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Parcours augustinien - Saint Augustin en trois œuvres majeures




SAINT AUGUSTIN EN TROIS ŒUVRES MAJEURES
 
Aurelius AUGUSTINUS est né en 354 à Thagaste (aujourd’hui Souk-Akraa en Algérie) ; il est mort en 430 dans sa ville épiscopale de Hippone (aujourd’hui Annaba) assiégée par les Vandales.
Depuis son cri des « Confessions » c’est l’évènement qui, la plupart du temps, a inspiré à Augustin le désir de rédiger tel ou tel traité. C’est là un trait très profond de son caractère que cette hâte à produire une réfutation, à prendre parti. Mais, fréquemment le temps lui manque pour terminer l’œuvre surtout si elle est d’une certaine ampleur. Il a mis 20 ans pour rédiger les 15 livres du « De Trinitate » (399 à 419), 14 ans pour achever « La Cité de Dieu » qui a été entreprise en 413, trois ans après la prise de Rome par les Wisigoths d’Alaric.
Le retentissement psychologique de cet évènement avait été, d’un bout à l’autre de l’Empire romain, considérable[1]. « La ville qui avait conquis l’univers était à son tour conquise », et c’est pour réfuter certains polémistes païens qui rendaient les chrétiens responsables de cette catastrophe, que l’évêque d’Hippone entreprit de rédiger cette dernière œuvre, Ce fut pour Augustin l’occasion d’une très profonde méditation qui, partant d’une réflexion apologétique de ces évènements, s’est peu à peu élevé jusqu’à l’ample vision de la foi chrétienne dans son affrontement avec l’histoire.
On doit à l'initiative de l’évêque Possidius de Calama en Numidie, (mort vers 437), que ces œuvres colossales de l'évêque, mort dans Hippone assiégée, soient parvenues jusqu’à nous après les avoir mise en ordre, et transférées d’une manière encore inexpliquée vers Rome.
  
Les textes qui suivent sont empruntés au livre de Lucien Jerphagnon intitulé « Connais-toi toi-même et fais ce que tu aimes[2] ».
 
Deux vies qui s’inscrivent à peu d’années près dans les derniers temps de l’empire d’Occident : celles de l’empereur Julien et de Saint-Augustin
Julien, dit l’Apostat[3] (331-363), nommé empereur en 360, avait mis en œuvre, avec l'aide d'intellectuels dévots, la théocratie philosophique dont il rêvait. Roi pontife mandaté par les dieux, il en restaura les cultes avec la minutie d'un bigot... On ne persécuta pourtant pas les chrétiens. On réprima les seules provocations, violentes souvent, des fanatiques. Une bavure toutefois : l'éviction des chrétiens de toute fonction d'enseignement. Mais se voyant ainsi confier la mission céleste de restaurer l'Empire en sa divine essence, Julien en avait intériorisé les fantasmes séculaires. À commencer par la vocation de Rome à droitement régner sur le monde.
Énée, de passage aux Enfers, n'en avait-il pas reçu la révélation d'Anchise, son père ? Au souverain idéal, au maître du monde selon l'esprit des dieux, la tradition avait donné une figure : Alexandre le Grand, le Macédonien qui avait étendu si loin sa souveraineté et régné sur les Perses. Plus d'un César, au cours des temps, avait rêvé d'être « le nouvel Alexandre », soumettant ainsi un royaume qui plus d'une fois avait humilié Rome. Du vivantde Constance II, les Perses avaient encore menacé les villes romaines de l'Euphrate.
L'heure était venue : Julien allait défier Sapor II, le frapper au cœur de son empire. Au reste, Maximos, expert en oracles, le lui avait bien dit : il était Alexandre réincarné. On connaît la suite. Julien mourut en 363 sur le front perse au cours de cette expédition, et l'Empire redevintchrétien comme devant. Pour une fois que se réalisaient les rêves d'un adolescent, le monde ne leur correspondait plus.
Augustin avait alors neuf ans. Écolier à Thagaste, collégien à Madaure, dans son Afrique natale, il en serait resté là, pour surdoué qu'il fût, si son père ne lui avait obtenu d'un évergète local la bourse qu'il lui fallait pour accéder aux études supérieures de rhétorique à Carthage. Il les réussit d'autant mieux que, dit-il, « il aspirait goulûment aux honneurs » et que l'art de dire était le plus sûr moyen d'y parvenir. C'est alors qu'il lut cet Hortensius aujourd'hui perdu où Cicéron défendait la philosophia comme seule voie d'accès à la sagesse, « science des choses divines et humaines ». Vaste programme, dans lequel Augustin se lança sur l'heure : la conversio ad philosophiam, classique depuis Lucrèce, Virgile, Perse..., l'aventure commençait, car la sagesse, Augustin la chercherait longtemps et partout. Dans la Bible d'abord, sagesse même de Dieu selon les chrétiens. Mais il n'en tira rien, déconcerté comme bien d'autres, Porphyre, Arnobe, Lactance, Jérôme, l'avaient été ou le seraient, faute d'en décrypter le symbolisme sémitique. Du coup, il quitta l'Eglise romaine et passa aux manichéens, qui tenaient le Christ pour le Dieu bon, et le Dieu de la Bible pour le démiurge responsable d'une création ratée de bout en bout. Il resterait neuf années dans la secte, poursuivant sa quête métaphysique sans perdre de vue sa réussite professionnelle.
Lui aussi lisait tout ce qui circulait à l'époque. Dans ses écrits, on ne compte pas moins de trente-quatre philosophes grecs cités, et quatre latins. Les vaticinations des manichéens se révélaient de moins en moins fiables, mais comment combler un vide spirituel que les philosophes ne meublaient pas ? Le doute méthodique de l'Académie le tenta un moment, mais il était trop avide de certitudes. Entre-temps, il avait réussi : professeur à Carthage, privat-docent à Rome, il se vit promu,à trente ans, rhéteur officiel de l'Empire, en résidence à Milan, la capitale. C'est là que tout allait changer. En effet, Augustin avait lui aussi trouvé là un cercle d'intellectuels passionnés de néoplatonisme, autrement pur celui-là,car fondé sur des textes de Plotin et de Porphyre. Augustin en fut ravi. Il se débarrassait enfin d'une imagination matérialiste de la divinité. Ébloui par cette vision inattendue du corps, de l'âme, de l'esprit et de Dieu, il s'en revenait à la foi de sa jeunesse. D'autant mieux qu'allant ès qualités à la cathédrale, il entendait l'évêque Ambroise donner de la Bible une exégèse allégorique, et citer à l'occasion du Plotin. Augustin regagna donc l'Eglise.
On sait le reste : la démission, le retour en Afrique, l'épiscopat d'Hippone et une œuvre colossale, où le platonisme apporte à la foi des moyens d'approche, d'approfondissement et d'expression.
