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Vie animale, vie humaine (Parcours axiologique)

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VIE ANIMALE ET VIE HUMAINE



Ce sujet, traité par Gadamer, a été repris par John McDowell[1] dans son oeuvre « L’esprit et le monde », qui est un classique de la philosophie contemporaine. Ce document a joué, depuis sa parution en langue anglaise en 1994, un rôle important dans les débats philosophiques en cours.

La majeure partie de ce document est une sorte de compte-rendu des six conférences John Locke que l’auteur a prononcées à Oxford durant le dernier trimestre de 1991. Dans ce livre, il fait particulièrement deux choses :

Premièrement, il rend compte de l’expérience perceptive de façon à permettre qu’on lui reconnaisse une signification épistémologique. Avoir l’expérience, c’est recevoir le titre qui fait de la connaissance perceptive une connaissance. Il soutient que rien ne nous force à refuser le « Mythe du Donné » de Sellars, car l’expérience peut être comprise comme l’actualisation, dans la sensibilité, de capacités qui sont conceptuelles, en un sens qui les assigne à une faculté de la raison.

Deuxièmement, il s’appuie sur cette idée de l’expérience pour attaquer l’idée selon laquelle la raison (ce qui distingue les animaux rationnels des autres animaux) s’établit dans une dualité contre notre nature animale. La sensibilité appartient à la nature des animaux. Si nous épousons un dualisme de la raison et de la nature animale, cela nous barre l’hypothèse d’après laquelle la sensibilité serait informée par des capacités qui sont conceptuelles, en un sens qui les assigne à une faculté de la raison. Ce qui tend à rendre invisible dans sa possibilité même la conception de l’expérience qu’il recommande. Mais il soutient que ce dualisme reflète une restriction infondée de la part qui revient à la nature chez un être naturel.

Lorsqu’il rend compte de l’expérience dans ce livre, il suppose que si l’expérience actualise des capacités conceptuelles, alors elle doit avoir une contenu propositionnel, du genre de celui que l’on trouve dans les jugements et les assertions.

Son explication de l’expérience s’inspire de Kant, mais après avoir écrit ce livre il est maintenant d’avis qu’en créditant l’expérience d’un contenu propositionnel, il n’a pas fait assez attention à la conception kantienne des intuitions. Selon les termes de Kant l’unité des jugements est l’unité propositionnelle. D’autre part, l’unité intuitionnelle est la contrepartie de l’unité des jugements, contrepartie où c’est la même fonction qui fournit les deux unités. Ce qui revient à dire que c’est l’activité même qui apparaît dans l’activité discursive comme pouvoir de juger qui est à l’œuvre dans la constitution du contenu des intuitions. Et il est du coup correct de dire que les intuitions ont un contenu par l’actualisation de capacités conceptuelles. Mais les intuitions n’ont pas de contenu propositionnel. On ne peut pas considérer que les intuitions nous disent que les choses sont d’une certaine manière : elles amènent des choses à notre vue. Elles le font car elles ont un contenu conceptuel associé à des caractéristiques de l’objet, un contenu unifié en accord avec un contenu de type catégorial, une unité qui, pour parler comme Kant, donne le contenu du concept formel d’un objet. En amenant des objets à notre vue du fait de posséder ce genre de contenu [actualisation de capacités conceptuelles], les intuitions nous autorisent à des jugements qui traduisent notre confrontation à ces objets avec ces caractéristiques [jugements perceptifs de connaissance]. Et en amenant les objets à la vue pour nous, les intuitions nous mettent également en position de faire d’autres jugements de connaissance, qui reflètent les capacités de recognition que nous sommes capables de développer pour porter sur ce que nous avons en vue.

En décrivant l’expérience comme propositionnelle, il n’avait nullement l’intention de montrer que l’expérience nous autorisait à des jugements perceptifs, en termes inférentiels ou quasi-inférentiels. Et disant maintenant que le contenu de l’expérience est intuitionnel et non pas propositionnel, il vient écarter tout malentendu de ce genre. Un « jugement perceptif de connaissance » est garanti par la manière dont un objet est perceptuellement présent à un sujet à travers certaines de ses caractéristiques, parfois en conjonction avec une capacité de recognition ; ce « jugement perceptif de connaissance » n’est en aucun cas une prémisse propositionnelle.

Dans ce livre, l’auteur remarque qu’une réflexion sur l’expérience n’est qu’une manière d’aborder le dualisme de la raison et de la nature animale, et il mentionne brièvement l’action corporelle comme une autre manière. Les capacités de contrôle du mouvement des membres appartiennent à la nature animale, tout comme la sensibilité. Si l’on rejette le dualisme de la raison et de la nature, on peut dire que l’exercice intentionnel de ces capacités, à la différence des mouvements orientés des animaux non rationnels, sont informés par notre rationalité pratique. Si l’on ne rejette pas le dualisme, on est poussé dans la direction d’une restriction de l’implication de la rationalité pratique dans l’action corporelle, pour repousser cette implication dans un domaine intérieur de pensée. D’après cette dernière conception, il se peut que l’exercice de l’intellect pratique cause et supervise nos mouvements corporels, mais on ne peut pas supposer que notre intelligence pratique est en jeu dans les mouvements corporels eux-mêmes.


