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Livres historiques 4 (Théologie 1)

LIVRES HISTORIQUES 4
- LIVRE DE JOB
- LES PSAUMES
CHAPITRE V
LIVRE DE JOB
Yahvé, je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant que mes yeux t'ont vu.
Aussi je me rétracte et m'afflige sur la poussière et sur la cendre (Livre de Job 42,5.6).
Le livre de Job est considéré comme le chef-d'œuvre littéraire du mouvement de "Sagesse"qui a traverséle grand courant prophétique qui est allé en s'amplifiant depuis Moïse jusqu'à l'arrivée de Jean-Baptiste et du Sauveur.Job, personnage principal du drame qui va être relaté,est un héros des anciens temps[i]; il est censé avoir vécu à l'époque patriarcale, aux confins de l'Arabie et des pays d'Edom dont les sages étaient célèbres (Jn.,49,7)[ii].
La tradition le tenait pour un grand juste qui était resté fidèle à Dieu dans une épreuve exceptionnelle: frappé d'abord dans ses biens puis dans ses enfants, il avait accepté que Dieu reprenne ce qui lui avait été donné; enfin, atteint dans sa chair par une maladie répugnante et douloureuse, il était resté soumis et avait repoussé sa femme qui lui avait conseillé de maudire Dieu.
L'exposé de ces épreuves constitue le Prologue en prose (chap.1et 2) qui s'achève par l'annonce de l'arrivée de trois amis de Job, Eléphaz de Témân, Bildad de Shuah, et Sophar de Naamat venus pour le plaindre et le consoler.
"Après ce prologue s'ouvre un grand dialogue poétique qui forme le corps du livre: en trois cycles de discours,3-14,15-21,22-27, Job et ses amis confrontent leurs conceptions de la justice divine; les idées progressent d'une marche assez libre, plutôt par un ren- forcement de lumière sur des principes posés dès le début. Eléphaz parle avec la modération de l'âge et aussi avec la sévérité que peut donner une longue expérience des hommes.Sophar suit les emportements de la jeunesse, Bildad (ou Baldad) est un sentencieux qui se tient dans une gamme moyenne. Mais tous trois défendent la thèse traditionnelle des rétributions terrestres: si Job souffre, c'est qu'il a péché; il peut paraître juste à ses propres yeux mais il ne l'est pas aux yeux de Dieu. En tout état de cause, il y a des justes qui souffrent, et cruellement, et Job est de ceux-là.
Le lecteur sait par le prologue que ses maux viennent de Satan et non de Dieu et qu'ils servent à éprouver la fidélité de celui qui souffre. Mais Job ne le sait pas, ni ses amis. Ceux-ci donnent les réponses traditionnelles: le bonheur des méchants est de courte durée, le malheur du juste éprouve sa vertu, ou bien encore, la peine châtie des fautes commises par ignorance ou par faiblesse. Cela tant qu'ils croient à l'innocence relative de Job, mais les cris que lui arrache la douleur, ses emportements contre Dieu leur font admettre chez lui un état d'injustice beaucoup plus profond: les mauxqu'endure Jobnepeuvents'expliquer que commelechâtiment de péchés graves.
Les discours d'Elihu approfondissent ces solutions: si Dieu afflige ceux qui paraissent justes, et c'est l'apport le plus original de ces chapitres, c'est pour prévenir des fautes plus graves et guérir de l'orgueil. Mais Elihu maintient comme les trois amis, bien qu'avec moins de dureté, la liaison entre la souffrance et le péché personnel. Contre cette corrélation rigoureuse, Job s'élève avec toute la force de son innocence. Il ne nie pas les rétributions terrestres, il les attend et Dieu les lui accordera finalement dansl'épilogue.Mais c'est pour lui un scandale qu'elles lui soient refusées présentement et il cherche en vain le sens de son épreuve.Il lutte désespérément pour retrouver Dieu qui se dérobe et qu'il persiste à croire bon. Et lorsque Dieu intervient,c'est pour dévoiler latranscendance de son être et de ses desseins et réduire Job au silence.
Telle est la leçon religieuse du livre: l'homme doit persister dans la foi alors même que son esprit ne reçoit pas d'apaisement. A cette étape de la Révélation, l'auteur du livre de Job ne pouvait pas aller plus loin. Pour éclairer le mystère de la douleur innocente, il fallait attendre d'avoir l'assurance des sanctions d'outre-tombe et d'avoir connaissance delavaleur delasouffrance des hommes unie àcelledu Christ.
A la question angoissée de Job répondront deux textes de saint Paul: "Les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous"(Rm.,8,18) et:"Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Eglise"(Col.,1,24).
Dans un très court épilogue qui conclut le livre, Yahvé blâme les trois interlocuteurs de Job et rend à celui-ci des fils et des filles et le double de ses biens (42,7-17)"[iii].
Paragraphes d'appui:
I. PROLOGUE
Satan met Job à l'épreuve:(Jb.,1,1-23).
II. DIALOGUE
1. Premier cycle de discours.
Job maudit le jour de sa naissance:(Jb.,3,1-26).
Confiance en Dieu:(Jb.,4,1-21)et(Jb.,5,1-27).
L'homme accablé connaît seul sa douleur:(Jb.,6,1-30)et(Jb.,7,1-21).
Le cours nécessaire de la justice divine:(Jb.,8,1-22).
La justice divine domine le droit:(Jb.,9,1-35)et(Jb.,10,1-22).
La sagesse de Dieu appelle l'aveu de Job:(Jb.,11,1-20).
La sagesse de Dieu se manifeste par les ravages de sa puissance:
(Jb.,12,1-25)
(Jb.,13,1-28)
(Jb.,14,1-22).
2. Deuxième cycle de discours.
Job se condamne par son langage:(Jb.,15,1-35).
De l'injustice des hommes à la justice de Dieu:(Jb.,16,1-22); (Jb.,17,1-16).
La colère ne peut rien contre l'ordre de la justice:(Jb.,18,1-21).
Le triomphe de la foi dans l'abandon de Dieu et des hommes:(Jb.,19,1-29).
L'ordre de la justice est sans exception:(Jb.,20,1-29).
Le démenti des faits:(Jb.,21,1-34).
3. Troisième cycle de discours.
Dieu ne châtie qu'au nom de la justice:(Jb.,22,1-30).
Dieu est loin et le mal triomphe:(Jb.,23,1-17)et(Jb.,24,1-17+25).
Hymne à la toute-puissance de Dieu:(Jb.,25,1-6)et(Jb.,26,5-14).
Bildad parle en l'air:(Jb.,26,1-4).
Job, innocent, connaît la puissance de Dieu:(Jb.,27,1-12).
Discours de Sophar, le maudit:(Jb.,27,13-23)et(Jb.,24,18-24).
4. Eloge de la Sagesse.
La Sagesse inaccessible à l'homme:(Jb.,28,1-28).
5. Conclusion du dialogue.
Plaintes et apologie de Job:
A. Les jours d'antan:(Jb.,29,1-20).
B. Détresse présente:(Jb.,30,1-31).
Apologie de Job:(Jb.,31,1-37+40b).
III. DISCOURS D'ELIHU
Intervention d'Elihu:(Jb.,32,1-6).
Exorde:(Jb.,32,7-22).
La présomption de Job:(Jb.,33,1-33).
L'échec des trois sages à disculper Dieu:(Jb.,34,1-37).
Dieu n'est pas indifférent aux affaires humaines:(Jb.,35,1-16).
Le vrai sens des souffrances de Job:(Jb.,36,1-21).
Hymne à la sagesse toute-puissante:(Jb.,36,22-33)et(Jb.,37,1-24).
IV. DISCOURS DE YAHVE
. Premier discours
La Sagesse créatrice confond Job:(Jb.,38,1-41);(Jb.,39,1-30); (Jb.,40,1-5).
. Second discours
Maîtrise de Dieu sur les forces du mal:(Jb.,40,6-14).
Béhémotte:(Jb.,40,15-24).
Léviathan:(Jb.,40,25-32)et(Jb.,41,1-26).
Dernière réponse de Job:(Jb.,42,1-6).
V. EPILOGUE
Yahvé blâme les trois sages:(Jb.,42,7-9).
Yahvé restaure la fortune de Job:(Jb.,42,10-17).
EXEGESE PATRISTIQUE
SAINT JEAN CHRYSOSTOME
COMMENTAIRE SUR JOB
L'existence d'un commentaire grec du "Livre de Job" attribué à saint Jean Chrysostome avait été signalée explicitement par A.Bandini, en 1762, lorsqu'il en publia la première page. D'autres fragments issus de chaînes exégétiques et qui s'avérèrent peu fidèles avaient été édités aux XVIème et XVIIème siècles. En outre, deux tentatives avortées du "Commentaire complet" avaient été signalées en 1793(F.Fontanius) et en 1912 (L.Dieu).
Il fallut donc attendre la thèse de M. l'abbé Sorlin soutenue devant l'Université de Lyon II en 1975 pour avoir à notre disposition une édition critique complète de ce texte dont l'établissement repose sur une double tradition:
I. La tradition directe, représentée par les deux manuscrits de base "Le Mosquensis" et le "Laurentianus Med.IX", datant des Xème et XIème siècles;
II. La tradition indirecte représentée par un choix de huit manuscrits de chaînes exégétiques qui donnent chacun le texte de façon fragmentaire, et dont l'abbé Sorlin a fait l'examen critique.