 
L’émerveillement d’Augustin à la lecture de Plotin
Dans les œuvres d'Augustin, c'est d'une façon concrète que se fait la prise de conscience de la pensée antique. Dans les Confessions, autobiographie en forme de lettre ouverte à Dieu, qu'a-t-on sous les yeux, sinon le périple intellectuel et moral d'un gamin, chrétien comme on l'est à son âge, soudain converti à la sagesse par un Cicéron qui avait tâté de toutes, puis celui d'un jeune homme accroché neuf années durant à une secte, le manichéisme ? On voit alors un homme se construire à la fortune du pot : tantôt éclairé, tantôt déconcerté par Aristote, par les sceptiques de la Nouvelle Académie, littéralement retourné en 386 par des livres qu'on lui avait prêtés, ceux de Plotin et de Porphyre.
Qu'avait-il donc trouvé qui ait à ce point bouleversé les idées qu'il se faisait jusque-là du monde, du mal, de l'âme, de Dieu ? Une expérience analogue à la sienne, encore qu'en milieu païen, vécue par Plotin quelque cent cinquante ans plus tôt. L'étudiant alexandrin avait, comme lui, fait en pure perte le tour de toutes les sagesses, jusqu'au jour où il tomba sur cet Ammonios Saccas (fin du IIe - début du IIIe siècle) dont on ne sait rien, et devint ainsi le disciple de Platon. Du vrai, de celui dont une lignée de fidèles avait sauvegardé l'enseignement authentique, en marge des théories plus ou moins déviantes. Plotin aussi avait couru des hasards. Il s'était finalement établi à Rome, où son enseignement avait grand prestige : parmi ses auditeurs, on remarquait Gallien et Salonine, le couple impérial. Rêva-t-il, comme le prétend Porphyre, de fonder en Campanie une cité des philosophes, Platonopolis, gouvernée selon les principes définis par Platon dans la République ou les Lois?
Ce projet farfelu tourna court. Plotin, en dépit de ses entrées au palais, menait la vie d'un véritable ascète. Restent de lui 54 traités, que Porphyre rangea à son idée en six groupes de neuf, les Ennéades.
On comprendrait mal l'éblouissement qu'éprouva Augustin à lire ces livres, si l'on n'en rappelait l'intuition fondamentale. Selon Platon et Aristote, « la philosophie naît de l'étonnement ». Or, ce qui émerveillait Plotin, c'était la présence même du monde, dont l'infinie diversité surgit à chaque instant du fond de l'éternité. Toute sa vie, il tentera d'en apercevoir le principe. Son intuition était que les choses ne sont ce qu'elles sont que par leur unité : une armée, un chœur, une plante... Que cette unité se défasse, et l'être se désagrège. D'où son système : ce qu'il y a dans chaque être d'unité constitutive procède, par degrés, d'un absolu d'unité, l'Un, d'où émane « l'Intelligence », degré suprême de la pensée en même temps que de l'être, rayonnement éternel des archétypes. De l'Intelligence procède l'Âme du monde, qui diffuse la vie. Un, Intelligence, Âme du monde : telles sont les trois hypostases, terme que reprendront les chrétiens au concile de Nicée de 325 pour désigner les trois personnes de la Trinité.
Mais ce n'est qu'en tendant vers son maximum d'unité qu'un être se réalise. Ainsi de l'âme humaine : engagée dans la matière du corps, elle risque de s'y dégrader. Aussi lui faut-il « s'évader de la caverne », comme le voulait Platon, se dégager du sensible par l'ascèse, bref, n'être plus qu'âme pour espérer s'unir à l'Intelligence et coïncider, même l'espace d'un éclair avec le Principe, avec l'Un. C'est ce que nous appelons tant bien que mal l'« extase ». Instant fugace qui à lui seul vaut toute une vie. Plotin aurait connu quatre fois cette expérience, et Porphyre dit avoir attendu cette grâce jusqu'à l'âge de soixante-dix-sept ans...
Si Augustin a éprouvé un authentique émerveillement au contact de cet intellectualisme mystique, c'est qu'il y trouvait une autre conception du monde que son matérialisme spontané. Pourtant, si les deux visions, la platonicienne et la chrétienne, semblaient se rejoindre sur des points comme l'ascèse et la spiritualité, elles n'en restaient pas moins difficilement compatibles. Alors que Plotin, au dire de Porphyre, « avait honte d'être dans un corps », l'Église prêchait le Dieu-Être dont le Verbe s'était fait chair.
C'est la vision chrétienne qui l'emportera, devenant pour Augustin « la vraie philosophie ». Chrétien par conviction, prêtre par surprise, évêque par devoir, il ne renonça pas pour autant à penser. Ses textes fourmillent de citations de philosophes de toutes les époques. Simplement, ces références n'apparaîtront plus que comme des arguments utiles à son propos : initier le plus efficacement qu'il se peut les gens à la vraie Sagesse, celle de Dieu. Avec Augustin, l'autonomie de la philosophie par rapport à la religion prend fin. D'une certaine façon, la pensée médiévale commence.
Homme de son temps – et de quel temps ! Augustin renouvelait les sujets qu'il abordait, ouvrant à la philosophie des perspectives originales, plus personnalistes, moins exclusivement spéculatives. D'où tant d'intuitions neuves sur la connaissance de soi et sur la connaissance tout court, sur la liberté, l'éternité, sur l'âme. Et sur Dieu, bien sûr, encore que sur ce point il s'exprime avec une prudence sans aucun doute inspirée par sa saison en platonisme. « Platon pour disposer au christianisme », écrira Pascal.
Au cours des âges, Plotin et Augustin en aideront plus d'un dans leur itinéraire spirituel ou leur parcours philosophique. Ils aideront les théologiens à tirer vers plus de transcendance l'idée souvent pesante que se font de Dieu les religions. De même pour l'idée du monde et du destin. De nos jours, on tient pour acquis tout ce que les savants ont découvert du monde, des atomes aux galaxies. Tout est désormais sans mystère.
Tout, sauf la présence du Tout, ce fait inexpliqué qu'il y ait un monde. Et c'est auprès de Plotin qu'un Henri Bergson ou un Vladimir Jankélévitch auront pressenti le « supplément d'âme » qu'appelle « ce corps indéfiniment agrandi », la mystique que requiert le mécanique.
 
Le Saint Augustin des « Confessions »
Avant Augustin, c'est un fait qu'on ne disait rien de sa propre vie, sinon un mot en passant. Les autres s'en chargeaient. Question de civilisation : dans le monde grec ou romain, on ne focalise pas spontanément sur le « moi, je ». On pense plutôt    « nous », autrement dit famille, clan, patrie, milieux sociaux au sein desquels on est « je », hors desquels on n'est rien, ou pas grand-chose. Quand Socrate dit :       « Connais-toi toi-même », ce n'est pas aux joies de l'introspection qu'il entend éveiller, mais à la conscience que chacun doit avoir de ses limites : « Sache, précise-t-il, que tu n'es pas un dieu », et conduis-toi en conséquence. Dans cette perspective, se raconter serait outrepasser la condition humaine, pécher par démesure, et la mythologie enseignait que cela pouvait coûter cher.