VIE ANIMALE ET VIE HUMAINE selon GADAMER


Pour les animaux, le sentir sert un mode de vie structuré exclusivement par des impératifs biologiques immédiats


Les simples animaux sont-ils véritablement sentants ? Pour traiter ce point McDowell a emprunté à Gadamer une description remarquable de la différence entre un mode de vie purement animal, dans un environnement, et un mode de vie humain dans le monde[2]. Pour McDowell, l’intérêt de cette description est de montrer un peu en détail comment nous pouvons reconnaître ce qu’il y a de commun entre les êtres humains et les bêtes, tout en préservant la différence que la thèse kantienne nous impose.

Chez les simples animaux, le sentir sert un mode de vie structuré exclusivement par des impératifs biologiques immédiats. Il n’est pas suggéré par là que la vie se réduit à une lutte de préservation de l’individu et de l’espèce. On trouve des impératifs biologiques qui ne sont reliés à la survie et à la reproduction que très indirectement, comme la tendance à jouer, qu’on trouve chez de nombreux animaux[3]. Mais sans tomber dans ce genre de réduction, on peut reconnaître qu’une vie purement animale est configurée par des buts qui ne contrôlent le comportement de l’animal à un moment donné que par l’effet immédiat de forces biologiques.


Un simple animal ne pèse pas des raisons pour décider ce qu’il faut faire


Voici la thèse de Gadamer : une vie qui n’a que cette structure n’est pas menée dans le monde, mais elle n’est menée que dans un environnement. Pour une créature dont la vie n’a que ce genre de configuration, le milieu où elle vit ne peut pas être davantage qu’une succession de problèmes et d’occasions, constitués comme tels par ces impératifs biologiques.

Quand nous faisons l’acquisition de pouvoirs conceptuels, cela apporte dans nos vies non pas simplement le traitement de problèmes et l’exploitation d’occasions, constitués comme tels par des impératifs biologiques immédiats, mais cela apporte l’exercice de la spontanéité, de la décision de ce qu’il faut penser et faire. Si nous pouvons présenter ainsi les choses, c’est grâce à un naturalisme de seconde nature ; nous pouvons ainsi parfaitement admettre quelque chose qui reste problématique dans le contexte d’un autre genre de naturalisme, à savoir que ces exercices de la liberté sont les éléments de nos vies, de nos trajets d’êtres vivants, et donc d’êtres naturels. Bien entendu, il ne faudrait pas que cette responsabilité sur nos vies soit la marque par laquelle nous transcenderions la biologie, ce qui ressemble à une version de la fantasmagorie du platonisme rampant. Mais nous ne succombons pas au platonisme rampant en disant que la configuration de nos vies n’est plus déterminée par des forces biologiques immédiates. Faire l’acquisition de la spontanéité de l’entendement, c’est devenir capable, dans les termes de Gadamer, de « s’ élever au-dessus de la pression du monde[4] (cette succession de problèmes et d’occasions constitués comme tels par des impératifs biologiques) pour accéder à « une orientation libre et ménageant une distance »[5]. Et le fait que l’orientation soit libre, qu’elle dépasse la pression d’un besoin biologique, la caractérise en tant qu’orientation vers le monde. Pour un sujet percevant doté de capacités de spontanéité, l’environnement ne se réduit pas à une succession de problèmes et d’occasions ; l’environnement est le morceau de réalité objective qui se trouve à sa portée objective et pratique. C’est ainsi qu’est l’environnement pour ce sujet, car le sujet peut concevoir cet environnement de façon à ce que ce soit ainsi qu’il soit présenté[6].


Les animaux ne sont pas à créditer d’une subjectivité pleine et entière


Lorsque McDowell dit que pour une créature qui n’a de vie que purement animale, son milieu de vie ne peut être davantage qu’une succession de problèmes et d’occasions, il n’est pas en train de dire que cette créature conçoit son environnement dans ces termes. Cela serait essayer d’attribuer à de simples animaux une subjectivité pleine et entière, engageant une opération médiée par des concepts qu’il faudrait considérer en tant que telle comme une orientation vers le monde même en limitant les concepts que des choses satisfont en vertu de leur relation avec des impératifs biologiques, ce qui revient à reconnaître qu’il manque à cette orientation la liberté et la distance requises pour qu’il puisse s’agir d’une orientation vers le monde. L’intérêt de la distinction entre ne vivre que dans un environnement et vivre dans le monde réside précisément en ce qu’il n’y a pas à créditer les simples animaux d’une subjectivité pleine et entière, d’une orientation vers le monde, pas même une qui soit réduite de cette manière. Cela ne veut pas dire que les traits environnementaux n’existent pas pour un animal percevant. Au contraire, ils constituent pour lui des problèmes ou des occasions. L’idée est simplement qu’il faut distinguer cette dernière affirmation de l’affirmation selon laquelle l’animal conçoit les traits environnementaux comme des problèmes ou des occasions.


