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Parcours habermassien - Ses deux oeuvres maîtresses
HABERMAS (1) SES DEUX UVRES MAÎTRESSES Deux, parmi vingt uvres dHabermas[1] , traduites en français : 1/ Théorie de lagir communicationnel Après deux tentatives avortées, lune qui consistait à estimer que des étapes avaient été « brûlées » à partir de la critique justifiée de Hegel par Marx, lautre en reprenant le problème à zéro depuis Kant, Habermas décida de tout reprendre à zéro ; des circonstances telles la mort dAdorno et léchec du mouvement étudiant ly avaient par ailleurs incité. Il prit alors pour objectif de déterminer positivement lidéal dune communication non déformée, cest-à-dire de poser la forme stable dune Raison communicationnelle. Cest très exactement ce à quoi est parvenu Habermas avec cette monumentale « esquisse » quest la Théorie de lagir communicationnel publiée en 1981. Extrait de la 4ème de couverture : « Par lesquisse dune pragmatique formelle, je voudrais radicaliser le tournant linguistique qui, depuis Frege, ainsi que dans le structuralisme, ne fut accompli quau prix dabstractions inadéquates. « Par les concepts complémentaires de monde vécu et dagir communicationnel, jentends donner tout son sérieux à cette mise en situation de la raison qui, de Dilthey à Sartre et Merleau-Ponty en passant par Heidegger, ne fut accompli que dansladépendanceàlégarddelaphilosophiedelaconscience.Uneraisonincarnéedanslagircommunicationnelpermetdappréhenderlensembledialectique que composent louverture langagière au monde et les procès dapprentissage dans le monde. « Bien quelle travaille ces thèmes de pensée philosophiques, la théorie de lagir communicationnel demeure en son noyau une théorie de la société. » Préface de lédition française : « Même comme théorie de la société, elle ne trouvera pas aisément sa place dans les contextes de discussion qui sont inspirés par des auteurs importants tels que Foucault, Bourdieu ou Boudon[2]. Mon rattachement à la théorie des formes dintégration sociale chez Durkheim résulte, en effet, dune constellation qui est déterminée autant par lhéritage de lhegeliano-marxisme et de Max Weber que par le défi lancé à dautres éléments dexplication principalement issus du néo-conservatisme et du fonctionnalisme systémique[3]. Je nai pas besoin dexpliciter par avance cette constellation parce quelle apparaîtra delle-même au lecteur avec le lien établi entre les analyses systématiques et les interprétations relatives à lhistoire des théories. La décentration des images du monde (Piaget) Introduction provisoire du concept de « monde vécu » Si linterprétation que lon porte sur la rationalité des images du monde peut être effectuée dans la dimension ouverture-fermeture, comme la déterminerait la pragmatique formelle[4], nous supposons que les modifications systématiques intervenant dans les structures des images du monde ne sauraient être expliquées seulement par la psychologie, léconomie ou la sociologie, cest-à-dire à laide de facteurs externes, mais quelles peuvent aussi être rapportées à un accroissement de savoir, dont la reconstruction pourrait être menée de façon interne. Les procès dapprentissage doivent certes être expliqués, quant à eux, à laide de mécanismes empiriques ; mais en même temps ils sont conçus comme solutions de problèmes de sorte quils sont accessibles à une évaluation systématique se guidant sur les conditions internes de validité. La position universaliste oblige à admettre une hypothèse qui, au moins dans son point de départ, sous-tend une théorie de lévolution, et selon laquelle la rationalisation des images du monde se réalise à travers des procès dapprentissage. Cela ne veut nullement dire que les évolutions qui se produisent dans les images du monde devraient obligatoirement se réaliser de façon continue, linéaire ou absolument nécessaire, au sens dune causalité idéaliste. Les questions relatives à la dynamique de lévolution ne sont pas préjugées par le fait dadmettre des procès dapprentissage. Mais si lon veut voir dans les procès dapprentissage les passages historiques à des systèmes dinterprétation différents, correspondant à des structurations différentes, on doit satisfaire à lexigence dune analyse formelle des relations de sens. Une telle analyse permet de reconstruire la succession empirique des