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Parcours nietzschéen - L'homme à l'intelligibilité des choses






L’HOMME A L’INTELLIGIBILITÉ DES CHOSES
 
 
Cette recension est extraite de l’ouvrage de Louis-José Lestocart intitulé « L’intelligible connaissance esthétique[1] »
 
Intelligible lui-même, l’homme a l’intelligibilité des choses. Elle est à la fois :
         métaphysique (en tant qu'on se donne un programme de recherche qui tente de trouver un sens à la connaissance),
        réaliste (car il existe une réalité réputée connaissable et compréhensible),  
        naturelle, enfin (car notre comportement et notre pensée ont des racines naturelles).
L'entendement crée le pouvoir possible des choses et le choix ou non sur elles. A chaque pas que je fais, à chaque pensée que j'active ou opère, et à chaque instant, je suis cet être clignotant dont parle Nietzsche (le dernier homme[2]). Non un être spécifiquement des sciences ou des sciences dites 1humaines, non un être possédant la connaissance, le savoir, mais un être de « la plus haute intensité » puisque je possède (et en même temps oublie) le pouvoir d'intelligibilité sur les choses. C'est un choix (libre-arbitre) qui doit s'effectuer. Ou les régir (les choses), les ramener à ce que l'on connaît ; ou les découvrir, se laisser bercer par elles, les suivre jusqu'à la compréhension. L'entendement s'effectue par là. Par le choix sur les choses, non sur les idéaux (représentations), car ceux-ci ne sont là que comme expression réelle, tactile, haptile d'une pensée vue comme vaste symbolisation, mais plus sur des moments de dessilliations ; là où les structures profondes – au moins leurs processus stochastiques –, se dévoilent et deviennent lisibles. Elles nous disent, ces structures, à ce moment-là, pour qui sait les entendre, ce qu'il en est de l'état du monde au moment même où je les vois ou les pressens. Elles s'inscrivent dans la pensée et dévident un programme (la pensée est tel un fiacre que l'on prend et dont on suit le cheminement jusqu'au bout, selon Schopenhauer), dont l'application peut varier d'un être humain à l'autre, et que je peux choisir ou non de suivre.
Le chemin est pourtant âpre, dur et pénible à tenir, pour qui sait et veut entendre. Toute sa surface se couvre d'aspérités dues à l'abandon des certitudes, des choses aux frontières nettes et stables constituant ordinairement l'entendement. La dynamique qui s'opère alors ne peut suivre qu'une voie préétablie – celle d'une circularité. Importance infinie de notre savoir, de nos erreurs, de nos habitudes, de notre façon de vivre d'année en année, pour tout ce qui est à venir. Ces états étant contaminés par les états à venir et sans cesse toujours présents.
 
