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Glossématique - Magiques ! ces glossèmes
MAGIQUES ! CES GLOSSÈMES Il serait fallacieux de faire croire à ceux qui ont lintention de sinitier à la philosophie, comme ce site les y invite, que ces quelques commentaires de « mots rares », de ces « glossèmes », vont leur procurer une connaissance philosophique ordonnée et satisfaisante. Si les onze mots qui vous sont proposés ne suffisent pas à composer une philosophie, du moins permettent-ils dobserver comment ils y contribuent. Ce serait tout autant manquer dobjectivité que de dénier à ces commentaires, saisis à la source, la possibilité de franchir un certain seuil dans la connaissance : il y a là une part bien utile de la pensée philosophique. Ils suscitent plusieurs remarques : en premier lieu, en réponse à lobjectif que nous nous étions fixé, nous constatons que tous les glossèmes tels quils ont été recueillis dans le projet synthétisé de Lévinas, sont bien présents depuis les philosophes de la Grèce antique ; cest dire quà partir de ces penseurs, les philosophies défilent, quelques fois se contredisent, et même si certains de leurs pans sont abattus, elles ne cessent de faire apparaître la vérité qui, soutenue comme « devoir de penser », ne cesse de sapprofondir ; ainsi, la philosophie na cessé dévoluer dans le monde occidental depuis le 3ème siècle avant Jésus-Christ. Il est donc possible, et cest bien la magie de ces glossèmes, dapprécier, à partir des premiers écrits des philosophes grecs, les évolutions qui constituent autant de strates aboutissant aux propositions les plus récentes. Deuxièmeremarque :présenteschezlesseptphilosophes,ces unitéssynthétiques se sont trouvé plus particulièrement enrichies par tel ou tel dentre eux ; la mise en évidence de ces impacts privilégiés peut contribuer à orienter le lecteur dans ses recherches. Troisièmeremarque :laplupartdesglossèmesretenusprésententdes arborescences qui contribuent à laccroissement de sens. Quatrième remarque qui achève notre réflexion : lexistence de ces concepts ne sest pas révélée dans une superbe indépendance, mais, au contraire, ils se sollicitent fréquemment lun lautre, et, dautre part, ils sont parvenus à sinscrire dans le courant de la pensée philosophique. Deux rubriques illustrent cette dernière réflexion : la première permet saisir ces sollicitations variées, la seconde de clarifier les ouvertures pratiquées grâce à des « gloses », séquences « claires et distinctes », recueillies au sein des uvres des sept philosophes auxquels nous nous sommes particulièrement intéressés. DES GLOSSÈMES PRÉVALENTS LÉVINAS : éthique, être (l), infini, transcendance RICOEUR : éthique, vérité, volonté KANT :humain (l), raison, transcendance SPINOZA : éthique, liberté, raison DESCARTES : raison, vérité ARISTOTE : être (l), éthique, justice, PLATON : être (l), éthique, justice, Pour la raison spéculative, sil en est un qui prévaut, cest bien celui de transcendance, dont Kant sest fait le chantre. Il nous livre sans détour la synthèse decesidées transcendantales dans un système que nous extrayons de son oeuvre : Toutes les idées transcendantales se laissent ramener sous trois classes, dont la première contient lunité absolue (inconditionnée) du sujet pensant ; la seconde, lunité absolue de la série des conditions du phénomène ; la troisième, lunité absolue de la condition de tous les objets de la pensée en général. Le sujet pensant est lobjet de la psychologie ; lensemble qui comprend tous les phénomènes (le monde) celui de la cosmologie, et la chose qui contient la condition suprême de la possibilité de tout ce qui peut être pensé (lêtre de tous les êtres), lobjet de la théologie. La raison pure nous fournit donc lidée dune doctrine transcendantale de lâme (psychologia rationalis), dune science [B 392] transcendantale du monde (cosmologiarationalis),enfinduneconnaissance[A 335]transcendantale de Dieu (theologia transcendantalis)
[On observe que] les idées transcendantales ne servent quà sélever dans la série des conditions jusquà linconditionné. Mais pour ce qui est de descendre [A 337] vers le conditionné, il y a bien un usage logique très étendu que fait notre raison des lois de lentendement, mais il ny a point là un usage transcendantal, et si nous nous faisons une idée de la totalité absolue dune synthèse de ce genre (du progressus), par exemple de la série tout entière de tous les changements futurs du monde, ce nest là quun être de raison (ens rationis) qui nest quarbitrairement pensé, et qui nest pas présupposé nécessairement par la raison[1]. Enfin on remarquera aussi quentre les idées transcendantales elles-mêmes éclate une certaine cohérence et une certaine unité, et que la raison pure, par le moyen de ces idées, réduit toutes ses connaissances à un système. Cest une démarche naturelle daller de la connaissance de soi-même (de lâme) à celle du monde et de sélever au moyen de celle-ci à lêtre originaire, quelle semble analogue au progrès logique qui porte la raison des prémisses à la conclusion[2]. Il en est un autre qui a prévalu sur la « longue durée » ; il sagit de léthique qui sest manifestée avec Aristote (Ethique à Nicomaque) pour atteindre Ricoeur et sa « petite éthique » (Soi-même comme un autre) en passant par Spinoza (LEthique) qui selon lobservation de Jean-Pierre Changeux « nous incite à construire une sorte de modèle de lhomme dans la société, une représentation que nous puissions contempler et dont nous puissions nous satisfaire pour le temps présent et pour lavenir ». Ricoeur y a dailleurs vu « un discours sur lunité de la substance par-delà la brisure des deux attributs de la pensée et de létendue », discours que Descartes nétait pas parvenu à articuler. Disons au passage que Dieu qui est lobjet de la première partie de cette uvre (De Deo) est aux antipodes du Dieu de toute croyance. Il en est un troisième qui nous semble sêtre maintenu dans son acception originaire, à savoir la volonté ; ellea toujours prévalu comme concept unifié : Aristote déclare en premier que la volonté meut par le désir, Descartes, bien plus tard, lui fait écho dans son article 40 du Traité des Passions : « Car il est besoin de remarquer que le principal effet de toutes les passions dans les hommes est quelles incitent et disposent leur âme à vouloir les choses auxquelles elles préparent leur corps ». Spinoza, dans Nature et origine de lesprit (Ethique II), même sil rejette la détermination de lesprit à linfini ne peut pas disjoindre la volonté du « désir » car il est possible, en effet, de concevoir leffort comme se rapportant à lesprit seul (voluntas) ou à lesprit et au corps (appetitus). Mais cest fondamentalement la même chose ; car leffort est dans les deux cas la persévérance dans lêtre. Kant, à son tour, apporte sa contribution dans la Critique de la raison pratique :« Toutes les règles pratiques matérielles placent le principe déterminant de la volonté dans la faculté de désirer inférieure, et sil nexistait pas de lois purement formelles de la volonté qui la déterminent de façon suffisante, on ne pourrait pas admettre une faculté de désirer supérieure ». Pour Ricoeur (Le volontaire et linvolontaire), dans : «ce corps qui me porte et qui me trahira, je le meus. Ce monde qui me situe et mengendre selon la chair, je le change ; par le choix jinaugure de lêtre en moi et hors de moi ». Lévinas, en quelque sorte, conclut dans Totalité et Infini : « la volonté se meut ainsi entre sa trahison et sa fidélité qui, simultanées, décrivent loriginalité même de son pouvoir ». DES GLOSSÈMES ARBORESCENTS CONNAISSANCE : savoir, entendement, registre spéculatif, science, acquis (l), perception objective, intuition, concept ÉTHIQUE : morale, maximes, sagesse ÊTRE (L) : existence (l), ontologie, extériorité HUMAIN (L) : sujet pensant, mixte connu et senti (le), dualité corps-âme (la) INFINI (L) : absolu (l), indéfini (l), illimité (l), être le plus ample (l) JUSTICE : jugement, légalité, justice distributive, arbitrale, civile, pénale LIBERTÉ : libre-arbitre, délivrance RAISON : sagesse, rationnel, raisonnement, principe régulateur ou de nécessité TRANSCENDANCE : inspiration transcendante, dépassement de soi, métaphysique, idées transcendantales VÉRITÉ : vrai, certitude, conviction, universalité, réalité VOLONTÉ : vouloir, intentionnalité, détermination, motivation, projet, décision DES GLOSSÈMES QUI SINTERPELLENT Au-delà de la « connaissance » objective ≤Le savoir dont lessence est critique, ne peut se réduire à la connaissance objective. Il conduit vers Autrui. Accueillir Autrui, cest mettre ma liberté en question.[Lévinas, Totalité et infini, p. 84].≥ La faculté supérieure de « connaissance » ≤ [Comme élément dun partage], la faculté supérieure de connaissance comporte alors (matériellement, cest-à-dire non pour elle-même, mais en rapport avec la connaissance des objets), lentendement, le jugement, et la raison [Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique,T. III. p. 1014].≥ La relation éthique ≤ Dans le rapport éthique, autrui se présente à la fois comme absolument autre, mais cette altérité radicale par rapport à moi ne détruit pas, ne nie pas ma liberté comme le pensent les philosophes. La relation éthique est antérieure à lopposition de libertés, à la guerre qui, daprès Hegel, inaugure lhistoire. Le visage de mon prochain a une altérité qui nest pas allergique, elle ouvre lau-delà. Le Dieu du ciel est accessible sans rien perdre de sa transcendance, mais sans nier la liberté du croyant. Cette sphère intermédiaire existe [Lévinas, Autrement quêtre].≥ Le surplus de la vérité sur l« être » et sur son idée ≤Le surplus de la vérité sur lêtre et sur son idée, que nous suggèrons par la métaphore de « courbure de lespace intersubjectif », signifie lintention divine de toute vérité. Cette « courbure de lespace » est, peut être, la présence même de Dieu.[Lévinas, Totalité et infini, p. 324].≥ L « être » de la valeur ≤La valeur doit tirer son être de son exigence et non son exigence de son être et il ne reste plus quà sen remettre au néant de la liberté pour faire exister la valeur comme valeur, « du seul fait de la reconnaître comme telle » : « en tant quêtre par qui les valeurs existent, je suis injustifiable » et ma liberté sangoisse dêtre « le fondement sans fondement des valeurs » [Ricoeur, Histoire et vérité, p.401]. ≥ L« humain » en tant que contenu Dans ses FONDEMENTS DE LA METAHYSIQUE DES MURS, Kant nous le décrit dans larticulation raison, liberté, volonté : ≤ appartenant au monde sensible, je nen devrai pas moins, comme intelligence, reconnaître que je suis soumis à la loi du premier [du monde intelligible], cest-à-dire à la raison qui contient cette loi dans lidée de la liberté, et par là à lautonomie de la volonté ; je devrai considérer conséquemment les lois du monde intelligible comme des impératifs pour moi, et les actions conformes à ces principes comme des devoirs. Ainsi, des impératifs catégoriques sont possibles pour cette raison que lidée de liberté fait de moi un membre dun monde intelligible.≥ Lhomme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse lordonnance mécanique de son existence animale ≤En donnant à lhomme la raison ainsi que la liberté du vouloir qui se fonde sur elle, elle indique déjà clairement son dessein en ce qui concerne la dotation de lhomme. Il ne devait pas en effet être guidé par linstinct , ni non plus être instruit et pris en charge par une connaissance innée ; il devrait bien plutôt tirer tout de lui-même [Kant, Histoire universelle, 3e proposition].≥ Lhomme a besoin dun maître ≤ Lhomme est un animal qui, lorsquil vit parmi dautres individus de son espèce, a besoin dun maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à légard de ses semblables ; et même sil souhaite, en tant que créature raisonnable, une loi qui mette des bornes à la liberté de tous, son inclination animale et égoïste le conduit cependant à sen excepter lui-même lorsquil le peut. Il a donc besoin dun maître qui brise sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté universellement valable, afin que chacun puisse être libre. Mais où prend-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans lespèce humaine [Kant, Histoire universelle, 6e proposition].≥ Lidée de l« Infini », cest la « transcendance » même ≤ Pour avoir lidée de lInfini, il faut exister comme être séparé. Cette séparation ne peut pas se produire comme faisant écho à la transcendance de lInfini. Sinon, la séparation se tiendrait dans une corrélation qui restaurerait la totalité et rendrait la transcendance illusoire. Or, lidée de lInfini, cest la transcendance même, le débordement dune idée adéquate [Lévinas, Totalité et Infini, p 78] ≥. Penser l « Infini » ≤Penser lInfini, le transcendant, lEtranger, qui nest donc pas penser un objet. Mais penser ce qui na pas les linéaments dun objet, cest en réalité faire plus ou mieux que penser. La distance de la transcendance néquivaut pas à celle qui sépare, dans toutes nos représentations, lacte mental de son objet, puisque la distance à laquelle se tient lobjet nexclut pas et en réalité implique la possession de lobjet, cest-à-dire la suspension de son être [Lévinas, Totalité et infini p. 41]≥. Avoir lidée de l « Infini » ≤Avoir lidée de lInfini équivaut dans le concret au discours qui se précise comme relation éthique. Nous réservons à la relation entre lêtre ici-bas et lêtre transcendant qui naboutit à aucune communauté de concept ni à aucune totalité relation sans relation le terme de religion [Lévinas, Totalité et Infini, p 78]≥. L « infini » pourrait être appelé l« être le plus ample » ≤Ce par quoi linfini diffère du fini est réel et positif ; au contraire la limitation, par quoi le fini diffère de linfini est non-être ou négation de lêtre ; or, ce qui nest pas ne peut conduire à la connaissance de ce qui est ; cest au contraire à partir de la connaissance de la chose que doit être perçue sa négation. Et lorsque jai dit quil nous suffit de concevoir une chose sans aucune limite pour concevoir linfini, jai suivi le mode de parler le plus usité ; de même, lorsque jai retenu le nom dinfini, quon pourrait appeler plus justement lêtre le plus ample, si nous voulions que tous les noms fussent conformes aux natures des choses [Descartes, Lettre à Hyperaspistes] ≥. La justice consiste à reconnaître en autrui mon maître ≤La société ne découle pas de la contemplation du vrai, la relation avec autrui notre maître rend possible la vérité. La vérité se rattache ainsi au rapport social qui est justice. La justice consiste à reconnaître en autrui mon maître. Légalité entre personnes ne signifie rien par elle-même. Elle a un sens économique et suppose largent et repose sur la justice qui bien ordonnée, commence par autrui. Elle est reconnaissance de son privilège dautrui, et de sa maîtrise, accès à autrui en dehors de la rhétorique qui est ruse, emprise et exploitation [Lévinas, Totalité et Infini, p.68].≥ Parmi les pouvoirs supérieurs de connaître subsiste un intermédiaire : la faculté de juger ≤ Le pouvoir de connaître daprès des concepts possède ses principes a priori dans lentendement pur (dans son concept de la nature), le pouvoir de désirer dans la raison pure (dans son concept de la liberté) ; cela étant, il reste encore, parmi les propriétés de lesprit en général, un pouvoir intermédiaire ou susceptibilité, à savoir le sentiment de plaisir et de déplaisir, de même quil reste parmi les pouvoirs supérieurs de connaître un intermédiaire : la faculté de juger. Y a-t-il rien de plus naturel que de présumer que celle-ci renfermera pareillement des principes a priori pour celui-là [Kant, Première introduction à la critique de la faculté de juger III, XX 206] ?≥ Pour juger, la volonté aussi bien que lentendement est requise ≤Javoue que nous ne saurions juger de rien, si notre entendement ny intervient, parce quil ny a pas dapparence que notre volonté se détermine sur ce que notre entendement naperçoit en aucune façon ; mais comme la volonté est absolument nécessaire, afin que nous donnions notre consentement à ce que nous navons aucunement aperçu, et quil nest pas nécessaire pour faire un jugement tel quel que nous ayons une connaissance entière et parfaite ; de là vient que bien souvent nous donnons notre consentement à des choses dont nous navons jamais eu quune connaissance fort confuse [Descartes, Principes, n° 34].≥ La liberté inscrite dans la valeureuse spontanéité ≤La théorie politique tire la justice de la valeur indiscutée de la spontanéité dont il sagit dassurer, par la connaissance du monde, le plus complet exercice en accordant ma liberté avec la liberté des autres [Lévinas, Totalité et infini, p. 81].≥ Une liberté seulement humaine ≤A mesure que la réflexion sur le consentement sest développée