images du monde comme une suite de pas dans lapprentissage. En partant des perspectives des parties prenantes, cette séquence est reconstructible dans son intelligibilité et révisable dans lintersubjectivité. Adjonction de la théorie de Piaget Piaget distingue, comme on sait, des étapes de développement cognitif qui ne se caractérisent pas par de nouveaux contenus, mais par des niveaux de capacité dapprentissage décrits en termes de structures. Il se pourrait quil y ait une analogie avec ce qui se produit dans la genèse de nouvelles structures dimages du monde[5]. Lutilité de la théorie de Piaget ne tient pas seulement à la possibilité quelle offre de distinguer entre apprentissage de structures et entre apprentissage de contenus ; elle sert en outre à conceptualiser un développement qui embrasse simultanément différentes dimensions de la compréhension du monde. Le développement cognitif au sens strict concerne les structures du penser et de lagir dont lacquisition est construite chez ladolescent au cours de la confrontation active avec la réalité extérieure, avec les processus qui ont lieu dans le monde objectif[6]. Cependant, Piaget poursuit son analyse du développement cognitif en liaison avec « la constitution de lunivers extérieur et intérieur » ; il en résulte « la construction de proche en proche dune délimitation entre lunivers des objets et lunivers intérieur du sujet[7] ». Cest co-originairement dans les relations pratiques avec les objets comme avec lui-même que ladolescent se forge les concepts de monde extérieur et de monde intérieur. Piaget distingue ainsi entre les rapports aux objets physiques et les rapports aux objets sociaux, cest-à-dire « linteraction entre le sujet et les objets et linteraction entre le sujet et les autres sujets[8] ». Parallèlement, lunivers extérieur se différencie en un monde des objets perceptibles et manipulables dune part, et dautre part un monde des relations interpersonnelles réglées par des normes. Tandis que le contact instauré par lactivité instrumentale avec la nature extérieure médiatise la construction du « système des normes intellectuelles », linteraction avec dautres personnes ouvre la voie dune intégration progressive avec le « système des normes morales » socialement reconnues. A travers ces deux types daction, les mécanismes de lapprentissage, ladaptation et laccommodation, agissent de façon spécifique : « Si linteraction entre le sujet et lobjet les modifie ainsi tous deux, il est a fortiori évident que chaque interaction entre sujets individuels les modifiera lun par rapport à lautre. Chaque rapport social constitue donc une totalité en elle-même, productive de caractères nouveaux et transformant lindividu en en sa structure mentale[9]. » Il en résulte chez Piaget une notion plus large du développement cognitif, lequel nest pas seulement compris comme construction dun univers extérieur, mais plutôt comme la construction dun univers de référence permettant de limiter simultanément les mondes objectif, social et subjectif. Le développement cognitif signifie ainsi, dune manière générale, la décentration dune compréhension égocentrée du monde. Dans la mesure où lon possède déjà la différenciation du système de références formel en trois mondes[10], un concept réflexif de monde peut être formé, et laccès au monde peut être obtenu à travers le médium defforts communs dinterprétations, entendu au sens de négociations auxquelles on coopère pour définir des situations. Le concept de monde subjectif permet de détacher du monde extérieur non seulement le monde intérieur propre, mais encore le monde subjectif des autres. LEgoAlter réfléchit de son côté sur la manière dont se présente du point de vue dEgo, autant que comme composante du monde subjectif dEgo ; ce quil tient pour des états de chose existants et des normes en vigueur. Les concepts formels du monde peut réfléchir sur la manière dont des faits déterminés (ce quil tient pour un état de choses existant dans le monde objectif) ou des attentes normatives déterminées (ce quil tient pour un état légitime du monde social) se présentent du point de vue dun autre, autant que comme composante de son monde objectif. Au-delà il peut réfléchir sur le fait qu interviennent opportunément pour empêcher que les éléments communs ne se dissolvent dans lenfilade des subjectivités