Le Réel en tant que parties ou en tant que Tout
 
Dans Causalité et hasard dans la physique moderne (1957), le physicien américain David Bohm (1917-1992), auteur d'importantes contributions en physique quantique, physique théorique, philosophie et neuropsychologie, déclare : « Une fois accompli le passage de l'appréhension intuitive au savoir, on admet que tout est composé de parties qui existaient indépendamment et extérieurement les unes par rapport aux autres, et se trouvaient liées par des relations externes. Et ce point de vue fragmentaire est devenu de plus en plus complexe. Ainsi au moins virtuellement, tous les aspects de la pensée humaine reposent sur la notion de parties. » De même, peut-on dire que les objets revêtent des connotations distinctes selon les sujets regardants qui sont alors poussés à ordonner leur paysage intérieur selon leur perception extérieure, leur propre « point de vue » et leur propre appareil sensoriel et cognitif. Ces sujets bâtissent des unités fermées en soi, des paradigmes idiosyncrasiques de représentation du monde, illusoires. Nous demeurons formés par les (ces) choses que nous formons et l'on s'efforce de trouver des significations en des signes offerts à notre perception, qui deviennent, par associations d'idées pour nous, des preuves irréfutables de quelque chose – « que ce quelque chose soit l'ensemble de tous les objets, ou de tous les atomes ou de tous les événements, ou Dieu, ou l'ensemble des idées platoniciennes. »
Le Réel est pourtant un Tout, homogène et simultané qui se tient ; une même et unique matière, indivisible en parties, fondamentalement de l'ordre de la durée. Surgissement du nouveau, génération de possibles, ouverture et imprévisibilité, c'est un réel fortuit, d'autant plus réel qu'il est fortuit, donc sans « apprêts ». Son essence est de « passer ». On ne voit au mieux qu'une série de positions.
Pour moi, en tant qu'observateur humain minutieux, analytique, rarement critique de l'Univers et du Temps, pour percevoir clairement quelque chose dans une sorte de grossissement rêvé, il faut couper la chose sur ses bords, l'isoler comme telle. Ainsi je pratique, par attention sélective, une coupe instantanée (découpure) dans le devenir, le Tout, qui le réduit à un espace clos (objet, idée, image, concept, tableau, représentation, système serré et cohérent)11. Ce qu'on croit être une idée cartésienne « claire et distincte » n'est que vision partielle, bornée et limitée par les capacités perceptives et conceptuelles humaines, agissant sur notre esprit en réfèrent brouillé, auquel on choisit nécessairement de donner sens.
Énorme illusion d'optique ! Où serait donc l'illusion et où serait la réalité ? Il n'est pourtant nul besoin de rien forcer, de fabriquer pour comprendre la réalité. Tout est là !... devant les yeux. Mais toujours par cette « clarté » et cette « distinction », cette manière qu'ont les humains d'éviter le choc et le danger apparent de tout mystère, en essayant de rendre l'inconnu familier, on pense toujours fixe ce qui est en fait mouvement, flux, progression continue, mobile. On ne retient du monde matériel que ce qui est susceptible de se répéter et de se calculer, par conséquent ce qui ne dure pas. L'acte de fixer est un des traits fondamentaux de la nature humaine. D'un point de vue formel, par d'étranges manies superstitieuses, par des obsessions quasi métaphysiques, on donne même parfois à cette découpe la netteté d'une épure en lui conférant une irréductible essence. Une forme alors se dessine qui revêt les aspects de l'idéal le plus pur. Un bloc unique et linéaire, une idée platonicienne considérée comme « sans temps ».
Le langage de la physique classique stérile, précieux et devenu ridicule, décrit ainsi une grande mécanique d'éléments séparés les uns des autres dont l'histoire se déroulerait dans un espace et un temps distincts et absolus. Cette vision mécaniste et « séparatiste » du monde dont on démontrera ici encore et historiquement l'insuffisance via Nietzsche, s'impose métaphoriquement à la plupart des constructions théoriques traditionnelles ; toutes spéculations menaçant pourtant d'être surannées.
Un jour de l'été 1922, durant une conversation avec Werner Karl Heisenberg, physicien tout  comme lui, Niels Bohr déclare : « Nous sommes dans une situation désespérée comme des marins abordant une contrée lointaine. Ils ne connaissent rien du pays où ils rencontrent des gens dont ils n'ont jamais entendu parler la langue. Ils ne savent donc comment communiquer. Aussi autant que les concepts classiques marchent, c'est-à-dire tant que l'on peut parler du mouvement des électrons, de leur vitesse, de leur énergie ...etc., je pense que mes images sont correctes ou tout au moins j'espère qu'elles sont correctes.
Mais personne ne sait jusqu'où on peut aller avec ce langage. »
 
« La zone est un système très compliqué. Il y a plein de pièges qui sont tous mortels. J'ignore ce qui s'y passe en l'absence des hommes, mais dès qu'ils apparaissent tout se met en mouvement. » Ne peut-on pas voir là dans Stalker(Andrei Tarkovski, 1979), l'énoncé précis d'une réalité sans cesse modifiée par le regard de l'observateur ? Comme en train de se livrer à une démonstration devant des élèves curieux (l'écrivain et le savant), le stalker précise : « A chaque instant elle est telle que nous l'avons faite par notre propre état d'esprit » et ajoute « Tout ce qui se passe ici dépend non de la zone mais de nous. »
Nous sommes toujours face à une vision restreinte qui reste vague et qui ne relève en définitive nullement du visible. On est aussi un peu dans un des problèmes fondamentaux de la physique : cette mystérieuse question de la « non-séparabilité » entre observateur et observé de la physique quantique de Niels Bohr.
 