on na cessé de séloigner de cette liberté qui inaugure de lêtre, qui va du possible à lêtre , pour rejoindre enfin une liberté qui repasse sur la nécessité, se subordonne à linitiative des choses. Cette liberté, semble-t-il, nose plus, elle consent, elle se rend
Mais une méditation sur linfrangible nécessité a sa limite dans un sursum de la liberté, dans une reprise de responsabilité par laquelle je mécrie : ce corps qui me porte et me trahira, je le meus. Ce monde qui me situe et mengendre selon la chair, je le change ; par le choix, jinaugure de lêtre en moi et hors de moi. [Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, p.453].≥ Le fondement des lois morales sur le concept positif de la liberté ≤Cest sur ce concept positif de la liberté (au point de vue pratique) que se fondent des lois pratiques inconditionnées, dites morales, qui, relativement à nous dont larbitre est affecté dune manière sensible et nest donc pas par lui-même adéquat à la volonté pure mais lui est au contraire souvent récalcitrant, sont des impératifs (commandements ou interdictions) et même des impératifs catégoriques (inconditionnés), en quoi ils se distinguent des impératifs techniques (des règles de lart), lesquelles nordonnent toujours que conditionnellement. [Kant, Métaphysique des murs IV, p. 467]. ≥ Les hommes se trompent en ce quils pensent être libres ≤ Ceite opinion consiste uniquement pour eux à être conscients de leurs actions, et ignorants des causes par lesquels ils sont déterminés. Lidée de leur liberté cest donc quils ne connaissent aucune cause à leurs actions. Car ils disent que les actions humaines dépendent de la volonté, mais ce sont des mots qui ne correspondent à aucune idée. Ce quest, en effet, la volonté, et comment elle meut le corps, tous lignorent ; et ceux qui se vantent de la savoir et se représentent un siège et une demeure de lâme excitent dordinaire le rire ou le dégoût. [Spinoza, Erhique II, proposition XXXV, scolie, p. 389].≥ Liberté et indifférence ≤Pour ce qui est du libre arbitre, je suis complètement daccord avec ce quen a écrit le Révérend Père. Et, pour exposer plus complètement mon opinion, je voudrais noter à ce sujet que lindifférence me semble signifier proprement létat dans lequel est la volonté lorsquelle nest pas poussée dun côté plutôt que de lautre par la perception du vrai ou du bien ; et cest en ce sens que je lai prise lorsque jai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents.(
) Considérez maintenant dans les actions de la volonté, pendant quelles saccomplissent, la liberté nimplique aucune indifférence, quon la prenne au premier ou au deuxième sens ; pace que ce qui est fait ne peut pas demeurer non fait, étant donné quon le fait. Mais elle consiste dans la seule facilité dexécution, et alors, libre, spontané et volontaire ne sont quune même chose. Cest en ce sens que jai écrit que je suis porté dautant plus librement vers quelque chose que je suis poussé par plus de raisons, car il est certain que notre volonté se meut alors avec plus de facilité et plus délan. [Descartes, Lettre au P. Mesland, p. 1177].≥ Louverture de la liberté à la raison ≤La volonté est libre dassumer cette volonté dans le sens quelle voudra, elle nest pas libre de refuser cette responsabilité elle-même, elle nest pas libre dignorer le monde sensé où le visage dautrui la introduite. Dans laccueil du visage la volonté souvre à la raison.[Lévinas, Totalité et infini, p. 241].≥ Raison personnelle (siège de la singularité de mon individu) ≤Mais mon être ne sera pas non plus ce que jai été pour les autres au nom dune impersonnelle raison. Si je suis réduit à mon rôle dans lhistoire, je reste aussi méconnu que jétais trompeur quand japparaissais dans ma conscience. Lexistence dans lhistoire consiste à placer hors de moi ma conscience et à détruire ma responsabilité.[Lévinas, Totalité et infini, p. 283].≥ Lexigence de rationalité dans la norme morale ≤A la première composante de la visée éthique que nous avons appelée « souhait de la vie bonne », correspond, du côté de la morale, lexigence duniversalité. Le passage par la norme est en effet lié à lexigence de rationalité qui, en interférant avec la visée de la vie bonne, se fait raison pratique. Or, comment sexprime lexigence de rationalité ? Essentiellement comme exigence duniversalisation. A ce critère se reconnaît le kantisme. Lexigence duniversalité, en effet, ne peut se faire entendre que comme règle formelle, qui ne dit pas ce quil faut faire, mais à quels critères il faut soumettre les normes de laction ; à savoir, précisément que la maxime soit universalisable, valable pour tout homme, en toutes circonstances, et sans tenir compte des conséquences. On a pu être choqué par lintransigeance kantienne.[Ricoeur, Lectures I, in Anthologie, p. 316].≥ Comment jouir dune vie raisonnable ≤Tout ce qui est dans la Nature (rerum natura) et que nous jugeons être mauvais, autrement dit que nous jugeons capable de nous empêcher dexister et de jouir dune vie raisonnable, il nous est permis de lécarter de nous par la voie qui paraît la plus sûre. Au contraire, tout ce que nous jugeons être bon, autrement dit utile pour conserver notre être et jouir dune vie raisonnable, il est permis de nous en emparer pour notre usage et de nous en servir à volonté. Et il est permis sans restriction aucune à chacun , par le droit suprême de la Nature, de faire ce quil juge contribuer à son utilité. [Spinoza, Ethique IV, chap.VIII, p. 555].≥ Le mariage en accord avec la Raison ≤Quant au mariage, il est certain quil saccorde avec la Raison, si le désir de lunion des corps na pas pour origine la seule forme belle, mais aussi lamour (amore) de mettre au monde des enfants et de les éduquer dans la sagesse (sapienter) et si, en outre lamour de lun et de lautre, cest-à-dire de lhomme et de la femme a pour cause non la seule forme belle, mais surtout la liberté de lâme (animi). [Spinoza, Ethique IV, chap.XX, p. 558].≥ Les idées pratiques en tant que raisonnables ≤Les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, cest une vérité très certaine que, lorsquil nest pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables ; et même quencore que nous ne remarquions point davantage de probabilité aux unes quaux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques-unes, et les considérer après non plus comme douteuses en tant quelles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle.[Descartes, Discours de la méthode, 3e partie, p. 142].≥ Méthode pour conduire son existence ≤Sans que je veuille rien dire de [la vie] des autres, je pensai que je ne pouvais mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvais, cest-à-dire que demployer toute ma vie à cultiver ma raison, et mavancer autant que je pourrais en la connaissance de la vérité, suivant la méthode que je métais prescrite. Javais éprouvé de si extrêmes contentements depuis que javais commencé à me servir de cette méthode, que je ne croyais pas quon en puisse recevoir de plus doux ni de plus innocents en cette vie ; et découvrant tous les jours, par son moyen, quelques vérités qui me semblaient assez importantes, et communément ignorées des autres hommes, la satisfaction que jen avais remplissait tellement mon esprit, que tout le reste ne me touchait point. [Descartes, Discours de la méthode, 3e partie, p. 143].≥ La consistance sémantique du mot transcendance ≤La tentative de mettre en doute la signification de mots tels que transcendance et au-delà, atteste leur consistance sémantique, puisque, du moins dans ce discours critique qui les concerne, on reconnaît ce quon conteste. La réduction du sens absolu de ces termes à une transcendance et à un au-delà relatifs, portés, par la force dune je ne sais quelle pulsion, au plus loin et au plus haut degré, cest déjà faire intervenir transcendance et au-delà dans ce superlatif ou prêter à certaines de nos forces psychologiques une puissance transcendante. Et cependant, à lintelligibilité de ces notions, ne manque-t-il pas quelque chose pour devenir pensées ? Cest que, dans notre tradition philosophique, la véritable pensée est une pensée vraie, un connaître, une pensée référencée à lêtre à lêtre désignant un étant, mais aussi à lêtre entendu comme verbe, comme exprimant laccomplissement par des étants de la tâche ou du destin dêtre, sans quoi nous ne pourrions pas reconnaître létant comme étant.[Lévinas, De Dieu qui vient à lidée, p.189].≥ Impossible de dissocier faute et transcendance ≤Lexpérience intégrale de la faute et sa contrepartie mythique, limagination de linnocence, sont étroitement solidaires dune affirmation de Transcendance : dun côté lexpérience intégrale de la faute, cest la faute éprouvée comme étant devant Dieu, cest-à-dire le péché. Cest pourquoi on ne peut dissocier faute et Transcendance. Mais surtout la Transcendance est ce qui libère la liberté de la faute. Cest ainsi que les hommes vivent la Transcendance : comme purification et délivrance de leur liberté, comme salut. La Transcendance éclate pour nous par rapport à un monde spirituel qui a des lésions réelles. Tous les autres accès qui peuvent paraître un plus court chemin, sont en réalité étrangers à lépreuve concrète de la Transcendance qui signifie lintégrité retrouvée. La captivité et la délivrance de la liberté sont un seul et même drame.[Ricoeur, Le volonyaire ey linvolontaire, p. 31].≥ La subjectivité ne peut être remise en question par la transcendance ≤La compréhension de la liberté comme responsabilité de la décision, de la motion et du consentement est une étape nécessaire, qui ne peut être brûlée, sur la voie du dépassement de lobjectivité, au risque même que la dialectique de transcendance senlise à ce stade périlleux. Tout cet ouvrage nest quun aspect de cette première révolution copernicienne qui restitue à la subjectivité son privilège. Il faut dabord que japprenne à penser le corps comme moi, cest-à-dire comme réciproque dun vouloir que je suis. Que ce dépassement de lobjet nest remis en question ni par la doctrine de lesclavage, ni par celle de la Transcendance. [Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, p. 33].≥ Laspiration du sujet connaissant à la vérité ≤Le sujet connaissant nest pas partie dun tout, car il nest limitrophe de rien. Son aspiration à la vérité nest pas le dessin en creux de lêtre qui lui manque. La vérité suppose un être autonome dans la séparation la recherche dune vérité est précisément une relation qui ne repose pas sur la privation du besoin. Chercher et obtenir la vérité, cest être en rapport, non pas parce quon se définit par autre chose que soi, mais parce que, dans un certain sens, on ne manque de rien. [Lévinas, Totalité et infini, p. 55].≥ La vérité est corrélative dune liberté qui est en-deçà de la justice ≤Ce monde silencieux cest-à-dire ce pur spectacle nest-il pas accessible à la connaissance vraie ? Qui peut punir lexercice de la liberté du savoir ? Ou, plus exactement, comment la spontanéité de la liberté qui se manifeste dans la certitude, peut-elle se mettre en question ? La vérité nest-elle pas corrélative dune liberté qui est en-deçà de la justice, puisquelle est la liberté dun être seul ? [Lévinas, Totalité et infini p. 90].≥ La vérité comme idée régulatrice ≤Sous la forme la moins raffinée, la vérité se présente à nous comme une idée régulatrice, comme la tâche dunifier la connaissance du côté de lobjet, de lunifier du côté des sujets donc de vaincre la diversité de notre champ de connaissance et les variations ds opinions. Cest cette idée de vérité qui, par choc en retour, suscite un malaise dans notre condition historique, la fait paraître inquiétante et décevante, et nous fait aspirer à un achèvement du savoir dans lunité et limmutabilité.[Ricoeur, Histoire et vérité, p. 52].≥ Les deux pôles de la recherche de la vérité ≤La recherche de la vérité pour parler très simplement est elle-même tendue entre deux pôles : dune part une situation personnelle, dautre part une visée sur lêtre. Dune part jai quelque chose à découvrir en propre, quelque chose que nul autre que moi na la tâche de découvrir ; si mon existence a un sens, si elle nest pas vaine, jai une position dans lêtre qui est une invitation à poser une question que nul ne peut poser à ma place. [Ricoeur, Histoire et vérité, pp. 61-62].≥ Grâce à des principes rationnels lentière certitude peut être acquise ≤On connaît par expérience que, grâce à des principes rationnels, nous pouvons avoir, dans bien des cas, en dehors des mathématiques, une entière certitude qui va jusquà la conviction. La métaphysique est simplement une philosophie appliquée à des connaissances rationnelles plus générales, et il est impossible quil en aille autrement pour elle.[Kant, Principes de la théologie naturelle,T.I, p.238].≥ A une grande clarté en mon entendement a suivi une grande inclination en ma volonté ≤Par exemple, examinant ces jours passés si quelque chose existait dans le monde, et connaissant que, de cela seul que jexaminais cette question, il suivait très évidemment que jexistais moi-même, je ne pouvais pas mempêcher de juger quune chose que je concevais si clairement était vraie, non que je my trouvasse forcé par aucune cause extérieure, mais seulement parce que dune grande clarté qui était en mon entendement, a suivi une grande inclination en ma volonté ; et je me suis porté à croire avec dautant plus de liberté, que je me suis trouvé avec moins dindifférence. Au contraire, à présent, je ne connais pas seulement que jexiste, en tant que je suis quelque chose qui pense, mais il se présente aussi à mon esprit une certaine idée de la nature corporelle : ce qui fait que je doute si cette nature qui pense, qui est en moi, ouplutôtparlaquellejesuisce que je suis, est différente de cette nature corporelle, ou bien si toutes deux ne sont quune même chose.