La sensibilité d’un animal aux traits de son environnement ; évocation d’un élément analogue à la subjectivité pour que l’on puisse comprendre sa vie alerte et automotrice


Cette discussion de la signification pour un animal des traits environnementaux permet d’évoquer un élément analogue à la notion de subjectivité qui en est suffisamment proche pour assurer McDowell qu’il n’y a pas d’automatisme cartésien dans sa conception. Et il n’y en a, rigoureusement pas. En effet, il doit invoquer la sensibilité d’un animal aux traits de son environnement pour pouvoir comprendre sa vie alerte et automotrice, la manière dont il gère son environnement selon ses compétences. Mais en restituant la notion de sensibilité à tel ou tel trait dans le contexte de l’idée d’habitation d’un environnement, il s’ assure de ne pas avoir à créditer un simple animal d’une orientation vers le monde, même si ce monde est conceptualisé en des termes purement béhavioristes [purement objectifs]. Pour souligner à quel point il est loin de la structure kantienne, il peut dire que ce qui est en question ici, c’est la proto-subjectivité[7] plutôt que la subjectivité.

Dans un mode de vie simplement animal, la vie n’est rien d’autre qu’une réaction à une succession de besoins biologiques. Il se peut que, lorsque Gadamer décrit le contraire de ce mode de vie comme une « orientation libre, ménageant une distance », en notant cette émancipation par rapport au besoin de produire du comportement, cela suggère l’idée du théorique. Et il est certain qu’on ne trouve jamais dans toute conception sensée du mode de vie simplement animal l’idée d’une attitude contemplative désintéressée envers le monde en général ou envers quelque chose de particulier dans ce monde. Mais l’idée n’est pas seulement qu’avec la spontanéité les activités de la vie en viennent à inclure du théoriser aussi bien que de l’agir.


La manière dont Gadamer rend compte de la différence des structures des deux modes de vie coïncide étonnamment avec certaines remarques de Marx


Cette convergence devrait nous aider à exorciser l’idée d’observation passive. Pour Marx, tel qu’on le lit dans ses manuscrits de 1844 sur le travail aliéné[8], une vie proprement humaine n’est rien si elle n’est pas active. Elle engage en effet l’appropriation productive de la « nature…le monde sensible extérieur » (p. 58). Si l’activité productive est humaine elle peut en principe s’étendre librement sur le monde. C’est le contraire d’une vie purement animale. Comme dans la description de Gadamer, la vie purement animale n’est qu’une question de traitement d’une série de problèmes et d’occasions que l’environnement fournit, et qui sont constitués comme tels par des besoins et des tendances biologiquement données. Marx se plaint de manière mémorable de la déshumanisation de l’humanité dans l’esclavage salarial. La part de la vie humaine où devrait le mieux s’y exprimer l’humanité, c’est-à-dire l’activité productive, est réduite à la condition de la vie purement animale, à la satisfaction de besoins purement biologiques. Et même si la liberté donne à la vie humaine son caractère humain distinctif, l’esclavage salarial enferme cette liberté dans les aspects purement animaux de vies qui ne sont plus alors qu’incidemment humaines. « L’homme (l’ouvrier) ne se sent plus librement actif que dans ses fonctions animales, manger, boire et procréer, tout au plus encore dans l’habitation, la parure, etc., et…dans ses fonctions d’homme, il ne se sent plus qu’animal (p.60).

Marx résume sa vision de ce que devrait être une vie proprement humaine dans une image frappante : sans l’aliénation, « la nature entière » est le corps non organique de l’homme[9] » (p. 62). Nous pouvons indiquer la convergence avec Gadamer en commentant cette image comme suit. Le monde est là où un être humain vit, là où il est chez lui. Comparons cela à la relation entre un environnement et une vie animale. Un environnement est essentiellement étranger à la créature qui y vit ; il est la source de « la pression du monde [sur l’animal] ». Le problème n’est pas qu’une vie simplement animale serait une lutte constante , alors qu’une vie caractéristiquement humaine serait facile. Chez Marx, comme chez Gadamer, l’idée n’est pas qu’une vie proprement humaine est libre mais plutôt qu’elle se distingue par sa liberté. Et cela revient au même d’affirmer que cette vie est vécue dans le monde, par opposition au fait de consister en la gestion d’un environnement.