On trouve pourtant, constate Lucien Jerphagnon, des textes antiques où les gens parlent d'eux. Bien sûr : Jules César, par exemple, mais c'est à la troisième personne, et pour raconter sa campagne de Gaule, pas pour parler de M. Jules. Il y a pourtant des gens qui disent « je » ?
–        Certes, l'empereur Octave Auguste, dans la fameuse inscription qu'on appelle les Res gestae. Là, c'est bien à la première personne qu'il s'exprime : «J'ai fait ceci ; j'ai fait cela », mais c'est le procès-verbal de son parcours sans faute d'homme d'État providentiel, pas les états d'âme de M. Octave.
–        Cela dit, on trouve quand même dans la littérature antique des allusions à la vie personnelle, mais encore une fois, c'est en passant, et cela ne va jamais très loin. Ainsi quand Sénèque raconte à Lucilius qu'il a été si malade lors d'une promenade en mer qu'au retour, il a préféré regagner la côte à la nage plutôt que d'attendre qu'on accoste.
–        De même Ovide, dans ses lettres, dit combien l'exil lui pèse, et Pline à quel point il s'ennuie de Calpurnia, sa femme, mais là, c'est d'une correspondance qu'il s'agit.
–        Il y a aussi ce journal intime où Marc Aurèle consigne ses états d'âme et ses résolutions. Mais attention : cela s'intitule en grec Ta eis eau-ton, autrement dit « Ses affaires à lui », et c'est le stoïcien qui parle, un homme parmi d'autres en quête de la vraie sagesse.
–        Qui encore ? Apulée, dans son Apologie. Là, c'est bien une tranche de vie, mais servie devant un tribunal pour s'y disculper d'une accusation gravissime de magie, pour déterminer une riche veuve à l'épouser, et ainsi faire main basse sur sa fortune...
–        Il y aurait bien le journal d'Aelius Aristide, l'orateur à lamode à qui l'on doit un si bel Éloge de Rome, car là, on a droit à tous les détails. Mais c'est qu'il raconte par le menu ses hospitalisations à l'asklépiéion de Pergame, autrement dit au temple-clinique d'Esculape. Il ne nous cache rien de ses malaises, de ses élans de piété, de ses inspirations entre deux lavements et un vomitif. Mais attention : c'est la chronique d'un miracle annoncé, d'une guérison programmée. C'est un ex-voto littéraire à Esculape.
–        On pourrait en citer encore quelques autres. Mais, à part le pauvre Aelius Aristide, tous ces auteurs font l'impasse sur leur intimité. On ne vivait pas, comme aujourd'hui, centré sur son nombril ; on n'était pas polarisé sur l'individu, la personne. Détail combien significatif : la moindre place de la propriété littéraire par rapport à nos jours. Quand un illustre inconnu voulait faire partager au grand public ses petites idées, le mieux était encore de les attribuer à un grand nom du passé. D'où le nombre des traités pseudépigraphes, des pseudo-Untel : Platon, Aristote, Denys l'Aréopagite et autres. Les idées à diffuser dans l'espace littéraire ambiant primaient le souci de s'affirmer en tant qu'auteur. Le moi, avec son petit espace-temps rien qu'à lui, ne se voyait pas aussi important que de nos jours. Quant à l'intime, on le gardait pour soi. On peut regretter la discrétion des Anciens – ah ! les mémoires de Tibère, les souvenirs de Néron, les confessions de Messaline ! –, mais c'est ainsi.
Cela pour dire qu'en livrant au public, entre 397 et 401, un peu de sa jeunesse morte, de ce temps où il errait en manque de Dieu, Augustin innovait. Pourtant, ce n'était pas pour étaler les souvenirs de M. Augustin, ses petites grandeurs et ses grandes petitesses. Le livre ne s'intitulerait pas « Moi, ma vie, mon œuvre ».
Augustin était trop bon connaisseur de la culture traditionnelle, trop imprégné de la mentalité de son temps, pour déroger d'un coup à l'esprit de la littérature classique qui excluait, nous l'avons dit, comme incongru l'étalage de soi. De sa vie, il ne dira pas tout, tant s'en faut : que de coins d'ombre l'historien d'aujourd'hui déplore de ne pouvoir explorer ! Et ce qu'il choisira d'en dire sera conditionné par l'intention bien précise qui le détermine. Il fallait un motif sérieux pour sortir de la réserve qu'imposait l'époque et transgresser cette loi non écrite des belles-lettres.
Alors, quel était ce motif ? Rédiger à l'intention d'hypothétiques détracteurs un plaidoyer pro domo, une apologie qui leur ferait voir son itinéraire sous un meilleur jour ? Certainement pas. Et pas davantage il ne s'agit d'un déballage à la mode d'aujourd'hui, l'exhibition d'un passé graveleux, pathétique ou simplement sordide, où l'auteur se savoure ou se défoule.
Non : Augustin va écrire des Confessions. Encore faut-il entendre ce qu'il met sous le mot, choisi pour définir au plus près le contenu du message et le motif de sa divulgation. Or ce qui détermine Augustin, à l'âge mûr, à évoquer sa vie, figure dès les premières lignes des Confessions : louer Dieu. Chanter ce Dieu à l'affût de son âme depuis toujours. Ce Dieu auquel il a fini par se rendre au terme de quinze années d'errance.
D'où la forme de « lettre ouverte à Dieu » qu'aura le livre de bout en bout. Louer Dieu, ce sera aussi professer – confesser – sa foi. Ce sera enfin avouer la misère intime d'une âme pécheresse parce que fourvoyée, et qui en remet sur le péché d'Adam. Tel est le triple sens, en latin du moins, de confessio. Gardons-nous de le réduire au seul aveu – ou étalage – de ses fautes.
Augustin va donc choisir dans un passé toujours présent tel épisode, heureux, lamentable ou quelconque, mais significatif toujours, de sa propre misère et de la divine miséricorde, de ses doutes et de sa foi, de son repentir et de sa joie. Défilent les sottises du gamin, les frasques du jeune homme plutôt rangé, les quinze années de vie avec une fille aimée dont il ne dit rien, le souvenir d'un fils disparu si jeune. Et puis tout ce temps perdu dans une secte d'illuminés, et cette passion débridée d'un Rastignac version Bas-Empire pour les honneurs et les places. Enfin et surtout, la recherche à tâtons d'un Dieu égaré, et le bonheur de s'être laissé trouver.
Tout cela s'exprimant dans un contexte émotionnel intense, qui donne à l'ensemble un charme exultant et tragique. Non qu'il s'enchante de sa propre ferveur. Son âme ne chante pas, comme la Marguerite de Faust : « Ah ! ah ! ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir... »
Cela, d'autres le feront après lui, qui excelleront à ce petit jeu, à ce jeu du je. Augustin, non. Il a mieux à faire. Il a si peu envie qu'on le regarde pour lui-même qu'il s'agace des voyeurs éventuels, ces gens « curieux de la vie des autres, négligents pour rectifier la leur» (Confessions, X, 3.3). Ce qu'il relate, c'est une expérience sans cesse remémorée, revécue, réactivée dans un présent qu'il partage avec tous les autres. Ce qu'il consigne, c'est un témoignage. Car enfin, il fallait que tout cela servît à d'autres. Il fallait que ce fût dit, et même si jusqu'alors, en littérature, cela ne se faisait pas.