[Descartes, Méditation quatrième, p.306].≥ La volonté dans léconomie générale de lêtre ≤Elle y marque le point où le définitif dun événement se produit comme non-définitif. La force de la volonté ne se déroule pas comme une force plus puissante que lobstacle. Elle consiste à aborder lobstacle non pas en butant contre lui, mais en se donnant toujours une distance à son égard, en apercevant un intervalle entre soi et limminence de lobstacle. Vouloir, cest prévenir le danger. Concevoir lavenir, cest pré-venir. Travailler, cest retarder sa déchéance. Mais le travail nest possible quà un être qui a la structure du corps, être saisissant des êtres, cest-à-dire recueilli chez soi et seulement en rapport avec le non-moi. Mais le temps qui se manifeste dans le recueillement de la demeure suppose la relation avec un autre qui ne soffre pas au travail la relation avec Autrui, avec linfini, la métaphysique.[Lévinas, Totalité et Infini, pp.179-180].≥ Lintériorité de la volonté ≤Lintériorité de la volonté se pose comme soumise à une juridiction qui scrute ses intentions devant laquelle le sens de son être coïncide totalement avec son vouloir intérieur. Les volitions de la volonté ne pèsent pas sur elle et de la juridiction à laquelle elle souvre vient le pardon, la puissance deffacer, de délier, de défaire lhistoire. La volonté se meut ainsi entre sa trahison et sa fidélité qui, simultanées, décrivent loriginalité même de son pouvoir. [Lévinas, Totalité et Infini, p.257].≥ Pour comprendre l²articulation du volontaire et de linvolontaire ≤Si cest par le mythe de linnocence que lhomme se dépayse de la faute, si cest par le remords quil se recueille au centre de sa liberté, cest néanmoins en mettant entre parenthèses à la fois la mythique de linnocence et lempirique de la faute que nous tenterons de comprendre larticulation du volontaire et de linvolontaire.[Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, pp.30 et 31].≥ Ce qui est au cur du décider et dune réceptivité spécifique ≤Plus exactement limputation du moi et la motivation désignent la liaison au cur du décider dune activité et dune réceptivité spécifiques. On se tromperait totalement sur lhomme et nous découvrirons progressivement que la condition dhomme a pour index limitatif lêtre de la Transcendance si on tenait le vouloir pour un acte pur. Lactivité na pas seulement un contraire mais aussi un complément : un contraire de passivité dont le type est lesclavage des passions, un complément de réceptivité dont les motifs nous offrent le premier exemple et que les organes de la motion volontaire et la nécessité dune condition non-choisie illustreront encore de façon différente. Je fais mes actes dans la mesure où jen accueille les raisons. Je fonde lêtre physique de mes actions pour autant que je me fonde sur leur valeur, cest-à-dire sur leur être moral. [Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, p. 75].≥ La raison en tant que faculté de désirer supérieure ≤Le principe du bonheur personnel, quelque grand usage quon y fasse également de lentendement et de la raison, ne comprendrait cependant en soi, pour la volonté, aucun autre principe déterminant que ceux qui sont conformes à la faculté de désirer inférieure ; et alors, ou bien il nexiste pas de faculté de désirer supérieure, ou bien la raison pure doit être pratique par elle seule, cest-à-dire que, sans présupposition dun sentiment quelconque, donc sans représentation de lagréable ou du désagréable comme de la matière de la faculté de désirer, qui dailleurs est toujours une condition empirique des principes, elle doit pouvoir déterminer la volonté par la seule forme de la règle pratique. Cest alors seulement que la raison, et uniquement en tant quelle détermine par elle-même la volonté (quelle nest pas au service des inclinations), est une véritable faculté de désirer supérieure, à laquelle est subordonnée celle qui est pathologiquement déterminable, et quelle est réellement, spécifiquement même, distincte de cette dernière. [Kant, Critique de la raison pratique, T. II, p.631].≥ Lessence de la volonté ≤La volonté se porte volontairement, et librement (car cela est de son essence), mais néanmoins infailliblement, au bien qui lui est clairement connu. Cest pourquoi si elle vient à connaître quelques perfections quelle nait pas, elle se les donnera aussitôt, si elles sont en sa puissance ; car elle connaîtra que ce lui est un plus grand bien de les avoir, que de ne les avoir pas.[Descartes, Méditation sixième, Secondes réponses, p.395].≥ Cest néanmoins par notre volonté que nous faillons ≤Car encore quil ny ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne sen trouve presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses quil ne connaît pas distinctement : et même il arrive souvent que cest le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent pas lordre quil faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver et se trompent, à cause quil les incite à précipiter leurs jugements, et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils nont pas assez de connaissance. [Descartes, Principes , 42, p. 589].≥ Nous avons des idées non seulement de tout ce qui est en notre intellect, mais même de tout ce qui est en la volonté ≤
Je prétends que nous avons des idées non seulement de tout ce qui est en notre intellect, mais même de tout ce qui est en la volonté. Car nous ne saurions rien vouloir, sans savoir que nous le voulons, ni le savoir que par une idée ; mais je ne mets point que cette idée soit différente de laction même. [Descartes, Lettre à Mersenne, p. 1112].≥ Pour qualifier une action de volontaire (ou non) il faut se référer au moment où elle saccomplit ≤Cest là encore ce qui se produit si lon jette une cargaison par-dessus bord au cours dune tempête : dans labsolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il sagit de son propre salut et de celui de ses compagnons, un homme de sens agit toujours ainsi. De telles actions sont donc mixtes, tout en ressemblant plutôt à des actions volontaires, car elles sont librement choisies au moment où on les accomplit, et la fin de laction varie avec les circonstances de temps. On doit donc, pour qualifier une action de volontaire ou dinvolontaire, se référer au moment où elle saccomplit. Or ici lhomme agit volontairement, car le principe qui, en de telles actions, meut les parties instrumentales de son corps, réside en lui, et les choses dont le principe est en lhomme même, il dépend de lui de les faire ou de ne pas les faire. [Aristote, Ethique à Nicomaque, III, 2, p. 120].≥ DES GLOSES QUI PRÉCISENT LE DÉVELOPPEMENT DE LA PENSÉE PHILOSOPHIQUE CONNAISSANCE (SAVOIR) Savoir de façon critique, cest tout le rôle de la philosophie ≤Le savoir comme acte ébranlant sa condition se joue par là même au-dessus de tout acte. Et si la remontée à partir dune condition en deçà de cette condition, décrit le statut de la créature où se nouent lincertitude de la liberté et son recours à la justification, si le savoir est une activité de créature, cet ébranlement de la condition et cette justification viennent dAutrui. Autrui seul échappe à la thématisation. La thématisation ne peut servir à fonder la thématisation car elle la suppose déjà fondée, elle est lexercice dune liberté sûre delle-même, dans sa spontanéité naïve, alors que la présence dAutrui néquivaut pas à sa thématisation et ne requiert pas, par conséquent cette spontanéité naïve et sûre delle-même. Laccueil dautrui est ipso facto la conscience de mon injustice la honte que la liberté éprouve pour elle-même. Si la philosophie consiste à savoir dune façon critique, cest-à-dire chercher uu fondement à sa liberté, à la justifier, elle commence avec la conscience morale où lAutre se présente comme Autrui et où le mouvement de la thématisation sinverse. Mais cette inversion ne revient pas à « se connaître » comme thème visé par Autrui, mais à se soumettre à une exigence, à une moralité. Autrui me mesure dun regard incomparable à celui par lequel je le découvre. La dimension de hauteur où se place Autrui, est comme la courbure première de lêtre, à laquelle tient le privilège dAutrui, le dénivellement de la transcendance. Autrui est métaphysique [Lévinas, Totalité et infini, pp. 85-86].≥ La démarche ultime de la connaissance ≤La métaphysique ne consiste pas dès lors à se pencher sur le pour soi du moi, pour y chercher le terrain solide pour une approche absolue de lêtre. Ce nest pas dans le « connais-toi toi-même » que se poursuit sa démarche ultime. Non pas que le pour soi soit limité ou de mauvaise foi, mais parce que, par lui-même, il nest que liberté, cest-à-dire arbitraire et injustifié et, dans ce sens haïssable ; il est moi, égoïsme. Lathéisme du moi marque, certes, la rupture de la participation et, par conséquent, la possibilité de se chercher une justification, cest-à-dire une dépendance à légard dune extériorité sans que cette dépendance absorbe lêtre dépendant, tenu dans des filets invisibles. Dépendance, par conséquent, qui, à la fois maintient lindépendance. Telle est la relation du face à face [Lévinas, Totalité et infini, p. 88].≥ ÉTHIQUE Léthique comme vision même de Dieu ≤Léthique nest pas le corollaire de la vision de Dieu, elle est cette vision même. Léthique est une optique. De sorte que tout ce que je sais de Dieu et tout ce que je peux entendre de Sa parole et Lui dire raisonnablement doit trouver une expression éthique. Dans lArche Sainte doù Moïse entend la voix de Dieu, il ny a rien dautre que les tables de la Loi. La connaissance de Dieu que nous pouvons avoir et qui sénonce daprès Maïmonide, sous forme dattributs négatifs reçoit un sens positif à partir de la morale : « Dieu est miséricordieux » signifie : Soyez miséricordieux comme lui ». Les attributs de Dieu sont donnés non pas à lindicatif, mais à limpératif. La connaissance de Dieu nous vient comme un commandement, comme une Mitzwah. Connaître Dieu, cest savoir ce quil faut faire. Ici léducation lobéissance à lautre volonté est linstruction suprême : la connaissance de cette Volonté même qui est la base de toute réalité [Lévinas, Autrement quêtre].≥ Le problème du mal comme problème « éthique ». Ricoeur, lorsquil ≤déréalise le mal, une nouvelle détermination de la liberté apparaît en même temps : il sagit du pouvoir terrible dagir contre. Cest en effet dans laveu du mal que je découvre le pouvoir de subversion de la volonté ; appelons-le larbitraire pour traduire le Willkür allemand, qui est à la fois le libre-arbitre, cest-à-dire le pouvoir des contraires, celui que nous avons aperçu dans la conscience davoir pu autrement, et le pouvoir de ne pas suivre une obligation quen même temps je reconnais comme juste [Le conflit des interprétations, p.424].≥ ÊTRE Penser, cest penser l« être » ≤La philosophie est née avec les Présocratiques avec cette découverte immense que « penser » cest penser lêtre, cest penser larchè(άρχή) au double sens de commencement et de fondement de tout ce que nous pouvons poser et déposer, croire et mettre en doute. Anaximandre, le premier, si lon en croit les doxographes, la vu : « Tout, en effet dit Aristote (qui semble ici avoir sous la main un recueil des textes présocratiques), tout en effet ou est principe ou vient dun principe ; or, il ny a pas de principe de linfini ; ce serait en effet sa limite. » Et encore : « Il na pas de principe, mais cest lui qui paraît être principe des autres choses et les embrasser et les gouverner toutes » (Physique III, 213b ; cf. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker, fgmt A9 et A15). Lidée de quelque chose qui fait commencer le reste sans avoir soi-même de commencement met un terme à cette régression sans fin dans les générations des dieux de la mythologie [Ricoeur, Histoire et vérité, p.401].≥ Lêtre ne vient pas de la connaissance ≤Lêtre ne serait donc pas la construction dun sujet connaissant, contrairement aux prétentions de lidéalisme. Le sujet souvrant à la pensée et à la vérité de lêtre auxquelles incontestablement il souvre, sy ouvre sur une voie toute différente de celle qui laisse voir le sujet comme ontologie ou intelligence de lêtre. Lêtre ne viendrait pas de la connaissance. Ce ne-pas-venir-de-la-connaissance a un tout autre sens que lontologie ne le suppose. Être et connaissance, ensemble, signifieraient dans la proximité de lautre et dans une certaine modalité de ma responsabilité pour lautre de cette réponse précédant toute question, de ce Dire davant le Dit. Lêtre signifierait, à partir de lUn-pour-lautre, de la substitution du Même à lAutre. Et la vision de lêtre et lêtre renvoient à un sujet qui sest levé plus tôt que lêtre et la connaissance plus tôt et en-deçà, dans un temps immémorial quune réminiscence ne saurait récupérer comme a priori [Lévinas, Autrement quêtre, p. 48].≥ Lêtre est extériorité ≤Lêtre est extériorité : lexercice même de son être consiste en lextériorité, et aucune pensée ne saurait mieux obéir à lêtre quen se laissant dominer par cette extériorité. Lextériorité est vraie non pas dans une vue latérale lapercevant dans son opposition à lintériorité, elle est vraie dans un face à face qui nest plus entièrement vision, mais va plus loin que la vision ; le face à face sétablit à partir dun point, séparé de lextériorité si radicalement quil se tient de lui-même, est moi ; en sorte que toute autre relation qui ne partirait pas de ce point séparé et par conséquent arbitraire, (mais dont larbitraire et la séparation se produisent dune façon positive comme moi), manquerait le champ nécessairement subjectif de la vérité. La vraie essence de lhomme se présente dans son visage où il est infiniment autre quune violence à la mienne pareille, à la mienne opposée et hostile et déjà aux prises avec la mienne dans un monde historique où nous participons au même système. Il arrête et paralyse ma violence par son appel qui ne fait pas violence et qui vient de haut. La vérité de lêtre nest pas limage de lêtre, lidée de sa nature, mais lêtre situé dans un champ subjectif qui déforme la vision, mais permet précisément ainsi à lextériorité de se dire, tout entière commandement et autorité : tout entière supériorité. Cette courbure de lespace intersubjectif infléchit la distance en élévation, ne fausse pas lêtre, mais rend seulement possible sa vérité [Lévinas, Totalité et Infini, Conclusions, p.322].