Le Réel non séparable et voilé
 
Dans ce réel, la vision du monde, pour qu'elle soit juste et demeure juste, est indissociable de l'idée d'une continuité entre la vision de l'observateur et ce qu'il observe. Et bien souvent ce que l'observateur voit ou croit voir ne sont que distorsions supposées existant entre le monde « réel » – tel que finalement on l'imagine réel tandis que le monde réellement à percevoir, se passe toujours hors champ. Dans tous les changements qu'il produit, on subodore une présence grouillante de mondes contigus, parallèles, sans cesse emboîtés les uns dans les autres. On y sent la toute puissance d'un autre monde implicite sous la forme d'un immense courant de non-dit qui circule en tous points. Le monde reste en profondeur différent de ce qu'il paraît.
Il faut sans cesse élargir et enrichir le domaine de l'investigation en y mêlant des considérations issues de l'histoire des idées, des mathématiques, de la physique, de l'astrophysique, des concepts philosophiques, et même des champs artistiques lesquels conjuguent admirablement dessein épistémologique et souci dé la forme. Ceci – cette interdisciplinarité – répond d'ailleurs à un besoin de notre sensibilité humaine à la recherche de grands espaces/temps déterminants pour l'imaginaire (Gilbert Durand). Une revisitation totale du réel est nécessaire pour transformer notre connaissance du monde et abandonner les grandes certitudes ontologiques. Mais bien plus, car, comme dit l'astrophysicien, écrivain et poète français, spécialiste des trous noirs, Jean-Pierre Luminet (1951-), le « réel » n'est pas seulement voilé par nos facultés de perception limitées, il est voilé par la nature même du monde. « La forme globale de l'espace pourrait être assez 'tordue' pour démultiplier presque à l'infini les trajets de la lumière entre une source lointaine et nous-mêmes, de sorte que nous serions plongés dans un univers d'apparence extrêmement différente de ce qu'il est en réalité. » L'univers dans sa forme globale – un « N-Volume » fini –, nous paraît donc vaste, « déplié », contenant des milliards de galaxies, tandis qu'il serait en fait beaucoup plus petit que l'univers observable, chiffonné en petits univers biscornus contenant beaucoup moins d'objets authentiques. Au reste cet espace paraît « chiffonné » au point de pouvoir créer des images fantômes de chacun de ses objets cosmiques. Cette notion de réalité empirique et la conjecture plausible d'un réel indépendant pour le moins « voilé » dont on ne peut espérer connaître que certaines structures générales en reflets grossièrement déformés, se retrouve dans Le Réel voilé, analyse des concepts quantiques (1994) du physicien théoricien Bernard d'Espagnat (1921-), l'un des principaux interprètes philosophique de la mécanique quantique.
 