qui se reflètent les unes dans les autres ; ils rendent possible ladoption commune du point de vue dun tiers ou dun non-participant. Tout acte dintercompréhension peut être conçu comme faisant partie dun procès coopératif dinterprétation visant la définition intersubjective de situations. Ainsi les concepts des trois mondes servent de système de coordonnées supposé en commun, et dans lequel les contextes situationnels peuvent être ordonnés de telle sorte quun accord soit obtenu sur ce que les participants peuvent traiter tantôt comme état de fait, tantôt comme norme valide, ou tantôt comme expérience vécue subjective. Concept de monde vécu Je veux introduire ici ce concept, en le présentant dabord comme le corrélat des procèsdintercompréhension.Lessujets quiagissentdefaçoncommunicationnelle sentendent nécessairement à lhorizon dun monde vécu. Leur monde vécu sédifie à partir dun arrière-fond de convictions plus ou moins diffuses, qui nest jamais problématique. Cet arrière-fond du monde vécu sert de source pour définir des situations, dont le caractère non problématique est présupposé par les participants. Le monde vécu engrange le travail dinterprétation effectué par les générations passées ; il est ce contrepoids conservateur face au risque de dissensus qui naît avec chaque procès dintercompréhension actuel. Car ceux qui agissent communicationnellement ne peuvent parvenir à une entente quà travers des prises de position oui/non à légard des prétentions critiquables à la validité. Cet équilibre change avec la décentration des images du monde. Plus est décentrée limage du monde qui tient en réserve le stock culturel de savoir, moins le besoin dentente est couvert a priori par un monde vécu résistant à toute critique ; et plus il est nécessaire que ce besoin dentente soit satisfait par les interprétations que réalisent les participants eux-mêmes, tout comme par un accord risqué car motivé rationnellement, plus il nous est permis dattendre des orientations rationnelles de laction.( ) Dans la mesure où limage du monde demeure socio-centrique[11] au sens de Piaget, elle nautorise pas à différencier le monde des états de chose existants, de celui des normes en vigueur et de celui des expériences vécues subjectives accessibles à lexpression. Limage linguistique du monde est réifiée en tant quordre du monde et elle ne peut être percée à jour en tant que système dinterprétation critiquable. A lintérieur dun tel système dorientation, les actions ne peuvent absolument pas atteindre cette zone critique où un accord obtenu dans la communication dépend de prises de position autonomes oui/non par rapport à des prétentions critiquables à la réalité. On voit clairement sous cet aspect quelles sont les propriétés formelles que doivent posséder les traditions culturelles, si des orientations rationnelles daction doivent être possibles dans un monde vécu interprété de façon correspondante, et si ces orientations daction doivent même pouvoir se condenser dans une conduite rationnelle de vie. a) La tradition culturelle doit retenir les concepts formels de mondes, objectif, social et subjectif ; elle doit autoriser des prétentions différenciées à la validité ( vérité propositionnelle, justesse normative, véracité subjective), et elle doit inciter à la différenciation correspondante des attitudes de base (objectivante, conforme aux normes, expressive). b) La tradition culturelle doit autoriser une relation réflexive à elle-même ; elle doit être dépouillée de son dogmatisme de façon à permettre que les interprétations alimentées par la tradition soient mises en question et soumises à une révision critique. c) Dans ses composantes cognitives et évaluatives, la tradition culturelle peut être rattachéeàdesargumentationsspécialisées,desorteque les procès dapprentissage correspondants puissent être socialement institutionnalisés. d) La tradition culturelle doit enfin interpréter le monde vécu de façon telle que lactivité orientée vers le succès puisse être affranchie des impératifs dune entente toujours à renouveler dans la communication, et quelle puisse être détachéedumoinspartiellementdelactivitéorientéeverslentente intersubjective. Cestainsiquedevientpossible,envuedobjectifsgénéralisés,linstitutionnalisation sociale de lactivité rationnelle par rapport à une fin ; il peut sagir par exemple de