Cela étant, il faut bien reconnaître que personne, avant Augustin, n'était allé aussi loin dans l'approfondissement du « Je suis », ni dans son dévoilement. Parce qu'il a su observer – aux fins que Lucien Jerphagnon a dites – le déroulement de sa propre vie, parce qu'il a su en décrire les faiblesses et révéler leurs causes, scrutant sans complaisance la part d'ombre que tout homme porte en soi, Augustin a ouvert la voie à l'introspection, à l'expérience de la subjectivité, à son expression littéraire. À dire vrai, il en aura reculé les limites au-delà de l'extrême, puisqu'il montre le temps de chaque homme s'inscrivant dans l'aujourd'hui de Dieu, dans l'éternité.
Je dis bien : de chaque homme, car en disant «je », c'était, certes, de lui qu'Augustin parlait, mais c'était en même temps de tout homme venant en ce monde. Au cours des siècles, on souffrira ou l'on jouira de se reconnaître dans tel passage des Confessions. Chacun voudra en savoir plus, toujours plus, sur tout le monde, et surtout sur soi. En effet, comme disait Merleau-Ponty, la subjectivité, une fois découverte, ne se laisse plus oublier.
Au-delà de la vie d'Augustin, une fois passé l'effet de surprise qu'avaient causé ses révélations, c'est à l'intimité des individus qu'on allait désormais s'intéresser. À la singularité de leurs expériences, aux coins et recoins de tant de petits mondes intérieurs tournant dans la galaxie humaine comme autant de planètes jusque-là silencieuses.
C'est en ce sens là qu'on a fait endosser à Augustin l'invention de l'autobiographie. En rompant avec le « littérairement correct », Augustin avait ouvert une brèche. Une foule allait s'y engouffrer au cours des siècles, pour notre plaisir ou notre agacement, pour notre édification ou notre écœurement. Boèce, Abélard, Thérèse d'Avila, Montaigne, le cardinal de Retz, Casanova, Rousseau, Talleyrand, Chateaubriand, Musset, Newman, Gide, et j'en passe ; que de noms, chacun apportant ses lumières et ses ombres, qu'il croit originales et qui souvent sont tout juste celles de son siècle ! De tout le monde on saurait tout, ou presque. Parfois même, on n'en demandait pas tant.
 
Le Saint Augustin du « De Trinitate »
Reprenant un mot de Socrate que rapporte Platon, Aristote confirme que « c'est l'étonnement qui incita aux spéculations philosophiques les premiers penseurs ». Et les autres depuis. Toutefois, il est bon de rappeler qu'on ne s'étonne ni des mêmes choses, ni de la même façon en tout lieu et en tout temps. L'histoire de la philosophie n'a rien d'un musée des concepts sur lesquels tous les visiteurs poseraient le même regard.
Qui croit encore à la « philosophie éternelle » ? Autre évidence en philosophie, on ne s'étonne pas une fois pour toutes. Ne voir dans l'étonnement qu'un point de départ serait un contresens, que dénonce Heidegger : « L'étonnement porte et régit d'un bout à l'autre chaque pas de la philosophie. » C'est donc l'affaire d'une vie ; la vie d'un esprit qui jamais ne se repose dans la conviction d'un savoir définitif. Autant de points qu'on vérifierait en lisant ce que dit Augustin de la Trinité. Pour idylliques qu'on les imagine, les tout premier temps du christianisme n'étaient pas exempts de controverses.. Cela, du fait de la diversité des langues, des cultures, des mentalités, sans parler des questions de personnes. Cependant, il semble qu'on y ait parlé du Père, du Fils, du Saint-Esprit sans plus de complications que dans les Évangiles, les Actes des Apôtres ou les Épîtres de Paul. C'est avec le temps que le besoin s'affirma, en Orient surtout, d'une formulation précise. Les difficultés commencèrent quand on s'avisa de rationaliser ce que chacun vivait jusque-là en communauté comme une présence. De fait, si le Fils est le Logos du Père, comment peut-il lui être égal ? De même l'Esprit par rapport au Fils, s'il en est l'envoyé ? D'où la tendance dite « subordinationiste » sensible chez Justin, Tertullien, Origène, Irénée. Mais c'est au IVe siècle que les choses se gâtèrent, quand Arius, un prêtre alexandrin, soucieux de bien distinguer les trois personnes que d'aucuns confondaient, crut bon d'affirmer la supériorité du Père sur le Fils. Une initiative qui diviserait le monde chrétien, déchaînant tensions et violences. Ce qui dans un empire désormais chrétien n'allait pas sans retombées politiques. Convoqué par Constantin, le concile de Nicée définit en 325 l'égalité des trois personnes, usant pour cela de termes grecs : « Une substance ; trois hypostases », qu'on traduirait tant bien que mal en latin. Beaucoup s'y rallièrent sans que cessent les querelles, se compliquant de nuances entre des courants devenus autant de sectes, en Orient surtout.
On en était là quand, en 399, Augustin entreprit le De Trinitate. Il avait bien conscience des dégâts que causaient ces débats inutiles et incertains : « Qui ne parle de la Trinité, si tant est que ce soit d'elle qu'on parle ? » Pourtant, s'il s'indignait de ces controverses, ce qu'il envisageait alors était moins de s'y engager que d'en faire apparaître l'erreur de perspective. Ces années-là, il achevait les Confessions, où apparaît à chaque page l'émerveillement d'une âme qui découvre en soi la présence d'un Dieu si tard aimé : «Sero te amavi[4]...» Quand on aime, on voit l'aimé partout et il ne cesse pourtant de vous manquer. Et le vœu d'Augustin était qu'on prît conscience de la Trinité non pas comme d'un concept, mais comme d'une présence ineffable : « La Trinité, qui la comprendra ? » C'est de la foi que cela même relève, qui n'est pas fidéisme passif, mais recherche incessante d'une meilleure intelligence de ses données. Au reste, la Trinité n'avait jamais été absente de ses nombreux ouvrages : mystère omniprésent invitant à la lecture toujours plus attentive des Écritures qui le révèlent, ainsi qu'à l'amour qu'il dispense et qu'il invite à rayonner. Cet énorme traité, à la structure compliquée par le vol d'une première version, n'a pas d'autre fin, pour divers qu'apparaissent les thèmes développés au long de ces quinze livres. Que souhaite Augustin, sinon qu'on partage son émerveillement à découvrir omniprésent le Dieu Père, Fils et Saint-Esprit ?
