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Sciences politiques - Symboles Nationaux 1
SYMBOLES NATIONAUX (1) NOS SYMBOLES ONT MÛRI DANS DES PENSÉES DISSIDENTES Tel est lenseignement dispensé par lhistorienne philosophe Mona Ozouf, à laquelle il a fallu plus de trente pages pour nous instruire de notre devise ternaire (a). Sa hauteur de vue va nous permettre daborder aussi bien la thèse de Victor Hugo que celles dAuguste Comte et de Proudhon.
Au fil des ans, la triade (liberté, égalité, fraternité) : ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même Son surgissement énigmatique Cest à Pierre Leroux que lon doit, en 1838 (b), un hymne à la « sainte devise de nos pères ». Nos pères, cest-à-dire les hommes de la Révolution. Cette Révolution française dont le tragique est « davoir connu trois sectes qui se sont mutuellement exterminées, chacune insensible à la sainteté des deux autres, et brandissant son drapeau particulier, légalité pour Robespierre, la liberté pour Danton, la fraternité pour Desmoulins, [condamné et exécuté pour ses vibrants appels à la clémence] ». Et pourtant, personne ne la faite, et cest tout le monde pour ainsi dire. Elle nétait dans aucun philosophe quand le peuple français la prit pour bannière. Peut-être est-ce un homme des derniers rangs du peuple qui, dans lexaltation du patriotisme, a le premier réuni ces trois mots qui ne lavaient jamais encore été. Leroux souligne le caractère énigmatique du surgissement (« Le Sphinx de la Révolution tient sur sa bandelette mystérieuse la formule du problème formulé par nos pères ») et limpossibilité de séparer les trois termes : « Sainte devise de nos pères, tu nes donc pas un de ces vains assemblages de lettres que lon trace sur le sable et que le vent disperse ». Sur la date de la naissance, on ne chicanera guère Pierre Leroux. Sans doute a-t-on pu retracer lhistoire prérévolutionnaire de la formule, et faire remarquer que les trois mots magiques de nos frontons étaient déjà parmi ceux quaffectionnaient au XVIIIe les sociétés de pensée (ainsi, ce musée de Bordeaux, que fréquentèrent Vergniaud et Gensonné et qui prit comme devise en 1783 « Liberté et Égalité »). Mais ils figuraient au milieu de beaucoup dautres, Amitié, Charité, Sincérité, Union. Les maçons usaient surtout dÉgalité (c), un peu moins volontiers de Fraternité, montraient plus de tiédeur encore à Liberté, et une franche indifférence à larrangement Liberté, Égalité, Fraternité, alors même que les enchantaient par ailleurs les cadences ternaires (Salut, Force, Union, par exemple). Les longues collectes entreprises dans le lexique des Lumières se sont avérées également décevantes. On voit sans doute briller les trois mots dans le tamis des orpailleurs du lexique, mais ce sont des paillettes isolées, qui ne sagrègent que fort rarement en triade organisée, même si on cite toujours Voltaire (d) : Nous sommes tous égaux sur des rives si chères, Sans rois et sans sujets, tous libres et tous frères. Toutes les généalogies entreprises à grands frais dérudition nont donc fait que donner un peu plus de crédibilité au baptême révolutionnaire de la formule. La fraternité se cherche [Elle se cherchera longtemps car lamour du prochain, figure de proue du christianisme, a été mis hors course par le décret daoût 1792 supprimant toutes les communautés religieuses : « LAssemblée considérant quun État vraiment libre ne doit souffrir dans son sein aucune corporation et que le moment où le corps législatif achève danéantir les corporations religieuses est aussi celui où il doit faire disparaître à jamais tous les costumes qui leur étaient propres, et dont leffet serait den rappeler le souvenir, den retracer limage ou de faire penser quelles subsistent encore, décrète ce qui suit » Et cest par larticle I, la suppression de toutes les congrégations régulières et séculières dhommes et de femmes, même celles vouées au service des hôpitaux et au soulagement des malades, sous quelque nom quelles aient pu exister encore en France.] Dans toute la riche collecte de mots et dimages des épisodes jacobins, on est frappé de la relative maigreur des occurrences de la fraternité : déjà absente des Cahiers de doléances, ignorée de la Déclaration de 1789 ; nentrant dans la Constitution de 1791 quallusivement, au détour dun article additionnel sur les droits ; reléguée encore dans le projet de Déclaration des droits que Robespierre en 1793 aux Jacobins place sous la quadruple évocation de lÉgalité, de la Liberté (dans cet