et maître d’une armée de paysans juridiquement libres). Les Noirs des États-Unis, qui furent affranchis en 1862, ont à juste titre le sentiment que la majorité blanche de leurs concitoyens leur dénie encore la plénitude des droits humains.

    La monstruosité spécifiquement humaine qui a le plus de mal à disparaître est le meurtre, sous la forme rituelle du sacrifice humain

    Le meurtre a été largement condamné lorsque le motif en était la convoitise ou la haine personnelles. Le meurtre comme punition du meurtre a aussi été progressivement désapprouvé. Non seulement les vengeances privées mais aussi les exécutions officielles ont été abolies dans certains Etats modernes. Le meurtre rituel a aussi été prohibé dans les cas où le dieu à qui était sacrifiée la victime humaine était la déification de l’une ou de l’autre des ressources naturelles nécessaires à la préservation de la vie, par exemple la pluie ou la récolte ou le bétail. Cependant, depuis le jour où l’homme a acquis la haute main sur la nature non humaine, les dieux qui ont été adorés avec le plus de dévotion, de fanatisme et de cruauté sont les déifications de la puissance collective qui lui a permis de triompher de la nature non humaine.

    Ce sont les Etats souverains qui ont été le principal objet d’adoration de l’humanité au cours des 5 000 dernières années

    Et ces divinités ont demandé et obtenu le sacrifice d’hécatombes humaines. Les Etats souverains entrent en guerre les uns contre les autres et, dans la guerre, imposent à la fine fleur de leur jeunesse de tuer les sujets de l’État «ennemi», au risque de se faire tuer eux-mêmes par leurs victimes désignées. De mémoire d’homme, tous les êtres humains, à l’exception de quelques petites minorités – par exemple les membres de la Société des Amis (Quakers) –, ont considéré que tuer et être tué à la guerre était non seulement légitime mais méritoire et glorieux. Il est paradoxal que ni le fait de tuer à la guerre ni celui de tuer lors de l’exécution d’une condamnation à mort n’aient jamais été considérés comme des meurtres.

    La progression de la vie dans la biosphère valait-elle le prix de ce déchirement ?

    Un être humain a-t-il plus de valeur qu’un arbre et un arbre qu’une amibe? La progression de la vie n’a produit une série ascendante d’espèces que si nous prenons ascendance dans le sens de puissance. L’humanité est l’espèce la plus puissante qui soit apparue jusqu’à présent, mais l’humanité est la seule à être perverse. Les êtres humains sont uniques dans leur aptitude au mal parce qu’ils sont uniques dans leur aptitude à prendre conscience de ce qu’ils font et à opérer des choix délibérés. Le poète William Blake, qui envisageait les créatures vivantes dans les termes traditionnels d’un ouvrage réalisé par un dieu créateur semblable à l’homme, était à juste titre épouvanté par la création du tigre. Mais le tigre, à la différence de l’homme et de l’hypothétique dieu créateur, est innocent. Lorsqu’un tigre assouvit sa faim en tuant et en dévorant sa victime, il n’éprouve aucun trouble de conscience. Par contre, ç’eût été, pour un dieu, un acte sans but, sans nécessité et suprêmement pervers que de créer le tigre pour croquer l’agneau, l’homme pour tuer le tigre, et le bacille et le virus pour tuer les êtres humains en masse afin de préserver leur espèce.

    Ainsi, à première vue, la progression de la vie semble mauvaise, objectivement mauvaise, même si nous écartons la croyance selon laquelle ce mal est la création délibérée d’un dieu qui, s’il a accompli son œuvre délibérément, doit être encore plus pervers qu’aucun être humain n’a jamais eu le pouvoir de l’être.

    Cependant, ce premier jugement sur les conséquences de la progression de la vie atteste que, en plus du mal, il y a dans la biosphère une conscience qui condamne et abhorre ce qui est mal

    Cette conscience réside dans l’homme. La révolte de la conscience humaine contre le mal est la preuve que l’homme est aussi capable d’être bon, et nous savons par expérience que les êtres humains sont capables d’accomplir – et parfois accomplissent – des actes désintéressés et altruistes au point de se sacrifier entièrement pour le bien de leurs semblables. Nous savons aussi que le sacrifice personnel n’est pas une vertu exclusivement humaine. L’exemple classique du sacrifice personnel est l’amour de la mère pour ses enfants, et les mères humaines ne sont pas les seules à se sacrifier à cette cause. Le sacrifice inspiré par l’amour maternel se rencontre chez d’autres espèces de mammifères et aussi chez les oiseaux.

