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Sciences politiques - Cent révoltes ne feront jamais la révolution
RÉVOLUTION (1) CENT RÉVOLTES NE FERONT JAMAIS UNE RÉVOLUTION Extraits de « DE LA RÉVOLUTION AUX RÉVOLTES » de Jacques Ellul, chez Calmann-Lévy, 1972, pp. 346-359.(Collection dirigée par Raymond Aron). Dans le malaise éprouvé par des hommes, au milieu de la société technicienne, il y a comme une palpitation ; lhomme essoufflé par ce rythme cherche un autre souffle. Dans lexcès de confort et de travail naît une sorte de vague protestation. Sans aucune des raisons quil avait autrefois pour se révolter, il est de nouveau prêt à la révolte. Vers quelque point de lhorizon géographique, politique ou intellectuel que lon se tourne, on aperçoit la révolte. Si je voulais attester par un seul signe ce retour à la révolte qui caractérise ce temps, je dirais : la mythologie exaltée de la Commune. Car elle fut révolte à tous les points de vue, incapable de déboucher en rien sur une révolution. La prendre comme sujet de réflexion, comme modèle, comme objet de vénération, révèle plus que tout à quel point lhomme de ce temps a le cur révolté avec une tête impuissante. La révolte est désormais tout ce que lhomme peut entreprendre. Car sa révolution, sil essayait de lamorcer, serait une révolution sans projet. Lhomme éprouve un malaise quil ne sait définir. IL nomme absurdement des ennemis que nen sont plus. Il clame des mots[1] impérialisme, anarchie, décolonisation. Mais derrière tant dimages factices ou périmées, cest son être même qui proteste contre une état de choses quil ne sait pas nommer, qui lui est profondément étranger, dans lequel il ne veut pas entrer, auquel il ne veut pas participer. Il sent, il éprouve que ce nest pas possible de continuer ainsi. Mais en même temps il voit bien léchec de toutes les révolutions. Il sent que la révolution est une voie maintenant fermée. Il se trouve pris dans la contradiction terrible de faire sauter cette société qui lenserre sans, le plus souvent, le contraindre par la violence, mais qui le séduit, le détermine, le corrompt. Et le voici, en lui-même partagé, car toute une part de son être le porte dans le sens de cette société. Il la veut, il sen fait complice. Il désire tout ce quelle lui offre et lui prépare. Il senthousiasme pour ses uvres et ses réalisations. Il veut accéder au bonheur, précisément celui que lui donne cette société-là. Il veut consommer et jouir. Mais, tout soudain, le même aperçoit dans un brouillard le vide et labsurde. Cest limplacabilité du système qui le terrifie. Il se rapproche dautant plus de la révolte que cette société lui paraît impossible à révolutionner. Pour le moment, cest le vécu : lhomme a donc expérimenté ces deux réalités contradictoires et quoique conservant un vocabulaire révolutionnaire de tradition, il découvre en la vivant, cette contradiction qua soulignée Camus entre révolution et révolte. Une obscure révolte habite des hommes, incapables de savoir clairement contre quoi, et proclamant un Non adressé à rien, parce quils ne savent pas leur chaîne, appuyé sur un Oui, qui nexprime rien, car tout ce que consciemment ils pourraient désirer, ils lont. Lidéologie, dans le sens où ils lentendent, faisait à la fois le soubassement, le « champ épistémologique » de développement du projet révolutionnaire. Et si leur analyse est exacte, ce que je crois, on trouve là une raison complémentaire à limpossibilité de la révolution. Or, ceci a encore été renforcé par létude de F. Furet, démontrant que non seulement lâge des idéologies est sur sa fin, mais encore que cette fin « a trouvé ses doctrinaires », qui entérinent et achèvent la chose. Et cela vient enfin se lier au changement dattitude envers lhistoire. Et dans la même ligne se situe, pour tous les mouvements de révolte, lunanime opposition aux partis communistes, quel quen soit la tendance ! Il nous faut bien admettre que les communistes sont les seuls à avoir pensé la révolution (certes une révolution aujourdhui dépassée, mais révolution quand même) en établissant une tactique et un appareil pour leffectuer. Cette triple création (doctrine, tactique, appareil) forme un système cohérent et qui est bien fonction dune révolution. Or, ce qui est remarquable cest la réaction de tous les mouvements nouveaux contre le Parti : aussi bien les guérilleros que les étudiants, que les innombrables groupuscules révolutionnaires, que les Noirs des Etats-Unis et même, ce qui est plus remarquable, en Chine, la révolution