ordre, ce dont les socialistes du XIXe se souviendront), de la Sûreté, de la Propriété (ce que ces mêmes socialistes voudront oublier) : la fraternité ici na droit quà une mention négligente comme possibilité dextension universelle de la Déclaration des droits : « Les hommes de tous les pays sont frères, celui qui opprime une seule nation se déclare lennemi de toutes » ; absente toujours, de la Déclaration dAoût 1793, celle même qui fait des droits sociaux un préalable. Et quant au programme (établi par Mathieu, mais Robespierre se lappropriera) pour les trente-sept fêtes à célébrer les jours de décadi, il dédie deux fêtes à la Liberté ; une autre à lalliance de la Liberté et de lÉgalité ; mais aucune à la Fraternité. Comment et par qui a été proposé et introduit, dans une ébauche dinstitutionnalisation de la devise, son terme troisième ? On sait désormais quen mai 1791, aux Cordeliers, à la suite dun discours du marquis de Girardin sur larmée (le marquis avait affirmé que le peuple français « veut pour base de sa Constitution la justice et luniverselle Fraternité »), le Club, enthousiasmé, exprime le souhait que chaque soldat français porte désormais sur le cur une plaque où brilleront ces trois mots ; Liberté, Égalité, Fraternité. Dans ce même club des Cordeliers, et toujours au cours dune discussion, sur les uniformes et sur les insignes de larmée étrange baptême militaire pour la plus pacifique des trois surs , on entend Momoro proposer, en guise de devise, les trois mots successifs. On ne les trouve pourtant toujours pas dans les prestations de serment ; ni dans celles que Varennes oblige à reformuler ; ni dans celle du 10 Août 1792 : « Je jure dêtre fidèle à la Nation et de maintenir la liberté et légalité ou de mourir en les défendant ». La Fraternité, à lévidence, met du temps à simposer à côté des deux autres. Pourtant, loin dêtre une création tardive, pur produit du mouvement populaire, elle apparaît très tôt dans la Révolution : Michelet la voit triompher dès la première grande fête révolutionnaire, cette fête de la Fédération qui impose à ses participants, ils doivent le jurer, « de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ». Dautre part, et voilà sans doute pourquoi les trois mots ont mis si longtemps à sagréger en une devise, les difficultés à les penser ensemble avaient éclaté dès laube révolutionnaire [avec le rejet du christianisme sous toutes ses formes]: de ces hommes, en effet, il serait fort léger de dire quils ne savent ce quils font, cat ils sont dinépuisables commentateurs des embarras de la formule. Ils ont tout vu et tout méditer : la difficulté à marier la liberté et légalité ; la difficulté à adjoindre la fraternité aux deux autres ; la difficulté à découvrir entre elles trois un ordre satisfaisant ; les difficultés enfin, propres à la tragédie révolutionnaire, qui frappe de suspicion les trois termes à la fois. Le mûrissement ultime de la devise Il y a pourtant des lieux, il y a pourtant des pensées où sentretient la mémoire de la devise, et où se prépare sa recomposition. Pensées latérales, lieux dérobés, comme les souterrains où George Sand voit voyager parmi les « Invisibles », la religion de la parole perdue (e) : salles de sociétés secrètes, dont La tribune écrivait en 1833, que « le but est la liberté, légalité et le moyen de la République » ; prétoires où se plaident les procès faits en cascade aux républicains ; loges maçonniques, comme celle de la « Trinité indivisible » ; brochures de lextrême gauche ; ordre du jour des ouvriers lyonnais insurgés, datés selon le vieux calendrier républicain, du 22 germinal an XLII ; murs de Sainte-Pélagie, ; revues : quand naît en 1834 la Revue républicaine, son rédacteur, Dupont, lavocat de la Société des droits de lhomme explique la finalité de la publication, vrai « but social du XIXe siècle », et cest légalité, « laquelle entraîne comme conséquence la liberté de lindividu . Tout homme aspire à la liberté, à légalité, mais ne peut y atteindre sans le secours des autres hommes, sans la fraternité ». Voilà, commente-t-il, qui « justifie les trois termes de la devise républicaine ».Ainsi voyageront-ils, de tribunal en pamphlet, de toast en éditorial, pour reparaître en pleine lumière dans la campagne des banquets de 1847 à Lille, Ledru-Rollin conjure son auditoire despérer et de croire ; « Entre cette époque où la loi antique sest éteinte et où la lumière nouvelle ne test point encore donnée, chaque soir, dans ta demeure isolée, répète