On comprendrait enfin que les catégories d'infériorité et de supériorité n'ont pas là de place, et l'on communierait en celui qui, dit Paul, « est tout en tous ». Je ne cacherai toutefois pas qu'Augustin met à profit l'occasion pour convaincre les païens, plutôt dubitatifs à ce sujet, du fait que le christianisme serait la philosophia par excellence, celle qui assure aux hommes ce que leurs philosophes ont échoué à leur donner : l'éternité, que lui-même a si bien définie comme « l'aujourd'hui de Dieu ». Ils constateraient à tout le moins que le christianisme est une culture. Ce qu'Augustin tient à souligner de prime abord, c'est que le Dieu qui se manifeste dans l'Ancien Testament est bien – on serait tenté de dire : est déjà le Dieu en trois personnes du Nouveau. C'est à ce préalable exégétique qu'il consacre les quatre premiers livres du traité. On y passe en revue les théophanies de la Genèse et de l'Exode, où, par la voix du Père, c'est toujours la Trinité qui s'adresse à Adam et à Ève, à Abraham, à Moïse, comme elle s'adresse à Joseph, aux disciples, à Paul. Si le mystère se manifeste par images et paroles à la portée des hommes, il n'en demeure pas moins d'un autre ordre. C'est donc de la méditation
incessante de l'Écriture qu'en peut croître la connaissance, et non de la seule philosophie. Une philosophie qui en dépit de ses limites ne sera pas de trop dans les trois livres suivants. Augustin y réfute les thèses des ariens, car c'est sur ce plan, selon lui inadéquat par nature, qu'ils déploient leurs arguties. Essence et personne, substance et accidents, attributs, prédicats, relations, rapports de l'un et du multiple, etc., tout y passe, tant il est soucieux d'en finir avec les vaines spéculations des ariens avant de revenir, au livre VIII, à la question cruciale de l'intelligence s'inscrivant dans la foi. Aussi analyse-t-il point par point l'intelligence dans sa nature comme dans ses opérations : se dégager du sensible, prendre conscience des valeurs, vouloir s'y conformer, s'élever vers toujours plus d'amour. Dans les six livres suivants, c'est dans l'âme humaine qu'il va s'ingénier à découvrir ce que Sophie Dupuy-Trudelle a justement appelé « une trinité psychologique » valant image de la Trinité. Pensée, connaissance, amour ; mémoire, intelligence, volonté : autant de structures triadiques attestant que c'est à son image que le Dieu en trois personnes a créé l'homme. Toutes analyses qui dans le propos d'Augustin visent à préciser la nature et les rapports de la science et de la sagesse. Celle-ci, qui a nom philosophia, est proportionnelle à ce qu'elle accueille de  connaissance et d'amour venant de la grâce de Dieu. Augustin reprend ici ce qu'il disait dix ans plus tôt dans La Vraie religion et qu'il redira dix ans plus tard dans La Cité de Dieu : «La vraie philosophie, c'est la vraie religion. »
Le quinzième et dernier de ces livres commence par les résumer tous et chacun, pour le confort et la sécurité du lecteur de tous les temps. Augustin ne manquera toutefois pas de lui rappeler, comme souvent, la parole de Paul aux Corinthiens : « Aujourd'hui, nous voyons dans un miroir, de façon confuse. » Et gardons-nous à ce propos d'oublier que les miroirs de l'époque étaient loin d'avoir la fidélité des nôtres. Ainsi, voir par la pensée ce qu'on tient de la foi demande un effort qui n'a pas de fin. Le traité est, certes, achevé ; mais pas le temps de la recherche : «Toi, donne-moi la force de chercher, toi qui m'as fait te trouver et m'as donné l'espoir de te trouver de plus en plus. »
Étonnant De Trinitate, de tous les traités d'Augustin «le plus profond et le plus charpenté », selon Hannah Arendt. Le plus paradoxal aussi, selon Lucien Jerphagnon. N'est-ce pas tentant d'approcher le mystère de la Trinité que le lecteur de ce temps s'instruisait de la nature de l'homme comme jamais jusqu'alors ? Qui sait ce qu'auraient écrit Thomas d'Aquin, Descartes, Pascal, Malebranche, Leibniz, si Possidius de Calama n'avait sauvé ces pages-là ? Et n'est- ce pas en dépensant des trésors de science exégétique et de philosophie qu'Augustin conduit le lecteur de tous les temps à reconnaître que, selon l'expression de Goulven Madec, «la formule la plus dogmatique qui soit, "une essence, trois personnes", est elle-même un pis-aller» ?
Dès les années 386-387, Augustin lui-même ne priait-il pas «le Dieu tout-puissant qui est mieux connu en ne l'étant pas » ? Il savait, d'expérience, que faute d'assez s'étonner, l'homme réduit tout à sa mesure, Dieu compris. Dès lors : « Cherchez toujours son visage.»
 
Le Saint Augustin de la « Cité de Dieu »
De fait, le 24 août 410, Alaric et ses Wisigoths – des chrétiens, d'obédience arienne –, qui déjà avaient ravagé la Thrace, dévasté la Grèce, investi l'Italie du Nord, étaient entrés comme chez eux dans Rome, qu'ils avaient saccagée trois jours durant. Ils s'étaient comportés comme il est d'usage en pareil cas, tuant, violant, pillant, épargnant toutefois ceux qui, chrétiens ou païens, avaient trouvé refuge dans les églises : ils s'étaient retenus de les incendier. Augustin louera cette
pieuse réserve chez des gens qu'il tient d'autre part pour des sauvages. Cela fait, Alaric, pourvu de butin et d'otages, poursuivit sa descente vers le sud de l'Italie.
En fait, ce qui venait de s'effondrer, aux yeux des gens de ce temps, si peu informés de l'évolution du monde depuis déjà un siècle et demi, c'était le mythe de la Rome éternelle, Roma æterna. Cela même appelle quelques précisions. D'abord, c'est une capitale honoraire qu'Alaric avait saccagée. C'était désormais à Milan, puis à Ravenne, que siégeait l'empereur d'Occident, et l'empereur d'Orient à Nicomédie, puis à Constantinople.
Quant à ce coup de main inconcevable, ce n'était pas une invasion : c'était une vendetta, comme dit si bien Paul Veyne. Alaric et ses Wisigoths étaient, en effet, des supplétifs de l'armée romaine. Cela faisait une douzaine d'années que Théodose avait placé Alaric à la tête des troupes d'Illyricum. Il n'était pas le premier chef barbare avec qui l'état-major romain passait des accords : Rome en était venue à confier la garde de ses frontières à des Barbares que poussaient d'autres Barbares en quête d'une meilleure qualité de vie. Certains, d'ailleurs, s'y étaient illustrés. Reste qu'à procéder ainsi, Rome prenait des risques, comme on le voyait avec Alaric. Furieux de n'avoir point décroché le poste de généralissime qu'il estimait lui revenir, il s'était mis à son compte et, par vengeance, avait décidé d'humilier la Ville censément éternelle.
Le sac de Rome n'était donc qu'un épisode, certes cruel, d'un désastre d'une tout autre ampleur, dont bien peu avaient conscience : Libanios, Ammien Marcellin, Salvien et le mystérieux anonyme qui écrirait sous six faux noms l'Histoire auguste. Mais, sur le moment, la plupart ne virent que le symbole profané, et par des gens qu'on croyait, bien à tort, dévoués à l'Empire.