la constitution de sous-systèmes[12] régis par largent et le pouvoir aux fins de léconomie rationnelle et de ladministration rationnelle. En utilisant ainsi le concept piagétien de décentration comme fil conducteur permettant dexpliquer la relation interne entre les structures dune image du monde, le monde vécu comme contexte des procès dentente et les possibilités de conduites rationnelles de vie, nous rencontrons le concept de rationalité communicationnelle. Ce concept renvoie la compréhension décentrée du monde à la possibilité dhonorer discursivement des prétentions critiquables à la validité. [Habermas, Théorie de lagir communicationnel, pp. 82 à 88] Qui est Habermas sur le plan philosophique[13] ? Habermas est de ces quelques philosophes continentaux qui ont choisi dentrer en dialogue avec certains des tenants de la philosophie analytique. Toutefois, depuis trente ans au moins, le tournant linguistique nest pas la caractéristique première de la philosophie analytique, celle-ci étant désormais plutôt associée au retour de doctrines telles que le mentalisme, le naturalisme, la métaphysique réaliste, tout particulièrement dans les relations que celle-ci entretient aux sciences cognitives. Il est bien évident que tous les philosophes analytiques ne partagent pas cette orientation (par exemple, Dummett, Putnam). Mais, en ce qui concerne Habermas, jusquà quel point serait-il prêt à entrer en discussion avec les tenants de cette perspective naturaliste ? Pense-t-il quelle soit la manifestation dune sorte de rechute dans lempirisme ou dans une forme de pensée pré-kantienne ? Ou bien pense-t-il que cette orientation constitue un nouveau défi pour la tradition post-kantienne ? Dans la tradition germano-autrichienne, on observe des traces de ce naturalisme dans les travaux de Bolzano, Herbart, Frizs, Beneke et de lécole de Brentano. Selon lui, le temps serait-il venu de réhabiliter cette partie de la philosophie empiriste et réaliste germano-autrichienne, ou pense-t-il que celle-ci ne saurait être que la relique dun temps révolu ?> Jürgen Habermas se déclare daccord avec cette description de la situation présente de la philosophie analytique : de même quil suit P. Engel lorsquil repère, dans la philosophie allemande du XIXème, des auteurs qui anticipent sur lorientation naturaliste. A la suite, il précise sa position : < Dans Vérité et justification, je distingue en fait deux significations du tournant linguistique. Tout dabord, alors que certains tenaient le paradigme linguistique pour un simple instrument dordre méthodologique, jai toujours estimé que ce paradigme entrait véritablement avec le paradigme mentaliste. Dans cette perspective, il me semble que lon ne devait pas se contenter de mobiliser les outils de la sémantique formelle et de lanalyse logique pour résoudre, ainsi que la souligné Richard Rorty, le problème ancien qui opposait déjà Kant et Hume. Si, à des fins dargumentation, vous voulez bien maccorder cette distinction entre un tournant linguistique au sens « fort » et un tournant linguistique au sens « faible », alors je serais tenté de dire que ni Quine, ni Carnap, mais uniquement, dans un premier temps, le Wittgenstein du Tractatus, sest tourné vers un nouveau paradigme. A mon sens, Wittgenstein prend ce tournant quand il écrit que la grammaire du langage est lessence du monde. Comme Dummett lécrivait, dans son histoire de la philosophie analytique[14], cest alors seulement que les pensées furent placées « hors de lesprit ». Si les significations ne sont pas dans la tête, comme le soutient Putnam, le langage demeure le seul médium intersubjectif par le moyen duquel elles peuvent prendre corps. Cest là un changement de perspective que Carnap naurait lui-même jamais admis.