culturelle sest faite en grande partie contre le Parti lui-même. Le tryptique de base, aujourdhui, nest plus adapté et il est profondément intolérable aux nouveaux révoltés. Ils sentent spontanément que ce nest plus cela qui convient. Parce quen réalité, ils ne sont plus tournés vers une révolution véritable mais vers la révolte, laquelle ne suppose ni doctrine, ni appareil, au plus, et Tout dans linstant, une tactique et des organisations mouvantes. Cest pourquoi on peut dire que le communisme classique a, à la fois gagné et perdu la partie. Il est historiquement fini. Nous assistons ainsi à un engouement pour ce que lon a appelé une antihistoire cest-à-dire la récusation de lidéologie, du primat de lhistoire, au profit dun nouveau symbolisme tiré du structuralisme en tant que méthode utilisée par Lévy-Strauss. La gauche intellectuelle déçue, démoralisée par lhistoire revient à la période antérieure de la pensée : sadresser à l« homme primitif » pour y trouver non lorigine mais la vérité de lhomme. Les sociétés exotiques présentent à lhomme du monde technicien tout ce à quoi il aspire abstraitement, innocence et pureté, authenticité, relation avec une nature, elles « restent un recours de lespace contre le temps immobilisé, puisque non révolutionnaire de lOccident ». On sest ainsi précipité sur le structuralisme[2] parce quil semblait porter lavenir dune révolution que lhistoire ne portait plus. Cest une erreur dinterprétation. Lhomme moderne abandonne lidéologie de lhistoire parce quil sent bien, au plus profond de lui-même que la révolution nest plus possible. Mais voici que cette technique à laquelle la révolution serait nécessaire, mais qui, en fait la rend impossible, qui provoque la mort des idéologies et le statisme désespéré de Foucault, accule précisément lhomme à la révolte. Il ny a plus de projet, de doctrine, mais il y a des aspirations et des refus. Chombart de Lauwe a infiniment raison dinsister sur le concept daspiration et dy voir une des sources de la révolte et parce que les aspirations sont aujourdhui plus fortes, les chances de révolte se multiplient. La société technicienne est capable de répondre aux besoins et non aux aspirations. Cest pourquoi la violence devient nécessaire pour exprimer, faire connaître ces aspirations. La définition que Chombart de Lauwe donne de la révolte [suffit à montrer] clairement que tous les mouvements sociaux, les conflits, les revendications se situent au niveau des aspirations humaines et donc sexpriment dans des révoltes qui ne sont pas le prologue de révolutions[3]. Mais il ne sagit jamais que de révoltes. La zone dautonomie dans le corps social se réduit, ses possibilités de décision personnelle décroissent. Tout perfectionnement du mécanisme social produit cette réduction. Ainsi, arrivé à une certaine impossibilité dagir par lui-même, lhomme se révolte. Tous les mouvements de révoltes sexpliquent par ce resserrement et cette rigueur et malgré toutes les techniques de conformation psychologiques, ce sentiment de révolte renaît sans cesse. Et le fait que les mouvements de révolte soient aujourdhui populaires précise ce fait : il y a révolte contre la technique dans le sens le plus réactionnaire du terme (ainsi tout ce qui est contenu dans la contre-culture) mais il ne faut jamais oublier quune révolte réactionnaire, comme une révolution conservatrice, repose toujours sur un mouvement du peuple et non pas de lélite. Or le peuple ne fait jamais une révolution, il y participe. Le peuple ne prend jamais le pouvoir, il aide une élite à le prendre. Là où il ,y a pas délite, il ny a pas de révolution. Lémotion populaire aujourdhui est le fait du peuple, ce sont des révoltes. Avant de basculer dans une société totalement technicisée, si jamais on y arrive, nous sommes appelés à rencontrer de nombreuses explosions de colère aveugle, de haine contre la rigueur organisatrice (maladroitement nommée dictature de la bureaucratie), de mépris contre la systématisation économique (maladroitement nommée société de consommation). Plus la technique augmente, plus lhomme a des possibilités dagir mais dune action plus conformisée, nécessairement adéquate à ses moyens et aux fins de la croissance technique : plus il éprouve le besoin de faire craquer ce cadre impérieux, il tend ses muscles, il crie de colère, un léger tremblement secoue le système. La révolte éclate. Lhomme se satisfait de la consommation de sa propre révolte. Et le système reprend sa prolifération. Nous sommes ainsi au milieu de tourbillons de