    En outre, toutes les espèces qui préservent leur existence en se reproduisant obtiennent de leurs spécimens vivants une coopération des représentants des deux sexes qui n’est pas d’un profit direct pour les individus eux-mêmes mais qui est un service que ceux-ci rendent à l’espèce. Dans une vision panoramique, nous pouvons aussi constater que les relations entre les diverses formes de vie ne prennent pas seulement l’aspect d’une compétition et d’un conflit. Alors que les rapports du règne végétal avec le règne animal sont, vus sous un angle, analogues aux relations d’une armée exploitée avec un parasite prédateur, vus sous un autre angle, ces deux règnes agissent comme des partenaires œuvrant en communauté d’intérêt pour maintenir la biosphère habitable à la fois par les plantes et par les animaux. Ces relations de coopération assurent, par exemple, la distribution et la circulation de l’oxygène et de l’oxyde de carbone en un mouvement rythmique qui rend la vie possible.

    La progression de la vie dans la biosphère semble donc révéler en elle-même deux tendances antithétiques et opposées l’une à l’autre

    Lorsqu’un être humain parcourt l’histoire de la biosphère jusqu’au moment présent, il découvre qu’elle a produit à la fois le mal et le bien, le vice et la vertu. Ce sont, bien sûr, des concepts exclusivement humains. Seul un être doté de conscience peut distinguer entre le mal et le bien et peut choisir entre une conduite mauvaise et une conduite vertueuse. Ces concepts sont inexistants pour les créatures vivantes non humaines, et ne sont estimés bons ou mauvais que par les jugements humains.

    Cela signifie-t-il que les normes morales sont arbitrairement imposées par la volonté humaine et que cette volonté, sans rapport avec les faits de la vie, est utopique ? Nous serions contraints de tirer cette conclusion si l’homme n’était qu’un simple spectateur et un simple censeur qui observerait et jugerait la biosphère de l’extérieur. Assurément, l’homme est à la fois spectateur et censeur. Ces rôles qu’il joue sont le corollaire de sa faculté de conscience ainsi que du pouvoir et du besoin, qui en sont la conséquence inévitable, d’opérer des choix moraux et de porter des jugements moraux. Mais l’humanité est aussi une branche de l’arbre de la vie. Nous sommes l’un des produits de la progression de la vie et cela signifie que les normes morales de l’homme ainsi que ses jugements sont partie intégrante de la biosphère et par conséquent de la réalité globale dont fait partie la biosphère. Ainsi, la vie et la conscience, le bien et le mal ne sont pas moins réels que la matière avec laquelle, dans la biosphère, ils se trouvent mystérieusement associés. Si nous admettons que la matière est une constituante primordiale de la réalité, nous n’avons aucune raison de supposer que les manifestations non matérielles de la réalité ne sont pas également primordiales.

    Il n’en reste pas moins que la date à laquelle la conscience a fait son apparition dans la progression de la vie dans la biosphère est relativement récente

    C’est la date à laquelle l’homme est apparu et, à notre époque, nous nous sommes rendu compte, tardivement et brutalement, que la présence de l’homme finissait par menacer l’habitabilité de la biosphère pour toutes les formes de la vie, y compris la vie humaine elle-même. Jusqu’ici, la compétition et la lutte qui constituaient l’un des aspects de la progression de la vie ont causé la disparition de nombreuses espèces d’êtres vivants et ont aussi infligé une mort prématurée, violente et douloureuse à d’innombrables spécimens de toutes les espèces. L’humanité s’est imposée à elle-même un tribut de sacrifices humains tout en dispensant la mort aux espèces rivales de prédateurs et en supprimant un certains nombre d’espèces de plantes. Même les requins, les bactéries et les virus ne sont plus de taille à résister à leurs adversaires humains, alors que jadis cette destruction d’espèces particulières et de spécimens des espèces n’a pas paru impliquer une menace pour l’existence de la vie elle-même. Jusqu’ici, l’extinction de certaines espèces a donné à d’autres espèces l’occasion de prospérer.