> Et Pascal Engel poursuit : < Je vous laccorde, redit Habermas : quant aux questions dordre épistémique, jadopte une position de type réaliste, mais je suis un réaliste dun type un peu particulier, un réaliste après le tournant pragmatiste. Je suis parfaitement convaincu que nous ne pouvons pas ne pas nous opposer pratiquement à un monde objectif formé dentités qui sont indépendantes des descriptions que nous pouvons en faire un monde qui est plus ou moins le même pour tous. 2/ Morale et communication Extrait de la 4ème de couverture : Ce livre, publié en 1983, (moins de deux ans après la Théorie de lactivité communicationnelle) est un livre décisif pour cette fin de siècle. Il apporte un démenti formel à la rumeur selon laquelle la philosophie serait condamnée à la futilité et à linaction. Sappuyant sur ue analyse lucide de la modernité, Habermas montre que la tâche philosophique de médiation de la rationalité demande à être réévaluée, elle est non seulement possible mais essentielle. Pour le prouver Habermas met en uvre une conception de la philosophie liée à la critique de la société quil a lui-même construite et qui préconise une coopération de toutes les activités intellectuelles revendiquant une exigence de rationalité. Il développe une théorie proprement philosophique des relations humaines dans les sociétés contemporaines, une morale non prescriptive dont les principes ne sont liés quà lintercompréhension. Enfin, par le dialogue quil établit avec les sciences sociales, il apporte à la société contemporaine une intelligibilité critique delle-même. Préface de Christian Bouchindomme : Cest pour ainsi dire en solitaire que Habermas choisit de reprendre avec dautres moyens le marxisme hégélien et wébérien[15] des années vingt » quil avait découvert à travers Histoire et conscience de classe[16] durant ses années détudes. Ses autres moyens, il les forgea à travers le débat quil eut avec Gadamer[17] entre 1961 et 1964 lorsquil fut professeur à Heidelberg, à travers sa réflexion quil eut sur les sciences sociales[18], mais aussi et surtout à travers la « déprovincialisation » de la pensée allemande, à laquelle il contribua avec son ami Appel en faisant connaître la pensée anglo-saxonne (Peirce, le second Wittgenstein, Mead, Dewey, etc.) Tant et si bien que lorsquil fut nommé en 1964 à Francfort à la chaire quavait occupée Horkheimer, à une époque où la Théorie critique commençait à revenir, sous la pression du mouvement étudiant naissant, à lordre du jour, il put constater quil avait ré-accompli (reconstruit) une bonne partie du chemin qui mène à cette démarche philosophique, mais quil avait déjà franchi certains seuils dans la critique que la Théorie critique doit sadresser à elle-même. Cest alors (et seulement alors) que Habermas entreprit de réinvestir la Théorie critique (cest pourquoi on a pu parler en cette occasion dune « seconde génération » de lEcole de Francfort). Cest à cette actualisation reconstruction de la Théorie critique que nous allons maintenant nous intéresser. Plus que nimporte quel autre pays sans doute, lAllemagne de limmédiat après-guerre fut en effet en position déprouver, en direct et en accéléré, les deux réalités de la modernité socio-politique, lune kantienne et lautre, disons wébéro-marxienne. Lune qui lie à linstauration (restauration) de lEtat de droit démocratique lindiscutable sentiment (enthousiaste) de devenir majeur, et lautre qui constate que, sous le poids des impératifs économiques et historiques, lEtat de droit nest guère plus que le jouet dune fonctionnalité instrumentale[19]. Pour Habermas il lui fallait donc se donner les moyens dune théorie de la modernité qui les intègre dans une même logique, une logique qui se dégage dune part, du fait pur de la Raison, et dautre part, de la confusion entre fait et droit quavait générée depuis Hegel la pensée dialectique. Pour Habermas, si lHistoire devait désormais apparaître comme le siège plus quimprobable de la Raison, il nétait pour autant pas tenable que celle-ci fut dès lors confinée au seul souvenir dune utopie dorénavant vassalisée à la généralisation systémique. En somme, il fallait pour Habermas non seulement conserver la lucidité de la Théorie critique, mais encore et surtout laccroître à lendroit même de ses présupposés. Si lon voulait conserver la puissance dune critique de la domination, il fallait aussi se doter dune véritable théorie de lémancipation possible, qui ne sassimilerait pas à une utopie historiciste.
