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Sciences politiques - Politiquement correct






DU « POLITIQUEMENT CORRECT »
 
D’après Lucien Jerphagnon dans « Connais-toi toi-même et fais ce que tu aimes[1]»

Ainsi, [selon ce « politiquement correct »], il y aurait une opinion droite, en grec « orthèdoxa », une orthodoxie, dont certains détiendraient le monopole, ainsi que la faculté d'exercer, le cas échéant, une « diorthôsis », en latin une « correctio ». Dans cette optique, l'opinion, la « doxa », doit être conforme à ce qui a été décrété, au « dogma », dont les gardiens feraient fonction de censeurs, voire d'inquisiteurs.
C'est précisément de ce fait-là que si souvent se mettent en place les arrière-pensées, ces « pensées de derrière » que Pascal tenait toujours en réserve : « Il faut avoir une pensée de derrière et juger de tout par là, en parlant cependant comme le peuple. » Ainsi, la durée intime, hantée par quelque fin et se mouvant dans la pensée collective, va s'y fournir en moyens. Car notre durée se vit nécessairement sur deux plans. Il y a la durée collective, au sein de laquelle chacun prend conscience de soi, et dont on finit par émerger, plus ou moins selon les individus, vers la singularité... Ou dont on n'osera pas sortir, de crainte de prendre froid. Et puis, il y a la durée personnelle, unique, où se forme notre liberté, notre quant-à-soi (ipséité), un monde intérieur qui semble procéder, comme dirait Plotin, d'un au-delà de l'être. Nous sommes les seuls à être nous. Jankélévitch parlait d'une vérité éternelle à deux pattes...
Tout se joue dans le rapport entre les deux durées, le « nous » et le « je ». Or le « je » respire, fatalement, l'air du temps, plus ou moins pollué par le « politiquement correct ». Il pénètre d'autant plus facilement dans les têtes qu'il y rencontre un grand vide culturel. La culture, seule capable de vous vacciner contre cette pollution. La culture, celle qui vous fait vivre avec d'autres âges, converser avec d'autres époques, celle qui ne peut être que personnelle.
On nous rebat les oreilles de la culture de masse. Nous avons connu la vraie culture populaire, pétrie de bon sens, nourrie des connaissances et des traditions de la transmission orale, mais une culture de masse ? Je n'y crois pas. Les masses sont, par définition, compactes, impénétrables. Mieux vaudrait parler de « culture de société » car des sociétés peuvent se rencontrer. Cet air du temps, celui qui prend le risque d'être lui-même ne peut le respirer qu'avec un filtre, car il y a péril. Péril de conditionnement. Que chacun en arrive à penser spontanément « comme il faut » suppose en effet un processus de conditionnement. Y pourvoiront les mots, les images, les slogans opérant une efficace « pavlovisation » du citoyen bien disant et bien-pensant, bref orthodoxe.
Quelques exemples ? Si dans les faits divers on signale une agression, il ne sied pas que figure le prénom du « mis en examen » s'il n'est pas français. On parlera alors d'un « jeune ». Et si j'évoque un chanteur de « blues », à moi de me débrouiller pour en préciser l'origine : Antillais ? Africain ? Brésilien ? En aucun cas je ne dois mentionner la couleur de sa peau. Pour désigner un quartier où même un policier ne s'aventure pas seul, on le dira  « sensible ». Jusqu'à ces dernières années, mieux valait même n'en rien dire : un journaliste aurait sur-le-champ diagnostiqué « l'obsession sécuritaire », maladie socialement transmissible. De même, les tropismes sexuels que je tenais jusqu'alors pour affaire privée auraient désormais pignon sur rue. Un agent de publicité veut-il vanter un fromage, des pâtes, une lessive ? Qu'il mette en scène un curé, des bonnes sœurs, des moines, surtout pas un ministre de quelque autre religion. Etc. Tout cela omniprésent, ressassé. Ainsi, chacun baigne dans une ambiance sociale, morale, politique, sémantique vraiment pédagogique : « Soixante-deux mille quatre cents répétitions font une vérité »,écrivait Huxley. Mais qui lit Le Meilleur des mondes ? L'idéal du « politiquement correct » serait qu'il ne se voie pas, qu'il puisse suggérer, d'une manière subliminale, les pires culpabilités intérieures à ceux auxquels s'adresse celui qui détient – quelle image ! – la vérité.