H.Sorlin a relevé pour nous les principaux thèmes du Commentaire par Chrysostome: les plus importants concernent la Providence, la souffrance du juste et la prospérité des impies, la tentation et la mort, sans omettre les thèmes plus restreints comme le rôle des anges, l'éducation des enfants,.etc.
Après ce bref recensement,il a précisé l'axe de synthèse qui lui a permis de délimiter adéquatement ce vaste sujet[iv]:"Sans méconnaître l'intérêt de tous ces thèmes, ni celui du parallélisme de détail entre (son) texte et les autres oeuvres de Chrysostome, par- fois si caractéristiques,(il)s'est bornéà envisager les deux grands adversaires de ce combat héroïque qui a Dieu pour agonothète[v]: le diable et Job". De ce combat aux péripéties multiples, le diable est sorti grand vaincu tandisque Job a su préserver son image de valeureux vainqueur.
Danslaprésente étude,le vainqueur retiendra enprioriténotreattention, principalement dans l'analyse qu'en a faite Chrysostome[vi]. D'un bout à l'autre de son oeuvre, en effet, ce sont les mêmes caractères qui l'ont frappé: Job est un homme et il est l'athlète de Dieu; il est enfin le modèle de cette philosophie qui, pour "saint Jean bouche d'or", est la véritable sagesse.
L'homme.
Un homme irréprochable.
(I,1)"Il y avait au pays d'Ausitis un homme qui s'appelait Job"(a). Considère que c'est là un premier éloge "d'être un homme"[vii]. "Dans le pays d'Ausitis (ou d'Uç)" dit-il. Il y a dans ces mots un grand éloge. C'est que, vivre en Arabie, où tout le monde était corrompu, et où il n'y avait aucun exemple de justice, c'était admirable."Et cet homme était un homme-un homme,encoreune fois-irréprochable, juste, vrai, religieux, se trouvant éloigné de toute action mauvaise(b). Où sont ceux qui disent que la nature humaine incline plutôt vers le mal? Quelle crainte, quels tribunaux, quelles lois ont fait de Job ce qu'il est? C'est, en effet, parce que l'Ecriture disait: Il n'y a pas de juste qui fasse le bien et qui ne pèche pas(c), que le texte qualifie Job d'irréprochable...Il n'a pas dit sans péché, mais "irréprochable". Non seulement il ne commet- tait pas d'action entachée de péché, mais il n'en commettait même pas de blâmables et de répréhensibles; et tu entendras le texte lui-même le dire plus tard. Chaque fois, en effet, qu'il parle de sa vertu, souviens-toi de ces paroles; car, c'est là encore un trait de la sagesse de Job: il ne parle pas de sa vertu, sauf quand il y est obligé. C'est ainsi que Paul disait:"Je suis insensé de me vanter, maisc'estvous quim'y avez contraint"(d).Pourquoi"irréprochable"?
C'est parce qu'il est"juste".
Un homme véritable.
(I,1 suite) "Vrai".Car,"les hommes sont menteurs"(e). (Etre)"vrai", non seulement en paroles, mais aussi en actes, c'est cela être "un homme vrai","car voilà l'essentiel pourtout homme:crains Dieu et observeses commandements"(f).De même,en effet,queles statues humaines sont defauxhommes,de même aussices hommes-làsont des hommes faux; si, en effet,"l'essentiel pour tout homme est de craindre Dieu", celui qui ne craint pas Dieu n'estpasunhomme,mais un homme faux.Job avaitla passion des actions vraies; c'est pourquoi dit le texte il était "religieux (et) vrai". C'est ensuite qu'il indique la cause de toutes ses vertus: il révérait Dieu. Ce sont ces vertus, qui, en effet, lui ont fait connaître Dieu; car une vie belle fait connaître Dieu, comme une vie mauvaise produit aussi le contraire; la connaissance de Dieu se découvre à travers la vie et devient gardienne de vie. Aussi il ne faut pas chercher d'autre origine au paganisme qu'une vie impure:"Tout homme qui fait le mal hait la lumière, et ne vient pas à la lumière"(g)..."Qu'on ne dise de personne (pour l'excuser): C'était un homme. Regarde: lui aussi était un homme...C'était un homme, et pourtant, il a pu jusqu'au bout garder sa vertu; dans un corps de boue, il a fait preuve d'une si grande piété"!
On retrouve la même exégèse dans la deuxième catéchèse Ad illuminan- dos:"Etre un homme ce n'est pas seulement avoir des mains et des pieds d'homme, ce n'est pas seulement être raisonnable, mais c'est s'exercer avec confiance dans la piété et la vertu"...De même, dans la 23ème homélie sur la Genèse, après avoir parlé de Noé, Chrysostome écrit:"On peut trouver un autre juste pour lequel ce nom d'homme est donné comme le plus grand éloge...Qui est-ce ? C'est le bienheureux Job, l'athlète de la piété. ..'As-tu remarqué mon serviteur Job et qu'il n'y a pas d'homme semblable à lui ?'Tu as vu: lui aussi est proclamé par le nom de notre commune nature. Sans doute, nous sommes tous pareils par la forme et par l'aspect. Ce n'est pas cela être un homme, mais c'est s'abstenir du mal et rechercher la vertu".
Son insertion dans l'histoire.
Comme tout homme, Job a une histoire. Chrysostome souligne que rien dans ses ancêtres ne prédisposait Job à une pareille justice. Le cinquième après Abraham, il avait pour ancêtre Esaü (frère aîné de Jacob) qui, comme le fait remarquer Chrysostome,"ne lui a causé aucun préjudice". D'où cette nouvelle précision:
(Prol.2) "Tu le vois: Dieu a envoyé des maîtres à tous les hommes. Toi, remarque comment, dès le départ, la connaissance de Dieu était partout manifeste. Tu peux voir, en effet, que même les amis de Job avaient aussi une notion de Dieu. Qui les en avait instruits? Qui la leur avait annoncée? Car, à mon avis, Job est antérieur à la Loi; c'est l'évidence même. Aussi, pourrait-on dire à juste titre, que c'est ce livre-là qui, le premier, a comme enseigné et proclamé la connaissance de Dieu, mais à travers une vie de patience, c'est évident".
Dans son traité Ad eos qui scandalizati sunt, après avoir fait l'éloge de Job, Chrysostome ajoute:"Pourtant, non seulement il n'avait pas d'ancêtres bons, mais ils avaient montré bien des vices. A propos de son ancêtre, Paul écrit:'Que personne ne soit impudique ou profanateur comme Esaü qui, pour un seul plat, vendit son droit d'aînesse'. De même dans la7ème homélie sur la conversion, Chrysostome montre que Dieu ne ferme pas son cœur aux enfants pour les crimes de leurs pères-Abraham était le fils d'un idolâtre-, puis il s'étend sur les vices d'Esaü:"Ecoute quelle fut sa descendance: Esaü engendra Raguel, Raguel Zara, et Zara Job.
Le mystère de sa sainteté: qui l'a formé, sinon Dieu?
(Prol.4) "Regarde les raisonnements naturels, comme ils sont lumineux! D'où vient que Job a découvert Dieu? D'où vient qu'il l'a si bien servi? D'où vient qu'il a évité l'erreur? D'où vient qu'il a donné l'exemple d'une conduite évangélique[viii]? D'où vient qu'il a fait preuve d'une si grande patience? Il n'a en effet, rien appris de personne. D'où vient donc qu'il soit devenu un tel homme? Qui l'a instruit? Qui l'a formé? Tu le vois, le Christ n'est venu enseigner rien de nouveau ni rien d'insolite".
Cette idée a frappé Chrysostome: "Que dire de Job ? Quels prophètes avait-il entendus ? De quelle catéchèse a-t-il joui ? Et pourtant, sans avoir rien reçu, il a manifesté toute forme de vertu" (Ad eos qui scandalizati sunt)."La Loi n'avait pas été donnée, les Prophètes n'avaient pas paru, la Grâce n'avait pas été répandue"(A Olympias, lettres IV et XVII)."Qu'il me soit permis de vous le dire: ce bienheureux Job, s'il ne fut pas plus grand que les Apôtres, ne leur fut pas inférieur. Ceux-ci avaient la consolation de souffrir pour le Christ...Lui n'avait la consolation ni des signes ni de la grâce. Il n'avait pas une aussi grande puissance de l'Esprit..."(Homélie 23, in Matt.,7).
Le modèle des pères.
Il forme ses enfants à l'union.
(1,6). Et lorsque, dit le texte, ils avaient mis fin en commun aux jours du festin (Job,1,5). Voilà bien la preuve d'une profonde affection, c'est pourquoi saint Paul, lui aussi, prescrivait:"Lorsque vous vous réunissez pour le repas, attendez-vous les uns les autres"(h). La communauté de la table crée une telle communauté de liens, qu'elle l'emporte même sur la méchanceté des brigands; on dit en effet, que, lorsqu'ils ont partagé'le sel et la table'avec des convives, ils changent d'attitude envers eux, et qu'ils ne font pas preuve de leur méchanceté à l'égard de leurs commensaux: ainsi, Job avait découvert une méthode qui associait l'agréable et le nécessaire, en les habituant à prendre chaque jour leur repas en commun. Note aussi cette vénérable coutume: c'étaient ses fils qui s'en occupaient et non ses filles. C'était eux, en effet, dit-il, qui préparaient le festin, et cela, non pas une fois, ni deux, mais tout le temps.