≥ Au-delà de lêtre ≤La thématisation népuise pas le sens du rapport avec lextériorité. La thématisation ou lobjectivation ne se décrit pas seulement comme une contemplation impassible, mais comme relation avec le solide, avec la chose, terme de lanalogie de lêtre depuis Aristote. Le solide ne se ramène pas aux structures imposées par limpassibilité du regard qui le contemple, mais par sa relation avec le temps quil traverse. Lêtre de lobjet est perduration, remplissage du temps vide et sans consolation contre la mort comme fin. Si lextériorité ne consiste pas à se présenter comme thème, mais à se laisser désirer, lexistence de lêtre séparé qui désire lextériorité, ne consiste plus à se soucier dêtre. Exister a un sens dans une autre dimension, que la perduration de la totalité. Il peut aller au-delà de lêtre. Contrairement à la tradition spinoziste, ce dépassement de la mort ne se produit pas dans luniversalité de la pensée, mais dans la relation pluraliste, dans la bonté de lêtre pour autrui, dans la justice. Le dépassement de lêtre, à partir de lêtre la relation avec lextériorité ne se mesure pas par la durée. La durée elle-même devient visible dans la relation avec Autrui où lêtre se dépasse [Lévinas, Totalité et Infini, Conclusions, p.336].≥ HUMAIN Lhumain en tant que « sujet pensant » ≤Lanthropologie ne peut prétendre au rôle dune discipline scientifique ou philosophique privilégiée, sous le prétexte, autrefois allégué, que tout le pensable traverse lhumaine conscience. Cette traversée apparaît, au contraire, aux sciences humaines comme soumise aux plus grands risques de déformation. Le hégélianisme anticipant sur toutes les formes modernes de la méfiance entretenue à légard des données immédiates de la conscience nous a habitués à penser que la vérité ne réside plus dans lévidence acquise par moi-même, cest-à-dire dans lévidence soutenue pat la forme exceptionnelle du cogito qui, fort de sa première personne serait premier en tout, mais quelle réside dans la plénitude indépassable du contenu pensé, comme de nos jours elle tiendrait à leffacement de lhomme vivant derrière les structures mathématiques qui se pensent en lui plutôt quil ne les pense [Lévinas, Autrement quêtre, p. 96].≥ Lunicité du moi contre lEtat ≤La métaphysique nous ramène donc à laccomplissement du moi en tant quunicité par rapport auquel luvre de lEtat doit se situer et se modeler. Lirremplaçable unicité du moi qui se maintient contre lEtat saccomplit par la fécondité. Ce nest pas à des évènements purement subjectifs, se perdant dans les sables de lintériorité dont se moque la réalité raisonnable, que nous en appelons en insistant sur lirréductibilité du personnel à luniversalité de lEtat, mais à une dimension et une perspective de transcendance aussi réelle que la dimension et la perspective de la politique et plus vraie quelle, parce quen elle, lapologie de lipséité ne disparaît pas. Lintériorité ouverte par la séparation, nest pas lineffable du clandestin et du souterrain mais le temps infini de la fécondité. Celle-ci permet dassumer lactuel comme le vestibule dun avenir. Elle fait déboucher sur lêtre le souterrain où semblait se réfugier une vie dite intérieure et seulement subjective [Lévinas, Totalité et infini, p.336].≥ Du « je peux » au « je suis responsable » DeRicoeur,≤la thèse,àceplan,estquilexisteuneparentésémantiqueétroite entre lattestation et de la reconnaissance de soi, dans la ligne de la « reconnaissance de responsabilité » attribuée aux agents de laction par les Grecs, dHomère et Sophocle jusquà Aristote : en reconnaissant avoir fait tel acte, les agents attestaient implicitement quils en étaient capables. La grande différence entre les Anciens et nous est que nous avons porté au stade réflexif la jonction entre lattestation et la reconnaissance au sens du « tenir pour vrai ». [
] La série de questions : « qui parle ? », « qui agit ? », « qui se raconte ? » trouve une suite dans la question « qui est capable dimputation ? » Cette notion nous conduit au cur de la problématique que nous avons placée, dès lévocation de lépopée homérique, sous le terme de la reconnaissance de responsabilité . Cest en ce point que laffinité thématique entre nous et les Grecs concernant la conception de laction est la plus grande. Cest en ce point aussi que lavancée conceptuelle que nous revendiquons est la plus manifeste. Le concept même dimputation ne pouvait être articulé que dans une culture qui, dune part, avait poussé lexplication causale des phénomènes naturels aussi loin que possible jusquau cur des sciences humaines et, dautre part, élaboré une doctrine morale et juridique où la responsabilité est encadrée par des codes élaborés, plaçant délits et peines sur les plateaux de la balance de la justice. Il revient à une phénoménologie de lhomme capable disoler la capacité qui trouve son expression la plus appropriée dans limputabilité. Le mot même suggère lidée dun compte, qui rend le sujet comptable de ses actes, au point de vouloir se les imputer à lui-même. Quest-ce que cette idée ajoute à celle dascription en tant quattribution dun genre particulier de laction à son agent ? Elle ajoute celle de pouvoir porter les conséquences de ses actes, en particulier ceux qui sont tenus pour un dommage, un tort, dont un autre est réputé victime
[Parcours de la reconnaissance, pp.149-177].≥ INFINI Lidée de lInfini en nous ≤Limpossibilité pour lêtre transcendant et lêtre qui en est séparé, de participer au même concept, cette description négative de la transcendance est encore de Descartes. Il affirme en effet le sens équivoque dans lequel le terme dêtre sapplique à Dieu et à la créature. A travers la théologie des attributs analogiques au Moyen Âge, cette thèse remonte à la conception de lunité seulement analogique de lêtre chez Aristote. Elle est chez Platon dans la transcendance du Bien par rapport à lêtre. Elle aurait dû servir de fondement à une philosophie pluraliste où la pluralité de lêtre ne sévanouirait pas dans lunité du nombre, ni nesintégreraitenunetotalité.Latotalitéet lembrassement de lêtre ou ontologie ne détiennent pas le secret dernier de lêtre. La religion, où le rapport subsiste entre le Même et lAutre en dépit de limpossibilité du Tout lidée de lInfini est la structure ultime [Lévinas, Totalité et Infini, p.79].≥ Logique et métaphysique dans la dualité fini et Infini ≤Lextériorité, comme essence de lêtre, signifie la résistance de la multiplicité sociale à la logique qui totalise le multiple. Pour cette logique, la multiplicité est une déchéance de lUn ou de lInfini, une diminution dans lêtre que chacun des êtres multiples aurait à surmonter pour revenir du multiple à lUn, du fini à lInfini. La métaphysique, le rapport avec lextériorité cest-à-dire avec la supériorité indique, par contre, que le rapport entre le fini et lInfini, ne consiste pas pour le fini, à sabsorber dans ce qui lui fait face, mais à demeurer dans son être propre, à sy tenir, à agir ici-bas [Lévinas, Totalité et Infini, p.324].≥ Dans le déroulement infini de léternité, la vanité qui sattache aux natures finies, travaille constamment à la destruction de lunivers ≤La durée dun univers comporte, par lexcellence que représente son institution, une stabilité qui, pour ce que nous pouvons concevoir, approche dune durée infinie. Peut-être mille, peut-être des millions de siècles ne lanéantiront pas ; mais parce que la vanité, qui sattache aux natures finies, travaille constamment à la destruction de cet univers, léternité contiendra en elle toutes les périodes possibles pour amener finalement cependant, par un déclin progressif le moment de sa disparition. Newton, le grand admirateur des attributs de Dieu, à partir de la perfection de ses uvres, qui joignait à la vue la plus pénétrante sur lexcellence de la nature le plus grand respect envers la révélation de la toute-puissance divine, se voyait contraint de prédire à la nature le déclin, du fait du penchant naturel que détermine en ce sens la mécanique des mouvements.[Kant, Histoire générale de la nature, IIe partie, chapitre VII, I, 317].≥ Linfinité dune création continuée ≤Linfinité de la création est assez grande pour que lon puisse regarder, par rapport à elle, un monde ou une Voie lactée de mondes, comme une fleur ou un insecte par rapport à la Terre. Cependant que la nature décore de manifestations changeantes léternité, Dieu reste occupé à une création sans fin pour produire le matériau servant à la formation de mondes encore plus grands [Kant, Histoire générale de la nature, IIe partie, chapitre VII, I 318].≥ Le règne de linfini ≤
Il ressort clairement que certaines choses sont infinies par leur nature, et ne peuvent en aucune manière être conçues comme finies : que dautres choses sont infinies par la force de la cause en laquelle elles résident, mais que toutefois, lorsquelles sont conçues dune manière abstraite, elles peuvent être divisées en parties et considérées comme finies ; que dautres enfin peuvent être dites infinies ou, si vous préférez indéfinies, parce quelles ne peuvent être égalées à aucun nombre, bien quon les puisse concevoir comme plus grandes ou comme plus petites ; cest pourquoi il nest pas nécessaire que des choses quon ne peut égaler à un nombre soient égales entre elles [Spinoza, XII Lettre à Louis Meyer].≥ JUSTICE Je suis nécessaire à la justice comme responsable au-delà de toute limite fixée par une loi objective ≤En réalité, la justice ne menglobe pas dans léquilibre de son universalité la justice me somme daller au-delà de la ligne droite de la justice, et rien ne peut marquer dès lors la fin de cette marche, derrière la ligne droite de la loi, la terre de la bonté sétend infinie et inexplorée, nécessitant toutes les ressources dune présence singulière. Je suis donc nécessaire à la justice comme responsable au-delà de toute limite fixée par une loi objective. Le moi est un privilège ou une élection [Lévinas, Totalité et Infini, p. 274].≥ La bonne place pour le mot justice ≤ Le mot « justice » est en effet beaucoup plus à sa place là où il faut non pas ma « subordination » à autrui, mais l« équité ». Sil faut léquité, il faut la comparaison et légalité légalité entre ce qui ne se compare pas. Et par conséquent le mot « justice » sapplique beaucoup plus à la relation avec le tiers quà la relation avec autrui. Mais en réalité la relation avec autrui nest jamais uniquement la relation avec autrui : dores et déjà dans autrui le tiers est représenté ; dans lapparition même dautrui me regarde déjà le tiers. Et cela rend tout de même le rapport entre la responsabilité à légard dautrui et la justice extrêmement étroit [Lévinas, De Dieu qui vient à lidée, pp.132-133].≥ Lacte fondamental par lequel on peut dire que la justice est fondée dans une société ≤Cest lacte par lequel la société enlève aux individus le droit et le pouvoir de se faire justice à eux-mêmes lacte par lequel la puissance publique confisque pour elle-même ce pouvoir de dire et dappliquer le droit ; cest dailleurs en vertu de cette confiscation que les opérations les plus civilisées de la justice, en particulier dans la sphère pénale, gardent encore la marque visible de cette violence originelle quest la vengeance. A bien des égards, la punition, surtout si elle conserve quelque chose de la vieille idée dexpiation, demeure une forme atténuée, filtrée, civilisée de la vengeance. Cette persistance de la violence-vengeance fait que nous naccédons au sens de la justice que par le détour de la protestation contre linjustice. Le cri : « Cest injuste ! » exprime bien souvent une intuition plus clairvoyante concernant la nature véritable de la société, et la place quy tient encore la violence, que tout discours rationnel ou raisonnable sur la justice [Ricoeur, Le Juste I, « Lacte de juger », pp.185-191].≥ Par le droit souverain de la Nature, chacun juge de ce qui est bon, de ce qui est mauvais ≤Chacun existe par le droit souverain de la Nature, et par conséquent chacun, par le droit souverain de la Nature, fait ce qui suit de la nécessité de sa nature ; ainsi par le droit souverain de la Nature, chacun juge de ce qui est bon, de ce qui est mauvais, et songe à son utilité selon son propre naturel et se venge, et sefforce de conserver ce quil aime et détruire ce quil hait. Si les hommes vivaient sous la conduite de la Raison, chacun possèderait son propre droit sans aucun dommage pour autrui [Spinoza, LEthique : De la servitude humaine, proposition XXXVII, scolie II] .≥ LIBERTÉ La mise en question de ma liberté ≤Pour découvrir la facticité injustifiée du pouvoir et de la liberté, il faut non pas la considérer comme objet, ni considérer Autrui comme objet, il faut se mesurer à linfini, cest-à-dire le désirer. Il faut avoir lidée de linfini, lidée du parfait, comme dirait Descartes, pour connaître sa propre imperfection. Lidée du parfait nest pas idée mais désir. Cest laccueil dAutrui, le commencement de la conscience morale, qui met en question ma liberté [Lévinas, Totalité et Infini, p. 82].≥ Entreprise de justification dun moi libre ≤Pour se justifier, le moi peut, certes, chercher à se saisir dans une totalité. Telle nous semble être la justification de la liberté à laquelle aspire la philosophie qui, de Spinoza à Hegel, identifie volonté et raison, qui, contre Descartes, enlève à la vérité son caractère duvre libre, pour la situer là où lopposition du moi et du non-moi sévanouit, au sein dune raison impersonnelle. La liberté ne se trouve pas maintenue, mais se ramène au reflet dun ordre universel, lequel se soutient et se justifie tout seul, comme le Dieu de largument ontologique. Ce privilège de lordre universel de se soutenir et de se justifier, qui se situe au-delà de luvre encore subjective de la volonté cartésienne, constitue la dignité divine de cet ordre. Le savoir serait la voie où la liberté dénoncerait sa propre contingence, où elle sévanouirait dans la totalité [Lévinas, Totalité et Infini, p. 86].≥ Investiture de la liberté ≤Nous nous opposons donc radicalement aussi à Heidegger qui subordonne à lontologie le rapport avec Autrui, au lieu de voir dans la justice et linjustice un accès original à Autrui, par-delà toute ontologie. Lexistence dAutrui nous concerne dans la collectivité, non pas par sa participation à lêtre qui nous est familier à tous, dores et déjà, non pas par son pouvoir et par sa liberté que nous aurions à subjuguer et à utiliser pour nous, non pas par la différence de ses attributs que nous aurions à surmonter dans le processus de la connaissance, [voir même] dans un élan de sympathie en nous confondant avec lui comme si son existence était une gêne. Autrui ne nous affecte pas comme celui quil faut surmonter, englober, dominer, mais en tant quautre, indépendant de nous : derrière toute relation que nous puissions entretenir avec lui, ressurgissant absolu [Lévinas, Totalité et Infini, pp.88-89].≥ Les idées-limites qui achèvent de déterminer le statut dune liberté humaine ≤Le paradoxe nest pas tant entre des moments du vouloir qui ne se distinguent que par une visée différente quentre la triple forme dune initiative et la triple forme dune réceptivité Cest pourquoi on peut bien finalement mélanger les expressions qui conviennent à ces moments différents et dire que le vouloir qui acquiesce à des motifs consent aux raisons de son choix ; inversement le consentement qui réaffirme lexistence non choisie, son étroitesse, ses ténèbres, sa contingence, est comme un choix de moi-même, un choix de la nécessité, tel lamor fati célébré par Nietzsche. Audace et patience ne cessent de séchanger au cur même du vouloir. La liberté nest pas un acte pur, elle est en chacun de ses moments activité et réceptivité ; elle se fait en accueillant ce quelle ne fait pas ; valeurs, pouvoirs et pure nature. En cela notre liberté est seulement humaine et nachève de se comprendre que par rapport à quelques concepts-limites, que nous comprenons eux-mêmes à vide, comme des idées kantiennes, régulatrices et non constitutives, cest-à-dire comme des essences idéales qui déterminent le degré-limite des essences de la conscience (lesquelles, nous lavons vu ont déjà une pureté-limite par rapport à la faute). 1° Lidée de Dieu comme idée kantienne est le degré-limite dune liberté qui nest pas créatrice. La liberté est, si lon peut dire, du côté de Dieu par son indépendance à lobjet, par son caractère simultané dindétermination et de détermination de soi. Mais nous pensons à une liberté qui ne serait plus réceptive à légard de motifs en général, une liberté qui ne se ferait pas en regardant, en ébranlant une spontanéité, en se pliant à une nécessité, mais qui serait soi par décret