[1] Né en 1929, Habermas a enseigné la philosophie et la sociologie à Heidelberg et à Francfort et dirigé le Max Planck-Institut de 1971 à 1983. [2] Lu récemment cette remarque de Jean Pierre Changeux : « Le citoyen humaniste et pacifiste que je voudrais être peut espérer que les progrès de la connaissance, tout particulièrement dans les sciences de lhomme et de la société contribueront à élever le débat au-dessus de toute tentative hégémonique dun système de croyances sur les autres Pourquoi refuser à la science quelle nous aide à comprendre quels sont les dispositifs éthiques fondamentaux, pour lesquels il convient de maintenir luniversalisation ? Ce contingent dobjectivité nous aidera au contraire dans leffort de penser léthique, avec John Rawls et Jürgen Habermas, non plus en terme de communauté particulière, mais de théorie de la société qui concerne lespèce humaine tout entière, quelles que soient les appartenances culturelles et les familles de pensée. » in (Ce qui nous fait penser, Odile Jacob, juillet 2005, p. 250). [3] F. Jonas, Geschichte der Soziologie (1968-1969) ; R.W. Friedrichs, A Sociology of Sociology ( 1970) ; T. Bottomore, R. Nisbet, A History of Sociological Analysis (1978). [4] « Horton définit la « fermeture » et l« ouverture » des images du monde dans le sens dune ouverture de lesprit à des alternatives théoriques. Il appelle fermée une image du monde qui règle sans alterrnative les rapports avec la réalité extérieure, cest-à-dire avec ce qui, dans le monde objectif, peut être objet de perception ou daction. Déjà cette façon de confronter les images du monde à une réalité à laquelle elles seraient plus ou moins en accord suggère lidée quelles auraient en quelque sorte pour sens premier de constituer une théorie. Or les images du monde déterminent en fait une pratique de vie qui ne se laisse pas sans reste réduire à un rapport cognitif instrumental à la réalité extérieure». . [5] Les césures entre les différents modes de pensée mythique, métaphysico-religieux et moderne sont caractérisées par des modifications dans les systèmes conceptuels de base. Les interprétations dun stade dépassé, quel que soit leur contenu, sont catégorialement dévalorisées lors du passage aux stades ultérieurs. Ce nest pas telle ou telle raison mais le type de raison qui ne convainc plus. Une dévalorisation des potentiels dexplication et de justification des traditions dans leur entier est intervenue dans les civilisations traditionnelles, lorsquelle se sont dégagées des figures de pensée mythiques-narratives, puis dans la modernité lorsquelle se dégagea des figures de pensée religieuses, cosmologiques ou métaphysiques. Ces poussées de dévalorisation semblent reliées à denouveauxniveauxdapprentissage.Cespassagessignifientque les conditions de lapprentissage se modifient dans la dimension de la pensée objectivante aussi bien que dans celles du discernement moral-pratique et de lexpressivité esthétique-pratique. [6] Lépistémologie génétique (Paris 1970) contient une vue densemble. [7] Introduction à lépistémologie du sujet , op. cit. 1950. [8] ibid., p. 202. [9] ibid., p. 203. [10] Objectif : monde situationnel qui rassemble toutes les entités au sujet desquelles des énoncés vrais sont possibles ; Social : ensemble de toutes les relations interpersonnelles codifiées par des lois ; Subjectif : ensemble des expériences vécues auxquelles le locuteur a un accès privilégié. [11] ibid., p. 232 [12] Max Weber conçoit la formation des sous-systèmes mentionnés en c) et d) comme une différenciation de sphères de valeurs, qui constituent à ses yeux le noyau de la rationalisation culturelle et sociale dans la modernité. [13] Extrait de « Léthique de la discussion et la question de la vérité », Grasset, Paris, fév.2003. [14] Michael Dummett, Les origines de la philosophie analytique (1988), trad. fr. par Marie-Anne Lescourret, Paris, Gallimard, 1991. [15] Voir Habermas (2), Les manifestations du rationalisme occidental. [16] Essai de dialectique marxiste de Lukacs Georg. [17] H.G. Gadamer, Vérité et méthode , Seuil,1976. [18] Le fameux conflit sur la logique des sciences sociales, mené auprès dAdorno mais dabord engagé sur un autre terrain que celui de la Théorie critique, a sans doute été lun des préliminaires les plus fort de son adhésion très critique. [19] Luvre « Espace public » dHabermas témoigne manifestement sa volonté de penser cette double réalité sans transiger. On peut apercevoir distinctement dans cette uvre le point majeur de dissension entre ces deux orientations, Habermas simposant, et cela est bien clair, de prendre au sérieux les potentialités pratico-rationnelles de la démocratie bourgeoise. Date de création : 14/01/2008 @ 16:40 Réactions à cet article
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