C'est le réflexe qu'engendrent les catastrophes, tant chez les victimes que chez ceux qu'en bouleverse la nou­velle : en trouver les causes, sur terre, au besoin dans les cieux ou aux enfers, et surtout désigner des respon­sables. Deux cents ans plus tôt, Tertullien ricanait : on mettait les intempéries sur le dos des chrétiens ! Cette fois, les païens avaient beau jeu : les empereurs chrétiens n'avaient-ils pas prohibé les cultes anciens ? Il fallait donc regarder le sac de la Ville autrefois maîtresse du monde comme les représailles des dieux frustrés. Bref, les païens donnaient dans le : « Je vous l'avais bien dit ! » et les chrétiens dans le « Mais pas du tout ! », rappelant la prise de Rome par Brennus, l'incendie de Rome sous Néron, etc. Les dieux n'avaient pas fait de miracles ! Et puis, si Radagaise le païen avait échoué peu avant à prendre Rome, n'était-ce pas Dieu qui avait permis à Alaric d'y réussir ? Alaric dont les soudards avaient épargné les païens réfugiés dans les lieux saints ? Bref, les choses prenaient le tour des discussions au café du Commerce dans la France occupée à propos des responsables de juin 1940.
Les chrétiens eux-mêmes n'étaient pas sans se poser des questions, touchant notamment la protection que Rome aurait pu escompter des tombeaux de Pierre et
Paul, des reliques de tant et tant de martyrs. Augustin fit état des réactions de certains de ses diocésains, inquiets de leur image devant l'opinion. Ils se sentaient gênés d'entendre l'évêque relativiser les choses en chaire, prêcher que tout a une fin, que rien en ce monde n'est éternel, etc. « Autour de moi, j'entends dire : "Si encore il ne parlait pas de Rome ! " »
Augustin estimait qu'il était grand temps de hausser le niveau de ce débat, de l'élargir. Mais comment ? C'est en se posant la question qu'Augustin vit l'explication qu'on pouvait tirer d'un thème qui le hantait depuis ses dix années passées chez les manichéens : la dualité de la condition humaine. Il y était souvent revenu dans ses précédents livres. C'est qu'en tout homme, et quelle que soit sa « cité », au sens latin, entendons : sa nationalité, s'affrontent au quotidien la chair et l'esprit, le bien et le mal, l'amour et la haine, l'éphémère et l'éternel, etc. Et selon la polarité qui domine en chacun – la fixation égoïste sur la promotion de soi pour les uns, et pour les autres l'aspiration généreuse au bonheur d'autrui et finalement à la gloire de Dieu –, deux peuples virtuels se constituent depuis le premier matin du monde jusqu'à son dernier jour, deux « cités », donc. Augustin en a défini les  naturesrespectives en une formule qui a fait le tour du monde et des temps:   « Deux amour sont fait deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre ; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste » (La Cité de Dieu, XIV, 28). Ce sera le thème de La Cité de Dieu, où Augustin va montrer tout au long de l'histoire des hommes la coexistence de ces deux peuples, mêlés comme on voit, dit-il, les mêmes gens assis sur les bancs des églises et sur les gradins des cirques et des théâtres. Des gens aux destinées dramatiquement opposées, que Dieu est le seul à connaître.
Dans cette perspective, il est évident que la « cité » qui importe, autrement dit l'appartenance, est la Cité céleste, dont l'octroi relève de la seule grâce divine. Cela étant, l'affaire Alaric se voyait ramenée à ses justes proportions : un épisode entre bien d'autres de la longue histoire du monde jusqu'au Jugement dernier. De fait, vingt ans encore et Augustin s'éteindra dans Hippone assiégée, cette fois par les Vandales. Il restera alors à l'empire d'Occident quarante-six années avant que
Romulus Augustulus, le dernier des Césars, ne se voie déposé par Odoacre le Germain.
 
La diffusion de la pensée grecque grâce à Saint Augustin
L'œuvre  d'Augustin contenant en suspension une forte teneur en culture grecque, trois questions se posent.
–        Tout d'abord, quelle familiarité Augustin avait- il avec la langue grecque ?
 –    Ensuite, à quelles fins la pensée grecque entrait-elle dans ces textes dont va hériter le Moyen Âge ?
–        Enfin, quel pouvait être, à la mort d'Augustin, le degré de réceptivité à la langue et à la culture grecques dans un Occident sinistré et pour longtemps instable ?
 1/ C'est, bien sûr, à partir des Confessions qu'on peut se faire quelque idée des études d'Augustin, de sa formation professionnelle – celle du haut fonctionnaire qu'il fut un temps – et de son itinéraire. Lucien Jerphagnon dit : quelque idée, car dans cette lettre ouverte à Dieu, il ne dit pas tout, mais cela seulement qu'il juge éclairant, parénétique surtout, et qui donc est à recouper avec d'autres allusions.
Suivons l'écolier de Thagaste et Madaure, puis l'étudiant de Carthage. Dans cet empire à deux doigts de sa fin, une chose n'avait pas bougé : les auteurs au programme. On étudiait Homère dans le texte,Térence, Cicéron – c'est l'Hortensius qui incita Augustin à la classique conversio ad philosophiam –, Salluste, Virgile,
Varron, sans compter les gisements doxographiques, Valère Maxime, Athénée, Diogène Laérce, Aulu-Gelle,et d'autres aujourd'hui perdus. En cette seconde moitié du IVe siècle, dans ces provinces de Numidie et de Proconsulaire, la culture grecque gardait une place dans les études et dans l'univers mental de l'élite. Qu'un Marius Victorinus vienne juste de traduire des livres platoniciens montre qu'on ne se résignait pas encore à abandonner ce qu'on peinait désormais à lire dans l'original.
Cela étant, Augustin n'a jamais caché son aversion pour le grec, du moins dans l'enfance. Persistera-t-il dans ces dispositions ? À son sens, dit-il, les écoliers grecs contraints de traduire du Virgile devaient bien le regarder du même œil que lui Homère. Apprendre une langue est une sujétion, et, pour une fois, Jérôme serait d'accord, qui avoua n'avoir appris la langue hébraïque « qu'au prix de sueur et de labeur ».
De ses jours d'écolier, Augustin garda une petite ran­cune à l'égard du grec. Encore qu'il ne lui marchande pas le prestige: il endosse le complexe romain, indéfiniment reconduit depuis Lucrèce, Cicéron, Sénèque, Quintilien, de  l’egestas, de l'indigence du latin. Cela étant, ce qu'on trouve chez lui de mots grecs, écrits tels outranslittérés, souvent éclairés d'une comparaison des champs sémantiques, autorise à dire, sinon qu'il savait le grec, du moins qu'il savait du grec, et plus qu'il ne le dit. Sans doute s'agaçait-il de n'être pas plus perfor­mant, alors qu'il était efficace dans ses recherches.
