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Parcours ricordien - Fondement philosophique de l'écologie
FONDEMENT PHILOSOPHIQUE DE LÉCOLOGIE ÉTHIQUE ET PHILOSOPHIE DE LA BIOLOGIE Etude du« Principe responsable[1] »deHans Jonas[2]par Paul Ricoeur[3] I/ Nouvelle expression de limpératif catégorique de Kant donnée par Hans Jonas (304) « Agis de façon que les effets de ton action ne soit pas destructeurs pour la possibilité dune telle vie ». Il est important de remarquer que lon ne puisse formuler limpératif de la responsabilité sans y impliquer la vie. Pour le faire comprendre, partons de ce qui est le plus connu de léthique de Jonas, à savoir la réorientation vers le futur du concept ordinaire de responsabilité, que lauteur estime limité par le regard rétrospectif jeté sur des actions déjà commises. Ce futur prochain, impliqué dans lusage du concept jonassien de responsabilité, en droit civil ou en droit pénal, fait encore partie de la sphère daction contrôlée par lagent lui-même et sinscrit dans son rapport de réciprocité entre celui-ci et la victime éventuelle qui a subi de sa part dommage ou tort.
1) Responsabilité et imputabilité Si, dans son usage ordinaire, le concept de responsabilité et celui dimputabilité ne peuvent être distingués, il nen est plus de même dans le nouveau « principe responsabilité ». (305) Cest certes encore le futur dhommes agissants et souffrants mais sous la condition de la survie de lhumanité ; le nouveau principe ne vise donc lagir de lhumanité future quà travers son vivre et son survivre. On comprend pourquoi ce futur lointain est le lieu dune crainte spécifique pour laquelle Jonas mobilise une « heuristique de la peur », une crainte portant sur les dangers possibles, même sils ne sont pas probables qui menacent lhumanité au niveau de son vivre et de son survivre : cest le cas des dangers qui affectent lécosystème à labri duquel se déploient les activités humaines, ou qui résultent de lapplication des sciences de la vie à la reproduction, à lidentité génétique de la vie humaine, au fonctionnement cortical ou au comportement biologique de lhomme. Si, par la technique, lhomme est devenu dangereux pour lhomme, cest dans la mesure où il met en danger les grands équilibres cosmiques et biologiques qui constituent le socle vital de lhumanité de lhomme. Bref, lhomme met en danger lhomme en tant que vivant.
2) Le lien entre responsabilité et danger pour lhumanité à venir Ce lien impose dajouter au concept de responsabilité un trait qui le distingue définitivement de celui dimputabilité : celui qui se tient pour responsable, se sent effectivement responsable, celui à qui est confiée la garde de quelque chose qui est périssable ; lobjet ou, pour mieux dire, le vis-à-vis de la responsabilité cest le périssable en tant que tel. Or, quest-ce qui, plus que tout, peut être menacé, sinon ce qui peut être perdu ou sauvé, ces-à-dire le périssable ? Et quoi de plus périssable que la vie, reconduite à la mort par lintermédiaire maléfique de lhomme ? Par ce nouveau biais, lidée de vie paraît indissolublement impliquée par la formulation du nouvel impératif.
3) Cest la science biologique qui donne à penser au philosophe (307) Que la vie dise fondamentalement oui à la vie, voilà lintuition que Jonas met à luvre dans son deuxième grand ouvrage publié sous le titre (« Organismus und Freiheit », 1973) « Organisme et Liberté ». On se tromperait gravement si lon voyait dans cette philosophie de la vie la suite des philosophies romantiques de la nature. Il ne sagit pas tant de philosophie de la vie, mais bien de philosophie de la biologie. Cest la biologie la science biologique qui donne à penser au philosophe. Elle le fait en lui présentant le phénomène majeur de lorganisation[4], dans lequel le philosophe est appelé à discerner les commencements dun développement qui trouve son accomplissement dans la liberté humaine. II/ La biologie offre des phénomènes éminemment observables à la spéculation philosophique 1) Le premier dentre eux, et qui contient en germe toute la suite, est le phénomène du métabolisme ; voici un organisme qui ne cesse déchanger avec le milieu des substances chimiques et qui, dans cet échange entre le dehors et le dedans, maintient lidentité de sa structure. Cest dans ce contraste entre la persévérance de la forme et la mutabilité de la matière que Jonas voit la première anticipation de ce qui chez lhomme sappellera liberté, en tant quindépendance à légard des inclinations. Or, le métabolisme marque la première rupture avec un système mécanique comme celui de la montre. (308) Ce processus actif dauto-intégration donne une première fois sens à la notion dindividu en tant quentité ontologique. Il ne sagit pas encore dintériorité, mais il est permis de parler didentité interne, dans la mesure où la continuité métabolique se laisse penser comme continuation, persévérance de soi-même. Un soi sannonce face à un monde. Cest alors la tâche dune biologie philosophique de suivre le déploiement de cette liberté germinale à travers les niveaux de lévolution organique.