    L’espèce humaine est, de toutes les espèces, celle qui a le mieux réussi à maîtriser les autres composantes de la biosphère, aussi bien animées qu’inanimées

    À l’aube de sa conscience, l’homme s’est trouvé à la merci de la nature non humaine. Il s’est appliqué à la maîtriser et s’est progressivement rapproché de la réalisation de cet objectif. Au cours des dix derniers millénaires, il a défié la sélection naturelle en lui substituant la sélection humaine dans la mesure où il en avait le pouvoir. Il a favorisé la survie des plantes qu’il avait mises en culture et des animaux qu’il avait domestiqués pour ses propres besoins et entrepris d’exterminer d’autres espèces considérées comme nuisibles. Il a qualifié ces espèces indésirables de « mauvaise herbe » et de « vermine » et, en leur accolant ces épithètes péjoratives, a fait savoir qu’il allait faire tout son possible pour les exterminer. Dans la mesure où il a réussi à substituer la sélection humaine à la sélection naturelle, il a réduit le nombre des espèces.

    Cependant, au premier stade de sa carrière, qui a été de loin le stade le plus long, l’homme n’a pas marqué la biosphère aussi profondément que les autres êtres vivants, ses compagnons

    Les pyramides de Gizeh et de Teotihuacan, et les montagnes amoncelées par l’homme à Cholula et à Sakai, surpassent certes les temples, les cathédrales et les «gratte-ciel» des époques postérieures, mais même les plus massives des constructions humaines paraissent chétives comparées au travail des animalcules qui ont construit les îles de corail.

    À l’aube de la civilisation, il y a 5 000 ans, l’homme a pris conscience de la prééminence du pouvoir qu’il avait atteint dans la biosphère

    Avant le début de l’ère chrétienne, il découvrit que la biosphère était une enveloppe finie entourant la surface de l’étoile qu’était le globe. Depuis le XVe siècle de l’ère chrétienne, les Européens ont entrepris de s’approprier et de peupler les régions qui, à la surface de la biosphère, n’avaient autrefois qu’une population clairsemée. Toutefois, jusqu’à la génération actuelle, l’humanité n’a cessé de se comporter pratiquement comme si l’approvisionnement de la biosphère en ressources irremplaçables, tels les minéraux, était inépuisable, et comme si l’air et la mer ne pouvaient être pollués.

    Les composantes de la biosphère lui paraissaient en fait, et jusqu’à une date récente, virtuellement infinies si on les évaluait en fonction de l’aptitude de l’homme à les épuiser ou à les polluer

    Dans l’enfance de Toynbee (il est  né en 1889), il aurait encore semblé fantastique d’imaginer que l’homme eût jamais le pouvoir de polluer la totalité de l’atmosphère qui enveloppe la biosphère, bien que, à Londres où il a été élevé, ainsi qu’à Manchester, à Saint-Louis et dans un nombre croissant de villes, la fumée produite par la combustion domestique et industrielle du charbon eût déjà provoqué des brouillards tels qu’ils interceptaient la lumière du soleil et faisaient suffoquer les poumons pendant plusieurs jours. Cette menace contre la pureté de l’atmosphère était sous-estimée et tenue pour un inconvénient local et occasionnel. Quant à la possibilité que les activités humaines polluent la mer, elle aurait été considérée comme une imagination ridicule.

    La vérité c’est que, jusqu’au troisième quart du XXe siècle, l’humanité a sous-estimé l’accroissement de son pouvoir d’agir sur la biosphère

    Cet accroissement est la conséquence de deux nouveaux départs :