Ses grandes œuvres font état, sans complaisance, bien sûr, de onze poètes grecs contre onze latins. Quant à la mythologie, La Cité de Dieu instruit à charge le procès d'une bonne quarantaine de dieux et déesses pour tromperie sur la qualité de la divinité et incitation à la débauche.
2/ Pour ce qui est de la pensée grecque, Augustin ne cite pas moins de trente-quatre philosophes, et pas des plus connus, contre quatre latins. Il a en tête la spécificité des systèmes, alors qu'elle tend à se dissiper dans l'air du temps. S'il cède, à l'occasion, à la thèse de l'emprunt, qui tient toute vérité énoncée par un païen pour détenue abusivement et donc à reprendre, il garde toujours un œil sur la chronologie. Il a beaucoup lu, beaucoup retenu. Il sait par cœur les Catégories d'Aristote. Lors de sa trop longue saison manichéenne, il voit tout de suite que les calculs des mathematici grecs sont autrement sûrs que les divagations astrales de la secte. Quand il voudra s'en dégager, c'est vers la Nouvelle Académie qu'il se tournera. Sur ce point – réflexe de connaisseur –, il se démarque de la routine qui prêtait à cette école un scepticisme sommaire, et prend bien soin de la replacer dans la lignée platonicienne, que plus tard il dira surpasser toutes les autres. C'est qu'en 386, dans le milieu pensant milanais où se meut un Augustin plutôt désemparé, hanté par le problème du mal, inquiet de la nature de l'âme, de
Dieu, etc. – bref, en quête de certitudes à partager –, des livres platoniciens circulent, traduits par Marius Victorinus, qui lui tombent entre les mains. Selon ce qu'en dit Augustin, on sait qu'il s'agissait de textes de Plotin et de Porphyre. Lesquels au juste ? Là-dessus, on s'interroge depuis cent ans. Ce qu'il ne faut jamais perdre de vue, c'est que ces textes-là s'enracinaient dans une tradition bien précise.
Platon s'était, certes, toujours enseigné, mais au fil des temps, les perspectives changeaient : Académie, Moyenne Académie, Nouvelle Académie... Et ce qui à
Milan venait sous les yeux d'Augustin, c'était le dernier état pour le moment de ce courant qu'on appelle aujourd'hui néoplatonisme. Avec Eudore d'Alexandrie, Moderatus de Gadès, les Lettres apocryphes II et VI de Platon, Alkinoos, Noumenios, Atticos, et finale- ment Plotin et Porphyre, une exégèse s'était élaborée au cours des siècles de ce que ces auteurs estimaient être le noyau du platonisme originel les cinq premières hypothèses du Parménide (137c sq.), jointes à l'analogie de la ligne en République (VI, 509b sq.). Avec le temps, cela s'était systématisé, intégrant des intuitions issues du pythagorisme, d'Aristote, des stoïciens. Ainsi tenait-on pour résolu le problème de l'Un et du Multiple.
Ce que posaient, en effet, comme principe premier tous ces auteurs, depuis Platon jusqu'à Plotin,ce n'était pas un Être suprême, mais l'Un au-delà de l'Être, épeikeina tès oussias. Leur ontologie était donc fondée sur une hénologie. On sait, en effet, que pour Plotin, tout procède éternellement de l'Un, première hypostase, d'où émane le Nous, l'Intelligence, seconde hypostase, degré suprême à la fois de l'être et de la pensée, d'où procède enfin la psukhê, l'Âme du monde, troisième hypostase diffusant la vie au sein de la matière. À cette procession répond un retour, par quoi chaque forme d'être se réalise selon son essence. Ainsi en va-t-il de l'âme humaine. Dispersée dans la matière, il lui faut, première étape, s'en déprendre, s'évader de la caverne et, seconde étape, se joindre à l'Âme du monde dans l'élan qui la porte vers l'Intelligence : c'est l'abstraction, ouvrant l'accès aux archétypes du monde. Enfin, troisième étape, l'âme tentera de s'unir à l'Intelligence dans son élan vers l'Un : tangence d'un instant avec l'absolu dont toujours lui restera la nostalgie.
Lisant ces livres, Augustin n'en croyait pas ses yeux. La façon dont il y revient, les images dont il use, tout dit la joie qu'il éprouvait, d'une part à congédier la
représentation matérialiste qu'il se faisait de tout jusqu'alors, et d'autre part à découvrir une autre vision de l'âme et du corps, de l'esprit et de la matière, du temps et de l'éternité, et même de Dieu. Mais de plus, tout cela lui paraissait rejoindre, du moins en partie, ce que simultanément il redécouvrait sur un tout autre plan. En effet, il s'était pris à écouter les sermons d'Ambroise, qui parfois citait de Plotin ce qui l'arrangeait ; il conversait avec Simplicianus, un prêtre ami de Marius Victorinus. Il avait repris l'apôtre Paul, les Évangiles, la Bible aussi, mais lue allégoriquement. Tant et si bien que se régénérait en lui la foi dont, en dépit de ces quatorze années d'errance, il ne s'était jamais détaché. Rentrant en lui-
même selon que l'y invitait cette sagesse venue de si loin, il y rencontrait Dieu. Et ce n'était plus cette masse nébuleuse qu'il échouait à cerner de quelque concept ; c'était une présence, immanente et transcendante, intimior intimo meo et superior summo meo (Confessions, III, 6.1). En ce printemps de 386, par la médiation  insolite d'une philosophie née en Grèce huit siècles plus tôt, le destin d'Augustin était scellé.
Le retour même d'Augustin à ce Dieu qu'il voyait à présent au principe de l'être, du savoir, de l'agir – et par ce chemin-là – fixe le rôle que la pensée grecque va jouer dans sa pédagogie. Jamais il n'oubliera ce qu'il doit aux Libri platonicorum, ni ne perdra de vue ce qu'on en peut tirer. Non qu'il se soit inféodé au platonisme, et pour bien des raisons. D'abord, l'intuition d'un Principe au- delà de l'Être lui échappera toujours, peut-être sous l'influence de Porphyre, qui lui-même en avait décroché.
Toutes les fois qu'Augustin s'essaie à l'ascension plotinienne, comme lors de la bien connue « extase d'Ostie », il culmine avec l'entrevision de l'Être en soi. Mais si rares sont ceux qui, dans l'histoire de la philosophie, ont partagé l'intuition hénologique[5] ! Au reste, pour Augustin, la question ne se posait pas, dès lors que, dans la Bible, Dieu se définit – en latin du moins – comme l'Être par essence : Ego sum qui sum (Exode, III, 14).
De même est-il écrit qu'« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Genèse, I, 1), et donc rien n'est éternel. Enfin, tandis que la première phrase de la Vita Plotini de Porphyre est pour dire que «Plotin semblait avoir honte d'être dans un corps », le prologue de Jean dit que « Le Logos s'est fait chair ».