Cela étant, d'où procède l'initiative de l'autodiscipline spontanée ? D'en haut ? Tyrans ou démocrates, les gens de pouvoir ont toujours eu le souci d'une uniformité allant dans le bon sens, le leur. Mais dans la France d'aujourd'hui, ces gens pour qui le « comme il faut » a valeur de credo n'exercent pas une censure d'État, comme il en va dans les pays totalitaires. Ce sont des censeurs autoproclamés, fondant sur leur idéologie une juridiction usurpée. Comment se fait-il, alors, que cet arbitraire ne rencontre pas la résistance qu'on attendrait, du genre : «De quel droit ? », voire : «De quoi je me mêle ? »
C'est précisément cette complaisance qui me fait souci. Elle trahit la renonciation à la liberté de penser et de dire. Circonstance aggravante, elle pousse les idéologues, une fois aux affaires, à concocter une « loi Tartemol » muselant plus serré le citoyen. Ironie de l'histoire : ces gens selon qui il serait interdit d'interdire n'ont de cesse qu'ils n'aient cloîtré une liberté revendiquée pourtant toutes les cinq minutes. « C'est quand la chose manque, qu'il faut en mettre le mot », disait Montherlant.
[Doit-on se risquer] à une phénoménologie révélant le trajet de la conscience sur lequel apparaît le «politiquement correct » ? Beau sujet de thèse ! [Ou plutôt s’en tenir] à une ébauche. Il y a certes, chez l'idéologue moyen, le complexe de Torquemada : j'enjoins, donc je suis. Mais qu'il s'investisse dans le « politiquement correct » trahit comme un retour du refoulé, un règlement de comptes avec un passé qui appellerait une catharsis. Ce qui [nous] le suggère, c'est la manie contemporaine de l'atténuation sémantique : les aveugles sont des malvoyants, les sourds sont des malentendants, les infirmes des personnes à mobilité réduite, etc. Si cela ne change rien à leur sort, c'est censé libérer d'une gêne à leur égard : la chance qu'on a de voir, d'entendre, de marcher. Et s'il en allait de même à propos des crimes du dernier siècle – et de tous, c'est la Shoah qui nous laisse au cœur la plus lourde peine –, des exactions durant les guerres coloniales, de l'exploitation de l'homme par l'homme, etc. ? Et, remontant dans le passé, de la si peu évangélique imposition par le Saint-Office du « religieusement correct » ? Alors, en brocardant les seuls ministres du culte catholique, en prohibant l'emploi des mots de juif, d'Arabe, de Noir, si ce n'est sur le mode laudatif, on se donnerait bonne conscience. À peu de frais : en donnant à d'autres mauvaise conscience.
Cela étant désormais l'usage, [on ne voit] pas en quoi cette conduite prélogique, en quelque sorte incantatoire, aura amélioré la situation. Du moins en ce qui touche à l'antisémitisme qui sévit des écoles jusque dans les cimetières, à la violence endémique évoquée plus haut, aux poussées racistes et xénophobes qui en découlent. Ainsi, plutôt que de s'abandonner à la conduite pseudo-cathartique, quasi pénitentielle, du « politiquement correct », on serait mieux inspiré de procéder à l'éradication de ces conduites, et de façon drastique. [Mais ce disant, nul doute] : aux yeux des idéologues, [c’est blasphémer].
 
 
 
[1]. Edité par Albin Michel en février 2012, ce livre réunit nombre de textes de l’auteur étalés sur plusieurs décennies et parus dans diverses revues et magazines. Le hasard a voulu, note l’éditeur, que pour cette compilation entreprise dès 2009, son auteur ait pu remettre ses ultimes corrections le 22 août 2011, peu de temps avant sa mort qui intervint le 16 septembre suivant.


Date de création : 19/03/2012 @ 10:13
Dernière modification : 19/03/2012 @ 10:29
Catégorie : Sciences politiques
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