2) Le second apparaît avec lanimalité. Il révèle un ensemble de traits (motilité, perception, émotion) qui accentue la polarité entre un soi et un monde : un monde est ouvert en même temps quun soi sintériorise. Ce nouvel ensemble nous met sur la voie dune réflexion sur la précarité de la vie thème fondamental de léthique ultérieure , à mesure quaugmente la polarité entre soi et le monde, le prix à payer pour la survie ne cesse daugmenter, comme le fait bien comprendre une comparaison entre lanimal et la plante : lanimal est exposé à la rareté dans sa quête de nourriture ; la crainte accompagne désormais le besoin ; le souci de sa préservation est porté au niveau du sentir ; lindividuation a pour prix laltérité du monde et la solitude propre.
3) Le troisième, au niveau proprement humain, est caractérisé (par Jonas) par la fabrication des images. Lhomo pictor englobe Homo faber et Homo sapiens. La fonction symbolique prend en charge la représentation du monde. Percevoir la ressemblance, cest séparer la forme de la matière, cette forme qui adhérait encore à la matière dans le phénomène du métabolisme. Lhomme donne des noms aux choses, met les êtres en relation, ouvre le champ du possible : ainsi la liberté se dégage-t-elle par distanciation de la causalité.
III/ La portée philosophique de la réflexion sur le phénomène majeur de lorganisation Cette portée est considérable, eu égard à son intégration ultérieure dans le champ de léthique. Trois leçons méritent dêtre retenues : 1) En premier lieu, la vie est remise à la place dhonneur entre les deux extrêmes de la conscience hypostasiée par lidéalisme et de la matière dépouillée de signification et de valeur par le matérialisme. (309) Avec le métabolisme, la dimension dintériorité se révèle appartenir à la vie et le phénomène dauto-organisation rend caduque lopposition ruineuse entre le corps et lâme. La liberté est ainsi implicitement présente dès le début de la vie. Elle mérite dêtre tenue pour un mode dêtre objectivement discernable. 2) En second lieu, la précarité de la vie ne cesse de croître en même temps quaugmente la polarisation du soi et du monde. Le phénomène de métabolisme implique déjà la menace de destruction, mais ce nest quavec lhumanité que la peur, la souffrance, la solitude sont ressenties dans toute leur virulence. Le péril requiert dêtre énoncé en termes ontologiques : la possibilité du non-être accompagne comme son ombre lassertion de lêtre pour la vie et fait de la vie une aventure improbable et révocable. 3) En troisième lieu, cette leçon qui nous conduit au seuil dune éthique ontologiquement fondée. Le phénomène dauto-organisation, germe de lauto-transcendance, permet de parler dun témoignage que la vie se rend à elle-même. La vie ne se prouve pas ; elle séprouve et satteste. Ce témoignage est à opposer à la conception moderne selon laquelle la matière morte est une évidence et la vie une énigme. : Une discussion de cette philosophie de la biologie demanderait de longs développements : a) Dabord, sur le plan de la méthode, il faudrait sinterroger sur la sorte de recroisement que la philosophie opère entre les faits observables que la biologie place sur la ligne ascendante de lauto-organisation et le mouvement de la réflexion procédant de façon régressive pour se porter à la rencontre de lobservation biologique, la notion de témoignage de la vie sur elle-même se situant au point de rencontre des deux lignes, lune ascendante (observation), lautre descendante (réflexion) b) (310) Ensuite, sur le plan de la doctrine, il faudrait sinterroger dur la nature du développement qui, de lamibe, conduit à lhomme : cest ici quune confrontation avec Whitehead et avec les diverses variantes de lévolutionnisme simposerait ; Ricoeur propose de se borner à noter que le thème de la précarité de la vie éloigne autant Jonas dun optimisme évolutionniste à la Teilhard quun probabilisme qui joindrait hasard et nécessité comme chez Monod. Jonas est très discret quant au fondement decequinepeutpas être caractérisé comme une philosophie téléologique ; sa conviction profonde est que le projet de la vie ne saurait être étranger au fond de lêtre quel que soit celui-ci ; mais il entend ne pas mêler les conjectures sur lorigine aux certitudes portant sur des commencements qui ne prétendent pas occuper la place de lorigine. En ce sens, sa philosophie de la vie entend ne pas excéder les limites dune philosophie de la biologie.
