PARLER DIDENTITÉ NATIONALE
À voir les réactions que cette appellation a suscitées, on peut se demander si identité comme le dit Jean-Claude Bourdin « nest pas un mot égarant quil faudrait éviter demployer. Son usage inflationiste et le consensus qui entoure sa prétendue évidence sont les signes quil relève de lopinion davantage que dun effet de penser ». Les identités, pourtant (tout ce que nous sommes et voulons rester), devraient être bien accueillies par la démocratie. Cest ce que tend à montrer cette étude, quand elle vient clarifier les usages qui sont faits de ce mot dans nos différents échanges avec nos concitoyens.
Cest par la reconduite de la démocratie à légalité autre mot égarant où lon est toujours tenté de confondre le principe avec le résultat absolu (égalitarisme) que pourront se dissiper les « identités » comme problème purement politique.
Pour éviter le caractère « égarant » du terme identité, il semble que des initiatives soient prises aujourdhui, en direction de la fondation dun « Pacte républicain », dont lobjectif serait identique aux ambitions premières.
De fait, bien peu de nos concitoyens se trouvent informés du rôle capital quont joué les réunions publiques organisées à lépoque des Lumières au cours desquelles sest formé un public doté dune conscience politique. Les sociétés de lecture, privées ou à but commercial, sétaient répandues dans toutes les villes et même dans les petites bourgades, de sorte que ces établissements où étaient commentés journaux et revues, ont partout déclenché une discussion sur leur utilité et ont fait bénéficier le développement de la Raison dont le progrès était lobjectif de leurs communs efforts.
Une tentative de restaurer ce type de dialogue a été entreprise sous la forme dune enquête dopinion et de réunions libres et publiques, organisées à linitiative des Préfets, mais faute dêtre comprise, elle a malheureusement avorté. Sans doute a-t-il manqué à ces réunions au cours desquelles un certain patriotisme devait sexprimer, une sorte d« ordre du jour », afin que les prises de position puissent être exploitées au plan national.
Cest précisément dans la perspective dune reprise de ces initiatives, quil est proposé, aux différentes personnes intéressées par ce type de débat, une sorte de « plan découte ». Il vise à mettre en évidence, sans prétendre clore le sujet, certaines priorités qui pourraient être exploitées et nourries par dautres textes ; ceux, ici proposés, proviennent dauteurs dont lobjectivité ne peut être mise en cause.
Pour faire court et être au clair avec les controverses, rappelons le « principe clivant » défini par Romain Gary : « Le patriotisme, c'est l'amour des siens [et de ce que nous sommes]. Le nationalisme c'est la haine des autres. »
Parler didentité nationale,cest, donc : évoquer son contexte, faire valoir les grands buts quelle poursuit, préciser les valeurs quelle souhaite préserver, montrer les défis que notre démocratie doit sans cesse relever. Cest aussi rendre compte des jugements portés par des témoins du passé.
(Cette dernière partie résulte dun choix fait parmi les stéréotypes qui ont été compilés par lAméricain Eugen Weber, spécialiste mondialement reconnu de lhistoire de France.)
Pour un pays dimmigration comme le nôtre, il faut bien voir que la recherche dun consensus concerne deux catégories de population, celle des accueillants et celle des accueillis. Pour ces derniers, le droit et les institutions de notre pays ménagent une place protégée aux différentes identités minoritaires qui les inclut et visent à terme à homogénéiser cet espace social et politique. Aux dires des spécialistes de la question, « il nest pas exclu que les identités politiques puissent proliférer dans la plus totale anomie et se présenter comme indéfiniment inassouvies ». Le principe de légalité a la vertu de les dissoudre et de laisser, de façon libérale, les différences aller leur train. « Le libéralisme démocratique, remarque Jean-Claude Bourdin, fait alors confiance à laction des murs, aux effets déchanges et dimitation qui structurent la vie sociale, souterrainement, contradictoirement ».
Ce sujet est développé dans un livre édité récemment par « Mélibée » (Toulouse) qui a pour titre : « Parler didentité nationale ».
Disponibilité du document (par simple clic gauche)