Cette liberté ne serait plus une liberté motivée, au sens humain dune liberté réceptive à des valeurs et finalement dépendante dun corps ; elle ne serait plus une liberté incarnée, elle ne serait plus une liberté contingente. Ce premier concept-limite domine une cascade didées-limites subordonnées dont lenchaînement constituerait par lui-même un problème difficile. 2° Je comprends aussi à vide une liberté motivée comme celle de lhomme, mais motivée de façon exhaustive, transparente, absolument rationnelle. [Le fait est que] mon type de temporalité qui tient à ma situation incarnée, me sépare de cette limite ; dans les trois analyses de lindécision, de la durée et du choix nous avons insisté sur cette liaison de la temporalité humaine avec la confusion des motifs issus du corps : premièrement je suis une liberté qui émerge sans cesse de lindécision, parce que les valeurs mapparaissent toujours dans un bien apparent que me montre laffectivité ;laffectivitéauncaractèreproblématiquequi appelle une clarification sans fin ; seul le temps clarifie. Aussi notre liberté est secondement un art de la durée ; certes, en tant que nous conduisons la durée, cette maîtrise est une perfection ou une image de perfection. Mais comme la clarification des motifs est à jamais inachevée, que la décision est brusquée par lurgence, que linformation reste toujours bornée, cette liberté de lattention demeure solidaire des limites mêmes de lexistence corporelle ; elle naperçoit que des biens apparents, elle nest capable que dune lecture inadéquate des valeurs. De là, troisièmement, le caractère propre du choix humain : il procède dun risque et non dun décret. Le risque nest une perfection que si lon considère lindépendance de lattention qui sarrête ; mais pour une liberté motivée et non créatrice, le risque nest que la caricature dun libre décret divin et reste par rapport à lui un défaut ; larrêt arbitraire de lattention ressemble finalement moins au libre décret de Dieu quun choix moins audacieux et plus nourri de raisons, où la persuasion du bien se joindrait à la spontanéité du regard ; cette liberté parfaitement motivée serait la plus haute approximation de la liberté divine compatible avec une liberté motivée. 3° Je comprends encore lidée-limite dune liberté incarnée comme celle de lhomme, mais dont le corps serait absolument docile, une liberté gracieuse, dont la spontanéité corporelle conspirerait sans résistance avec linitiative qui la meut. Lathlète, le danseur men donnent parfois limage et la nostalgie. 4° Enfin je comprends à vide une liberté qui serait lenvergure même de lhomme, qui naurait pas la partialité dun caractère, dont les motifs seraient absolument transparents et qui aurait entièrement réduit sa contingence à son initiative. Mais cette dernière « utopie » de la liberté révèle que tout le cycle de ces idées-limites a pour centre lidée dune liberté créatrice. [Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, pp. 454 à 456].≥ Lidée transcendantale de la liberté Lidée transcendantale de la liberté est à la vérité loin de former le contenu entier du concept psychologique de ce nom, concept qui est en grande partie empirique ; elle constitue seulement le concept de la spontanéité absolue de laction, comme fondement propre de limputabilité de cette action ; mais elle nen est pas moins la véritable pierre dachoppement de la philosophie, qui trouve des difficultés insurmontables à admettre une sorte de causalité inconditionnée. Ce nest donc proprement quune difficulté transcendantale qui, dans la question de la liberté du vouloir, a jeté de tout temps la raison spéculative dans un si grand embarras
Il y a une chose qui confirme dune manière éclatante le besoin quéprouve la raison den appeler dans la série des causes naturelles à un premier commencement par liberté, cest que tous les philosophes de lAntiquité (à lexception de ceux de lécole épicurienne) se sont vus obligés dadmettre, pour expliquer les mouvements du monde, un premier moteur, cest-à-dire une cause librement agissante, qui a commencé dabord et delle-même cette série détats. En effet, ils nont pas osé entreprendre de rendre intelligible un premier commencement par la seule nature.(
) Mais tout commencement daction présuppose un état de la cause où cette cause nagit pas encore, et un premier commencement dynamique de laction présuppose un état qui na aucun enchaînement de causalité avec létat précédent de la même cause, cest-à-dire qui nen résulte daucune façon. Donc la liberté transcendantale est opposée à la loi de la causalité, et une telle liaison des états successifs de causes efficientes, daprès lequel aucune unité de lexpérience nest possible, et qui donc ne se rencontre dans aucune expérience, nest par suite quun vain être de raison.(
) Nature et liberté transcendantale diffèrent donc entre elles comme la conformité à des lois et labsence de lois. La première, il est vrai, importune lentendement de la difficulté davoir à chercher toujours plus haut dans la série des causes lorigine des évènements, puisque la causalité y est toujours conditionnée ; mais elle promet, en dédommagement, une unité de lexpérience universelle conforme à des lois. Lillusion de la liberté, au contraire, offre bien à lentendement un repos dans son investigation dans la chaîne des causes, en le conduisant à une causalité inconditionnée qui commence à agir delle-même ; mais comme cette causalité elle-même est aveugle, elle rompt le fil conducteur des règles, auquel tient seule la possibilité dune expérience complètement liée.[Kant, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, p. 1104-1105].≥ La liberté rapportée aux choses en soi et comme propriété de certaines causes des phénomènes ≤Mais si la nécessité de la nature est simplement rapportée aux phénomènes, et la liberté seulement aux choses en soi, il nen résulte aucune contradiction, quand bien même lon admettrait ou accorderait ces deux espèces de causalité, si difficile ou impossible quil puisse être de rendre concevable celle de la dernière espèce. Dans le phénomène, chaque effet est un événement ou quelque chose qui se passe dans le temps ; daprès la loi universelle de la nature, il doit être précédé dune détermination de la causalité de sa cause (un état de celle-ci) à quoi il succède selon une loi constante. (
) Au contraire, si la liberté doit être une propriété de certaines causes des phénomènes, elle doit être, relativement à ces derniers en tant quévènements, une faculté de les commencer delles-mêmes (sponte), cest-à-dire sans que la causalité de la cause puisse elle-même commencer, et par suite sans avoir besoin daucune autre raison la déterminant à commencer. Mais alors la cause, quant à sa causalité, ne devrait pas être soumise aux déterminations temporelles de son état, cest-à-dire ne pas être du tout un phénomène, mais être considérée comme une chose en soi, et ses effets seulement comme des phénomènes.[Kant, Prolégomènes, 53, pp. 125-126].≥ La liberté du vouloir humain ≤Quel que soit le concept que, du point de vue métaphysique, on puisse se faire de la liberté du vouloir, il reste que les manifestations phénoménales de ce vouloir, les actions humaines, sont déterminées selon des lois universelles de la nature, exactement au même titre que tout autre événement naturel. Lhistoire, qui se propose de raconter ces manifestations phénoménales, quelle que puisse être la profondeur en laquelle sont cachées leurs causes, donne cependant à espérer quen considérant globalement le jeu de la liberté du pouvoir humain, elle peut y découvrir un cours régulier et que, de cette façon, ce qui chez les sujets particuliers paraît confus et irrégulier pourra cependant être reconnu au niveau de lespèce entière comme étant un développement constant, bien que lent, de ses dispositions originelles.[Kant, Histoire universelle, p.187].≥ Le concept de liberté dans les rapports extérieurs des hommes les uns aux autres ≤Le concept dun droit extérieur en général provient entièrement de ce concept de liberté. Il na absolument rien à voir avec la fin quont naturellement tous les hommes (la visée du bonheur) et avec le précepte concernant les moyens pour y parvenir ; si bien que cette fin ne doit donc absolument pas non plus simmiscer dans cette loi, en tant que principe déterminant. Le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord avec la liberté de tous, dans la mesure où celle-ci est possible daprès une loi générale ; et le droit public est lensemble des lois extérieures qui rendent possible un tel accord général. Létat civil considéré uniquement comme état juridique est donc fondé sur les principes a priori suivants : 1° la liberté de chaque membre de la société en tant quhomme. 2° légalité de celui-ci avec tout autre en tant que sujet. 3° lindépendance de tout membre dune communauté en tant que citoyen. [Kant, Sut le lieu commun II, p.270].≥ Le concept de liberté en tant que concept pur de la raison ≤Pour cela, justement, il est transcendant pour la philosophie théorique, cest-à-dire quil est tel quon nen peut donner aucun exemple adéquat dans quelque expérience possible que ce soit ; il ne constitue donc pas lobjet dune connaissance théorique possible pour nous et ne saurait absolument pas valoir pour la raison spéculative comme principe constitutif mais uniquement comme principe régulateur et, il est vrai, purement négatif. Mais, dans lusage pratique de la raison, il prouve sa réalité par des principes pratiques qui, en tant que lois causalité de la raison pure, indépendante de toutes conditions empiriques (du sensible en général) , déterminent larbitre et attestent en nous une volonté pure en laquelle les concepts et lois des bonnes murs ont leur origine.[Kznt, Introduction à la métaphysique des murs IV, p.467].≥ Le bon usage de notre libre arbitre nous rend dignes de louange ≤La volonté étant, de sa nature, très étendue, ce nous est un avantage très grand de pouvoir agir par son moyen, cest-à-dire librement ; en sorte que nous soyons tellement les maîtres de nos actions, que nous sommes dignes de louange lorsque nous les conduisons bien ; car, tout ainsi quon ne donne point aux machines quon voit se mouvoir en plusieurs façons diverses, aussi justement quon saurait désirer, des louanges qui se rapportent véritablement à elles, parce que ces machines ne représentent aucune action quelles ne doivent faire par le moyen de leurs ressorts, et quon en donne à louvrier qui les a faites, parce quil a eu le pouvoir et la volonté de les composer avec tant dartifice.≥ Que la liberté de notre volonté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons. ≤Au reste, il est si évident que nous avons une volonté libre, qui peut donner son consentement ou ne pas le donner quand bon lui semble, que cela peut nous être compté pour une de nos plus communes notions.Nous en avons eu ci-devant une preuve bien claire ; car, au même temps que nous doutions de tout, et que nous supposions même que celui qui nous a créés employait son pouvoir à nous tromper en toutes façons, nous apercevions en nous une liberté si grande, que nous pouvions nous empêcher de croire ce que nous ne connaissions pas encore parfaitement bien. Or, ce que nous apercevions distinctement, et dont nous ne pouvions douter pendant une suspension si générale, est aussi certain quaucune autre chose que nous puissions jamais connaître.[Descartes, Principes, pp. 587-588].≥ En quoi consiste une plus grande liberté ≤Une plus grande liberté consiste en effet ou bien dans une plus grande facilité de se déterminer, ou bien dans un plus grand usage de cette puissance positive que nous avons de suivre le pire, tout en voyant le meilleur. Si nous prenons le parti où nous voyons le plus de bien, nous nous déterminons plus facilement ; si nous suivons le parti contraire, nous usons davantage de cette puissance positive ; ainsi, nous pouvons toujours agir plus librement dans les choses où nous voyons plus de bien que de mal, que dans les choses appelées par nous indifférentes. En ce sens on peut même dire que les choses qui nous sont commandées par les autres et que sans cela nous ne ferions pas de nous-mêmes, nous les faisons moins librement que celles qui ne nous sont pas commandées ; parce que le jugement quelles sont difficiles à faire est opposé au jugement quil est bon de faire ce qui est commandé, et, ces deux jugements, plus ils nous meuvent également, plus ils mettent en nous dindifférence prise au premier sens.[Descartes, Lettre au P. Mesland, p. 1177].≥ RAISON Louverture de la volonté à la raison ≤Labsolument nouveau, cest Autrui. Le rationnel ne soppose pas à lexpérimenté. Lexpérience absolue, lexpérience de ce qui à aucun titre nest a priori cest la raison elle-même. En découvrant comme corrélatif de lexpérience, Autrui, celui qui essentiellement, en soi, peut parler et en aucune façon ne simpose comme objet on concilie la nouveauté quapporte lexpérience avec la vieille exigence socratique dun esprit que rien ne peut violenter et que reprend Leibniz en refusant aux monades des fenêtres. La présence éthique est à la fois autre et simpose sans violence. Lactivité de la raison commençant avec la parole, le sujet, nabdique pas son unicité, mais confirme sa séparation. Il nentre pas dans son propre discours pour y disparaître. Il demeure apologie. Le passage au rationnel nest pas une désindividuation précisément parce quil est langage, cest-à-dire réponse à lêtre qui lui parle dans le visage et qui ne tolère quune réponse personnelle cest-à-dire un acte éthique. [Lévinas, Totalité et infini, p 242].≥ Raison personnelle (siège de la singularité de mon individualité) ≤Mon individualité est donc tout autre chose que cette partialité animale à laquelle viendrait sajouter une raison, issue de la contradiction où sopposent les poussées hostiles des particularités animales. Sa singularité est au niveau même de sa raison elle est apologie cest-à-dire discours personnel, de moi aux autres. Mon être se produit en se produisant aux autres dans le discours, il est ce quil se révèle aux autres, mais en participant à sa révélation, en y assistant. Je suis en vérité, en me produisant dans lhistoire sous le jugement sur moi en ma présence cest-à-dire en me laissant la parole