Augustin a lui-même résumé de façon précise et poignante coïncidences philosophiques et incompatibilités religieuses entre les deux visions (Confessions, VII, 9, 13-15). Ainsi, le platonisme, point oméga de la pensée païenne, l'avait affranchi de son panmatérialisme, mais c'est dans l'adoration du Dieu incarné qu'il eût vu Platon, Plotin, Porphyre s'accomplir.
On songe à ce cri de La Cité de Dieu à l'adresse de ce dernier : « O si cognouisses gratiam Dei per Iesum Christum... » Du coup, une évidence s'imposait : et si cette grâce-là, à lui advenue par l'entremise des platoniciens, était promise à d'autres, et par la même voie? Alors, les institutions, les formules des platoniciens, ce qu'elles avaient de vrai, leur vertu apéritive, propédeutique, tout cela une foisadapté apporterait à la foi des moyens d'approche, d'approfondissement, d'expression. « J'ai confiance,écrit Augustin en 386, de pouvoir trouver chez les platoniciens un enseignement qui ne répugne pas à nos mystères. » Et c'est ainsi que partout dans son œuvre sediscerne une présence diffuse du platonisme, philosophie de la conversion, de l'intériorité et de la transcendance, thèmes qu'entrelace le temps vécu.
La conversio, l'épistrophé, était un lieu commun depuis la caverne de la République (VII). Et si Augustin relate la sienne, c'est d'abord pour en louer Dieu
– confessio laudis –, mais aussi pour signaler au lecteur la voie platonicienne qui lui épargnera de se fourvoyer : ascèse, intériorisation, montée vers l'intelligible et vers Dieu – qui, bien sûr, garde l'initiative. Déjà le thème récurrent de la grâce et de la liberté, car le dieu d'Augustin est un dieu personnel, et non une déité abstraite.
L'intériorité n'est autre que la coïncidence du temps humain et de l'éternité divine, de l'âme et de Dieu immanent et transcendant, qui donne à la vie de s'accomplir.
C'est le foyer du bonheur, de l' eudaimonia, en vue de quoi chaque école proposait
sa recette. Augustin s'en explique dans le De beata vita de 386, dont le titre fait penser à Sénèque, mais qui est d'esprit platonicien. C'est dans cette perspective que se conçoit la théorie de la connaissance par le Maître intérieur, exposée dans le De Magistro de 389 et partout sous-jacente. C'est du dedans que le Logos, siège des idées, instruit l'homme, les maîtres terrestres n'étant là que pour mettre le disciple en condition. Malebranche en tirera sa « vision en Dieu ».
Enfin, si profond est chez Augustin le sens de la transcendance – autre legs platonicien–qu'il approche parfois l'apophatisme des Pères grecs.Plus platonisants que lui, les Cappadociens, les Grégoire, de Nysse ou de Nazianze, parlaient sagement de Dieu comme de l'au-delà de tout : n'était-ce pas là tout ce qu'on en pouvait dire ? Or, dans le De ondine de 386-387, Augustin note : «Deus qui scitur melius nesciendo », mot qui sourit à Montaigne (Essais, II, 12). Apophatisme qui toutefois ni ne congédie la raison, ni ne démobilise la recherche, mais oriente vers une contemplation s'approfondissant à l'infini, cherchant les mots pour se dire et pour se partager.
3/ Entre le Ve et le IXe siècle, qui entendait encore le grec en Occident ? Déjà, le latin s'altérait. De retour en Gaule, Sidoine Apollinaire s'enchantait de recevoir d'Arbogast une lettre en bon latin. C'est par des traductions, celles notamment de Boèce et de Jean Scot Érigène, qu'une part de la philosophie grecque atteindra les quelques hommes d'étude en ces temps où les livres étaient, dit Jacques Le Goff, « des vaisselles précieuses » dont on ne se sert pas souvent[6]. Mais c'est par Augustin que la pensée grecque, platonicienne surtout, se diffusera tout naturellement en Occident. Telle qu'elle figurait en ses écrits : tronquée, hélas ! de l'intuition hénologique qui – sait-on ? – eût peut-être rendu plus modestes les théologiens. Reste que de cette philosophia qui l'avait aidé à élaborer la sienne, Augustin sut
transposer quelque chose dans les catégories mentales de l'Occident, et son style y était pour beaucoup, qui lui avait valu à trente ans la plus flatteuse des promotions. Il savait penser et dire, convaincre et retenir. Ainsi l'hypothèque de la langue serait-elle moins lourde qu'on n'aurait pu le craindre, et qu'on ne l'a parfois dit. Pas un auteur médiéval qui ne s'inspire d'Augustin, qui ne s'y réfère, ou à qui il ne serve d'écu. On voit même un Thomas d'Aquin, augustinien passé à Aristote, se pencher doctement sur sa traduction d'un terme grec.
Si bien qu'en dépit de l'hégémonie d'Aristote, qui souleva tant de passions entre les écolâtres, Augustin témoigne encore et toujours de la sensibilité platonicienne à l'étonnement, qui, plus qu'aux disquisitions et aux quodlibétales, dispose au silence devant ce qui jamais ne pourra être qu'entrevu. C'est de cette apophase qu'hériteront les mystiques d'Occident, lecteurs souvent d'Augustin, sans toujours savoir qu'elle leur venait de plus loin encore dans le temps. «Dieu qu'on sait mieux en ne le sachant point », disait Augustin. Et douze siècles plus tard, un Jean de la Croix chantera dans ses vers «Ce savoir point ne sachant / Que, les savants en raisonnant / Jamais ne sauront vaincre. »
 


[1] « Horreur ! L'univers s'écroule. » C'est le cri de saint Jérôme quand «l'effroyable nouvelle », dit-il, lui parvient à Bethléem : Rome envahie par les Barbares ! De même saint Augustin voyant les réfugiés débarquer à Hippone : « On pleurait, incapables de se consoler. »
Bien différents, pourtant, les deux hommes : Jérôme de Stridon, un « fils du Danube », plus romain que les Romains ; Augustin de Thagaste, un Africain dont le patriotisme romain n'était pas la hantise. Mais, sur le coup, leur réaction est la même : la stupeur.
[2] Edité par Albin Michel en février 2012, ce livre réunit nombre de textes de l’auteur étalés sur plusieurs décennies et parus dans diverses revues et magazines. Le hasard a voulu, note l’éditeur, que pour cette compilation entreprise dès 2009, son auteur ait pu remettre ses ultimes corrections le 22 août 2011, peu de temps avant sa mort qui intervint le 16 septembre suivant.
[3] Pour hellénisé qu'il fût dès l'enfance, il en était resté à la seconde hypostase et avait abjuré le christianisme.
[4] « Tard, je t’ai aim酠»
[5] Hénologie : culte primitif dans lequel on considérait une divinité supérieure à d’autres qui coexistaient.. 
[6] J. Le Goff, Les Intellectuels au Moyen Âge, Éditions du Seuil, 1965, p. 13.
 


 

Date de création : 26/03/2012 @ 10:53
Dernière modification : 26/03/2012 @ 11:20
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