Nécessité de bien comprendre l’opposition entre la possession d’un monde et la simple habitation d’un environnement


Il ne faut bien sûr pas comprendre cette opposition en la traduisant par l’idée absurde selon laquelle quand on parvient on parvient à posséder un monde dès qu’on cesse d’habiter un environnement – comme si d’être humain nous exemptait d’avoir à nous trouver quelque part n particulier. Et il est bien sûr d’emblée possible à un simple animal de quitter son environnement présent, au simple sens où il peut aller ailleurs. C’est une des réactions aux pressions que l’environnement présent impose à un animal, comme l’insuffisance de nourriture, l’absence de partenaires sexuelles, et d’autres types de menaces. Parvenir à posséder le monde revient en partie à acquérir la capacité à conceptualiser les faits qui sous-tendent cette possibilité comportementale déjà présente, de sorte que l’environnement soit conçu comme la région du monde qui se trouve à notre portée présente sensorielle et pratique, comme le lieu où nous nous trouvons, par opposition avec les autres endroits où nous pourrions être.

Bien entendu parvenir à posséder le monde ne se réduit pas à cela. Par exemple, la possession du monde se montre également dans le détail superflu que l’environnement présent offre typiquement à notre connaissance. Il n’y a qu’à regarder la richesse du champ visuel d’un adulte humain normal, qui est bien au-delà de ce qui suffirait à une capacité à gérer des besoins purement animaux. Marx déclare que le genre humain est le seul à produire « d’après les lois de la beauté » (p. 64), et le point qu’il soulève dans cette remarque se montre aussi là, dans un trait caractéristique de notre conscience. C’est notre expérience même, du point de vue de sa nature qui la constitue comme expérience du monde , qui participe d’une condition essentielle à l’art, sa liberté de ne pas avoir à être utile.


Description des vies simplement animales

Gadamer décrit les vies simplement animales comme consistant à gérer les « pressions » de son environnement. McDowell souligne que refuser de trouver une orientation vers le monde dans un vie de ce genre ne nous oblige pas à nier que cette vie comprend une sensibilité perceptive proto-subjective à des traits de l’environnement. Et ce genre de vie peut également comprendre de la douleur ou de la peur par exemple. Mais il n’est pas nécessaire que la sensibilité perceptive à l’environnement revienne à une conscience du monde extérieur ; McDowell a soutenu [au 3ème paragraphe]que la conscience du monde extérieur ne peut avoir lieu qu’en concomitance avec une subjectivité pleine et entière. D’une façon quelque peu similaire, il n’est pas nécessaire que les sentiments de douleur ou de peur reviennent à la conscience d’un monde intérieur. De sorte que nous pouvons soutenir qu’un animal n’a pas de monde intérieur sans le représenter comme une chose dépourvue de sens et d’affect.


Les sensations, les états émotionnels, et autres, figurent pour notre subjectivité dans un monde intérieur


Dans de telles affirmations, on utilise l’idée qu’il y a des objets de l’expérience, présents dans une région de la réalité. Dans sa 2ème conférence McDowell a suggéré qu’il fallait comprendre cet usage de l’idée d’objets de l’expérience comme un cas-limite, car dans ce cas les objets de la conscience n’existent pas indépendamment de la conscience[10]. L’idée d’un monde intérieur est donc un cas-limite de l’idée d’une région de la réalité.

Structure requise pour soutenir cette dernière affirmation.

Dans cette actualisation de notre sensibilité, comme dans d’autres, des capacités conceptuelles sont passivement mises en œuvre, dans ce cas à la première personne et au présent de l’indicatif [ex : j’ai mal aux dents]. Mais nous ne pouvons reconnaître que les capacités conceptuelles intéressantes sont à l’œuvre ici que parce que leur mise en œuvre intègre le fait de comprendre qu’elles ne se réduisent pas à la première personne et au présent de l’indicatif. Les circonstances précises qui parviennent à la conscience grâce à la mise en œuvre de nos pouvoirs conceptuels peuvent également se retrouver dans des pensées qui ne sont pas à la première personne du présent de l’indicatif. Nous sommes par-là autorisés à appliquer la structure conscience-objet, car puisqu’on comprend les circonstances comme étant par essence telles qu’elles peuvent admettre sur elles cette perspective alternative, on peut concevoir la perspective de la première personne sur elles comme un cas de conscience de quelque chose, même si l’objet de cette conscience n’est ni en-deçà ni au-delà de la conscience elle-même (…)

Ce n’est que pour une subjectivité pleine et entière que le sentiment de la douleur ou de la peur peut revenir à un cas-limite de conscience d’un état de choses interne dont la subjectivité est déficiente. Ce cas-limite de la structure conscience-objet n’existe qu’en raison de la manière dont la conscience est structurée par l’entendement. Mais rien dans les concepts de douleur ou de peur n’implique qu’ils ne peuvent accrocher que là où il y a de l’entendement, et, donc, une objectivité pleine et entière. Il n’y a aucune raison de supposer qu’ils ne peuvent être appliqués selon un mode autre que la première personne qu’à quelque chose qui soit capable de se les appliquer à la première personne.