Le Réel interprété
 
La représentation, pour incarner sa même forme de représentation, devrait totalement se mettre en dehors du champ visuel, et cela est ou paraît impossible. On ne peut que faire varier l'angle et seulement en fonction de l'outil utilisé. Ce perspectivisme radical ne fait que gêner d'autant plus celui qui veut voir et interpréter. D'après le philosophe britannique d'origine autrichienne, Ludwig Wittgenstein (1889-1951), cette relativité essentielle de la connaissance possible provient de la superposition de deux types d'espaces tels deux types d'images coexistant : l'espace visuel (l'expérience immédiate) qui utilise un cadre de référence, et l'espace euclidien (géométrique), de façon à ce que l'image virtuelle intègre nécessairement, à l'intérieur de sa composition, toutes les composantes spatiales qui s'y rattachent : hauteur, profondeur, largeur.
Nous introduisons involontairement des coordonnées ou des mesures dans notre propre perception de l'espace réel. On assiste ainsi aux étapes de la construction d'un schéma de «carte » (pattern) mentale dit encore David Bohm (The Spécial Theory of Relativity, 1965). Il remarque ainsi, en s'appuyant sur les travaux de psychologues/cognitivistes, que notre dispositif de perception abstrait de l'environnement des traits peu changeants ou invariants comme autant de « sous-cartes » intérieures de l'environnement considéré – opération correspondant à une forme d'idéologie (répondant elle-même à des croyances, affirmations, préjugés et hypothèses paradigmatiques) et conditionnant toute perception ultérieure. Nous, prisonniers de nos cartes mentales (établies par la conjugaison de notre perception et de notre mémoire), sommes enclins à recadrer l'espace réel dans un espace géométrique pour le rendre plus stable, pour l'idéaliser en quelque sorte.
Mais on est aussi en droit de se demander : qu'est ce que la réalité ? Quelle est cette croyance superstitieuse à la réalité ? Quelle fonction métaphysique primordiale même pourrait être attachée au réel ? Sans cesse devenir qui s'interroge et qu'on interroge, la construction du réel participe de l'imagination et de l'invention. La tâche fondamentale de la philosophie est de penser le « mouvant » avec une vision directe, immédiate de ce mouvant – acte donc essentiellement cognitif. Bergson pointe combien l'intelligence s'est constituée par un progrès intrinsèque, et parle de l'adaptation de plus en plus précise, de plus en plus complexe et souple, de la conscience des êtres vivants aux conditions d'existence qui leur sont faites. De là pourrait découler l'idée que l'art, mais aussi bien la philosophie dans son sens large, opération d'intelligence et de cognition, sont destinés à assurer l'insertion parfaite de notre corps d'être vivant, conscient, en son milieu ; à se représenter les rapports des choses extérieures entre elles ; enfin à penser au mieux et au plus près matière et réalité en tant qu'espace-temps-matière. Ce qui doit, à présent, s'étendre à la théorie de la connaissance en général.
Il nous faut essayer de bâtir une image approchante de l'Univers et de notre rapport à lui. Ce dernier est « comme un film que l'on pourrait voir – du moins en partie – de manière instantanée, comme un tableau » composé de milliers et de milliers de choses encore à découvrir. Un immense tableau-espace (ou une structure) muni d'une topologie (quelle que soit sa forme), sans cesse en cours d'achèvement, mais ne se finissant jamais – qui se déploie actuellement sous nos « yeux » – si tant est que cette expression ait un sens. Un tableau complètement conçu dans notre esprit (représentation toujours plus englobante) et perçu (image mentale) comme au-dedans d'une (ou plusieurs) boule de verre facettée. Au-dedans de ce tableau hypercubique ou plutôt hypersphérique se trouve, de long en large, un nombre fini de points particuliers, des signes spécifiques indiquant les positions qu'on doit prendre pour construire de nouveaux concepts.
En dehors de toute géométrie (ou alors une géométrie élastique pouvant entraîner par elle-même un renouveau et autoriser un regard différent) et, a priori, de toutes modalités surplombées par des lois universelles et constantes.
Il ne s'agit pas pour nous de caresser l'ambition de produire du jamais vu, mais bien de se disposer à saisir, en dedans comme en dehors, ce qui se présente dans ce monde où les choses et les phénomènes qui s'y déroulent sont ainsi, juste ainsi. Parfois même indépendamment en dehors de notre regard en tant qu'observateur. Dans notre confrontation à ces points, nous sommes tels des vecteurs orientés. Sans but réel, sauf le déplacement continuel d'un corps (ou d'une particule en mouvement) dans l'espace, sa trajectoire dans la structure, on suit les vecteurs qui se heurtent périodiquement aux points. De même les personnages de Stalker, bourlinguant au mieux, foulent une zone, portion d'espace, homogène, rythmée par des poteaux télégraphiques servant de repères à la recherche d'un passage. Pour se déplacer, sur un mode apparemment ordonné, ils doivent recourir aux jets aléatoires de boulons fixés à des foulards. Imposition de règles formelles : l'endroit où tombe le foulard est précisément le point où ils doivent se rendre et ils agissent ainsi à chaque fois. Tout a l'air en même temps, parfois, de se modifier à chaque instant autour d'eux. Créant de ce fait l'image de changements de phase, de bifurcations, oscillations et de boucles (trajet en boucle dans le temps et l'espace) propres aux différents processus affectant un système complexe. Et, sur le terrain de la zone de Stalker, a lieu un parcours hésitant, douloureux et des trajectoires quelque peu chaotiques, dû à l'attachement à ces points et éventuellement à d'autres manifestations qui pilotent leur action. Car, ici, le monde se divise en deux (comme dans le Manuel d'Epictète), mélange de déterminisme et d'indéterminisme. Dans cette coexistence de champs connus et inconnus, il y a ce qui dépend de nous (ta eph henim) et ce qui ne dépend pas de nous (ta ouk eph henim). Ce jalonnement spatial et physique du territoire par jet de boulons et l'attachement aux signes et « indices » qu'il contient représente le seul repérage possible, tandis que les lois de la zone opérant de leur côté d'un point de vue à la fois quantique et relativiste, brouillent...
 