"Et lorsqu'ils avaient mis fin en commun aux jours de festin, Job les envoyait chercher et les purifiait"(Job,1,5). Où les envoyait-il chercher? Et comment les purifiait-il?Quel était le mode de la purification? Et pourquoi les purifiait-il? y avait-il quelque aliment impur dansle banquet?Que signifie doncl'expression en question? Ecoute la suite et apprends ce que signifient les mots: "il les purifiait". Il ne les purifiait pas d'une souillure corporelle-cette loi, en effet, n'existait pas encore-, mais d'une souillure intérieure.
Son souci de leurs fautes cachées.
(1,7). Pour t'éviter, en effet, de soupçonner aucun mal, écoute ce que dit le texte: Se levant de bonne heure, il offrait pour eux des sacrifices selon leur nombre, et un veau pour les péchés de leurs âmes. Job disait, en effet: Peut-être mes fils ont-ils conçu dans leur cœur de mauvaises pensées contre Dieu(Job,1,5).
Voilà ce que signifie:"il les purifiait". C'est pour leurs fautes cachées et leurs fautes inavouées qu'il offrait des sacrifices. Si Job prenait tant de précautions pour les fautes cachées et intérieures, imagine celles qu'il prenait pour les fautes visibles. Regarde commentil mettait en pratique avec empressement ce mot de l'Apôtre:"Vous, pères, élevez vos enfants en leur donnant une formation et des réprimandes qui s'inspirent du Seigneur"(i). C'est là avoir soin de ses enfants; c'est là exercer sa protection paternelle. Songe à quel point de perfection il voulait les amener. Il a donc mis en évidence leur vertu,en parlant deleur parfaite entente, mais en faisant ensuite sentir que c'était la protection paternelle qui en était la cause."Peut-être, disait-il, mes fils ont-ils conçu dansleurs cœurs de mauvaises penséescontre Dieu".Ils n'auraient pas osé, en effet, exprimer ces pensées avec un tel éducateur et un tel maître; mais, comme les fautes cachées ne pouvaient pas être l'objet d'une enquête, il pensa et il estima que, de cette façon, même ces fautes-là pouvaient lui échapper.Pour les fautesvisibles, ils pourront les corriger.
Mais que pourraient-ils donc faire en ce qui concerneles fautes cachées?Et pourtant Dieu dit à Moïse:"A vous et à vos enfants ce qui est visible, au Seigneur Dieu ce qui est caché"(j). Cependant, Job n'a même pas laissé à Dieu les fautes cachées, mais il s'obligeait à corriger personnellementmême cesfautes-là,en usantd'une méthode pédagogique;du même coup, en effet, cette méthode lui permettait, non seulement de supprimer leurs fautes, mais encore de les instruire. Car ceux-ci sachant qu'il appartient au Seigneur de châtier aussi bien les pensées intérieures que les actes coupables-leur père, en effet, n'aurait pas offert un sacrifice, s'il ne s'était pas préoccupé d'effacer une faute-, et recevant continuellement cet enseignement par ses sacrifices, auraient davantage hésité, si quelque pensée de ce genre s'était présentée à eux.
Tu vois qu'il corrigeait non seulement les fautes concernant les actions, mais aussi celles qui concernent les pensées, réalisant ainsi par les actes la parole du Christ:"C'est du cœur que sortent les mauvaises pensées, et c'est là ce qui souille l'homme"(k). C'est donc parce que c'est cela qui souille l'homme qu'il les purifiait. Tu vois là une purification qui n'est ni mosaïque, ni inspirée par la Loi, mais apostolique, puisqu'il cherchait à purifier chaque jour leur pensée, non seulement en les exhortant et en les conseillant, mais encore en les protégeant et en adressant des prières à Dieu. Ce n'est pas simplement en père, mais en prêtre qu'il se souciait d'eux. Et pourtant, nous savons qu'il n'existait alors aucun prêtre.
Stoïque dès les premières grandes épreuves.
A l'annonce de la mort prématurée de ses fils et de ses filles.
(1,20).Ce messager[ix] parlait encore quand un autre vient trouver Job en disant: Tes fils et tes filles étaient en train de manger et de boire chez leur frère aîné quand, soudain, un grand vent est arrivé du désert et s'est attaqué aux quatre coins deta maison;la maison s'est écroulée sur tes enfants, et ils sont morts; je suis le seul rescapé etsuisvenuteprévenir(Job,18,19).Réfléchis-moi,encore au caractère profondément pitoyable de cette mort; non seulement en elle-même, mais parce que ses enfants étaient exceptionnels, et justement dans la fleur de l'âge.
(1,21).A ces mots, Job se leva et déchira ses vêtements(Job,1,20).
Ne crois pas que ce geste marque une défaite, bien-aimé. C'est surtout un signe de victoire. Car, s'il n'avait rien fait, il aurait eu l'air d'être insensible; mais, en fait, il se montre à la fois sage, paternel et religieux[x]...Ce n'est pas seulement la perte de ses enfants qu'il déplore, mais la façon dont ils sont morts. Qui n'aurait pas été bouleversé par ces évènements? Quel homme d'acier n'en aurait pas été affecté?
(1,22).Et étant tombé à terre, il se prosterna(Job,1,20).
(1,23).Il rasa la chevelure de sa tête, dit le texte, et, étant tombé à terre, il se prosterna devant le Seigneur et dit: Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j'y retournerai(Job,1,20.21). Vois comment il s'est dépouillé. Vois comment il s'est détaché de toute affection. Est-ce que, en effet, dit-il, je possède quelque chose? Remarque que, par ses actes, il a réalisé les paroles de l'Apôtre: "Nous n'avons en effet rien apporté en ce monde, et nous ne pouvons rien en emporter"(l). Considère comme les paroles qu'il prononce sont utiles, non seulement à lui-même, mais à nous aussi...
(1,24).Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté; il en a été comme le Seigneur l'a décidé(Job,1,21). Tu vois, il a cru que c'était Dieu qui avait ôté. Mais nous, ne pouvons-nous pas dire cela? Voilà la seconde consolation: et que ce qui nous a été pris ne nous appartenait pas, et que c'est Dieu qui l'a pris, même si cela nous appartenait.
(1,25).Que le nom du Seigneur soit béni pour les siècles(Job,1,21).
...Brusquement, lui qui avait beaucoup d'enfants, se trouve sans enfants; mieux ne vaut pas recevoir, que de recevoir seulement pour apprendre de quoi on a été privé; ainsi, la paix, le calme, la sérénité d'autrefois ont rendu son malheur plus pénible; mais était-il fâché quand il parlait ainsi? Nullement."Que le nom du Seigneur soit béni pour les siècles". Non seulement maintenant, au moment où le Seigneur a pris, ni seulement au moment où il a donné, mais toujours et sans cesse.Non seulementJob n'a pasblasphémé,mais il a béni. Il ne s'est pas contenté de supporter son malheur en silence, mais il a glorifié Dieu non seulement pour le présent, mais encore pour l'avenir. Car si l'avenir est inconnu, il n'en faut cependant pas moins rendre grâces quoi qu'il arrive.
(1,26).Dans tout ce qui lui arriva, dit le texte, Job ne pécha pas devant le Seigneur, même des lèvres, et il ne taxa pas Dieu de folie(Job,1,22). Ne crois pas qu'il s'est tu devant les hommes et pas devant Dieu. Mais il n'a même pas péché en pensée..."Et, dit le texte, il ne taxa pas Dieu de folie". L'expression est obscure, mais c'est justement ce que dit aussi David:"(Je crie) la nuit, et on ne me taxe pas de folie"(m). C'est précisément ce qui s'est passé ici aussi, c'est-à-dire, il n'a pas accusé les évènements d'injustice; il n'a pas dit: je suis juste, et n'ai conscience d'aucune faute; ces gens-là sont florissants, tandis que moi je suis plongé dans des maux sans nombre; pourquoi? Quelle injustice, quelle faute ai-je commise ? Est-ce que Dieu se soucie de nos affaires? Mais il n'a rien dit ni rien pensé de semblable à ce que font maintenant bien des gens, quand ils en voient d'autres couler des jours heureux, tandis qu'eux-mêmes sont plongés dans les pires épreuves. Ce ne sont donc pas les évènements , mais la perversité de la pensée qui nous fait soupçonner Dieu de méchanceté, car, alors, Job l'aurait soupçonné, lui aussi.
(a)et(b)Job,1,1;(c)Eccl.,7,20;(d)2Cor.,12,11;(e)Ps.,61,10;(f)Eccl.,12,13; (g)Jn.,8,20;(h)1Cor.,11,33;(i)Ephés.,6,4;(j)Deut.,29,28;(k)Matt.,15,19.20; (l)1Tim.,6,7;(m)Ps.,21,3.