La question du fonctionnement de la mécanique perceptive d’un animal


Il est difficile de voir comment on pourrait répondre scientifiquement à cette

question sans se servir de l’idée d’un contenu qui représente le monde mais qui ne peut pas être conceptuel au sens exigeant du terme qui est le mien, puisque nul mécanisme perceptif animal (pas même le nôtre) ne possède la spontanéité de l’entendement[11]. L’intention de McDowell n’est pas d’objecter quoi que ce soit aux sciences cognitives.

Son intention est de rejeter une certaine conception philosophique, qui pourrait être exprimée comme suit, si ses partisans acceptaient d’employer ses termes : dessiner les contours d’une subjectivité et dessiner les contours d’une proto-subjectivité sont deux tâches qui sont à peu près du même genre ; leur différence est d’impliquer deux différents modes d’orientation vers le monde, et donc deux différentes sortes de contenu. D’après cette conception, les deux tâches demandent de dire comment le monde atteint un percevant. (Entre autre choses, il nous faudrait aussi caractériser certains aspects de la subjectivité comme les sensations ou les émotions). La seule différence est que, dans l’un des deux genres de cas, le contenu engagé quand le monde atteint le percevant d’une certaine manière est non conceptuel.

Pour un exemple frappant de cette conception philosophique, il n’y a qu’à regarder l’importance que Thomas Nagel accorde à la question « De quoi les choses ont l’air à une chauve-souris[12] ». Contournons d’abord la question par celle-ci : de quoi auraient l’air les choses si nous avions une capacité sensorielle d’écholocation ? Cette question défie notre imagination d’une façon remarquable. Il nous faut projeter notre imagination dans un monde possible alternatif où notre subjectivité est en partie constituée différemment, et cette question est un défi car nous ne disposons pas d’un appui sensoriel pour cette extrapolation de l’imagination. Comparons maintenant cette question à la question que Nagel pose effectivement : de quoi les choses ont l’air pour une chauve-souris en pleine écholocation ? Selon Nagel c’est le même défi qui est offert à l’imagination, mais c’est à présent sous une forme qui fait de notre échec à le relever non pas un échec à conceptualiser une pure possibilité, mais un échec à mener nos esprits aux alentours d’une partie de l’arrangement du monde réel. Selon les termes de McDowell, c’est traiter ce qui n’est qu’une proto-subjectivité comme s’il s’agissait d’une subjectivité pleine et entière. Dans l’image de Nagel, les chauves-souris ont une subjectivité pleine et entière dont la configuration se trouve au-delà de la portée de nos concepts.

McDowell ne pense pas que la question de savoir de quoi ont l’air les chose à une chauve-souris soit plus inextricable que la question de savoir de quoi ont l’air les choses à un chien ou à un chat, qui ont autant de sens que nous. Pour répondre à de telles questions, nous devons nous rendre compte des impératifs biologiques qui structurent les vies en question, et il nous faut rendre compte des capacités sensorielles qui leur permettent de réagir à leur environnement selon des voies qui soient appropriées à ces impératifs biologiques. Dire que les chauves-souris peuvent localiser une proie ou les parois d’une grotte avec un sonar peut fournir une partie de la réponse dans le cas des chauves-souris, tout comme dire que la vision des chats est sensible au vert et au bleu mais pas au rouge peut fournir une partie de la réponse dans le cas des chats. Il est vrai que lorsque la question est de savoir de quoi les choses ont l’air à une chauve-souris ou à un chat, on doit répondre en caractérisant quelque chose de proche du point de vue de la créature. Mais les comptes-rendus que je considère le font, pour autant que cela puisse avoir un sens, sans garantir la pensée, que, dans le cas des chauves-souris au moins, il y a des faits qui échappent à notre compréhension. Ces comptes-rendus saisissent le caractère de la proto-subjectivité des créatures en question, les manières distinctives d’être alertes à leur environnement.

Nous sommes familiers « de l’intérieur » avec la vision humaine des couleurs. Il est tentant de croire que nous sommes ainsi parés pour appréhender un fait entièrement subjectif concernant la vision féline des couleurs, dont nous rendons compte en disant qu’ils peuvent voir le vert et le bleu mais pas le rouge. Il doit donc y avoir parallèlement des faits entièrement subjectifs concernant l’écholocation de la chauve-souris, mais ils font échouer notre compréhension. Mais ce n’est que le Mythe du Donné[13] sous une autre forme. L’idée est que déjà les simples animaux jouissent déjà d’une expérience perceptive où le monde les atteint comme étant d’une certaine manière, et la seule différence que l’entendement fait pour nous est que nous pouvons mettre une forme conceptuelle sur un contenu qui est d’emblée une représentation du monde mais qui n’est pas encore conceptuel, contenu que, tout comme les simples animaux nous recevons dans l’expérience. Et le problème avec les chauves-souris est que notre imagination ne peut pas aller jusqu’à concevoir comment se passerait le passage à la forme conceptuelle, dans le cas d’un contenu fourni par la capacité d’écholocation. L’image est donc que les simples animaux ne peuvent recevoir que le Donné, tandis que ce n’est pas seulement de recevoir le Donné dont nous sommes capables, mais également de lui donner une configuration conceptuelle. Penser ainsi, c’est mettre le doigt dans un engrenage philosophique familier.