La différence entre « apparaître dans lhistoire » (sans droit à la parole) et apparaître à autrui tout en assistant à sa propre apparition distingue encore mon être politique de mon être religieux. [Lévinas, Totalité et Infini, p.283].≥ La décision pratique liée à limpossibilité dépuiser lanalyse rationnelle dune situation ≤Descartes assurément serrait de plus près la vérité quand il liait la décision pratique à limpossibilité dépuiser lanalyse rationnelle dune situation dont lurgence dailleurs ne permet pas de pousser bien avant la clarification. Si lintellectualisme rétrécit arbitrairement la motivation au cadre étroit du raisonnement pratique, cest faute davoir considéré lessence de la motivation, à la fois dans sa rigueur exclusive de la causalité et dans son amplitude accueillante pour linfinie diversité de lexpérience. [Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, p. 68].≥ Lexigence de rationalité dans la norme morale La seule loi, en effet, quune liberté puisse se donner, ce nest pas une règle daction répondant à la question : « Que dois-je faire ici et maintenant ? » mais limpératif catégorique lui-même dans toute sa nudité : « Agis uniquement daprès la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps quelle devienne loi universelle.» Quiconque se soumet à cet impératif est autonome, cest-à-dire auteur de la loi à laquelle il obéit. Se pose alors la question du vide, de la vacuité, de cette règle qui ne dit rien de particulier. Cest pour comprendre ce vide du formalisme que Kant a introduit le second impératif catégorique, dans lequel nous pouvons reconnaître léquivalent, au plan moral, de la sollicitude au plan éthique. Je rappelle les termes de la reformulation de limpératif catégorique qui va permettre délever le respect au même rang que la sollicitude : « Agis toujours de telle façon que tu traites lhumanité dans ta propre personne et dans celle dautrui, non pas seulement comme un moyen , mais toujours aussi comme une fin en soi. » Cette idée de la personne comme fin en soi esttoutàfaitdécisive :elleéquilibrele formalisme du premier impératif. [Ricoeur, Lectures I, in Anthologie, pp. 316-317].≥ Désenchantement du monde et désenchantement de la raison ≤A lidentité de lhomme moderne appartient la création conjointe dun espace public de délibération et de décision et dun espace privé de vie familiale et dintimité mais aussi, outrepassant ce double but, la désaffection simultanée pour la pratique politique et pour les liens affectifs dans la famille nucléaire. Le même homme qui se vise autonome se découvre seul. Cest cette coïncidence entre la culmination dun grand dessein et son outrepassement pathologique qui fait lambivalence moderne. Tout cela a été dit, mieux que nous ne pouvons le faire, par Horkheimer et Adorno dans leur critique de lAufklärung ; pour eux, le désenchantement du monde, sobrement enregistré par Max Weber, exprime le désenchantement de la raison ramenée de son statut de sagesse pratique à sa fonction instrumentale. Que la plupart de nos contemporains se pensent dabord comme consommateurs, puis comme travailleurs, enfin seulement comme citoyens, ce nest là que le signe le plus voyant, le plus caricatural, de lautodéception dun grand projet. [Ricoeur, Lectures I, in Anthologie, p. 370].≥ La logique se détermine très exactement du fait quelle est une science ≤Que la logique ait suivi depuis les temps anciens ce chemin sûr, le fait qui le montre est que, depuis Aristote, elle na pas eu besoin de faire un pas en arrière, si lon veut bien ne pas compter pour améliorations lélimination de quelques subtilités superflues, une détermination plus claire de lexposé, toutes choses qui touchent plus à lélégance quà la sûreté de la science. Il est encore remarquable à son propos que, jusquici, elle na pu faire un seul pas en avant, et quainsi, selon toute apparence elle semble close et achevée. En effet, lorsque quelques modernes ont pensé létendre en y introduisant des chapitres, partie de psychologie, sur les diverses facultés de connaître (limagination, lesprit), partie de métaphysique, sur lorigine de la connaissance ou des divers modes de certitude suivant la diversité des objets (lidéalisme, le scepticisme, etc.), partie danthropologie, sur les préjugés (leurs causes et leurs remèdes), cela provient de leur ignorance de la nature propre de cette science. Ce nest pas étendre les sciences, mais les défigurer, que de laisser leurs limites empiéter les unes sur les autres ; or, celle de la logique se détermine très exactement du fait quelle est une science [B IX]qui expose en détail et démontre rigoureusement les règles formelles de toute pensée (que cette pensée soit a priori ou empirique, quelle ait telle ou telle origine et tel ou tel objet, et quelle rencontre dans notre esprit des obstacles accidentels ou naturels.[Kant, Critique de la raison pure, préface de la 2e édition, T 1, pp.734-735].≥ Le concept de la liberté, en tant que la réalité en est prouvée par une loi apodictique de la raison pratique, forme la clef de voûte de tout lédifice dun système de la raison pure ≤La liberté se découvre, du moins daprès les premières pages de la Critique de la raison pratique, là où sinstitue la législation morale, cest-à-dire dans lautonomie. Elle est, comme le dit Kant, la « ratio essendi » de ma loi, laquelle est, de son côté, la « ratio cognoscendi » de la liberté. En dautres termes, sil ny avait pas de liberté, la loi morale ne serait pas en nous . En revanche, si la loi morale ne nous était pas connue, nous ignorerions la liberté. Or, la loi morale nous est connue. Nous pouvons donc à partir delle, savoir que nous sommes libres. En de telles analyses la liberté nous apparaît comme la condition a priori du fait moral
Partant, par ailleurs, de laffirmation selon laquelle « il y a » des lois pratiques, Kant, selon le second scolie du théorème 4, affirme que la voix de la raison est « perceptible » à chacun ; ainsi la loi morale se trouve donc lobjet dune sorte dexpérience et nous nous trouvons, en la découvrant, devant un véritable « fait de la raison ». La loi est donc, dès le départ, tenue pour « réelle » et cest à partir de sa réalité que nous pouvons nous élever à laffirmation de la liberté.][Kant, Critique de la raison pratique, Préface dAlquié, T2 , p. 598].≥ Vivre sous lautorité propre de la Raison ≤Rien ne peut mieux saccorder avec la nature dune chose que les autres individus de même espèce ; et par conséquent (selon le chapitre VII) il nest rien de plus urile à lhomme, pour conserver son être et jouir dune vie raisonnable, que lhomme qui est conduit par la Raison. En outre, puisque entre les choses singulières nous ne connaissons rien de supérieur à lhomme qui est conduit par la Raison, chacun ne peut donc mieux montrer sa valeur acquise ou naturelle (arte et ingenia) quen éduquant les hommes de sorte quils vivent enfin sous lautorité propre de la Raison. [Spinoza, Ethique IV, Chap. IX, p.555].≥ La raison intuitive ≤La sagesse na pas non plus des principes pour objet, puisque le propre du sage cest davoir une démonstration par certaines choses. Si donc les dispositions qui nous permettent datteindre la vérité et déviter toute erreur dans les choses qui ne peuvent être autrement quelles ne sont ou dans celles qui peuvent être autrement, si ces dispositions-là sont la science, la prudence, la sagesse et lintellect, et si trois dentre elles ne peuvent jouer aucun rôle dans lappréhension des principes (jentends la prudence, la science et la sagesse), il reste que cest la raison intuitive qui les saisit. [Aristote, Ethique à Nicomaque, VI, 6, p. 288].≥ Nature des désirs attachés à la raison ≤Ils procèdent dune croyance évaluative à laquelle est fermement attachée la motivation à agir suivant cette croyance. Un bon exemple en serait la résolution que prend Socrate daccepter sa condamnation et de rester dans sa prison. Aucune conception mécaniste ou matérielle de la causalité de laction ne peut expliquer, dit Socrate, du fait que « jai jugé meilleur dêtre assis en ce lieu » et quainsi « jagis par mon esprit (nôi prattô) en considération de ce qui paraît le meilleur » (Phédon, 99 a). Il existe une relation logique entre le fait que Socrate pense meilleurderesterassisdanssaprison et le fait quil y soit assis intentionnellement. Les désirs rationnels sont tous orientés vers la saisie de la vérité et du meilleur (Platon, République, 441 e - 442 c).≥ TRANSCENDANCE Dialogue et transcendance ≤Dans la nouvelle réflexion, la socialité du langage nest plus réductible à la transmission de savoirs entre les multiples mois et à la confrontation où ces savoirs sélèvent à lintelligibilité universelle dans laquelle sabsorberaient ou se sublimeraient ou suniraient les mois pensants, pour se suffire enfin à eux-mêmes de par cette unité de la Raison. Pour lui-même, le rapport entre pensants aurait un sens : celui de la socialité. Il laurait dans linterpellation dun Tu par un Je, dans ce que Buber appelle le mot fondamental Je-Tu, qui serait le principe et la base énoncés ou implicites de tout dialogue. Il se distinguerait radicalement de lautre mot fondamental Je-Çà. Celui-ci exprimerait le savoir dun Moi investissant un objet dans sa neutralité soumise à lacte de la connaissance qui lassimile et dont, selon la terminologie husserlienne, il remplit les intentions ; il désignerait le sujet de la philosophie idéaliste en relation avec le monde se rapportant aux choses et aux humains traités en choses ; il désignerait dans le discours lui-même, la référence du Dire aux réalités et aux conjonctions que le Dire narre ou expose. [Lévinas, De Dieu qui vient à lidée, p. 220].≥ Rapports étroits entre faute et transcendance ≤Pour nous en effet qui sommes toujours après la faute, la découverte des racines ontologiques de la subjectivité est inséparable de la purification même du moi, dune résistance à la résistance, comme eût dit Bergson. Cest pourquoi la doctrine de la subjectivité ne peut être achevée dans la lancée, si lon peut dire, dune description fondamentale qui na pas intégré la péripétie la plus importante de la volonté réelle, à savoir son esclavage. Lachèvement de lontologie ne peut pas ne pas être une libération. De plus lachèvement de lontologie du sujet exige un nouveau changement de méthode, laccès à une sorte de « Poétique » de la volonté, accordée aux nouvelles réalités à découvrir. Au sens radical du mot, la poésie est lart de conjurer le monde de la création. Cest en effet lordre de la création qui est tenu en suspens par la description. Cet ordre de la création ne peut nous apparaître concrètementquecommeunemortetunerésurrection. Il signifie pour nous la mort du Soi, comme illusion de la position de soi par soi, et le don de lêtre qui répare les lésions de la liberté. La phénoménologie et toute la psychologie sont donc une abstraction de la Poétique. Mais cette abstraction, que nous venons de présenter comme inévitable, en raison des rapports étroits entre faute et Transcendance et à cause du changement de méthode quexige lapproche concrète de cette inspiration dêtre au cur du moi, est aussi une abstraction nécessaire du point de vue de la doctrine.[Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, p.p 32-33].≥ Lentendement et la faculté de juger au sein de la logique trannscendantale ≤Lentendement et la faculté de juger trouvent donc dans la logique transcendantale le canon de leur usage objectivement valable et par conséquent vrai, et appartiennent ainsi à sa partie analytique. Mais la raison, dans sa tentative de décider quelque chose a priori sur des objets, et détendre la connaissance au-delà de lexpérience possible, est tout à fait dialectique, et ses affirmations illusoires ne saccommodent absolument pas avec un canon, comme celui que doit contenir lanalytique. (
) La logique générale ne contient pas de préceptes pour la faculté de juger et ne peut en contenir. En effet, comme elle fait abstraction de tout contenu de la connaissance, il ne lui reste plus quà séparer analytiquement la simple forme de la connaissance en concepts, [A 133] jugements et raisonnements, [B 172] et à établir ainsi les règles formelles de tout usage de lentendement.[Kant ; Analytique des principes, T. 1, pp.879-880].≥ De lapparence transcendantale ≤La vérité ou lapparence ne sont pas dans lobjet en tant quil est intuitionné, mais dans le jugement sur ce même objet, en tant quil est pensé. On peut donc dire très justement que les sens ne font pas derreur, mais ce nest pas pour cette raison quils jugent toujours exactement, cest parce quils ne jugent pas du tout. Par conséquent, cest uniquement dans le jugement, cest-à-dire uniquement dans le rapport de lobjet à notre entendement, quil faut placer la vérité aussi bien que lerreur, et partant aussi lapparence, en tant quelle nous incite à lerreur.[Kant, Dialectique transcendantale, T.1 , p. 1012].≥ Des idées en général ≤Platon voyait très bien que notre faculté de connaître sent un besoin beaucoup plus élevé que celui dépeler des phénomènes daprès une unité synthétique pour pouvoir les [B 371] lire comme une expérience, et que notre raison sélève naturellement à des connaissances trop hautes pour quun quelconque objet que lexpérience puisse donner soit jamais susceptible dy correspondre, mais qui nen ont pas moins leur réalité et ne sont aucunement de pures chimères. Platon trouvait ses idées surtout dans tout ce qui est pratique, cest-à-dire dans ce qui repose sur la liberté, laquelle de son côté [A 315] est soumise à des connaissances qui sont un produit propre de la raison. [Kant, Dialectique transcendantale, T.1 , p. 1027].≥ ≤Mais ce nest pas seulement là où la raison humaine montre une véritable causalité et où les idées sont de véritables causes efficientes (des actions et de leurs objets), cest-à-dire dans le domaine moral, cest aussi dans la considération de la nature elle-même que Platon trouve et avec raison des preuves manifestes de ce que celle-ci tire son origine des idées. Une plante, un animal, lordonnance régulière de la structure du monde (sans doute aussi tout ordre de la nature) montrent clairement quils ne sont possibles que daprès des [A 318] idées ; quà la vérité aucune créature individuelle, sous les conditions individuelles de son existence, nest adéquate à lidée de la plus haute perfection de son espèce (pas plus que lhomme nest adéquat à lidée de lhumanité quil porte en son âme comme modèle de ses actions) ; que cependant chacune de ces idées nen est pas moins déterminée individuellement, immuablement et complètement dans lentendement suprême, quelles sont les causes originaires des choses et que seul lensemble formé par leur liaison dans [B 375] lunivers est absolument adéquat à lidée que nous en avons.(
) Cependant, avant de quitter cette introduction, je supplie ceux qui ont la philosophie à cur (et le cas est moins fréquent quon ne le dit) je les supplie, sils devaient se montrer convaincus par ce que je viens décrire et par ce qui suit, de prendre sous leur protection lexpression didée ramenée à son sens primitif afin quon ne la confonde plus désormais avec les autres expressions dont on a coutume de se servir pour désigner toutes les sortes de représentations dans le plus insouciant désordre et que la science ny perde plus