L'athlète de Dieu.
L'intervention du diable.
(1,8).Et voici que, ce jour-là, dit le texte, les anges de Dieu vinrent se présenter devant lui, et le diable vint avec eux,après avoir par- couru la terre et circulé dans les étendues sub-célestes (Job.1,6).
Désormais, le spectacle s'ouvre: l'athlète est traîné sur le stade. Pour que personne justement ne dise que le diable avait dit:"Est-ce que Job t'honore gratuitement"?(a), c'est non seulement au diable, mais, à travers lui, à tous ses partisans que Dieu ferme la bouche. Oui, vraiment, il était "juste, vrai, religieux"; mais il n'y a rien d'étonnant réplique le diable: il n'a subi aucune épreuve, il n'a essuyé aucune tempête, aucun naufrage. Montre-le moi dans la pauvreté, montre-le moi dans les revers. Si c'est dans la prospérité et la richesse qu'il était pieux, quoi d'étonnant? Et pourtant, c'était étonnant, homme, car il n'est pas moins glorieux d'être pieux dans la richesse que de l'être dans la pauvreté. Ecoute la parole du Prophète:"J'ai envié les impies, en considérant la paix dont jouissent les pécheurs"(b). Ou encore:"Ils ne partagent pas les souffrances des hommes,etils ne seront pas châtiés avec leshom- mes; c'est pourquoi l'orgueil s'est emparé d'eux jusqu'au bout"(c). Tu vois que ce n'était pas, non plus, une mince épreuve d'être riche, et d'être dans l'opulence, sans être châtié. Ainsi donc, si tu es d'accord, le juste est déjà dans le stade et continuellement en lutte, non seulement s'il est dans le dénuement, mais aussi s'il est dans la richesse; car la richesse ne pousse pas habituellement à la piété, mais à son contraire.
Dieu fait l'éloge de Job.
(1,11).Et le Seigneur lui dit: As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job et remarqué qu'il n'a pas son pareil parmi les habitants de la terre? C'est un homme irréprochable, juste, vrai, religieux, se tenant éloigné de toute action mauvaise (Job.1,8). Remarque comment l'athlète est annoncé en public, et ceci pour la deuxième fois, par celui dont la sentence est incorruptible. Quant à toi, remarque-moi la sottise et la méchanceté du diable. Dieu atteste que Job est irréprochable, et toi (diable), tu espères l'emporter sur le témoignage de Dieu? Dieu n'aurait pas dit:"Irréprochable, juste, vrai, religieux, s'il n savait pas d'avance que, même sous l'avalanche des épreuvesimminentes,Job allait rester indomptable. Vois comme il s'arrange pour que l'initiative et la responsabilité des premières escarmouches incombent à l'adversaire. Quand un entraîneur possède un athlète de classe(d), il veut bien que celui-ci en vienne aux prises avec ses adversaires, mais sans vouloir pour autant lui-même donner le coup d'envoi, pour ne pas avoir l'air d'un ambitieux, mais il les laisse prendre d'eux-mêmes l'initiative et lancer le défi, pour que sa victoire soit éclatante et la défaite plus infamante pour les adversaires. Ainsi fait Dieu.
La victoire de Job.
(1,21). (Après que le messager eut annoncé à Job la mort de ses enfants), Job se leva et déchira ses vêtements (Job.1,20). Puisque Moïse a brisé (les tables de la Loi), que Josué a déchiré ses vêtements(e), si Job n'avait pas déchiré les siens, on aurait dit que Dieu avait fait de lui un insensible; mais, il convient que les souffrances s'emparent du juste, pour que tu saches qu'il reste un sage, même dans la douleur. Tu vois avec quelle perversité le diable a réservé pour le dernier le coup le plus dur; Job dédaignait les coups précédents, il n'a pas été ébranlé devant la ruine (de ses richesses). Mais en apprenant ces derniers coups, c'est la faibles- se de la nature qui s'est manifestée, ou plutôt la philosophie du juste. Il a honoré ses enfants comme un athlète; par ce qui suit, il honore aussi Dieu.
(1,22).Et, étant tombé à terre, il se prosterna devant le Seigneur et dit: Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j'y retournerai (Job. 1,20-21). Là encore, il a bien parlé; c'est nu, en effet, qu'il se lance désormais dans la lutte."Et, étant tombé à terre, il se prosterna et déclara: Nu je suis sorti...". Vois-tu comment la grandeur du malheur ne fait pas chavirer celui qui est religieux: "Job déclare, dit le texte: Nu je suis sorti...". As-tu vu quels coups il porte au diable, et comment il l'a étendu à terre? Il est tombé sur le sol, en effet, et il y a précipité le diable; il a montré son émotion, il a montré sa piété. Il ne pouvait pas, étant homme, ne pas souffrir des évènements, pas plus qu'il ne pouvait, étant Job, s'en irriter; dans un cas, il a révélé sa nature, dans l'autre, son courage; c'est ainsi n'est ce pas que font les athlètes, avant de se lancer dans les luttes et dans les combats: ils se prosternent devant les agonothètes et en font autant après la victoire. C'est donc ainsi que Job, lui aussi,"étant tombé, se prosterna". Et note quelle est la puissance du diable pour n'avoir déchiré que son vêtement!
Ne remarques-tu pas, ô homme, les faits suivants? C'est que ces malheurs lui étaient arrivés alors pour la première fois, qu'ils ont fondu sur lui tous à la fois, et qu'il ne lui a même pas été possible de reprendre haleine. Le diable a montré que c'était Dieu qui le combattait. Eh bien! regardons les paroles de l'athlète: c'est là surtout, en effet, qu'on le voit s'exercer, là qu'on le voit se frotter d'huile. Regardons comment il a brisé ses adversaires, dès qu'il s'est prosterné, car, en se prosternant, il a incliné son âme à ne rien dire, désormais de déplacé. Sa pensée a bondi aussitôt vers Dieu, sans plus considérer les circonstances actuelles."Nu dit-il, je suis sorti du sein de ma mère, et nu j'y retournerai". Vois comment il s'est dépouillé. Vois comment il s'est détaché de toute affection.
Nouvelles épreuves de Job.
(2,6).Le diable s'éloigna du Seigneur, et il frappa Job d'un ulcère malin, des pieds jusqu'à la tête(Job.2,7). A nouveau, il s'éloigne de Dieu, chaque fois qu'il vaque à ses affaires, après en avoir reçu l'autorisation. Note-le bien: il ne tergiverse pas, mais il s'empresse de passer à l'action. Nous apprenons par là qu'une autorisation règle ce que Dieu permet au diable,que ce dernier réclame des tentations et se précipite dessus, non pas sur l'ordre de Dieu, mais parce qu'il en est friand et les lui réclame."Tu vois que Dieu ne tente personne"(f), mais chaque fois que le diable part à l'assaut, il lui permet certaines choses et les autres, non. Et si l'on disait à propos de ceux qui tombent: Pourquoi le permet-il? C'est pour qu' ils soient convaincus, en bien des cas, de feinte ou d'hypocrisie: par exemple, pour le cas de Judas, il lui a permis de l'assaillir, pour le convaincre de perversité, tandis qu'il ne l'y a pas autorisé dans le cas de Simon, auquel, au contraire, il est venu en aide; ainsi, tantôt il accorde, tantôt il refuse l'autorisation pour que l'homme tombe et soit confondu; il l'accorde encore pour que l'homme soit mis à l'épreuve; et, par contre, il la refuse pour qu'il ne tombe pas; c'est pourquoi aussi nous sommes invités à prier: "Ne nous laisse pas succomber àla tentation que nousne pouvons pas supporter"(g).
Remarque-le: quand est-il tombé malade et devenu infirme? Au moment où il fut privé de ses serviteurs: car la pauvreté est chose pénible, même quand on se porte bien; mais, lorsque, en plus, s'y ajoute une infirmité qui nécessite un grand nombre de serviteurs, le mal devient encore plus intolérable.
Regarde la fureur du diable: il n'a épargné aucune partie du corps, il a détruit complètement sa chair. Comme il s'agissait d'un athlète de valeur et d'un héros qui lutte dans son corps contre le démon pervers, comme quelqu'un qui, privé de toutes ses armes, en serait réduit à frapper à mains nues la tête de son antagoniste, ou à ne vaincre qu'en recevant des coups, Dieu lui lie les mains, au moment où il s'apprête à lâcher son adversaire."Vois, dit Dieu, que je le livre en ton pouvoir"[xi]. Il n'a pas parlé d'un combat face à face, mais après l'avoir lié, (il a dit):"Je te le livre", et pourtant, mêmeainsi,tun'en viendras pas à bout.Vois quelle estlapuissance des serviteurs de Dieu, quelle est la faiblesse du diable; il ne vient pas à bout des justes, même quand ils sont immobilisés.
(a)Job.1,9;(b)Ps.,72,3;(c)Ps.,72,5.6;(d)IVMacc.,6,10;(e)Jos.,7,6;(f)Jac.,1,13;(g)Matt.,6,13.
De la grande sagesse de Job à l'infinie sagesse de Dieu.
La suprême sagesse, pour l'homme, est de vénérer Dieu.