Comment les animaux en sont-ils venus à posséder la spontanéité de l’entendement ?


C’est vraiment une très bonne question. Il fut un temps où il n’y avait pas d’animaux rationnels. Supposons que nous disposions d’une explication crédible de la manière dont les forces qui ont une opérativité intelligible dans la nature auraient guidé l’évolution d’animaux doués de pouvoirs conceptuels. Cela exclurait définitivement une forme de platonisme rampant[14] : l’idée selon laquelle notre espèce acquiert ce qui la distingue, la capacité à faire écho à la signification, par un don de l’extérieur de la nature. Si nous prenions cette idée au sérieux, il nous faudrait supposer que lorsque les générations successives sont initiées à réagir aux significations, l’éducation actualise un potentiel de développement implanté dans l’espèce lors de l’événement d’évolution extra-naturel, d’un élément extra-naturel.

Mais cette demande d’une histoire évolutionniste n’est pas vraiment pressante. La spéculation évolutionniste n’est pas un contexte dans lequel le platonisme rampant est particulièrement tentant. Une réflexion sur la Bildung des individus humains devrait suffire pour distinguer le platonisme naturalisé[15] que McDowell a défendu vis-à-vis du platonisme rampant. Et à l’occasion de cette réflexion, on peut considérer la culture à laquelle un être humain est initié comme une préoccupation tout à fait courante ; il n’y a pas de raison particulière de nous sentir obligés de révéler l’histoire de cette culture ou bien de spéculer sur cette histoire, encore moins quand il s’agit des origines de cette culture. Les enfants d’humains sont de simples animaux, qui ne se distinguent que par leur potentiel, et rien d’occulte n’arrive à l’être humain au cours de son éducation ordinaire. Si nous situons une sorte de platonisme dans le contexte d’une explication de la Bildung qui insiste sur ces faits, alors nous nous assurons qu’il ne s’agit pas d’un platonisme rampant. Une simple ignorance de la manière dont la culture humaine a ou avoir lieu au tout début n’est certainement pas un point de départ plausible pour un argument selon lequel l’initiation à cette culture doit actualiser dans les êtres humains un potentiel extra-naturel[16].

Le précepte fondamental de la philosophie analytique est qu’on doit approcher les questions philosophiques portant sur la pensée en passant par le langage

C’est ce précepte qu’a soutenu Michael Dummett[17]. Dans ses conférences John Locke, McDowell s’est occupé de la pensée ; il a essayé de décrire une façon de concevoir la portée de la pensée sur le monde qui soit à l’abri de quelques inquiétudes philosophiques familières. Et jusqu’ici il n’a que rarement fait mention du langage. Et l’on pourrait donc penser qu’il se compte parmi les opposants à la philosophie analytique au sens de Dummett.

Toute impression de ce genre serait, selon McDowell, vraiment superficielle.

Il a suivi Kant en considérant la pensée comme un exercice de l’entendement : « le pouvoir [de notre esprit] de produire soi-même des représentations, autrement dit la spontanéité…de l’entendement[18] ». Le pouvoir de la spontanéité comprend un réseau de capacités conceptuelles reliées par des liaisons rationnelles présomptives, et ces liaisons sont essentiellement sujettes à la réflexion critique. Il a affirmé que l’expérience devait se tenir dans des relations rationnelles avec le jugement si nous voulons pouvoir comprendre la possibilité même du contenu empirique[19] ; et il a affirmé que nous ne pouvons comprendre qu’il y ait des relations rationnelles entre l’expérience et le jugement que dans le contexte d’une

identification de l’espace des concepts avec l’espace des raisons. La pensée ne peut porter sur la réalité empirique que dans la mesure où être un penseur ce ne peut être qu’être chez soi dans l’espace des raisons. Et être chez soi dans l’espace des raisons n’engage pas seulement un ensemble de propensions à modifier sa posture psychologique en réaction à ceci ou à cela, mais engage un potentiel permanent de posture réflexive où puisse se poser la question de savoir si on devrait trouver que ceci ou cela est convaincant.