    •  d’abord, l’organisation systématique et délibérée de la recherche scientifique et son application au progrès technique ;
    • ensuite, l’aménagement, pour la faire servir aux fins humaines, de l’énergie physique active ou latente dans les composantes inanimées de la biosphère, par exemple l’énergie de l’eau qui ne cesse de couler vers la mer après s’être élevée de la mer dans l’atmosphère. Depuis le déclenchement de la révolution industrielle en Angleterre, il y a deux cents ans, cette énergie hydraulique, qui n’avait guère été appliquée auparavant qu’à la mouture du grain, fut exploitée pour faire fonctionner des machines qui fabriquaient diverses sortes de produits. L’énergie hydraulique a aussi été élevée à de plus hauts degrés de puissance quand on l’a transformée en vapeur ou en électricité. L’électricité peut être produite en utilisant la force physique de chutes d’eau naturelles ou artificielles, mais l’eau ne peut être convertie en vapeur que si elle est chauffée à l’aide de combustibles, et ceux-ci ont été utilisés non seulement pour transformer l’énergie hydraulique en énergie-vapeur ou en énergie électrique, mais aussi pour se substituer à l’énergie hydraulique jusque dans ses formes les plus puissantes. En outre, le charbon de bois, combustible qui, dérivé du bois, est remplaçable, a cédé la place à des combustibles non remplaçables : le charbon, le pétrole et finalement l’uranium.

    L’uranium, le plus récemment exploité des combustibles, dégage de l’énergie atomique

    Mais, en se risquant à manipuler cette force titanesque, l’homme s’est engagé depuis 1945 dans la même aventure que celle qui provoqua la fin tragique du demi-dieu Phaéton. Celui-ci avait usurpé le char de son divin père Hélios (le Soleil). Les coursiers du char d’Hélios ruèrent dans les brancards lorsqu’ils s’aperçurent qu’un faible mortel avait empoigné les rênes. Ils se précipitèrent loin de leur course ordinaire et la biosphère aurait été réduite en cendres si Zeus ne l’avait sauvée de la destruction en foudroyant le présomptueux mortel qui avait pris la place du soleil. Le mythe de Phaéton illustre sous forme d’allégorie le risque auquel l’homme s’expose en jouant avec l’énergie atomique. Il reste à voir si l’homme sera capable d’utiliser impunément cette puissante force matérielle. Sa puissance est d’une ampleur sans précédent, mais telle est aussi la nocivité de ses déchets radioactifs. L’homme est intervenu dans le mécanisme qui a permis à la biosphère – la terre-mère, source de la vie – d’être fécondée par les radiations vivifiantes du soleil. Cet exploit de mauvais augure de la technique humaine, joint aux réalisations antérieures de la révolution industrielle, menace maintenant de rendre la biosphère inhabitable.

    Nous nous trouvons donc aujourd’hui à un tournant de l’histoire de la biosphère et de celle, plus brève, d’un de ses produits et habitants : l’humanité

    L’homme a été le premier des enfants de la terre-mère à dominer la mère de la vie et à arracher des mains du père de la vie, le soleil, la force terrible de la puissance solaire. L’homme a maintenant libéré cette puissance dans la biosphère, nue et incontrôlée, pour la première fois depuis que la biosphère est devenue habitable. Aujourd’hui, nous ne savons pas si l’homme voudra ou pourra éviter d’attirer sur lui, ainsi que sur tous les autres êtres vivants, ses compagnons, le sort de Phaéton.

    L’homme est la première espèce vivante de notre biosphère qui ait acquis le pouvoir de ruiner la biosphère et, en la ruinant, de se liquider lui-même. En tant qu’organisme psychosomatique, l’homme est sujet, au même titre que n’importe quelle autre forme de vie, à la loi inexorable de la nature. Comme ses compagnons des autres espèces d’êtres vivants, il fait partie intégrante de la biosphère et, si la biosphère devenait inhabitable, il disparaîtrait, tout comme eux.

    La biosphère peut abriter la vie parce qu’elle constitue une association auto-régulatrice de composantes complémentaires

    Avant l’apparition de l’homme, aucune composante de la biosphère – organique, ex-organique ou inorganique – n’a jamais acquis isolément le pouvoir de bouleverser l’équilibre délicatement ajusté des forces qui ont fait de la biosphère la demeure accueillante de la vie. Les espèces préhumaines d’êtres vivants, trop incompétentes ou trop agressives pour vivre en harmonie avec le rythme de la biosphère, furent liquidées par l’effet de ce rythme bien avant que leur incompétence ou leur agressivité n’aient approché du point où elles auraient menacé de dérégler le rythme dont dépendaient leur vie et celle des autres espèces. La biosphère était beaucoup plus puissante que n’importe lequel de ses habitants préhumains.