(I,25).Que le nom du Seigneur soit béni pour les siècles(Job.1,21). Quand il m'a fait riche, je n'ai pas cherché à savoir pourquoi il m' avait donné des richesses, et je ne cherche pas non plus à savoir maintenant pourquoi il me les a enlevées. Me les a-t-il données en effet parce que je les méritais? Les ai-je donc reçues en échange de mes bonnes actions? Il a décidé de donner et il l'a fait, il a décidé de reprendre et il l'a fait. C'est le signe d'un esprit pieux de s'en remettre entièrement à la volonté de Dieu et de ne réclamer ni comptes ni explications".
(28,3).Voici que la sagesse, c'est la piété, et que s'abstenir du mal, c'est la science(Job,28,28). Rien ne vaut cet art-là, rien n'est plus puissant que cette sagesse-là...C'estle plusgrand desbiens. C'est la suprême sagesse de vénérer Dieu,au lieu de prendre une peineinutile non seulementpour émettre des avis,mais encorepour demander compte des évènements. Ne croyez donc pas découvrir une autre sagesse.
Rien dans la conduite de Job ne semblait devoir justifier la rigueur de Dieu.
Il n'a pas gaspillé sa richesse et ses biens antérieurs en plaisirs et en prodigalités.
(31,1).Dieu ne va-t-il pas voir lui-même ma route? Et toutes mes démarches seront-elles pas comptées? Ah! dit-il, si j'avais marché en compagnie des rieurs! Ah! si mon pied s'était hâté vers la fourberie(Job.31,1-5). Vraiment! quelle rigueur! Impossible, impossible de dire que c'est pour avoir gaspillé marichesse et mes biens antérieurs en plaisirs et en prodigalités que je subis le châtiment actuel et que me voilà renversé, parce que Dieu m'aurait appliqué un remède approprié. En effet, celui qui aime rire, qui s'adonne à la sensualité, qui aime s'amuser, il est normal qu'on le place dans la situation opposée en le mettant dans un état d'affliction et une vie de désolation. Mais celui qui, déjà auparavant, fuyait les banquets, repoussait rieurs et joueurs, quelle raison aurait-on pour qu'il tombe dans une vietriste et morose?Tu vois quele mot dupsaume se réalisait à son sujet:"Réjouissez-vous en lui, dans la crainte"(a).
(31,2).Car je me place sur une juste balance(Job.31,6). Il y a autant de rigueur dans ma vie, même dans les détails, qu'il y a de justesse dans le fléau (d'une balance). Je n'ai même pas négligé le plus petit détail.
De cela, j'en appelle, dit-il, non au témoignage d'un homme qui peut vouloir faire plaisir et qui ignore aussi bien des choses, mais au témoignage de Dieu qui connaît avec exactitude tout ce qui est caché, à qui aucun de nos actes ne peut échapper.
Il n'a jamais méprisé les petits.
(31,9).Quant aux faibles, quels qu'aient été leurs besoins, ils n'ont pas été frustrés(Job.31,16). Vois-tu comme il refusait l'arrogance, comme il était modéré,commeil étaitle médecin commun à tous,le portcommun,le refuge commundeceuxquiétaientdansladétresse.
"Quels qu'aient été leurs besoins", dit-il. Ce n'était pas: oui à tel besoin, et non à tel autre, mais: oui à tout besoin sans distinction, même s'il était périlleux, même fort coûteux, même hasardeux...Et qu'il n'agissait pas par ostentation ni par gloriole, mais pour Dieu, c'est évident, d'abord parce qu'il n'a pas consenti à en parler avant ce moment-là...C'est évident encore parce qu'il redressait même ces fautes qui n'avaient aucun homme pour témoin, je veux parler des fautes de pensée concernant ses enfants.
Il ne s'est pas attaché à ses richesses.
(31,10).La crainte du Seigneur, en effet, m'oppressait; et je n' échapperai pas à sa prise, si j'ai placé de l'or dans ma terre, si j'ai mis ma confiance dans des pierres précieuses, si je me suis réjoui d'avoir acquis une grande richesse, et d'avoir mis la main sur des richesses innombrables(Job.31,17-25). Or quelle espèce de faute est-ce là? Tu vois qu'il n'est pas attaché aux richesses. Regarde-le en train de réfléchir et de considérer en toute vérité le caractèreaccidentel,passager,éphémère etnégligeable desréalitéshumaines.
A nouveau, il rabaisse son éloge.
(31,11). En effet, pour ne pas avoir l'air de faire quelque chose d'extraordinaire, vois ce qu'il dit: Ne voyons-nous pas le soleil qui brillait s'éclipser, la lune disparaître ? Car cela ne dépend pas d'eux(b). Cette lumière, dit-il, meurt et disparaît et on ne la voit plus. Tu vois la cause qu'il donne du changement des astres.Par conséquent,la création nous suffit pour acquérir la sagesse, et pas simplement la connaissance de Dieu. Quand tu vois que le soleil est dans toute sa grandeur, admire le Créateur. Quand tu vois qu'il s'éclipse, comprends le caractère périssable des réalités humaines. Car si ce qui est plus brillant que tout ce qui existe sur la terre, disparaît, diminue et meurt, à plus forte raison tout le reste: si l'astre qui est si utile, si nécessaire, et sans lequel il n'est pas possible de vivre, subit le changement, à bien plus forte raison ce qui est superflu et qui ne nous est pas nécessaire.
Il n'avait ni rancune ni orgueil.
(31,13).Si je me suis réjoui également de la chute de mes adversaires et si j'ai dit à mon cœur: Bravo! Bravo! que mon oreille alors entendelamalédiction prononcée contre moi,et quele peuple aille répétant sans cesse mon malheur (Job.31,13).Par ses actions, il réalisait cette parole qui dit:"Si ton adversaire tombe, ne t'en réjouis pas! ne t'enorgueillis pas de sa chute"(c).
(31,14). Et puis, comme il se montrait doux aussi à l'égard de ses serviteurs! Si mes servantes, poursuit-il, ont dit souvent: Qui pourrait nous accorder de nous rassasier de ses mets ? Car j'étais très bon(Job.31,21). La source, en effet, de toute bonté, c'est d'être vis-à-vis de son subordonné, humain et sans violences.
(31,15).Après avoir péché volontairement, je ne me suis pas détourné de la multitude de mon peuple pour éviter d'avouer ma faute en sa présence(Job.31,32-34). C'est là une profonde sagesse. Tu vois qu'il ne se souciait pas de l'opinion, et n'agissait pas à cause des autres, celui qui dédaignait leur opinion au point de révéler même ses fautes volontaires-les fautesinvolontaires, en effet,n'importe qui pourrait les avouer,puisqu'il s'attend à bénéficier du pardon de ses auditeurs.
"Car je ne me suis pas détourné, dit-il de la multitude de mon peuple", c'est-à-dire de mes subordonnés, de ceux qui savaient, de ceux qui connaissaient jusqu'au caractère même de ma faute. C'est là véritablement de la sagesse."Confesse donc toi-même tes fautes le premier, pour être justifié"(d). Ainsi donc, je ne prenais personne comme témoin de mes bonnes actions,tandis que je vou- lais que tout le monde fût au courant de mes fautes et de mes erreurs: c'est là le sommet de la sagesse, c'est là la règle de la vertu, de dissimuler ses bonnes actions, mais d'exposer ses fautes en public; or c'est le contraire que font les gens d'aujourd'hui.
Il n'a pas usé injustement de ses biens.
(29,3).A l'époque où mes chemins ruisselaient de beurre, et où mes montagnes ruisselaient de lait(Job,29,6). Tu vois que nulle part il n'évoque une richesse injuste ou arrogante, mais celle qui est utile et raisonnable.
(31,16).Et si j'ai laissé aussi, dit-il, un faible franchir ma porte les mains vides,...(Job.31,34). Il n'a pas dit: J'ai donné quand on me sollicitait, mais: J'ai accordé même quand on refusait d'accepter. Il faisaitviolence même à ceux qui,une fois entrés,voulaient s'esqui- ver: il savait, en effet, la responsabilité qu'est la richesse. Ainsi donc, tout le zèle que mettent maintenant les indigents à harceler les gens qui donnent et qui peuvent leur tendre la main, lui le mettait alors à harceler ceux à qui il donnait.
<J'accordais, dit-il, l'hospitalité à chacun de ceux qui en avaient besoin. Mieux encore, quand je les apercevais sur la place publique, je mettais ma maison en commun, tout en commun. Je me considérais, pour ainsi dire, comme l'économe de ceux qui étaient dans le besoin, sans regarder mes biens comme ma propriété per- sonnelle, mais comme celle du Maître:"C'est le Seigneur qui les a donnés"(e), par conséquent, qu'ils soient partagés entre tous ses serviteurs. C'était une distribution de vivres; car non seulement il prenait soin d'eux en les accueillant, mais encore il leur fournissait un viatique pour faire face au dénuement qui suivrait, si bien que non seulement ils se réjouissaient du secours actuel, mais qu'ils goûtaient l'espoir pour l'avenir. Nous, au contraire, nous les chas- sons même quand ils se présentent devant nous. Et remarque-le, il ne dit pas ce qu'il donnait, mais, au milieu même de sa détresse, il cache ses bonnes actions, il rabaisse ses éloges."Il n'a pas, dit-il, franchi ma porte les mains vides".>
(31,17).Qui pourrait, dit-il, me donner quelqu'un qui m'écoute ? Si je ne craignais pas la main du Seigneur...Si jamais la terre a gémi contre moi, si ses sillons ont pleuré de concert, ou si j'ai mangé seul (les fruits) de sa fécondité, sans payer la redevance[...]