IV/ Sur quoi fonder limpératif qui demande que rien dans notre action nempêche la vie de se développer ? Il sagit dune vie porteuse dhumanité elle-même et digne dêtre vécue. Ce qui ici est en jeu est linclusion de lidée de vie dans la formulation même de limpératif. Cette fondation, selon Jonas, ne peut être quontologique dans la mesure, dans la mesure où ce qui est à justifier, cest la continuation dune existence et non la rationalité dun principe de moralité. Quune vie humaine doive encore exister après nous, voilà ce qui doit être démontré. Cest dans le cadre de cette entreprise de fondation ontologique du nouvel impératif quil faut maintenant replacer les conclusions de la philosophie de la biologie. Pour en venir à une fondation digne de ce nom, Jonas nhésite pas à prendre les plus grands détours.
1) Il commencera comme Leibniz et fera précéder la question : lhomme doit-il être ? par la question : quelque chose doit-il être plutôt que rien ? Le devoir-être de quelque chose na en effet pour seul opposé que le rien. Or lêtre vaut mieux que le rien. Il vaut mieux quil y ait quelque chose plutôt que rien. Laffirmation de lêtre est en ce sens à la fois ontologique et éthique. On aperçoit la conséquence encore lointaine : choisir la disparition de lhumanité au-delà du suicide de tel individu , cest nier le primat de lêtre comme tel sur le rien. La question est celle du pour-quoi, au sens de : cela vaut-il la peine dêtre ? Elle est celle de la préférence de lêtre au rien. Valeur et existence coïncident dans la question. La réponse à la question est dès lors autoréférentielle : imputer ou non une valeur à quelque chose, cest déjà se placer dans une perspective où il a déjà été décidé de la préférence de lêtre au non-être, lequel nest ni valeur ni non-valeur. Laffirmation que la valeur a droit à lêtre est seulement lenvers de laffirmation que lêtre vaut au sens de vaut mieux que rien.
2) Mais existe-t-il une chose telle que « la valeur » lui soit objectivement attachée ? Existe-t-il un être qui implique notre responsabilité à légard de son caractère périssable ? Cet être, cest le vivant et, en lui la vie même. Cest dans le oui à la vie que le non opposé au non-être senracine : car, dans la vie, lêtre est explicitement confronté au non-être : « Le mode de son être, écrit Jonas en 1979, est la conservation pour agir ». Avant lhomme, cest un oui aveugle que la vie prononce sur elle-même ; avec lhomme, le devoir-être enraciné dans lêtre revêt la forme dune obligation parce que lhomme peut vouloir se détruire.
3) Alors que, dans la nature, lauto-conservation na pas à être commandée, chez lhomme, elle fait lobjet dun choix. Dans le vocabulaire employé par Jonas, la vie en tant que telle est orientée vers des fins. Avec la conscience, ces fins revêtent la signification de valeurs. Dans toute fin, lêtre se déclare en faveur de lui-même et contre le non-être. (312) Laxiologie ne cesse dêtre subordonnée à lontologie, dans la mesure où lêtre du vivant vaut (la peine) dexister. Seule la possibilité dun anéantissement actif et volontaire transforme en tâche ce qui est tendance naturelle chez le vivant. 4) Entre la finalité du vivant et lordre humain de la valeur et de lobligation, il y a donc à la fois discontinuité et continuité. La discontinuité dun plan à lautre tient au pouvoir dont lhomme dispose de détruire la vie qui le porte ; encore faut-il ajouter, pour atténuer lécart, que le sentiment de responsabilité introduit un facteur de passivité et de réceptivité au sein du fondement rationnel de lobligation. On se sent responsable avant de se déclarer responsable. La passivité de ce sentiment rappelle le témoignage que la vie rend à la vie. Cette manière dêtre ainsi affecté souligne la parenté entre le sentiment de responsabilité et la compassion, dans la mesure où, comme il a été dit, la responsabilité a pour vis-à-vis le périssable, cest-à-dire lautre appréhendé dans sa condition de vulnérabilité. Le sentiment de responsabilité se trouve ainsi totalement accordé à la précarité de la vie. En outre, il nest pas étonnant que la responsabilité soit dabord passivement ressentie, dans la mesure où se sentir responsable, cest se sentir chargé dune tâche, dépositaire dune mission. V/ Pour illustrer sa démonstration, Hans Jonas propose deux exemples de responsabilité quil tient pour paradigmatiques : celui de la responsabilité parentale et celui de la responsabilité politique. 1) Responsabilité parentale : La naissance engendre une responsabilité du côté parental du seul fait quelle survient ; et lobligation qui lui est attachée est unilatérale, aucun droit explicite ne lui correspondant du côté du nouveau-né. Ici donc, le « est » et le « doit être » coïncident exactement. (313) Le nouveau-né rend responsables parents naturels ou adoptifs ; en ce sens, Jonas peut dire que le premier devoir-être procède de la « chose », de la « cause » à nous confiée ; ce qui est ici en jeu, cest une relation de confiance, laquelle constitue un bien substantiel dont la simple existence comporte sa propre force dobligation. La naissance de lenfant nous rend responsables pour ce bien ; dun côté, ce bien concerne lenfant dans sa totalité, comme la chose à faire croître ; dun autre côté, cette croissance implique la continuation dune existence ouverte sur un avenir indéterminé : « Le caractère futurible propre de ce dont on a la responsabilité est le véritable aspect davenir de la responsabilité » ; la responsabilité en ce sens est « le complément moral de la constitution ontologique de notre être temporel ». La fragilité, la vulnérabilité de cet être en croissance soulignent plus fortement encore la force et lobligation attachée à la simple existence, exigeant préservation et perpétuation.