religieusement léternel symbole : Liberté, Égalité, Fraternité ». En prédisant la victoire de la démocratie, Ledru-Rollin rendait hommage aux pensées qui lavaient souterrainement préparée. La recomposition de la devise, en effet, avait mûri dans des pensées dissidentes, émancipées de leur terre natale, le socialisme pour Pierre Leroux, le traditionalisme pour Châteaubriand (f) ». La thèse de Pierre Leroux « Pour lui, la sainte devise nest pas une évidence mais une énigme le triangle mystérieux qui préside à notre émancipation, qui servit à marquer nos lois ». Et de sinterroger : « Qua-t-il donc manqué aux contempteurs de légalité ? aux contempteurs de la liberté ? » et sa réponse : « Une religion capable daccorder leurs vérités partielles, celle qua entrevue Rousseau sans en détenir la science». Et cette science en quoi consiste-t-elle ? « dabord à assigner à chacun des termes son exacte place, à reconnaître que la liberté est le but (puisque la société doit satisfaction à lindividu), légalité le principe (une loi antérieure à toute loi), et la fraternité le moyen (comme sentiment qui règle les actions des citoyens) ». « ensuite à retrouver la généalogie de la devise, qui est allée de la liberté spartiate ou romaine à légalité de Rousseau, en passant par la fraternité du christianisme primitif : cest ainsi que trois âges de lhumanité se trouvent télescopés par cette formule syncrétique lénergique activité des anciennes républiques, lélévation sentimentale du Moyen Age, la réflexion critique des Lumières ». « enfin à ne pas tolérer la séparation des termes, du fait que la Révolution a connu trois sectes antagonistes avec chacune leur porte-drapeau Danton, Desmoulins, Robespierre [tous exécutés en 1794] ». « Dans son effort pour retrouver le parcours historique, on constate que Pierre Leroux a réservé à la fraternité une place médiane, celle qui se trouve en phase avec la thèse défendue à son époque (de 1830 à 1848) par les adeptes du socialisme chrétien » : cest que ce terme de « fraternité » est propre à concilier les deux autres. Le surgissement de 1848 Revoici nos trois mots, lieu de mémoire sil en fut. Flotte sur toute la scène le souvenir légendaire de la Révolution et la discussion porte les traces des débats antérieurs sur la hiérarchie des trois termes. Nous y retrouvons Pierre Leroux (g) [élu à la Constituante de 1848] en qui Proudhon saluait, stupéfiante analogie des temps, une réincarnation de Dom Gerle. Il intervient à lAssemblée pour proposer une modification à ses yeux capitale : « La fraternité étant le lien entre la liberté et légalité, lAssemblée nationale, éclairée par la science, décrète que la devise nationale continuera à être composée des trois mots sacramentels du dogme républicain , mais disposés dans cet ordre, Liberté, Fraternité, Égalité. A ces trois mots, il sera permis et convenable dajouter le mot Utilité, pour exprimer que ces trois mots Liberté, Fraternité, Égalité simpliquent lun lautre et sonnent pour ainsi dire ensemble comme les trois sons de laccord parfait, parce quils résultent tous trois de laccord parfait de notre nature, de notre égalité et de la solidarité qui nous unit dans une même espèce ». Dans la discussion, nous retrouvons nous retrouvons aussi Louis Blanc une réincarnation de Robespierre cette fois, toujours aux yeux de Proudhon qui venait lannée précédente de repeindre lhistoire de la Révolution en deux couleurs contrastées, lumineuse révolution de lÉgalité opposée à une trouble révolution de la liberté. Son ordre à lui, cest Égalité, Liberté, Fraternité. Les partisans de la formulation traditionnelle nen triomphent pas moins et les battus se rallient, en expliquant que lessentiel est davoir surmonté lantagonisme latent des termes. Va pour la liberté, mais pas comme un droit égoïste. Va pour légalité, mais pas comme un nivellement conventuel. Et vive la fraternité, comme « expression poétique » des deux autres ! Du reste lépoque est à la réconciliation. « La clémence, lhumanité, les vertus douces, commente Louis Blanc (h), étaient alors dans lair que chacun respirait ». Et il conclut sur les retrouvailles avec « les trois mots qui expliquent le sens le plus étendu des doctrines démocratiques dont le drapeau est le symbole ». La nouveauté de ce surgissement, si on le compare à ceux se 1789 et 1830, cest le rapprochement de lÉglise et de la Révolution. Cette fois-ci, du côté des révolutionnaires, ni descellements de croix, ni bris dobjets sacrés, ni fermeture forcée des lieux de