..."Si je ne craignais pas la main du Seigneur..."Parce que je n'agissais pas ainsi à la légère, mais les yeux tournés vers Dieu; ce n'était pas, dit-il, une simple piété naturelle qui me guidait, mais la crainte de Dieu[xii]. Impossible de dire que, en faisant ces bonnes actions, je m'enorgueillissais et j'étais arrogant; mais pareil à ceux qui ont conscience de leurs fautes, je ne cessais de craindre Dieu et de trembler devant lui.
"Si jamais la terre a gémi contre moi, ou si ses sillons se sont mis à pleurer de concert"...Que veut-il donc dire? Ce n'est pas que la terre gémisse réellement,maisque mêmeles êtres inanimés ressentent les injustices, comme dit le Prophète:"La terre s'est dressée et a frissonné"(f). Or, la terre gémit chaque fois que nous usons de ses fruits avec injustice.
S'adressant à Job, Dieu lui montre son infinie sagesse.
(38,8). Qui est donc celui qui me cache son dessein, dit-il, en retenant ses paroles dans son cœur ; et qui croit se cacher de moi (Job.38,2)? Vois-tu ce qu'il a fait? Il me semble, à en juger par ces paroles, qu'il entrait quelque chose d'autre dans la pensée de Job. Comme il avait eu, en effet, beaucoup d'idées en tête, et qu'il n'osait pas les exprimer, c'est par là que Dieu commence à le redresser et lui montre qu'il prévoit les actions des hommes, et qu'il sait tout clairement: aussi commence-t-il par ces premiers doutes qui sont plus impardonnables, car si les objections qu'il a osé exprimer, sont si choquantes et pénibles, à plus forte raison les autres. Aussi est-ce d'abord à elles qu'il applique le remède.
"Qui est donc celui-ci?"dit-il. En même temps, dès le début, il montre la distance qui (nous) sépare de Dieu. Qui est donc celui-ci", dis-moi, qui essaye"de se cacher"de moi, de moi qui sait les secrets avec exactitude? Est-ce que, en effet, du moment que tu ne les a pas exprimées, ce ne sont pas des paroles? Un discours a pris naissance et s'est formé, même si tu le caches. Tu vois quelle douceur, quel souci de redresser et de convaincre!
(38,3).Ceins tes reins comme un brave, et je t'interrogerai; quant à toi, réponds-moi(Job.38,3). Puisque Job était abattu par le découragement, Dieu le remonte par ses paroles, pour qu'il fasse attention à ce qui est dit, et il introduit son discours sous forme de questions, ce qui est la meilleure façon de convaincre. Il montre surtout qu'il fait tout avec sagesse et intelligence, et qu'il était impossible à celui qui fait tant de choses avec sagesse et intelligence de négliger l'homme pour lequel il a tout façonné, même quand celui-ci est malheureux, comme c'est le cas. Que dis-tu? dit Dieu.
(38,4).Où étais-tu quand j'ai jeté les bases de la terre? Réponds si tu es capable d'intelligence. Qui a fixé ses mesures, si tu le sais? Ou quia tendu sur elle le cordeau? A quoi sont fixés sesanneaux? Qui a posé sa pierre d'angle?(Job.38,4-6).
"Où étais-tu quand j'ai jeté les bases de la terre?"dit-il en s'adressant à ceux qui veulent lui réclamer des comptes et des explications sur les évènements, sans envisager la grandeur de sa sagesse...-Qui a fixé ses mesures, dit-il, si tu le sais? ou qui a tendu le cordeau?- Ce n'est pas que ces mesures aient été prises ou que Dieu ait tendu le cordeau, mais il veut dire qu'il est aussi impossible d'en prendre la mesure que d'y appliquer un cordeau, et qu'elle a été créée avec la même précision que si l'on avait pris ces dispositions, et même avec une précision bien plus grande encore: cependant, c'est à travers ces images qu'il nous montre sa sagesse-ces images qui nous sont familières.
(38,28).Quel est celui, dit-il, qui peut compter les nuages pleins de sagesse, et qui a incliné le ciel vers la terre?(Job.38,37). Tu vois que (le ciel) touche précisément la terre: c'est le sens du mot "Il a incliné".
(38,33).Qui a préparé une pâture pour les corbeaux, quand leurs petits crient vers le Seigneur, et qu'ils errent çà et là, à la recherche de leur nourriture(Job.38,41). On dit, en effet, que (les corbeaux) ne nourrissent pas leurs petits. Eux, tout naturellement trouvent d'eux-mêmes leur nourriture, puisqu'ils sont grands; mais leur progéniture, qui la nourrit? N'est-ce pas ce que dit la parole de Dieu(g), mais aussi l'Evangile:"Les oiseaux du ciel ne sèment ni ne moissonnent, et pourtant votre Père céleste les nourrit(h)"...
Je crois que Job avait jugé en lui-même que les choses vont au petit bonheur et au hasard et que Dieu ne s'en soucie guère; c'est donc pour lui répondre que Dieu a fait (tout) son discours, disant qu'il a grand soin de l'univers et qu'il ne cesse de s'en préoccuper.
Job reconnaît alors son néant.
(42,1). Puis après cela, le texte poursuit: Job prit la parole et dit au Seigneur: Je sais que tu peux tout, et que rien ne t'est impossible. Qui est donc celui qui te cache son dessein,et qui,en retenant ses paroles croit aussi se cacher de toi(Job.42,1-3).
(42,2).Puis il ajoute:Autrefois, c'était à mon oreille que parvenait ce qu'on disait de toi, mais maintenant, je (t')ai vu de mes yeux (Job.42,3). Ce n'est pas qu'il l'ait vu de ses yeux, mais il l'a entendu plus clairement.
(42,3).C'est pourquoi je me suis tenu pour vil et me suis consumé de chagrin, je me suis estimé terre et poussière (Job.42,6). C'est bien-là ce que Dieu lui disait:"Crois-tu que mon intervention à ton sujet avait un autre but que de te faire apparaître juste"(i). C'était, dit-il, pour te faire parler comme tu viens de le faire, et non pour te condamner. C'est une justification pour tout ce qui a précédé. C'est que, en effet, il n'a pas encore été délivré de mon épreuve quand il parle ainsi, mais il est encore dans ses tourments, quand il a fait sa rétractation. Je ne fais de moi-même aucun cas, dit-il; je vais présenter la justification de Dieu à propos de ce qui a précédé. Même de cela je n'étais pas digne. Et Dieu que fait-il donc? C'est lorsque (Job) s'est condamné lui-même qu'alors il l'a justifié. Et que dit-il? Il dit à ses amis qu'il fallait expier leur faute, et il appelle continuellement Job son serviteur.
Grande sagesse de Job, infinie sagesse de Dieu; c'est donc dans la non-reconnaissance par Job de ce différentiel de sagesse qu'a consisté la faute de Job, du moins jusqu'à sa rétractation.
(a)Ps.,2,11;(b)Job.31,26;(c)Prov.,24,12;(d)Is.,43,26;(e)Job.1,21;(f)Jéré.,2,12;(g)Ps.,146,9;(h)Matt.,6,26;(i)Job.40,8.
SAINT GREGOIRE LE GRAND
MORALIA IN JOB.
De Grégoirele Grandnousavonsvupréalablementson Commentaire sur le Premier livre des Rois qui datait de la dernière partie de son pontificat. "Moralia in Job"marque au contraire le début de sa carrière d'exégète[xiii]. En effet, à l'âge de trente neuf ans, après cinq ans aupluspassés dansson monastèrede Coelius,Grégoire estordonné vicaire par le pape PélageIIIet envoyé comme nonce (apocrisiaire) à Constantinople. C'est là, de 579 à 585 environ que les"Moralia in Job"virent le jour.Dansla lettre-dédicace à Léandre, évêque de Séville venu en missionàConstantinopleenmêmetemps que lui, Grégoire exposa l'occasion, la méthode et le but de son ouvrage dont nous reproduisons ci-après de courts extraits.
Comme il le déclare dans sa lettre, plusieurs de ses frères en religion qui"lui étaient unis par des liens d'étroite charité fraternelle", l'avaient suivi à Constantinople.
"Ce futalors,vous vous en souvenez,qu'il plut à ces mêmesfrères, et sur vos instances de me harceler de demandes importunes pour que je commente le livre de Job,et pour que je leur découvre,dans la mesure où la Vérité m'en rendrait capable, des mystères d'une telle profondeur. Ils aggravèrent leur demande en réclamant non seulement l'interprétation allégorique de l'histoire, mais ses applications morales; enfin, chose plus difficile encore, ils voulurent des textes à l'appui,textes que je dus élucider par de nouvellesexplications quand ils étaient peu clairs.