2) Responsabilité politique de lhomme dEtat. On ne nie pas, ici non plus que le pouvoir soit objet de brigue et donc, jusquà un certain point, objet de choix ; mais lexercice même du pouvoir engendre une série de charges solidaires des exigences constitutives de la chose publique ; en ce sens, lhomme dEtat porte le poids de charges qui concernent la collectivité dans sa totalité, comme précédemment léducation concernait lenfant dans sa totalité. Et lavenir de cette totalité nest pas plus maîtrisable que ne lest celui de ladulte à venir. Total et ouvert est lavenir qui, de part et dautre, est pris en charge : « Chaque fois lêtre humain, même sil fut autrement, nétait moins achevé quil ne lest aujourdhui ». Finalement, cest de la perpétuation de lart de gouverner que lhomme politique est responsable ; le maintien de sa propre présupposition fait partie du cahier des charges de lart de gouverner : « Tout art de gouverner porte la responsabilité dun art de gouverner futur ».
(314) Les deux modèles de responsabilité se révèlent avoir en commun les deux traits suivants : une charge confiée dont lexistence engendre une obligation, une entité périssable qui appelle pour sa survie et sa croissance les soins de quelquun rendu responsable par cet appel même.
VI/ A la fragilité de la vie, lhomme de la technique ajoute une fragilité supplémentaire qui est son uvre La référence de léthique de la responsabilité à lontologie de la vie biologique savère être une clef importante du principe de responsabilité jusque dans ses analyses détaillées du phénomène technologique. Placée sur larrière-plan de la téléologie du vivant, la grande aventure technicienne de lhomme prend en effet un relief saisissant. (315) Dune part, la menace que lhomme fait peser sur lhomme prend en quelque sorte le relais les menaces auxquelles les autres vivants sont déjà soumis. A la fragilité de la vie, lhomme de la technique ajoute une fragilité supplémentaire qui est son uvre. Mais alors que la vie comporte sa régulation propre, qui a longtemps fait de la nature lenclos invulnérable de lhistoire humaine, lagir humain, cessant dêtre réglé par des fins naturelles, est le siège dune démesure spécifique. Cest seulement de nos jours que nous en apercevons lampleur ; par leur dimension cosmique, par leurs effets cumulatifs et irréversibles, les techniques ouvrent en effet une carrière illimitée à une dangerosité sans précédent dans lhistoire de la vie. La préservation de la vie avait toujours eu un coût. Avec lhomme, ce coût, ce prix à payer peut être lanéantissement. Il appartient dès lors à la liberté humaine de sassigner à elle-même des fins et de se donner les pouvoirs de les exécuter. De même que la dangerosité créée par lhomme sajoute à la fragilité de la vie, la responsabilité peut être dite « prendre la relève de la finalité naturelle ». VII/ Difficultés résultant du lien établi par Jonas entre son éthique de la responsabilité et lontologie qui prolonge sa philosophie biologique On pourrait en effet objecter que la philosophie de la biologie est inapte à donner au principe responsabilité le fondement ontologique recherché, dans la mesure même où le pouvoir de lhomme échappe aux régulations naturelles et appelle une autodiscipline dune autre nature. La réponse à cette objection permet peut-être de mieux comprendre en quel sens lontologie de la vie est incorporée au principe responsabilité. Chez Jonas, en effet, la finalité naturelle ne prétend pas jouer le rôle de modèle comme ce pourrait être le cas dans une interprétation dailleurs discutable de la morale dAristote. (316) Le principe responsabilité ne dit pas : impose à ton action une retenue, une modération, bref, une « mesure » semblable à celle dont la nature dite spontanément lactivité des vivants. Ce nest pas au titre dune imitation de la nature que lontologie de la vie se trouve incorporée non seulement à la formulation, mais plus radicalement à la fondation du principe responsabilité. Le principe responsabilité demande seulement de préserver