Mais la supposition qu’une créature puisse être chez soi dans l’espace des raisons n’est même pas clairement compréhensible. Ce n’est pas le cas pour les êtres humains. Quand ils naissent, ce sont de simples animaux, et c’est au cours de leur maturation qu’ils sont transformés en penseurs ou en agents intentionnels. Cette transformation risque de sembler mystérieuse. Mais nous pouvons l’assimiler si, dans notre conception de la Bildungqui est un élément central dans la maturation normale des êtres humains, nous donnons une place de choix à l’apprentissage du langage. Par son initiation au langage, un être humain est introduit à quelque chose qui a déjà intégré des liens rationnels présomptifs entre des concepts censés constituer l’arrangement de l’espace des raisons, avant l’arrivée de cet être humain. Dans cette image l’initiation à l’espace des raisons est une préoccupation d’emblée présente ; que quelque chose de descriptible puisse émanciper un individu humain d’un mode de vie simplement animal pour le faire accéder à une subjectivité pleine et entière, ouverte au monde, cela n’est pas un problème. Un simple animal, mû uniquement par ce qui est du genre de ce qui meut les simples animaux, et n’exploitant que le genre de contraintes qui sont ouvertes aux simples animaux, ne pourrait pas s’émanciper de lui-même pour accéder à l’entendement. La maturation amène les êtres humains à être chez soi dans l’espace des raisons ou, ce qui revient au même, à vivre leurs vies dans le monde ; ce que nous pouvons comprendre en notant que le langage auquel un être humain est de prime abord initié lui impose une incorporation première du mental, de la possibilité d’une orientation vers le monde.

Cette manière de prendre en compte le précepte principal de la philosophie analytique est différente de toutes celles que Dummett examine. Dummett se focalise sur « deux fonctions principales » du langage : celle d’être « un instrument de communication » et celle d’être « un véhicule de la pensée ». Il en conclut que nous ne devrions considérer ni l’une ni l’autre comme primaire. Mais c’est parce qu’il croit que ces fonctions du langage sont toutes deux fondamentales. D’après l’image que McDowell suggère, elles sont secondaires. L’aspect du langage qui est réellement d’importance est plutôt le suivant : un langage naturel, du genre de ceux auxquels les êtres humains sont d’emblée initiés, sert de réceptacle à la tradition. C’est un magasin où s’accumule historiquement le Savoir des raisons. La tradition se prête à être modifiée réfléxivement par les générations qui en héritent successivement. Et l’obligation permanente d’engager une réflexion critique est même une partie de l’héritage. Mais pour qu’un individu humain puisse réaliser son potentiel à prendre sa part dans cette succession, ce qui est la même chose que l’acquisition d’un esprit, la première chose à faire est de l’initier à une tradition telle qu’elle est.






[1] Traduit par Christophe Alsaleh et paru chez Vrin en 2007.

[2] Voir « Vérité et méthode », au Seuil, 1996 pp.467-469.

[3] McDowell dit « très indirectement », mais il n’est pas évident qu’il se trouve toujours une relation, même indirecte. Cela dépend de questions comme savoir si l’on peut rendre compte complètement du jeu en montrant, par exemple, qu’il consiste à développer des réflexes qui seront normalement nécessaires pour la survie.

[4] Ibid. op.cit. p.468.
[5] Ibid. op. cit. P. 469.

[6] L’objet de Gadamer, dans le passage sur lequel s’appuie McDowell, est le rôle du langage dans la révélation du monde ; c’est le langage affirme-t-il, qui rend possible cette « orientation libre ménageant une distance ». Les relations entre le langage et la spontanéité seront ébauchées à la fin de cette sixième conférence.

[7] proto : primitif, rudimentaire.

[8] K. Marx, Manuscrits de 1844, trad.fr. F. Fischbach, Paris Vrin 2007.

[9] Il ajoute « c’est-à-dire la nature qui n’est pas elle-même le corps humain ». Mon corps ordinaire (organique) fait bien entendu partie de la nature ; l’idée frappante est ici que le reste de la nature est également, d’une façon différente, mon corps.

[10] « Parler de stimulations sensorielles n’est pas une invitation à supposer que le système dynamique entier, le milieu au sein duquel nous pensons, est soutenu par des liens extra-conceptuels avec quelque chose qui lui est extérieur » ; c’est dire que « nous ne devons pas tracer une limite externe autour de la sphère de conception, et imaginer une réalité extérieure au système et des stimulations intrusives sur le système ».

[11] Si nous voulons appeler sensibilité la réceptivité de notre esprit, telle qu’elle consiste à accueillir des représentations en tant qu’il est affecté de quelque manière, en revanche le pouvoir de produire soi-même des représentations, autrement dit la spontanéité de notre connaissance, est l’entendement. Il est dans notre nature que l’intuition ne puisse jamais être que sensible, c’est-à-dire qu’elle contienne seulement la manière dont nous sommes affectés par des objets. Par opposition, le pouvoir de penser l’objet de l’intuition sensible est l’entendement. Aucune de ces deux propriétés n’est à privilégier par rapport à l’autre.