Bientôt, devant ce livre obscur, et jamais encore avant nous commenté[xiv], je me vis entraîné dans de si graves et de si multiples difficultés, qu'accablé par la vue de ce travail, je l'avoue, je succombai de lassitude.
Mais soudain, partagé entre la crainte et le dévouement, j'élevai les yeux de mon âme vers le Donateur de (tous) biens, et mettant de côté mes hésitations, j'acquis sur le champ la certitude que ce que me commandait l'affection de cœurs fraternels ne pouvait m' être impossible.
C'est assurément pour me conformer à leurs multiples invitations, tantôt par une exégèse littérale, tantôt par l'interprétation plus élevée que donne la contemplation, tantôt par une leçon morale[xv], que j'ai achevé en six volumes cet ouvrage de trente cinq livres. Dans ce commentaire, je puis paraître souvent sacrifier ce qui touche à l'exégèse littérale pour m'appliquer un peu plus longue- ment au vaste champ du sens moralet du sens mystique.Mais qui- conque parle de Dieu,doit regarder comme nécessaire touteenquête qui rend meilleurs ceux qui l'écoutent, et donc celui-là peut estimer avoir bien ordonné son discours qui, lorsque le demande l'occasion du bien à faire, s'éloigne utilement de son premier sujet...Il nous arrive parfois de négliger l'explication des passages clairs du récit, pour en venir plus vite aux passages obscurs. D'autres fois, les comprendre selon la lettre est impossible parce que les prendre seulement dans leur sens apparent jette le lecteur dans l'erreur au lieu de l'instruire.
L'impossibilité d'accorder entre elles certaines expressions de la lettre nous montre qu'il faut chercher autre chose. C'est leur manière de nous dire: lorsque vous voyez que dans notre sens apparent nous perdons toute signification, cherchez donc en nous un sens qui, sous l'écorce, puisse être découvert logique et cohérent...
C'est ainsi que bientôt, en présence des frères, j'exposai le début du texte sacré à livre ouvert, puis, ayant eu un peu de temps, je fis de la suite un commentaire en forme...Quand j'eus plus de loisirs, j'ajoutai beaucoup, je retranchai un peu, je laissai certaines choses telles quelles: les notes qu'on avait prises lorsque je les commentais en première lecture, je les amendai pour en faire un ouvrage bien composé; à l'inverse, au moment où j'écrivais les derniers livres, je fis grande attention à me rapprocher du style des premiers."
Grégoire continua à travailler ce qui n'avait été au début qu'un commentaire oral. Les dernières retouches datent de son pontificat que l'on sait avoir débuté en 590. Une remarque de caractère historique permet de l'affirmer: en effet, commentant les paroles de Job Il a aussi inondé les bords de la mer, Grégoire avait écrit: "Le Seigneur vient d'amener à la foi les confins mêmes du monde. Voici que déjà il a pénétré dans le coeur d'à peu près tous les païens; voici qu'il a groupé dans la même foi les extrémités de l'Orient et de l'Occident; voici que le parler de Bretagne, jusqu'à maintenant grandement barbare, publie aujourd'hui les louanges divines et fait écho à l'Alleluia des Hébreux." C'était une claire allusion à la seconde conquête chrétienne de l'Angleterre par le moine Augustin et ses compagnons, expédition missionnaire qui datait de l'année 596.
Il serait tout à fait dommageable de ne pas rappeler que la tâche de Grégoire s'est trouvée sérieusement compliquée et perturbée par des ennuis de santé dont il rappelle lui-même la gravité dans cette même lettre-dédicace à Léandre:
"Nombre d'années, déjà, ont déroulé leur cours, et je souffre (toujours) de fréquentes douleurs d'entrailles; je suis accablé à toute heure, à tous moments, par mon estomac détraqué; je suis oppressé par une fièvre, lente sans doute, mais continuelle...
Peut-être fut-ce le dessein de la divine Providence de me faire commenter dans la douleur l'histoire de Job dans la douleur; et de me faire mieux comprendre dans l'épreuve l'âme d'un homme éprouvé..."
Les messagers envoyés à Job[xvi].
Textes en présence:
Job.1:(6)Le jour où les Fils de Dieu venaient se présenter devant Yahvé, le Satan aussi s'avançait parmi eux.(7)Yahvé dit alors au Satan: "D'où viens-tu?"-"De parcourir la terre, dit-il, et de m'y promener."(8)Et yahvé reprit:"As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'a pas son pareil sur la terre; un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s'écarte du mal!(9)Et le Satan de répliquer:"Est-ce pour rien que Job craint Dieu?(10)Ne l'as-tu pas entouré d'une haie, ainsi que sa maison et son domaine alentour?Tu as béni toutes ses entreprises, ses troupeaux pullulent dans le pays. (11)Mais étends la main et touche à tout ce qu'il possède; je gage qu'il te maudira en face!"(12)"Soit!dit Yahvé au Satan, tout ce qu'il possède est en ton pouvoir. Evite seulement de porter la main sur lui". Et le Satan sortit de devant Yahvé.
Où peut-on donc se retirer loin de celui qui n'est corporellement nulle part, mais dont la substance infinie n'est nulle part absente?
Tant que Satan, sous l'emprise de la puissance divine, ne pouvait réaliser ses désirs mauvais, il se tenait comme devant la face du Seigneur. Il se retira de devant la face du Seigneur quand, divine- ment libéré de l'étreinte intérieure qui l'immobilisait, il mit à exécution ses désirs; il se retira de devant la face du Seigneur, quand sa volonté cruelle, longtemps enchaînée par l'obéissance, passa aux actes. Donc, comme on vient de le dire, tant qu'il ne pouvait faire sa volonté, il se tenait comme devant la face du Seigneur, parce que la divine Providence suspendait les effets de sa rage. Mais il se retira de devant cette face, parce qu'ayant reçu le pouvoir de tenter, il en vint à ce que souhaitait sa méchanceté.
Le texte poursuit:
Or un jour que ses fils et ses filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné, un messager vint dire à Job:"Les bœufs étaient à labourer, et les ânesses paissaient autour d'eux; tout à coup les Sabéens ont fait irruption et ont tout enlevé, ils ont passé les serviteurs au fil de l'épée, et je me suis échappé seul pour te l'annoncer".
Remarquons quels moments sont propices auxtentations.Le diable a choisi, pour tenter, celui où il a trouvé les enfants de Job dans un festin. L'ennemi n'est pas seulement attentif à ce qu'il fait, mais aussi au temps où il le fait. Quoiqu'il ait reçu le pouvoir de frapper, il a choisi le moment propice à la catastrophe; la Dispensation divine nous enseigne par là que la gaieté de la bonne chère est messagère de tribulation.
Notons aussiavec quelart sontannoncésles dommages causés.On ne dit pas:les bœufs ont été pris parles Sabéens,mais,"les bœufs étaient à labourer"quand ils furent enlevés; le rappel du fruit augmente la cause du chagrin. Selon les Septante, on ne dit pas les ânesses mais, "les ânesses pleines"ont été enlevées; si, en raison de leur qualité, la perte des bêtes sans valeur touchait peu son âme, en raison de la fécondité, elle la touchait davantage.
Enfin, parce que des malheurs multipliés, quand ils sont annoncés brusquement,frappent d'une manièreplus sensible,l'emploidemessagers successifs accroît encore la mesure de ses gémissements. Le texte poursuit en effet:
Il parlait encore lorsqu'un autre arriva et dit:"Le feu de Dieu est tombé du ciel sur les brebis et les serviteurs et les a dévorés, et je me suis échappé seul pour te l'annoncer".
De peur que l'annonce des pertes subies n'affecte trop peu celui qui l'entend, le démon essaie de le faire sortir de ses gonds par le choix même des expressions qu'il emploie. Remarquons bien l'art qui lui fait dire:"le feu du ciel"comme s'il disait: tu souffres du châtiment de celui que tu as voulu apaiser par tant de sacrifices; tu supportes la colère de celui au service de qui tu peinais tous les jours. Le diable, en effet, laisse entendre que Dieu, au service de qui Job s'était mis, l'a payé en épreuves. Il rappelle que Job se trouve dans une détresse où Dieu dépasse les bornes, tant et si bien que Job, pense-t-il, évoquera sa soumission passée, estimera avoir servi Dieu en vain, et se dressera orgueilleusement contre l'injustice de son Créateur.
Quand une âme religieuse se voit en butte aux contradictions des hommes, elle se repose dans les consolations de la grâce divine; quand elle voit au dehors grossir la tempête des épreuves, elle désire se retirer dans l'espérance en Dieu, et se réfugie dans le havre de sa conscience. Aussi l'astucieux ennemi, pour accabler au même instant le cœur plein d'énergie du saint en le soumettant aux violences des hommes et en le faisant désespérer de Dieu, lui annonce-t-il d'abord l'irruption des Sabéens, et, aussitôt après, le feu de Dieu tombé du ciel. Il fermait ainsi toute entrée à la consolation en lui présentant comme un adversaire celui qui précisément aurait pu consoler son âme au milieu de l'adversité: par là, il voulait que Job, tenté, se voyant privé de tout, et en tout écrasé, s'emportât jusqu'aux outrages avec une détermination d'autant plus grande que son désespoir éclaterait avec plus de violence.