la condition dexistence de lhumanité, ou mieux, lexistence comme condition de possibilité de lhumanité. Cest bien lhomme en tant que vivant qui est objet de sollicitude. Cest pourquoi le principe responsabilité prend en charge la vulnérabilité spécifique que lagir humain suscite dès lors quelle sajoute à la fragilité naturelle de la vie. En ce sens, le lien de la responsabilité reste la fragilité de la vie. On ne saurait dire que le principe responsabilité relève dune morale naturaliste. Cest au contraire au niveau de lagir humain, et par des moyens techniques appliqués de façon corrective aux techniques, que léthique de la responsabilité délimite son champ dexercice. Ce sont en outre des moyens institutionnels appropriés qui sont seuls capables de prendre en charge les coûts du progrès technique. Dire que lhomme est responsable envers la nature, ce nest donc pas dire quil faille chercher dans la nature le modèle de la mesure à imposer à la dérive techniciste. Il est clair que lintérêt de lhomme coïncide avec celui du reste des vivants et celui de la nature entière en tant quelle est notre patrie terrestre. Cest pour contrecarrer la réduction anthropologique de léthique que lon pose une obligation à la fois une et double : une obligation une, dans la mesure où lobjet de sa responsabilité est sa propre reproduction dans dautres sujets responsables comme nous ; en ce sens, le principe responsabilité est autoréférentiel lors même quil ouvre sur une humanité future et un avenir inconnu. (317) Une obligation double, en ce sens que la dignité propre de la nature doit être affirmée à lencontre de larbitraire de notre pouvoir. Nous sommes redevables à la nature de siéger à son sommet, tout en restant inclus dans son orbe avec le reste des vivants. Même si lobligation à légard de lautre homme reste première, elle inclut la nature comme la condition de la survie de lhomme et comme un élément de sa complétude existentielle. Cest dans le cadre de ce destin solidaire quil peut être parlé de la dignité propre de la nature : cette dignité pose une limite à la réduction utilitaire qui cautionne lexploitation sans fin de la nature, selon ladage faisant de lhomme le maître et possesseur de la nature. Ainsi, même laffirmation de ce destin solidaire et, sous le couvert de celle-ci, laffirmation de la dignité propre de la nature ne suffisent pas à assimiler le principe responsabilité à une morale naturelle. Cette identification constituerait un grave malentendu, lequel est peut-être à la base de maintes critiques adressées à une éthique qui se présente comme éthique de la préservation. Loin de procéder de quelque enseignement de la nature, celle-ci occupe la même place que celle du progrès et du perfectionnement illimité. Lhomme, destructeur potentiel du travail téléologique de la nature, doit prendre en charge au niveau de son vouloir le oui que la nature adresse à lêtre et le non quelle oppose au non-être. Ce qui est à sauver, cest la présupposition de lhomme. Nul ne peut dire : que lhomme soit, sans dire : que la nature soit. Voilà pourquoi le oui à lêtre, que la vie prononce spontanément, est devenu au niveau humain devoir être, obligation. Modèle identitaire de type biologique ETHOS TRIADE ÉTHIQUE
IDENTIFICATION
[1] H. Jonas, « Principe responsable », Paris, Cerf, 1990. [2] Hans Jonas est un philosophe contemporain de Hannah Arendt. Ils se sont rencontrés pour la première fois au Séminaire de Martin Heidegger à Marburg, en automne 1924 : lui avait alors 21 ans et elle 18. [3] P. Ricoeur, Lectures 2, Paris, Seuil, 1999, p. 304-319. [4] Sous le terme organisation, on peut placer lensemble des moyens que lhomme met au jour pour la préservation du périssable dans tous les domaines dactivité : dans lagriculture, lassolement dans la médecine, la vaccination dans lurbanisation, le traitement des eaux usées dans la finance, lélimination des produits toxiques etc. Date de création : 03/10/2009 @ 11:49 Réactions à cet article
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