culte. Quant à lÉglise, dès le mois de mars, les prêtres saffairent à bénir les arbres de la liberté et les drapeaux de la garde nationale. Leurs sermons soulignent la parenté de larbre et de la croix (thème auquel Hugo a donné tout son éclat dans la plantation de la place des Vosges (i)). Peu de réflexion organisée, pourtant, sur lordre de la devise, mais le sentiment profond, hérité du romantisme, que, des trois termes, la fraternité « sillage du vaisseau révolutionnaire » selon les termes de G. Sand , dépasse les deux autres. Éminente dignité qui se lit partout : dans les proclamations électorales comme dans les discours, les fêtes comme les édifices publics. Voici le bâtiment provisoire construit dans la cour du Palais-Bourbon pour loger lAssemblée nationale. Le fronton triangulaire senorgueillit des trois figures féminines surmontées en demi-couronne par linscription ternaire. Comme lavait souhaité Pierre Leroux, la Fraternité se tient au milieu de même que dans le sceau de la République. Voici une plantation darbre de la liberté à St Germain en Laye où un officiant inattendu, Alexandre Dumas, harangue la foule : « Citoyens, cest la troisième fois que nous plantons depuis cinquante ans un arbre pareil à celui-ci. La première fois en 1789 il représentait la Liberté. La seconde fois en 1830 il représentait lÉgalité. La troisième fois, cest en 1848 ; il représente à la fois la Liberté, lÉgalité, la Fraternité. Citoyens, vous avez planté un symbole, il vous reste maintenant à consolider la chose ». Voici encore une fête, celle de la Fraternité, le 24 avril 1848, où « quatre cent mille soldats remontent les Champs-Élysées, leurs baïonnettes enguirlandées de lilas et daubépines, qui se sentent frères, et font une forêt fleurie en marche ». Voici enfin la marée des proclamations électorales de 1848, qui commentent à linfini les « trois mots sacrés », la « sainte devise », l« éternelle formule », la « sublime devise », la « devise nouvelle tant elle est ancienne », la « justice sociale que lÉvangile a promise à la terre (cest la profession de foi dEdgar Quinet), « le mot sublime qui mapparaît écrit de la main même de Dieu, Fraternité » (cest la profession de foi de Hugo). Tous comptent sur la conjuration de la fraternité. Léclipse de la devise sous le second Empire La devise figure toujours dans la Constitution de 1848, mais celle-ci en a conservé les mots plus que les idées, tant elle sest préoccupée den amortir le tranchant et den assourdir lécho, en les entourant de rassurants vocables de conservation sociale : famille, propriété, travail et, de nouveau, ordre public font aux trois turbulentes une décente et soupçonneuse escorte. Mais cest encore trop. Le Prince-Président, dès janvier 1852, expédie aux préfets linjonction de les faire disparaître : « Comme on na vu paraître ces trois mots quà des époques de troubles et de guerres civiles, leur inscription grossière sur nos édifices publics attriste et inquiète les passants ». Les autorités obtempèrent et parfois renchérissent ; arbres de la liberté coupés, anniversaire de la République interdit, devise grattée aux frontons et chassée des drapeaux au profit de laigle, cest de nouveau lenterrement des souvenirs révolutionnaires. Revoici la devise impériale. Resurgit bientôt le doute leuphorie de 1848 lavait un moment dissipé sur la compatibilité des termes du trinôme républicain : il est au cur de grands débats intellectuels du second Empire, et deux exemples suffisent à en faire comprendre la portée. Voici, dun côté, Auguste Comte, qui rend grâces à lEmpereur davoir officiellement supprimé la devise, mais qui dun autre côté lui fait grief de lavoir suspendue sans lavoir remplacée, ce qui laisse présager sa résurrection ; pour lui la seule bannière valable est Ordre et Progrès, « celle quil shonore davoir créée et proclamée ». Donc, pour le moment, Liberté, Fraternité. La devise a perdu un de ses pieds, et le temps par ailleurs lui est compté. De lautre côté Proudhon critique cette molle philosophie qui a mis la fraternité en vedette. Dans ses dégoûts, il laisse échapper quil hait la fraternité à légal de la « volupté ». Mais il a aussi la conviction quon ne peut voir dans la fraternité u principe dorganisation sociale et politique ; la seule formule qui trouve grâce à ses yeux, cest la liberté toute seule, « elle du moins qui na besoin ni de théorie ni de contrainte » et quil est absurde de « promettre après les deux autres, comme les prêtres promettent le paradis après la