En voici une échelle graduée. Le terme générique est la représentation en général (representatio). En dessous se tient la représentation avec conscience (perceptio). Une perception rapportée uniquement au sujet, comme une modification de son état, est sensation (sensatio) ; une perception objective est connaissance (cognitio). La connaissance à son tour est ou intuition ou concept (intuitus vel conceptus). La première se rapporte immédiatement à lobjet et est singulière, le second ne sy rapporte que médiatement, au moyen dun caractère qui peut être commun à plusieurs choses. Le concept est soit un concept empirique, soit un concept pur, en tant quil a sa source uniquement dans lentendement (non dans une image pure de la sensibilité) et sappelle motion. Un concept provenant de notions et qui dépasse la possibilité de lexpérience est lidée, cest-à-dire le concept de la raison.[Kant, Dialectique transcendantale, T.1 , pp. 1029-1031].≥ Des idées transcendantales ≤Jentends par idée un concept nécessaire de la raison auquel aucun objet qui lui corresponde ne peut être donné dans les sens. Ainsi les concepts purs de la raison que nous examinons maintenant sont des idées transcendantales. [B 384] Ce sont des concepts de la raison pure, car ils considèrent toute connaissance dexpérience comme déterminée par une totalité absolue des conditions. Ils ne sont pas forgés arbitrairement, mais ils nous sont donnés comme tâche par la nature même de la raison, et cest pourquoi ils se rapportent dune manière nécessaire à tout lusage de lentendement. Ils sont enfin transcendants et dépassent les limites de toute expérience, où il ne peut donc jamais se trouver un objet adéquat à lidée transcendantale. [Kant, Dialectique transcendantale, T.1 , p. 1036].≥ Système des idées transcendantales ≤Toutes les idées transcendantales se laissent ramener sous trois classes, dont la première contient lunité absolue (inconditionnée) du sujet pensant ; la seconde, lunité absolue de la série des conditions du phénomène ; la troisième, lunité absolue de la condition de tous les objets de la pensée en général. Le sujet pensant est lobjet de la psychologie ; lensemble qui comprend tous les phénomènes (le monde) celui de la cosmologie, et la chose qui contient la condition suprême de la possibilité de tout ce qui peut être pensé (lêtre de tous les êtres), lobjet de la théologie. La raison pure nous fournit donc lidée dune doctrine transcendantale de lâme (psychologia rationalis), dune science [B 392] transcendantale du monde (cosmologiarationalis),enfinduneconnaissance[A 335]transcendantale de Dieu (theologia transcendantalis)
[On observe que] les idées transcendantales ne servent quà sélever dans la série des conditions jusquà linconditionné. Mais pour ce qui est de descendre [A 337] vers le conditionné, il y a bien un usage logique très étendu que fait notre raison des lois de lentendement, mais il ny a point là un usage transcendantal, et si nous nous faisons une idée de la totalité absolue dune synthèse de ce genre (du progressus) , par exemple de la série tout entière de tous les changements futurs du monde, ce nest là quun être de raison (ens rationis) qui nest quarbitrairement pensé, et qui nest pas présupposé nécessairement par la raison. [Kant, Dialectique transcendantale, T.1 , pp. 1041-1042].≥ Le vrai nest pas un terme transcendantal ≤Ceux-là se sont donc trompés entièrement qui ont jugé le vrai un terme transcendantal ou une affection de lÊtre. Car il ne peut sappliquer aux choses elles-mêmes quimproprement ou, si lon préfère dans un but de rhétorique.[Spinoza, Pensées Métaphysiques, chap. VI, p. 261].≥ Les causes qui sont à lorigine des termes dits Transcendantaux jindiquerai brièvement les causes qui sont à lorigine de ces termes omme Être, Chose, Quelque chose. Les voici : le corps humain étant limité, nest capable de former distinctement en lui-même quun certain nombre dimages à la fois ( jai expliqué ce quest limage dans le scolie de la proposition 17) ; si ce nombre est dépassé ces images commenceront à se confondre ; et si le nombre dimages que le corps est capable de former distinctement en lui-même est de loin dépassé, elles se confondront tout à fait entre elles. Puisquil en est ainsi, il est évident (daprès le corollaire de la proposition 17 et la proposition 18) que lesprit humain pourra imaginer distinctement à la fois autant de corps quil peut sen former dimages à la fois dans son propre corps. Mais lorsque les images se confondent entièrement dans le corps, lesprit lui aussi imagine tous les corps confusément, sans aucune distinction et les comprend en quelque sorte (quasi), sousunseulattribut,à savoir sous lattribut de lÊtre, de la Chose, etc.[Spinoza, Ethique II, 40, p. 393].≥ Les degrés de la certitude des sens ≤(9) Pour bien comprendre ce quest la certitude du sens, il faut distinguer en lui trois sorte de degrés. Dans le premier, on ne doit considérer autre chose que ce que les objets extérieurs causent immédiatement dans lorgane corporel ; ce qui ne peut être autre chose que le mouvement des particules de cet organe, et le changement de figure et de situation qui provient de ce mouvement. Le second contient tout ce qui résulte immédiatement en lesprit, de ce quil est uni à lorgane corporel ainsi mû et disposé par ces objets : et tels sont les sentiments de la douleur, du chatouillement, de la faim, de la soif, des couleurs, des sons, des saveurs, des odeurs, du chaud, du froid ; et autres semblables, que nous avons dit dans la sixième Méditation, provenir de lunion et pour ainsi dire du mélange de lesprit avec le corps. Et enfin, le troisième comprend tous les jugements que nous avons coutume de faire depuis notre jeunesse, touchant les choses qui sont autour de nous à loccasion des impressions, ou mouvements, qui se font dans les organes de nos sens.[Descartes, Sixièmes réponses, p. 539].≥ Les individus nexistent que par leur participation aux Idées mêmes ≤Platon continua son maître [Socrate]; mais il admit que les définitions sappliquent réellement à des êtres fort différents des choses sensibles, par cette raison quune commune définition ne peut jamais convenir aux objets des sens, attendu quils sont dans un flot perpétuel. Ces êtres ≤[intelligibles]≥ furent appelés Idées, du nom que Platon leur donna. Il ajouta que tous les objets sensibles existent en dehors des Idées, et quils reçoivent le nom qui les désigne daprès la relation quils ont avec elles ; car les individus multiples qui reçoivent entre eux des appellations synonymes sont homonymes aux Idées, et nexistent que par leur participation aux Idées mêmes. Cest Platon qui introduisit ce mot nouveau de Participation. Les Pythagoriciens sétaient contentés de dire que les êtres sont limitation des nombres ; Platon dit quils sont la participation des Idées, expression qui nest quà lui et quil a inventée. Dailleurs Participation ou Imitation des Idées, Platon et les Pythagoriciens laissaient à qui le voudrait le soin dexpliquer ce quon doit entendre par là. Platon admet encore, en dehors des choses sensibles et des Idées, les êtres mathématiques qui sont les intermédiaires entre les Idées et les choses, différents des objets des sens en ce quils sont éternels et immobiles, et diffèrent des Idées en ce quils peuvent être en très grand nombre semblables les uns aux autres, tandis que, dans chaque genre, lIdée ne peut jamais quêtre seule et unique. Comme les Idées, suivant lui, sont les causes de tout le reste, il dut prendre les éléments des Idées pour les éléments de tous les êtres sans exception ; et de même que, sous le rapport matériel, il adopta pour principes le Grand et le Petit, de même sous le rapport de lessence son principe fut lunité ; car cest par le Grand et le Petit que les Idées qui participent à lunité sont aussi les nombres.[Aristote, Métaphysique, A, VI, p.62].≥ VÉRITÉ La vérité de mon être ≤La soumission à la tyrannie [de la mort], la résignation à une loi universelle, fût-elle raisonnable, mais qui arrête lapologie, compromet la vérité de mon être. Il nous faut donc indiquer un plan à la fois supposant et transcendant lépiphanie dAutrui dans le visage, plan où le moi se porte au-delà de la mort et se relève aussi de son retour à soi. Ce plan est celui de lamour et de la fécondité, où la subjectivité se pose en fonction de ces mouvements. [Lévinas, Totalité et infini p. 284].≥ Lhistoire de la philosophie apporte des solutions variables à des problèmes immuables ≤Lhistoire de la philosophie nest à vrai dire une leçon de scepticisme que si on y voit une série de solutions variables à des problèmes immuables ceux quon appelle les problèmes éternels (liberté, raison, réalité, âme, Dieu, etc.). Si les problèmes demeurent et les solutions varient, la contradiction des systèmes a pour condition la commune mesure dun problème identique. Cette première supposition est liée à une seconde : les réponses variables à des problèmes fixes sont des réponses typiques : réalisme, idéalisme, matérialisme, spiritualisme. Or cest cette interprétation des philosophies comme réponses typiques à des problèmes anonymes abstraits que lon se passerait de main en main qui est à remettre en question.[Ricoeur, Histoire et vérité, p.55].≥ Quest-ce que comprendre une philosophie ? Comprendre une philosophie, cest en saisir soit lintuition centrale, soit la direction du développement, soit lorganisation systématique. La typologie reste au plan de la pensée classificatrice ; elle a sans doute une fonction pédagogique, en ce sens quelle oriente lesprit du débutant vers une sphère de problèmes et de solutions ; elle crée une attente dirigée dans un certain sens, selon le fil conducteur dune représentation universelle (Weltanschauung) plus ou moins impersonnelle et anonyme ; bref elle sert à identifier une philosophie en première approximation en la situant dans un groupe familier (le rationalisme, lempirisme, etc.). Mais la compréhension historique authentique commence précisément au point où cette identification sarrête : il reste à passer du type rationaliste, réaliste, etc., à une philosophie singulière. [Ricoeur, Histoire et vérité, p.57].≥ Le grand philosophe est celui qui pour la première fois sest étonné dune manière dêtre au monde ≤[Cest quun grand philosophe] est avant tout celui qui bouleverse la problématique antérieure qui retaille les questions principales selon un nouveau dessein. Plus radicalement que lhomme qui répond, il est lhomme qui questionne. Le grand philosophe est celui qui pour la première fois sest étonné dune manière dêtre au monde et cet étonnement inaugure une nouvelle manière de philosopher une question qui est quelquun ; la raison philosophique en lui est dabord lélaboration sous forme universelle de sa question fondamentale : problème cartésien de la certitude, problème kantien des jugements synthétiques a priori. Si lon aborde une philosophie nouvelle par ses questions plus que par ses réponses, on a des chances de sapprocher de ce centre où se concentrent les influences ; les philosophies antérieures ny sont plus des causes objectives, mais des aspects de sa situation fondamentale, des aspects dune motivation philosophique. [Ricoeur, Histoire et vérité, pp.58 -59].≥ La perspective finie de ma vocation de vérité Nous avons considéré lidée de vérité comme une abstraction à la fois intemporelle et impersonnelle : telle est bien en première approximation lidée de vérité ; mais elle ne prend ce sens abstrait que parce quelle est lidée-limite corrélative dune tâche qui se propose à des sujets concrets ; elle est lhorizon, le sens final, abstrait, intemporel , impersonnel dune tâche concrète, temporelle et personnelle ; lidée de vérité ne se soutient que par le devoir de penser. Dès lors, lautre terme de la confrontation avec lhistoire nest pas lidée de vérité, mais ma recherche personnelle dont lidée de vérité est lhorizon, le corrélat visé. Quest-ce donc que rechercher la vérité ? Peut-être que la réponse à cette question permettra denglober lhistoire de la philosophie non plus comme le terme antithétique de la vérité mais comme son complément et son chemin privilégié. La recherche de la vérité pour parler très simplement est elle-même tendue entre deux pôles : dune part une situation personnelle, dautre part une visée sur lêtre. Dune part jai quelque chose à découvrir en propre, quelque chose que nul autre que moi na la tâche de découvrir ; si mon existence a un sens, si elle nest pas vaine, jai une position dans lêtre qui est une invitation à poser une question que nul ne peut poser à ma place ; létroitesse de ma condition, de mon information, de mes rencontres, de mes lectures dessine déjà la perspective finie de ma vocation de vérité. [Ricoeur, Histoire et vérité, pp.61-62].≥ Laccessibilité des multiples singularités philosophiques ≤Que veux-je dire par cette formule : « Jespère être dans la Vérité » ? (
) Cette métaphore de la préposition « dans », tout en nous conduisant à cette autre métaphore, celle de la vérité comme milieu ou mieux comme lumière, nous ramène à un thème rencontré en chemin : celui de lêtre comme « ouverture ». Nous lavons opposé en passant à celui de ma situation comme « étroitesse » (ou finitude) ; puis il avait été masqué par celui de la tâche comme recherche tendue vers un horizon. Que signifie cette idée « douverture » ? Elle signifie que les multiples singularités philosophiques Platon, Descartes, Spinoza sont a priori accessibles lune à lautre, que tout dialogue est possible à priori, parce que lêtre est cet acte qui, précédant et fondant toute possibilité de questionner, fonde la mutualité des intentions philosophiques les plus singulières.(
