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Parcours lévinassien - La guerre vue par Lévinas
LA GUERRE VUE PAR LÉVINAS Cette opinion est celle qui ressort des échanges entre René Girard et Benoît Chantre dans « Achever Clausewitz », éditions Flamarion, 2008, (ISBN 978-2-35536-002-2) aux pages 177 à 187, doù sont extraits les éléments qui suivent. La guerre comme moyen de sortir de la Totalité Dans Totalité et Infini, en effet, Lévinas fait observer que la guerre est un moyen de sortir de la totalité qui asservit les éléments à lensemble, les individus au groupe, les existences à lessence. Il va jusquà écrire quelle se produit comme lexpérience pure de lêtre pur. La lutte à mort est la première étape dune sortie de la totalité étatico-juridique, qui sera pleinement accomplie dans la relation à lAutre, à cet Autre quest déjà lennemi vivant qui lui fait face. Tout se passe comme sil fallait passer par cette épreuve du réel pour quitter Hegel et sa divinisation de lEtat. Cest dans sa confrontation avec laltérité que lhomme acquiert la conscience de soi. Un soi qui na de sens que dans la relation, même si cette relation prend la forme du duel. Pour Lévinas, seule lexpérience de la guerre peut nous permettre de penser la réconciliation ? Elle serait littéralement une épreuve du feu comme la décrite Clausewitz, et qui a de quoi faire peur. Lhomme naît de la guerre. Lévinas vient en effet à point pour nous aider à penser le duel. Lhéroïsme serait, dans cette perspective, lépreuve de la liberté. Nous ne sommes pas si éloignés de l« initiation » clausewitzienne. Mais Lévinas nest pas belliciste, il ne croit évidemment pas à une régénération par la guerre. Par contre, on peut voir dans sa position une critique du pacifisme. Au-delà de la guerre, Lévinas pense une relation à lAutre qui serait purifiée de toute réciprocité [cest-à-dire lexpérience pure]. Il intéresse, pour peu quon le lise, comme la pensée dune transcendance, au sens étymologique du terme, cest-à-dire dune sortie de la totalité. Il faut donc sortir de lontologie guerrière qui sacrifie lhomme à la cité, la partie au tout. Et cette sortie de la totalité nous est rendue visible par la relation éthique, cette relation originaire qui enveloppe le duel lui-même. Lévinas essaie daller au-delà du Même Il essaie daller au-delà de cette ontologie qui rend les individus interchangeables, pour trouver lAutre. Et aller au-delà du Même, ce serait passer par une pensée du duel Celui que jaffronte, je peux aussi laimer dune certaine manière. Se réalise ainsil« expérience pure » évoquée par Lévinas, dans la mesure où le duel, comme lamour, est perçu comme une sortie de la totalité et quon ne peut pas en faire léconomie. Mais au sens où il fait exploser cette totalité. Le fait de se tourner vers lAutre et détruire la totalité en passant par le duel constitue une eschatologie profonde. Alors que Lévinas ne semble pas avoir entrevu la nature mimétique de la rivalité qui est au cur de la violence, « lexpérience pure de lêtre pur » nen apparaît pas moins comme une nécessité. En cela, nous navons pas à refuser la guerre, ou à refuser de la faire si les circonstances lexigent. Il parvient ainsi au duel, reconduisant, dune certaine façon, lhonneur et lhéroïsme cornélien. , Cette liaison à cet autre qui me fait face quest le mimétisme, cette ressemblance croissante entre nous deux, à laquelle nous finissons toujours par céder. Nous sommes dans le Même, pour reprendre les termes de Lévinas : la guerre nest autre que la loi de lêtre. La montée aux extrêmes est une loi irréversible. Cest parce que nous sommes irrésistiblement aimantés les uns vers les autres quon ne peut plus passer de la guerre à la réconciliation. Certes, la fraternité consisterait à reconnaître que nous sommes semblables. Nous pourrions même, si nous nétions pas mimétiques, nous passer de la violence. Mais le problème, encore une fois, cest que le mimétisme définit lhomme. Il faut avoir le courage de regarder cette réalité en face