Avec le XXe siècle, il s’est fait jour la nécessité de penser le monde comme un tout indivis
 
C’est cette nécessité qui ressort de l’ouvrage de L-J. Lestocart où, avant l’Introduction à l’Éternel retour, viennent se superposer les pensées du mathématicien et physicien Henri Poincaré, du philosophe Ludwig Wittgenstein et du physicien David Bohm.
Le premier dans Science et méthode (1908) nous déclare : « Le cerveau du savant qui n’est qu’un coin de l’univers, ne pourra jamais contenir l’univers tout entier ».
En paraphrasant Wittgenstein (Remarques sur la philosophie de la psychologie) (1921), on dira que nous nous faisons des « tableaux » des faits (vécus ou non), c’est-à-dire que nos représentations de ces faits-images sont une transposition de la réalité où les éléments sont également reliés les uns aux autres. L’ensemble de ces relations formant la structure logique du monde de sorte que « Le tableau logique des faits constitue la pensée ». Car ce monde ne peut être pour nous qu’effet de langage, construction langagière dans son épanouissement.
Pour David Bohm, dans « La totalité et le monde enveloppé » (1983), c’est aussi le langage qui est aussi à l’origine de la fragmentation de la pensée et du réel. Tout se passe comme si on se trouvait devant une unité « perdue » qui serait toujours, dans notre esprit, composée de fragments, mis là en surprises, en rébus.
Si l’on vient à raisonner en système complexe, on pourra encore suivre Bohm quand, en 1989, il déclare dans « La Danse de l’esprit ou le sens déployé » : « L’état du tout pourrait en fait régir l’organisation des parties, non seulement du fait de la forte connexion entre éléments très éloignés, mais aussi parce que l’état du tout tel qu’il induirait l’organisation des parties. Sa réalité serait indifférente à la localisation exacte de ses parties. »
Cela implique qu’un changement d’état (y compris le regard de l’observateur) dans n’importe laquelle de ses parties retentit sur tout le reste. Ce tableau imaginé du monde montre donc sans cesse la dynamique des systèmes non linéaires comme principe de construction et laisse ouvert le résultat de l’expérience à mener. Totalité insaisissable, de fait métastable, chaotique, elle semble se constituer et s’organiser spontanément, dans l’œil de l’observateur, dans son esprit, son mental, sa psyché. Mais c’est elle en même temps qui organise l’homme, le régule, l’autocratise. Tout se passe comme s’il fallait à nouveau parcourir, – avec quelle peine !, le champ des connaissances (fussent-elles mathématiques, physiques, esthétiques, philosophiques, biologiques, etc.) et examiner encore de près le monde pour lui donner ses marques ou de toutes nouvelles marques. Il y a bien cette « nécessité comme le dit Bohm dans ‘ La Plénitude de l’univers’, de regarder le monde comme un tout indivis dans lequel toutes les parties de l’univers, y compris l’observateur et ses instruments, se fondent et s’unissent en une seule réalité ».
 


[1] Ed. l’Harmattan, janvier 2010.
[2] « Nous avons découvert le bonheur, – disent les derniers hommes, et ils clignotent. » (Ainsi parlait Zarathoustra).


Date de création : 14/12/2013 @ 11:48
Dernière modification : 14/12/2013 @ 11:55
Catégorie : Parcours nietzschéen
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