) Lêtre de toute question ouvre originairement chacun à chacun et fonde la vérité historique et polémique de la communication. [Ricoeur, Histoire et vérité, p.66].≥ Certitude philosophique et certitude mathématique ≤Premièrement, les mathématiques parviennent synthétiquement à leurs concepts et peuvent dire avec assurance que ce quelles nont pas voulu se représenter dans leur objet par la définition ny est pas non plus contenu. Car le concept de ce qui est défini provient avant tout de la définition, et na pas dautre signification que celle que lui donne la définition. Si à cela on compare la philosophie, et notamment la métaphysique, on constate quelle est beaucoup plus incertaine dans ses définitions quand elle veut se hasarder à en donner. Car le concept qui est à définir est donné. Si lon ne remarque pas lun ou lautre caractère qui pourtant suffit à le distinguer, et quon juge quaucun de ces caractères ne fait défaut à ce concept exhaustif, la définition devient fausse et trompeuse. Nous pourrions, par dinnombrables exemples, mettre sous les yeux des erreurs semblables, mais à cet égard, je me réfère simplement à celui cité plus haut, du contact. Deuxièmement, les mathématiques, dans leurs déductions et leurs preuves, considèrent leur connaissance générale sous les signes in concreto, la philosophie au contraire indépendamment des signes, toujours in abstracto. Cela fait une notable différence de la manière quont lune et lautre de parvenir à la certitude. [Kant, Principes de la théologie naturelle, T. I, p. 236].≥ Principe didentité et principe de contradiction ≤Tous les jugements vrais doivent être affirmatifs ou négatifs. Puisque la forme de toute affirmation consiste en ce que quelque chose est représenté comme le caractère dune chose, tout jugement affirmatif est vrai si le prédicat est identique au sujet. Et comme la forme de toute négation consiste en ce que quelque chose est représenté comme opposé à une autre chose, un jugement négatif est vrai si le prédicat est en contradiction avec le sujet. Donc la proposition qui exprime lessence de toute affirmation, et contient par conséquent la formule suprême de tout jugement affirmatif sénonce ainsi : A tout sujet convient un prédicat qui lui est identique. Cest le principe didentité. Et comme la proposition qui exprime lessence de toute négation : A aucun sujet ne convient un prédicat qui soit en contradiction avec lui, est le principe de contradiction, cette proposition est la formule première de tous les jugements négatifs. Les deux constituent ensemble, dans le sens formel, les principes suprêmes et universels de toute la raison humaine. Et la plupart se sont ici trompés en accordant au principe de contradiction, par rapport à toutes les vérités, un rang quil ne tient que vis-à-vis des jugements négatifs. [Kant, Principes de la théologie naturelle, T. I, p. 240].≥ Propositions indémontrables et démontrables ≤Mais toute proposition est indémontrable, qui est immédiatement conçue comme soumise à lun de ces principes suprêmes, et qui ne peutpasêtreconçueautrement :cest-à-dire lorsquelidentitéoulacontradiction se trouve immédiatement dans les concepts , sans quils aient la possibilité ou le besoin dêtre saisi par lanalyse, au moyen dun caractère intermédiaire. Toutes les autres propositions sont démontrables. « Un corps est divisible » est une proposition démontrable, car on peut montrer par lanalyse, et par conséquent de façon médiate, lidentité du sujet et du prédicat : le corps est composé, or ce qui est composé est divisible, donc un corps est divisible. Le caractère intermédiaire est ici le fait dêtre composé. Or il y a en philosophie un grand nombre de propositions indémontrables, ainsi quon la rapporté plus haut. Ces propositions, il est vrai, sont toutes placées sous les premiers principes formels, mais dune manière immédiate ; dans la mesure toutefois où elles contiennent en même temps les fondements dautres connaissances, elles sont les premiers principes matériels de la raison humaine. Par exemple, un « corps est composé » est une proposition indémontrable dans la mesure où le prédicat ne peut être pensé que dans le concept du corps comme un caractère immédiat et premier. De tels principes matériels constituent, comme le dit avec raison Crusius, le fondement et la solidité de la raison humaine. Car, il sont la matière des définitions, et les données (die data) à partir desquelles on peut conclure sûrement, même si lon ne possède pas de définitions. [Kant, Principes de la théologie naturelle, T. I, p. 241].≥ La métaphysique na pas de fondements formels ou matériels de la certitude qui seraient dune autre nature que ceux de la géométrie ≤Dans les deux sciences, la forme des jugements a lieu daprès les principes de laccord et de la contradiction. Dans les deux, il y a des propositions indémontrables qui constituent le fondement des déductions. Seulement, alors quen mathématiques les définitions sont des concepts premiers et indémontrables des choses expliquées, il faut quen métaphysique, à leur place, diverses propositions indémontrables indiquent les données premières qui peuvent bien être aussi sûres et qui offrent, soit la matière des explications, soit le fondement de déductions assurées. Il y a même une certitude nécessaire à la conviction dont la métaphysique est capable, autant que le sont les mathématiques, mais ces dernières sont plus faciles et participent davantage à lintuition. [Kant, Principes de la théologie naturelle, T. I, p. 242].≥ Recherche de la cause efficiente Pour la question de savoir quelle idée dune chose parmi de nombreuses autres, permet de déduire toutes les propriétés dun objet, je nobserve quun seul principe : cette idée ou définition doit exprimer la cause efficiente de lobjet. Pour rechercher les propriétés du cercle, par exemple, je me demande si je puis déduire toutes ses propriétés de cette idée : léquivalence [des aires] dune infinité de rectangles construits dune certaine manière ; autrement dit je cherche si cette idée enveloppe la cause efficiente du cercle. Comme il nen est pas ainsi, jen cherche une autre : le cercle est une figure décrite par un segment dont une extrémité est fixe et lautre mobile ; comme cette définition exprime la cause efficiente, je sais que je puis en déduire toutes les propriétés du cercle, etc.[Spinoza, lettre 60, pp. 1256-1257].≥ VOLONTÉ Structure intentionnelle de la conscience ≤Le mot intention le suggère ; et ainsi se justifie lappellation dactes conférés aux unités de la conscience intentionnelle. La structure intentionnelle de la conscience se caractérise, dautre part, par la représentation. Elle serait à la base de toute conscience, théorétique et non-théorétique. Cette thèse de Brentano reste vraie pour Husserl, malgré toutes les précisions quil y aura apportées et toutes les précautions dont il laura entourée dans la notion dactes objectivants. Conscience implique présence, position-devant-soi, cest-à-dire la mondanéité, le fait dêtre-donné. Exposition à la saisie, à la prise, à la compréhension, à lappropriation. La conscience intentionnelle nest-elle pas, dès lors, le détour selon lequel sexerce concrètement la persévérance-dans-lêtre, emprise active sur la scène où lêtre des étants se déroule, se rassemble et se manifeste ? Conscience comme le scénario même de lincessant effort de lesse en vue de cet esse même, exercice quasi tautologique du conatus auquel se ramène la signification formelle de ce verbe privilégié quon nomme, à la légère, auxiliaire. [Lévinas, De Dieu qui vient à lidée, pp. 258-259].≥ La conscience de soi tend à primer laccueil de lautre ≤Même en première personne le désir est autre que la décision, le mouvement autre que lidée, la nécessité autre que le mouvement qui y consent. Le Cogito est intérieurement brisé. Les raisons de cette intime rupture apparaissent si lon considère quelle est la pente naturelle dune réflexion sur le Cogito. Le Cogito tend à lauto-position. Le génie cartésien est davoir porté à lextrême cette intuition dune pensée qui fait cercle avec soi en se posant et qui naccueille plus en soi que leffigie de son corps et leffigie de lautre. Le soi se détache et sexile dans ce que les stoïciens appelaient déjà la sphéricité de lâme, quitte à poser par un mouvement second tout objet à lintérieur de cette enceinte que je forme avec moi-même. La conscience de soi tend à primer laccueil de lautre. Là est la raison la plus profonde de lexpulsion du corps dans le royaume des choses.(
) Descartes nous invite lui-même, plus quil ne lavait soupçonné, à changer de régime de pensée. Comment reconquérir, sur les disjonctions de lentendement, le sentiment dêtre tour à tour livré à mon corps et maître de lui, sinon par une conversion de la pensée qui, se détournant de mettre à distance de soi des idées claires et distinctes, essaie de coïncider avec une certaine épreuve de lexistence qui est moi en situation corporelle ?[Ricoeur, Le volontaire et linvolontaire, pp. 17-18].≥ Les plaisirs au titre de principes déterminants de la volonté ≤Si, avec Epicure, nous ne retenons dans la vertu, comme détermination de la volonté que le simple plaisir quelle promet, nous ne pouvons pas ensuite lui reprocher de considérer ce plaisir comme étant de même nature que les plaisirs des sens les plus grossiers ; car il ny a aucune raison pour le blâmer davoir attribué uniquement aux sens corporels les représentations par lesquelles ce sentiment serait excité en nous. Il a recherché la source de beaucoup dentre elles, autant quon peut le conjecturer, aussi bien dans lusage de la faculté supérieure de connaître ; mais cela ne lempêchait pas et ne pouvait pas non plus lempêcher de considérer, une fois ce principe posé, même le plaisir que nous procurent ces représentations assurément intellectuelles, et par lequel seul elles peuvent être des principes déterminants de la volonté, comme étant tout à fait de même nature que les autres plaisirs. [Kant, Critique de la raison pure, 1ère partie, Analytique, T2, p. 634].≥ Lautonomie de la volonté en tant quelle est pure et pratique en elle-même ≤ Puisque le monde intelligible contient le fondement du monde sensible, et par suite aussi de ses lois et quainsi au regard de ma volonté (qui appartient entièrement au monde intelligible) il est un principe immédiat de législation, et puisque cest aussi de cette manière quil doit être conçu, quoique par un autre côté je sois un être appartenant au monde sensible, je nen devrai pas moins, comme intelligence, reconnaître que je suis soumis à la loi du premier, cest-à-dire à la raison qui contient cette loi dans lidée de la liberté, et par là à lautonomie de la volonté ; je devrai considérer conséquemment les lois du monde intelligible comme des impératifs pour moi, et les actions conformes à ces principes comme des devoirs. Ainsi, des impératifs catégoriques sont possibles pour cette raison que lidée de liberté fait de moi un membre dun monde intelligible. [Kant, Fondements de la métaphysique des murs, IIIe section, IV 454].≥ La volonté peut bien exister sans le désir, mais non le désir sans la volonté qui doit lavoir précédé ≤On pourrait enfin nous objecter quil y a beaucoup de choses que nous voulons et ne voulons pas, comme par exemple : affirmer ou ne pas affirmer quelque chose dune chose, dire la vérité, ou ne pas la dire, etc. Cela vient de ce quon ne distingue pas assez le désir et la volonté ; car la volonté pour ceux qui ladmettent est seulement luvre de lentendement, par laquelle nous affirmons ou nions quoi que ce soit dune chose sans tenir compte du bien ou du mal ; au contraire, le désir est une forme, qui a pour objet dans lâme la poursuite ou laccomplissement dune chose en tenant compte du bien ou du mal quon voit en elle. Ainsi le désir est aussi en nous, après que nous avons affirmé ou nié quelque chose dune chose ; cest-à-dire quaprès voir éprouvé ou affirmé quune chose est bonne en quoi selon eux consiste la volonté vient seulement le désir ou inclination à atteindre cette chose. Ainsi, dans leur propre langage, la volonté peut bien exister sans le désir, mais non le désir sans la volonté qui doit lavoir précédé. [Spinoza, Court Traité, chapitre XVI De la volonté, pp. 68-69].≥ Quil ny a en nous que deux sortes de pensées, à savoir la perception de lentendement et laction de la volonté ≤Car toutes les façons de penser que nous remarquons en nous peuvent être rapportées à deux générales, dont lune consiste à apercevoir par lentendement, et lautre à se déterminer par la volonté. Aussi sentir, imaginer et même recevoir des choses purement intelligibles, ne sont que des façons différentes dapercevoir ; mais désirer, avoir de laversion, assurer, nier, douter, sont des façons différentes de vouloir. [Descartes, Principes, p. 585].≥ Il ny a en nous que fort peu de notions primitives ≤
Premièrement, je considère quil y a en nous, certaines notions primitives, qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances. Et il ny a que fort peu de telles notions ; car, après les plus générales, de lêtre, du nombre, de la durée, etc., qui conviennent à tout ce que nous pouvons concevoir, nous navons, pour le corps en particulier, que la notion de lextension, de laquelle suivent celles de la figure et du mouvement, et pour lâme seule, nous navons que celle de la pensée, en laquelle sont comprises les perceptions de lentendement et les inclinations de la volonté ; enfin, pour lâme et le corps ensemble, nous navons que celle de leur union, de laquelle dépend celle de la force qua lâme de mouvoir le corps, et le corps dagir sur lâme, en causant ses sentiments et ses passions. [Descartes, Lettre à Elisabeth,, p. 1152].≥ Le temps est venu pour nous de conclure : bien que limitée aux textes de sept philosophes européens [trois Français (Descartes, Lévinas et Ricoeur), un Allemand (Kant), un Néerlandais (Spinoza), deux Grecs (Platon et Aristote)], notre quête philosophique offre une ouverture relativement importante sur les principaux discours philosophiques qui ont été tenus. Si la synthèse de Lévinas nous a permis dobtenir une refiguration fiable de son uvre, labsence de ce type de document chez les autres philosophes ne nous autorise pas, en ce qui les concerne, à prolonger la méthode. Une meilleure connaissance de chaque philosophie, dans son adéquation au réel, permettrait sans doute de le faire, en retrouvant lordre approprié de présentation des glossèmes pour chacun dentre eux. Quoiquil en soit, lexhaustivité ayant été exclue de cette recherche parfaitement libre et ouverte, nous sommes à même dobserver, quau regard de la philosophie entière, ces glossèmes, dans la mesure où ils sous-tendent un accomplissement, ont une grande importance dans notre vie ; ils représentent un segment éclairant avec nombre dimplications possibles dans les affirmations fondamentales du « je suis », « je dois », « je peux », « je veux », « je suis enclin à », « je tiens pour vrai », « je suis fondé à », « je suis capable dimputation », « je suis responsable », « je désire que », « je décide que », etc. Le lecteur pourra sexercer à mettre en concordance les glossèmes de la liste avec ces différentes attitudes propositionnelles. Ainsi sera-t-il en mesure dacquérir la conviction quils sy trouvent nécessairement et suffisamment impliqués. Ainsi,aprèsavoirdétachécertainsglossèmesdudiscoursphilosophiquedeLévinas, sommes-nous parvenu à les repérer dans dautres discours philosophiques antérieurs, ce qui met en relief la complétude et lintérêt de son uvre, toute empreinte dinspiration phénoménologique, sauvée par bonheur dune destruction que, pendant un certain temps, le manque déditeur avait fait redouter. [1] La série descendante qui va vers le conditionné, sera pourtant un problème pour la raison pratique. Le souverain bien dans un monde possible implique en effet la convergence de tous les changements futurs du monde, la conciliation du règne de la nature et du règne des fins. [2] La métaphysique na pour fin propre de ses recherches que trois idées : Dieu, la liberté, et limmortalité, en sorte que le second concept, lié au premier, doit conduire au troisième comme à une conclusion nécessaire. Tout ce dont cette science soccupe par ailleurs nest pour elle quun moyen darriver à ces idées et à leur réalité. Elle nen a pas besoin pour étayer la connaissance de la nature, mais pour s élever au-dessus de la nature. Si lon pénétrait dans ces objets, la théologie, la morale et par lunion des premières la religion, cest-à-dire les fins les plus élevées de notre existence, ne dépendraient que de la raison spéculative et de rien dautre. Date de création : 06/11/2007 @ 10:42 Réactions à cet article
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