révoltes (quil ne faut surtout pas prendre pour des fragments de révolution, qui rassemblés nous prépareraient à la grande révolution) mouvements browniens, sans autre signification que celle-ci : le monde préparé par la technique nous est intolérable (inconsciemment) mais nous nen voulons aucun autre (consciemment). Comme toutes les révoltes, celles-ci sont sans espoir, sans avenir. Ce sont des actes dextrême tension, de colère, de négation. Mais la rage est dautant plus grande que lon sait le résultat final, et que de ce grand cri ne restera aucun enregistrement, seul lécho du vide répondra. Mais quelle erreur dinterprétation de croire que lexaspération et la mystique soient sources de révolution : il sagit bien de labandon de la révolution et du retour à la révolte. Le pillage qui se développe dans les manifestations violentes et qui scandalise si souvent nest rien dautre que le signe éclatant de ce désespoir. Mais cette absence despoir, qui caractérise la révolte se révèle non seulement dans des actes comme les attentats, les barricades[4], les pillages : elle apparaît aussi dans des doctrines. Je prendrai un exemple : le contresens moderne sur la praxis. Doctrine profonde de Marx reposant sur une vision globale de lhomme, elle est intervenue plusieurs fois à contre-emploi. On sest lancé dans laction (puisque cest ainsi que lon a traduit un peu hâtivement praxis) sans savoir ce que lon allait faire. Et lon a découvert progressivement sur le terrain les gestes, les décisions, les manuvres nécessaires. Cest limagination issue de la relation avec le concret, linvention jaillissante. Assurément, cest plus facile que de longuement préparer une réflexion sur les conditions et les possibilités de la révolution. Cest plus enthousiasmant. On a limpression de vivre avec plus dintensité. Il ny a plus de désaccord entre laction pratique et la création intellectuelle. Mais que signifie cette résurgence ? La croyance en la praxis (telle quelle apparaît maintenant dans les groupes révolutionnaires) est le signe du désespoir et de la pure révolte. Si, brusquement, lon sest tourné vers la praxis, cest que le problème posé par notre société est devenu trop difficile. On narrive plus à saisir les dimensions de ces mouvements, le fondement de ces structures, la complexité des rouages, on ne peut jamais tout comprendre, on ne peut pas discerner les points névralgiques, le maillon le plus faible. Il faudrait beaucoup de temps pour arriver à savoir qui est la société technicienne, où est le lieu possible de la révolution. [1] Lenflure des mots révolutionnaires, cette inflation, ce délire verbal caractéristique est un acte. Cest aujourdhui lacte antirévolutionnaire par excellence. La formule la plus symptomatique pour qualifier les troubles de mai 1968 a été : « ils ont pris la parole comme on prend la Bastille ». Dans une société bloquée où tout se comptabilise, les étudiants ont pris le pouvoir parce quils ont parlé : « on a parlé sans compter . A tous les niveaux, les producteurs ont spéculé avec des mots tandis que les spéculateurs sans phrases ne pouvaient plus décider du destin de tel travail » [2] D'une manière générale, la structure possède une organisation logique mais implicite, un fondement objectif en deçà de la conscience et de la pensée. En effet, tout structuralisme repose sur un double statut des structures, à la fois irréel (comme forme abstraite d'organisation) et réel (comme réalisation concrète). Par conséquent, le structuralisme vise à mettre en évidence ces structures inconscientes par la compréhension et l'explication de leurs réalisations sensibles. Hors de la linguistique, les principaux auteurs et penseurs structuralistes sont :
Les principaux auteurs et penseurs post-structuralistes sont : Michel Foucault, un philosophe qui renouvelle l'épistémologie, le philosophe Jacques Derrida et le sociologue Pierre Bourdieu. [3] Chombart de Lauwe, « Pour une sociologie des aspirations », Denoël 1970. [4] Quattend-on derrière une barricade ? Que des forces plus puissantes viennent lécraser et dispersersesdéfenseurs. Cest tout rigoureusement tout. La barricade est lincapacité à conquérir,à prendre dassaut. Ce nest pas seulement un rappel romantique comme on la dit souvent : cest lacte de limpuissance révolutionnaire, revers de la colère révoltée Pendant un instant notre rage se verra à la face du monde. La rage nest pas la révolution. Date de création : 19/12/2007 @ 00:00 Réactions à cet article
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