LEXPÉRIENCE GHZ
Observons un des aspects les plus désopilants de la mécanique quantique[1]. Cest le fait que détranges corrélations peuvent exister entre différents états. Cest ce quon appelle lintrication quantique.
Il en ressort que lunivers est un lieu beaucoup plus étrange quon ne lavait imaginé.
2.3.1 Lexpérience GHZ
Nous sommes en présence de trois scientifiques.
Ils sont envoyés dans trois laboratoires différents. Chaque minute, ils reçoivent un conditionnement (ou échantillon) qui leur est adressé par une mystérieuse station.

Chaque scientifique dispose dune machine qui enregistre les conditionnements. La machine a deux positions X ou Y et chaque mesure peut donner deux interprétations +1 et -1

Les scientifiques ont appris ce quils avaient à faire :
1. Choisir la position X ou Y sur la machine.
2. Introduire le conditionnement dans la machine.
3. Activer la mesure.
4. Enregistrer si le résultat est +1 ou -1.
5. Revenir à létape 1.
Chaque mesure est mise en concordance jusquà ce que chaque scientifique dispose dune longue liste de résultats telle que celle-ci
(A) a choisi de mesurer X deux fois de suite et obtenu = +1 et -1 ; il a choisi de mesurer Y et obtenu + 1 ; il a choisi de mesurer X à nouveau et obtenu -1, etc
Après quils aient obtenu chacun une batterie de mesures, les scientifiques se réunirent pour examiner les corrélations qui pouvaient exister dans leurs mesures. Puisque leurs enregistrements provenaient de la même source, il neut pas été déraisonnable de constater quelques corrélations. Ils relevèrent ce qui suit : quand lun deux choisissait de mesurer X et que les deux autres mesuraient Y, le produit des trois résultats était égal à +1, i.e.[2]
Peut-être cela provenait-il de ce que les trois avaient obtenu +1, ou peut-être lun deux avait obtenu +1 et les deux autres -1. Puisque la station centrale ne pouvait connaître préalablement ce que chaque scientifique choisirait, elle prépara chaque ensemble à partir des deux possibilités X et Y. La corrélation observée en (2.3.5) est cohérente avec seulement 8 différents arrangements de la station centrale :
Relevons à présent que lexpression (2.3.5) donne une prévision
si les trois scientifiques mesurent X, leur multiplication doit donner +1. On peut le constater simplement en multipliant les entrées des premières colonnes des matrices en (2.3.6). On obtient le même résultat arithmétiquement.
Dans la première égalité nous utilisons le fait que le produit est associatif, tandis que la seconde égalité provient de ce que (±1)2= +1. Légalité finale est une conséquence de (2.3.5).
2.3.2Pécadille, mais vérité !
Lexpérience GHZ a été réalisée[3]. Les grandeurs mesurées étaient les spins[4]des particules élémentaires. Cest ici une surprenante vérité. Les corrélations observées sont
et
La prédiction (2.3.7), basée sur une intuition classique de la façon dont lunivers fonctionne est fausse.
2.3.3Aux grands maux, les grands remèdes ?
Quest-ce qui pourrait expliquer cet étrange résultat ? Une hypothèse implicite est que les mesures sont interprétées indépendamment, de sorte que la deuxième expérience na aucune possibilité de connaître si la position de linterrupteur de la première expérience était X ou Y. Nous pouvons penser que cela constitue une garantie puisque les scientifiques étaient de toute façon placés en des lieux différents.
Si ces étranges corrélations étaient dues à un échange dinformation entre les scientifiques, il faudrait que cette information soit transmise à une vitesse plus grande que celle de la lumière ! Mais sommes-nous suffisamment désespérés pour jeter la relativité aux orties ?
2.3.4 La réalité quantique
Nous avons supposé que les paquets quittant la station centrale ont des valeurs déterminées pour les grandeurs X et Y dont toutes les possibilités sont indiquées dans lexpression (2.3.6). Mais dans le monde quantique nous devons prendre en compte la possibilité de la superposition des états et de laspect probabiliste des résultats.
On peut contrôler que ces matrices ont pour valeur propre + 1 et -1, résultat des mesures. (Mais, X et Y nont pas les mêmes vecteurs propres). Il faut maintenant définir deux vecteurs détat correspondant à une particule au spin up (|↑>) et down (|↓>) (correspondant à laxe des z).
Ces états ne sont pas les états propres à X et Y. Il est facile de constater quils sont la mise en acte de la matrice X quand ils passent dun état up à un état down ou vice-versa.
Dune façon similaire, la matrice Y correspond aux échanges des états up et down (jusquaux facteurs de i et i).
Tel est létat que la centrale a actuellement adressé :
Ceci correspond à la superposition de deux états: un état avec tous les spins up (|↑>)

et un état avec tous les spins down (|↓>)

Utilisons une notation où les flèches sont ordonnées : la première flèche correspond au spin de la première particule, la seconde flèche correspond au spin de la deuxième particule et ainsi de suite. De telle façon que les matrices de mesure X1X2 et X3 agissent respectivement sur les premières, deuxièmes et troisièmes flèches de chaque état X2.
Létat donné en (2.3.14) est un vecteur propre de X1Y2Y3, de Y1X2Y3, et deY1Y2X3.
Ainsi, dune manière importante, quun vecteur propre de X1X2X3. Vérifions que cela donne lieu aux corrélations observées.
Par exemple,

Dune façon similaire, on peut montrer que
Ainsi, quand un seul scientifique mesure X, les résultats de la multiplication donnent +1. Cependant, quand les trois scientifiques mesurent X, on obtient
Si lon raisonne classiquement lexpression (2.3.7) est fausse. Mais elle fait totalement sens dans le monde quantique.
Relevons quil était important que les états de spin des trois particules ne fussent pas indépendants, mais quils se trouvassent intriqués dans létat (2.3.14) une superposition de deux états dans lesquels les spins soient tous up soit tous down. Peu importe que les scientifiques aient été séparés, cette intrication sétait reflétée dans leurs mesures.
[2]Ici la notation X1 Y2 Y3 signifie que le scientifique 1 a mesuré X et les scientifiques 2 et 3 ont mesuré Y.
[3]Pan et al. (2000), « Test expérimental de mécanique quantique non-locale en trois photons GHZ intriqués » Nature 403 (6769) 515 - 519. 4Le spin est, en physique quantique, une des propriétés des particules, au même titre que la masse ou la charge électrique. Comme d'autres observables quantiques, sa mesure donne des valeurs discrètes et est soumise au principed'incertitude. C'est la seule observable quantique qui ne présente pas d'équivalent classique, contrairement, par exemple, à la position, l'impulsion ou l'énergie d'une particule