[12] Th. Nagel, Questions mortelles, trad. fr. P.Engel et Cl. Tiercelin, Paris, PUF ; 1983.

[13] Dans l’idée de Donné, il y a l’idée selon laquelle l’espace des raisons, l’espace des justifications ou des garanties s’étend au-delà de la sphère conceptuelle.

Lorsque nous en arrivons au point où l’espace des raisons s’étend au-delà de la sphère conceptuelle, de manière à intégrer les stimulations extra-conceptuelles venant du monde, il en résulte une conception où la contrainte du dehors s’applique à la frontière externe de l’espace des raisons ainsi étendu. Nous ne pouvons plus alors nous figurer cette contrainte que comme un impact brut venant de l’extérieur. Ce qui se passe sur cette frontière externe n’est que l’effet d’une force étrangère, un impact causal venant du monde, qui opère hors du contrôle de notre spontanéité.

Pour Davidson, il est clair que si nous concevons l’expérience en termes d’impacts sur la sensibilité se produisant en dehors de l’espace des concepts, il ne faut pas croire que nous pouvons invoquer l’expérience pour justifier des jugements ou des croyances. Ce serait succomber au Mythe du Donné, et tomber dans la confusion de la justification et de la disculpation, confusion qui accompagne ce Mythe.

[14] McDowell met la minuscule à « platonisme »pour signifier qu’il utilise cette étiquette à peu près dans le sens qu’elle a dans la philosophie des mathématiques. Il ne faut y voir aucune relation à Platon, au-delà de la générale ressemblance dans l’imagerie qui sous-tend l’emploi de ce terme dans le contexte mathématique.

Dans le « platonisme rampant », la structure de l’espace des raisons, la structure dans laquelle nous situons les choses quand nous y trouvons de la signification est tout simplement extra-naturelle. Notre capacité à faire écho à cette structure ne peut être que mystérieuse ; comme si nous avions pied en dehors du royaume animal, dans un règne d’idéalité splendide de non-humanité. Mais grâce à la notion de seconde nature, il n’y a pas trace de cela. Notre Bildung actualise certaines des potentialités que nous avons en naissant ; il n’est pas nécessaire de supposer qu’elle introduit quelque ingrédient non animal dans notre constitution.

Tomber dans le « platonisme rampant » nous conduirait à ne plus dépeindre l’espace des raisons que comme une structure autonome (au sens où elle se constitue indépendamment de quoi que ce soit de spécifiquement humain). Mais il faut bien d’une manière ou d’une autre que les esprits humains puissent entrer dans cette structure inhumaine.

[15] Un exemple emprunté à Wittgenstein (Recherches philosophuques, § 195) permet de comprendre la différence qui existe entre ces deux platonismes. « Une voix dit ‘Je ne veux pourtant pas dire que ce que je fais maintenant (au moment où je saisis l’usage du mot) détermine causalement et empiriquement l’usage futur, mais qu’en un certain sens, cet usage est lui-même présent d’une manière étrange’. Seule ‘cette manière étrange’ est préjudiciable et c’est le rôle du platonisme naturalisé de l’oblitérer en réévaluant à la baisse nos prétentions à l’objectivité et autres choses du même genre.

[16] Il est vrai cependant, comme le note McDowell, que les bonnes questions qui se posent dans le contexte évolutionniste s’approchent aussi près que cela est possible à de bonnes questions des questions philosophiques qu’il souhaite conjurer.

[17] Voir Truth and Other Enigms, London, Duckworth, 1978. Dummett écrit : « Pour Frege, ainsi que pour tous les philosophes analytiques qui l’ont suivi, la philosophie du langage est la fondation de tout autre philosophie, car seule l’analyse du langage permet d’analyser la pensée ».

[18] Critique de la Raison Pure, A51/B75.

[19] Dans un texte célèbre, Quine a attaqué ce qu’il appelle les deux dogmes de l’empirisme.

D’après le premier, il existe un « clivage fondamental » entre l’analytique, c’est-à-dire les énoncés vrais par signification seulement , et le synthétique, c’est-à-dire les énoncés qui ne sont pas vrais que par signification mais qui le sont aussi par le monde.

D’après le deuxième dogme, on peut attribuer isolément à chacun des énoncés qui, ensemble, forment notre vision du monde , leur part de « signification empirique ».

Au lieu du second dogme, il faudrait dire, d’après Quine, que « l’unité de signification empirique est la science prise comme un tout ». D’après une autre formulation, « nos énoncés sur le monde extérieur affrontent le tribunal de l’expérience sensible, non pas individuellement, mais seulement collectivement. Si on a bien là deux deux formulations de la même pensée, alors czla veut dire que Quine traduit la notion de signification empirique en termes de sujétion au tribunal de l’expérience.