mort ». Liberté donc, ou si lon préfère Plus dautorité. La devise cette fois perd deux de ses pieds. En revanche, « la liberté produisant tout dans le monde », elle a pour elle léternité. Le retour définitif de la devise avec la IIIe République (à partir de sept.1870) Comme lavait présagé Auguste Comte, la devise reparaît avec le nouveau régime, comme naturellement. De ce « naturel », qui commence à être celui de lhabitude, il y a plusieurs signes. Quand le retour des Assemblées à Paris signe la victoire de la République (janv.1875), le 14 juillet redevient la fête nationale. Cette décision et celle du chant national (La Marseillaise) sont prises au terme de longs débats parfois orageux, et on nen trouve pas trace en revanche lorsquil sagit de faire réapparaître la devise sur les édifices publics (1880). Pas trace non plus, dans les journaux qui commentent cette résurgence visuelle et verbale, des vieilles interrogations sur lordre ou la compatibilité des termes. On ne semble plus débattre que de la pertinence de leurs illustrations. Et quand on transporte, place de la République, en juillet 1880, le groupe sculpté de Morice, Le Siècle loue la Fraternité. Les trois mots accolés comme Renan le dit dans son discours prononcé en 1888 à lAlliance pour la propagation de la langue française lont frappé « par leur consubstantialité naturelle avec le génie français (si bien que partout où le Français ira, la Révolution ira en croupe), et leur banalité ». Il serait pourtant fort sot de repousser les vérités quils charrient « parce quon en a abusé et quelles sont devenues banales. Banales ! Cest donc quelles sont vraies ! Cest donc le plus grand éloge pour une idée quelle soit devenue banale ». Témoignage précoce et par là même énigmatique. La triade peut-elle vraiment, en 1888, passer pour banale ? se demande encore Mona Ozouf. « Lorsquil prononce ce discours, Renan nest réconcilié que depuis peu avec la République. La décision de linscrire au fronton des édifices publics a huit ans tout juste ; il est donc bien trop tôt pour quelle ait marqué déjà le paysage civique français. Pour comprendre lévidence que lui prête Renan, il faut donc se persuader que ce commencement est un aboutissement ; que toute jeunette en apparence mais mûrie dans les profondeurs de lhistoire française, la devise resurgit avec lautorité dun long parcours souterrain. Il faut aussi supposer, contre ce que lhistoire des années 1880 manifeste, quelle ne rencontre plus de vrais adversaires. Et il faut enfin tenir pour harmonieux, non problématique en tout cas, le ménage que font ensemble la liberté, légalité et la fraternité. Le texte de Renan plaide pour la foudroyante naturalisation de la triade, pour son identification quasi spontanée à la France républicaine et pour sa force cohésive : aussi une et indivisible que la République quelle emblématise ». Et Mona Ozouf de conclure : « Cest comme emblème de limpossible et [surtout pas] comme traduction du réel que la sainte devise de nos pères peut manifester encore son énergie créatrice, et quelle a des chances de vivre dans nos mémoires autrement que par la psalmodie de trois termes exténués ». (a) Les lieux de mémoire, Quarto Gallimard, juillet 2008. (b) Pierre Leroux, « Egalité », in Encyclopédie nouvelle, Paris 1839-1847, t. IV. (c) R. Amadou, « Liberté, Egalité, Fraternité » : la devise républicaine de la franc-maçonnerie », Renaissance traditionnelle, 1974-1975. (d) Voltaire, Les Scythes et Oeuvres complètes. (e) George Sand, La comtesse de Rudolstadt. (f) Conclusion écrite en 1841 pour les Mémoires dOutre-tombe : « Loin dêtre à son terme, la religion du Libérateur entre à peine dans sa troisième période, la période politique, liberté, égalité, fraternité ». (g) Pierre Leroux, LEspérance, avril 1858-avril 1859. (h) Louis Blanc, Histoire de la Révolution de 1848, Paris, Lacroix, 1870, 2 vol. Louis blanc commente : « Les hommes un moment oublieux de leurs haines misérables se sentent de la même famille et sur laile dune même inspiration, remontent tous ensemble à la source éternelle de leur commune existence ». (i) Le 2 mars 1848, place des Vosges, Hugo a dit : « Le premier arbre a été planté, il y a dix huit cents ans par lui-même sur le Golgotha. Le premier arbre de la Liberté, cest cette croix sur laquelle Jésus sest offert en sacrifice pour la liberté, légalité et la fraternité du genre humain ». Date de création : 29/03/2010 @ 15:58 Réactions à cet article
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