    L’homme est le premier des habitants de la biosphère qui soit plus puissant que la biosphère elle-même. En acquérant la conscience, l’homme est devenu capable d’opérer des choix et, par conséquent, de tracer et d’exécuter des plans qui peuvent empêcher la nature de le liquider lui-même comme elle a liquidé d’autres espèces devenues nuisibles et menaçantes pour la biosphère dans son ensemble. L’homme peut survivre tant qu’il ne décidera pas de ruiner la biosphère, mais, s’il fait vraiment ce choix, il ne pourra échapper à sa némésis. Si l’homme ruine la biosphère, il se supprimera lui-même ainsi que toutes les autres formes de vie psychosomatique à la surface de la terre, mère de la vie.

    Tel est donc le point à partir duquel nous pouvons procéder à une revue rétrospective de l’histoire, jusqu’au moment présent de la rencontre entre la terre-mère et l’homme, le plus puissant et le plus énigmatique de tous ses enfants

    L’énigme consiste dans le fait que l’homme, seul des habitants de la biosphère, réside également dans un autre royaume, un royaume spirituel, non matériel et invisible. Dans la biosphère, l’homme est un être psychosomatique agissant dans un monde matériel et fini. Sur le plan de l’activité humaine, l’objectif de l’homme, depuis qu’il est devenu conscient, a été de se rendre maître de son environnement non humain et, de nos jours, il commence à apercevoir le succès de son effort, peut-être à ses dépens. Mais l’autre patrie de l’homme, le monde spirituel, fait aussi partie intégrante de la réalité globale. Elle diffère de la biosphère en ce qu’elle est à la fois non matérielle et infinie. Et, au cours de sa vie dans le monde spirituel, l’homme découvre que sa mission est de rechercher non la maîtrise matérielle de son environnement non humain, mais sa propre maîtrise spirituelle.

    Ces deux objectifs antithétiques et les deux idéaux différents qui les inspirent ont été exposés dans des textes célèbres. La recommandation classique qui enjoint à l’homme de se rendre maître de la biosphère est donnée dans le verset 28 du premier chapitre de la Genèse :

    « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.» (Trad. École biblique de Jérusalem.)

    Cette recommandation est claire et catégorique, mais le refus de s’y conformer l’est tout autant. «Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal» sonne comme une réplique à la recommandation de la Genèse, et le Nouveau Testament a été précédé par le Tao to king qui déclarait que les réalisations technologiques et organisatrices de l’homme n’étaient qu’un leurre[1] :

    « Plus on possède d’armes tranchantes,

    Plus le désordre sévit ;

    Plus se développe l’intelligence fabricatrice,

    Plus en découlent d’étranges produits ;

    Plus se multiplient les lois et les ordonnances,

    Plus foisonnent les voleurs et les bandits .»

     

    «L’épée que l’on aiguise sans cesse

    Ne peut pas conserver longtemps son tranchant . »

     

    « Une nation petite et faible de population

    Peut posséder un certain matériel

    Qu’elle ne doit pas employer

     

    Quoique (le peuple) ait des bateaux et des voitures,

    Qu’il ne les utilise pas.

    Quoiqu’il ait des armes et des cuirasses,

    Qu’il n’en fasse pas montre. »

          (Traductions Liou Kia-hway, Paris, Gallimard, 1967.)

     

    Ces passages du Tao to king ont un équivalent dans l’Evangile selon saint Matthieu :

    « Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.» (Trad. Ecole biblique de Jérusalem.)

    Ce sont des réfutations de l’appel à se consacrer à l’acquisition du pouvoir et de la richesse. Elles rafraîchissent l’atmosphère et appellent à un idéal opposé.

    «Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Qui veut en effet sauver son âme la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera. Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre âme ? Et que peut donner l’homme en échange de sa propre âme? » (Trad. Ecole biblique de Jérusalem.)

    Si un être humain venait à perdre son âme, il cesserait d’être humain, car l’essence de l’existence humaine est de percevoir une présence spirituelle derrière les phénomènes, et c’est en tant qu’âme, non en tant qu’organisme psychosomatique, qu’un être humain se trouve en communication avec cette présence spirituelle ou même s’identifie à elle dans l’expérience des mystiques.