Les combattants se battront ainsi jusquà la mort, pour ne pas voir quils sont semblables, et ce sera la paix des cimetières. Mais sils reconnaissaient quils sont semblables, ils sidentifieraient lun à lautre, lécran du Même disparaîtrait pour laisser apparaître lAutre, la vulnérabilité de son visage. Ma garde peut être baissée devant laltérité de celui qui me fait face, de sorte que laffrontement nest pas inéluctable. Ce mouvement de sortie de la totalité doit aussi être pensé comme un passage du sacré au saint Par le passage de la réciprocité à la relation (cest-à-dire à la religion), on est au cur de la transformation de lhéroïsme en sainteté. Cest parce quun Modèle de sainteté, sest inscrit, une fois pour toutes, dans lhistoire des hommes, que le modèle héroïque a été dépassé. Essayerden reconstruire un ne peut que mener au pire. Mais le passage par Lévinas laisse entrevoir quelque chose. Une pensée de lAutre affole la totalité en en révélant lessence guerrière. En affirmant que le duel est déjà rapport à un Autre, elle révèle que la relation loge au cur de la réciprocité violente. On pourrait dire de la même manière, que cest parce quil a traversé le duel qui loppose à Tirésias, que ldipe de Sophocle sachemine avec Antigone vers la sainteté ddipe à Colone. dipe ne dit rien, il est « sonné ». Il laisse plutôt « dire » les gens autour de lui. La victime émissaire a troué le mécanisme victimaire : expulsée de la ville, elle nest pas pour autant repoussée dans les ténèbres extérieures. Cest le moment du cosmopolitisme grec, qui libère la cité. La sainteté est à ce prix. Lévinas est peut-être au cur de cette mystérieuse similitude entre la violence et la réconciliation, dont il vient de parler. Mais à condition de bien souligner que lamour fait violence à la totalité, fait voler en éclats les Puissances et les Principautés. Il faut à tout prix cesser de penser la guerre comme un passage vers la réconciliation Lévinas na jamais dit que ce passage est possible. Il dit quen dehors de la totalité, il y a la guerre et lamour. Nous sommes plus que jamais face à cette alternative. Lévinas ne fait pas lapologie de la guerre. Il dit quon ne peut pas faire léconomie de cette expérience. Le passage par lhéroïsme peut exister, bien sûr, mais il est imprévisible. Personne ne peut en parler avant quil ait eu lieu. Les modèles héroïques, entendus comme des modèles imitables, sont aujourdhui caducs. Cest pour cela que les régimes totalitaires ont toujours essayé den construire. Le dernier en date, et le plus difficile à comprendre, est le modèle terroriste. En tout état de cause, la guerre est injustifiable : elle nest pas un passage obligé. Son exaspération, en revanche, révèle quune vérité est en train dapparaître. René Girard a analysé lapproche de Lévinas par rapport à la sienne Leur approche diffère sur un point essentiel, celui de la mimétique, primat du tout sur lindividu, qui na pas été invoqué par Lévinas. Ils se retrouvent cependant sur la relation éthique qui enveloppe le duel lui-même, action réciproque de deux individus qui rend visible la sortie de la totalité. Girard, en effet, a écrit que Platon, dans lhistoire de la pensée occidentale, marquait moins un oubli de lêtre quune dissimulation de la violence, quil voit à luvre dans limitation, cette imitation qui lui fait peur. Il comprend très bien le lien quelle entretient avec le religieux, cest-à-dire avec la violence. Il voudrait perpétuer le refoulement de ce savoir : il nest quà voir le sort quil réserve aux poètes, par exemple, ces dangereux imitateurs. Mais pour Girard, refuser de voir limitation, cest aussi se priver du seul moyen de se sortir de ce primat du tout sur lindividu. Avec Aristote, cest déjà trop tard, remarque-t-il : la mimésis est devenue paisible et cela jusque chez Gabriel Tarde ! Autant dire que le mensonge na fait que croître. Cest en ce sens quon peut dire de lontologie quelle est guerrière : elle veut la paix, pas la guerre ; lordre, pas le désordre ; le mythe et non la révélation des ressorts violents de ce mythe. Cette révélation du mensonge propre à la totalité ne peut passer, en effet, que par une apparition du duel, et donc de laction réciproque. Il y a une violence de la révélation. Elle est proportionnelle à notre capacité de vouloir voir le mimétisme et le jeu des fausses différences. Clausewitz est un des moments de cette prise de conscience, tardive et apocalyptique. Quun philosophe comme Lévinas se soit intéressé à la violence comme « expérience pure » ne pouvait que susciter son intérêt. En définitive, ce qua vu Lévinas, à entendre, René Girard cest que le duel, comme lamour, est une sortie de la totalité, quon ne peut pas en faire léconomie. Mais au sens où il fait exploser cette totalité. Date de création : 31/05/2011 @ 22:32 Réactions à cet article
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