    Vivant comme il le fait simultanément dans la biosphère et dans le monde spirituel, l’homme est un véritable amphibie[2]

    Or, dans chacun des deux éléments qui constituent son domaine, l’homme possède un objectif. Mais il ne peut poursuivre chacun de ces deux objectifs ou servir chacun de ces deux maîtres de tout son cœur. L’un de ces deux objectifs et l’une de ces deux allégeances doit recevoir la primauté ou même un engagement exclusif si les deux se révèlent incompatibles ou irréconciliables.

    Quelle allégeance (biosphère ou domaine spirituel)  doit recevoir la primauté ?

    Le débat que suscite cette question a pris une tournure explicite en Inde avec la génération du Bouddha, à peu près vers le milieu du dernier millénaire avant Jésus-Christ. Il devint explicite en Occident avec la génération de saint François d’Assise au XIIIe siècle. En ces deux occasions, l’adoption de choix opposés a conduit un père et un fils à suivre des voies séparées. La question est probablement débattue implicitement depuis l’aube de la conscience, car l’une des vérités fondamentales que la conscience révèle à l’être humain est l’ambivalence morale de la nature humaine. Cependant, presque en tous temps et en tous lieux, les gens ont évité d’évoquer ouvertement la question qui a incité le Bouddha et saint François à rompre les liens naturels qui les unissaient à leur famille. C’est seulement avec notre génération que le choix est devenu inévitable pour l’humanité dans son ensemble.

    A notre génération, le contrôle, maintenant achevé, que l’homme exerce sur l’ensemble de la biosphère menace de faire échec aux desseins de l’homme en ruinant la biosphère et en supprimant la vie, y compris la vie humaine. Depuis le XIIIe siècle, l’homme occidental fait profession d’honorer Francesco Bernardone, le saint qui renonça à l’héritage d’une lucrative affaire de famille et qui fut récompensé par les stigmates du Christ pour avoir épousé Dame Pauvreté. Mais l’exemple que l’homme occidental a effectivement suivi n’est pas celui de saint François, mais de son père, Pietro Bernardone, le prospère marchand de draps. Depuis le déclenchement de la révolution industrielle, l’homme moderne s’est consacré, avec plus de passion qu’aucun de ses prédécesseurs, à poursuivre le but que lui assignait le premier chapitre de la Genèse.

    Il semble que l’homme ne soit pas capable d’échapper à la némésis[3] de sa puissance démoniaque

    et de sa cupidité, à moins de consentir à un changement de ses dispositions d’esprit, qui le conduirait à abandonner son objectif actuel et à épouser l’idéal opposé. La gageure qu’il s’impose actuellement le confronte à un défi péremptoire. Pourra-t-il se contraindre à accepter comme règles de conduite pratique nécessaires pour les hommes de stature morale ordinaire les préceptes prêchés et appliqués par les saints, que l’on a considérés jusqu’ici comme des conseils de perfection utopiques pour l’homme moyen sensuel ? Le long débat suscité par cette question, qui semble atteindre de nos jours son point culminant, sera le thème de la « grande aventure de l’humanité » sur la terre-mère.

     


    [1] Le Tao Tö King (« livre de la voie et de la vertu ») est un ouvrage classique chinois qui, selon la tradition, fut écrit autour de 600 av. J.-C. par Lao Tseu, le sage fondateur du taoïsme, dont l'existence historique est toutefois incertaine. De nombreux chercheurs modernes penchent pour une pluralité d’auteurs et de sources, une transmission tout d’abord orale et une édition progressive. Les plus anciens fragments connus, découverts à Guodian, remontent à 300 av. J.-C. environ ; les premières versions complètes très semblables au texte actuel, provenant de Mawangdui, datent de la première moitié du IIe siècle av. J.-C.

    [2] Expression judicieuse de Sir Thomas Browne.

    [3] Némésis, en tant que principe opposé à la bonne fortune, a pu être associée à Tyché. Le mot Némésis, à l'origine, signifiait « qui dispense la fortune, ni bonne ni mauvaise, simplement dans la proportion due à chacun selon ses mérites » ; puis, le ressentiment provoqué par n'importe quelle perturbation de cette proportion. O. Gruppe (1906) et d'autres préfèrent relier le nom au « juste ressentiment ».

     


    Date de création : 13/09/2015 @ 10:40
    Dernière modification : 13/09/2015 @ 10:47
    Catégorie : Histoire
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