Le texte poursuit:
Il parlait encore lorsqu'un autre arriva et dit:"Les Chaldéens, partagés en trois bandes, se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés, ils ont passé les serviteurs au fil de l'épée, et je me suis échappé seul pour te l'annoncer".
De peur quela violence des hommes n'ait pas suffisamment éprouvé Job, voici que de nouveau (Satan) annonce l'irruption des bandes chaldéennes; et de peur que l'hostilité d'en haut ne le frappe pas assez, (le diable) décrit une nouvelle colère de l'atmosphère.
Il parlait encore lorsqu'un autre arriva et dit:"Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné, et voilà qu'un vent violent s'est élevé de la région du désert, et a ébranlé les quatre coins de la maison; elle s'est écroulée sur tes enfants, et ils sont morts écrasés, et je me suis échappé seul pour te l'annoncer".
Quand quelqu'un ne tombe pas à la première blessure, on redouble, on triple les coups, cherchant à le percer au cœur. Après l'annonce de l'hostilité des Sabéens, après l'annonce du châtiment divin frappant par la foudre du ciel, vient l'annonce d'un nouveau malheur causé par les hommes: la razzia des chameaux et le meurtre des serviteurs. Le courroux de Dieu se renouvelle lorsque le cyclone renverse la maison et fait périr les enfants. On sait que, sans un signe d'en haut, les éléments ne peuvent se mouvoir; on suggère discrètement que celui-là a mu contre Job les éléments, qui leur a permis de se mouvoir,quoique,bien entendu, Satan,une fois reçu de Dieu le pouvoir d'en user pour sa méchanceté, peut aussi les ébranler.
Il ne faut pas s'étonner que le diable rejeté du ciel ait pu exciter destempêtes dansl'atmosphère,quandnous voyonsles condamnés aux mines garder l'usage de l'eau et du feu. Il a donc cherché que des malheurs soient annoncés, à ce qu'ils soient nombreux, à ce qu'ils soient subits. La nouvelle de la première catastrophe blessa un cœur encore enpaix,c'est-à-dire,en somme,un organismesain;
tandis que la répétition des coups sur ce cœur maintenant blessé, infligea, pour l'amener à des paroles de révolte, blessure sur blessure.
Remarquons encore avec quel art l'antique ennemi s'appliqua à venir à bout de la patience du saint, non pas tant par la destruction de ses biens que par la progression des messages, s'étudiant à commencer par les moindres, annonçant ensuite les plus graves, en venant enfin à la mort des enfants: un père déjà en deuil, risquait de tenir pour négligeable la perte des biens de la famille; il risquait d'être moins touché par la ruine une fois connue la mort de ses enfants: car ce (bien de famille) n'eût plus été un héritage si (Satan) eût enlevé d'abord les héritiers (jusque-là préservés). Commençant par les pertes les plus supportables, Satan garda les plus douloureuses pour la fin; tandis que Job apprenait par degré ses malheurs, chaque blessure trouva dans son coeur une place pour la douleur. Notons bien avec quel art la gravité, la succession et la soudaineté de ces épreuves sont annoncées:de la sorte,cette douleur imprévue,croissant par degré,ne pourra se renfermer dans l'âme de l'auditeur, et elle explosera en blasphèmes d'autant plus ardents que ces messages subits et multipliés auront mis en effervescence un cœur toujours plus serré par l'angoisse.
Je ne crois pas devoir laisser passer sans réflexions ce fait que les enfants dînaient dans la maison de leur aîné quand ils périrent. Nous avons dit plus haut qu'il est presque impossible queles repas se passent sans péché.Pour parler de nous,et non de ces enfants, nous devons savoir que la conduite sensuelle des inférieurs est contenue par la correction de vie des grands; mais quand ce sont les grands qui s'adonnent aux plaisirs, il est normal que le libertinage des sujets ne connaisse plus defrein.Qui voudra se soumettre à la gêne d'une règle, lorsque ceux qui ont le pouvoir de faire observer cette règle lâchent la bride à leurs passions? C'est pen- dant un festin dans la maison du fils aîné que meurent les enfants de Job, parce que l'ennemi voit grandir ses forces contre nous, quand il sait que les préposés au maintien de la bonne tenue vivent dans la futilité. Il est d'autant plus libre pour frapper, que ceux qui pouvaient intercéder pour les fautes se livrent au plaisir.
Non, certes, que nous soupçonnions les enfants d'un tel père de n'avoir recherché dans ces repas qu'à se bien remplir l'estomac; mais il reste vrai que, même en se gardant, par souci de bonne tenue, de dépasser à table les bornes du nécessaire, l'attention, même éveillée, s'engourdit au cours des festins; et il sous-estime la violence de la guerre aux tentations, celui qui se relâche, se croyant en sûreté.
C'est au jour du frère aîné que l'antique ennemi écrase les enfants de Job,parce que,profitant delanégligence dessupérieurs,iltrouve dans la mort des inférieurs, une possibilité de tout bouleverser.
A propos de cetexte,Dom Robert Gillet,le rédacteur des notes des"Morales sur Job" a fait pour nous une remarque fort pertinente. On serait en effet tenté de croire, à la lecture de cet extrait, que l'analyse littéraire telle que nous la concevons aujourd'hui, avait déjà cours au temps de Grégoire.Il n'en est bien évidemment rien. Cette illusion perceptive résulterait, selon cet observateur attentif,de la grande finesse du senspsychologique qui a fait la réputation du pape Grégoire. Ce commentaire de l'annonce, par messagers successifs,de tousles malheurs quiont fondu sur Job,est parvenu ainsi à mettre en lumière une sorte de condensé des intentions littéraires de l'écrivain.
CHAPITRE VI
LES PSAUMES.
Viens à ses portiques en rendant grâce,
à ses parvis en chantant la louange,
rendez-lui grâce, bénissez son nom(Ps.,99,4).
Qu'est-ce que les Psaumes?
Au vrai sens du terme, ce sont des poèmes: une réalité s'y exprime, transcendée aussitôt par l'infinitude émanant de l'auteur divin. Quelle serait notre erreur de vouloir considérer leur sens comme rivé à celui de l'antique passé; si leur tonalité surprend, au point même d'en rebuter certains, il faut seulement être décidé à se mêler à leurs accents: fait-on différemment avec toute oeuvre de caractère poétique?
D'une part, les Psaumes rappellent et récapitulent les enseignements contenus dans le Pentateuque sur l'origine du monde, la sortie d'Egypte, le don de la Loi, ceux que renferment les livres historiques des Rois, tels que la délivrance de la captivité et le retour du peuple, enfin ceux recueillis de la bouche des prophètes sur la venue du Sauveur dont ils décrivent la passion, la résurrection et l'ascension.
D'autre part, le livre des Psaumes, outre ce qu'il a de commun avec les autres livres de la Bible, a ce mérite propre de renfermer tous les mouvements de l'âme. Dans sa lettre à Marcellin, saint Athanase nous convainc aisément de ce mérite très particulier:
"Les [paroles des psaumes] me paraissent être pour le lecteur comme un miroir pour qu'il s'y considère avec les mouvements de son âme et les récits sous cette impression. Même l'auditeur reçoit le chant comme fait pour lui; ou bien convaincu par sa conscience et confondu, il se repentira, ou bien entendant parler d'espoir en Dieu et du relèvement accordé à ceux qui croient, il se réjouit de ce que cette grâce lui est accordée et commence à remercier Dieu. Qu'on ait gardé ou transgressé les commandements, les Psaumes s'appliquent aux deux états"[xvii].
Le Psautier (du grec Psaltériôn, nom de l'instrument qui servait à accompagner la psalmodie) est la collection des cent cinquante poèmes qui sont parvenus jusqu'à nous. Il est "peu", on peut même dire "pas", d'œuvres littéraires qui aient connu pareille destinée.
"Le psautier révèle un mystère, pour que les âges et les peuples ne cessent de revenir à ce chant, de se purifier dans cette source, d'interroger chaque verset, chaque mot de l'antique prière, comme si ses rythmes battaient la pulsation des mondes. Car le monde s'y est reconnu. Comme il narre l'histoire de tous, il est devenu le livre de tous, infatigable et pénétrant ambassadeur de la parole de Dieu à tous les peuples de la terre...Les psaumes ont su parler dans toutes les langues, à tous les hommes, chaque jour, pour inspirer leur prière la plus pure"[xviii].
Numérotation des Psaumes.
Lelecteur est à même de constater la coexistence de deuxnumérotations: d'une part, celle de la Bible hébraïque, et, d'autre part, celle commune à la Vulgate et à la Septante. Du psaume 10 au psaume 148 inclus, la numérotation de la Bible hébraïque, telle qu'adoptée par la Bible de Jérusalem, est en avance d'une unité sur les deux autres[xix] dont la numérotation commune figure généralement entre parenthèses dans les différentes éditions. Les références données dans le présent livre seront celles communes à la Vulgate et à la Septante, bien qu'elles soient reproduites sans les parenthèses.
Classement des Psaumes.
Les différents auteurs quiontparlé des Psaumes ont évoqué divers classements mis enpratique pour ces poèmes,dans le but de préciser leur caractéristique dominante[xx].
Classement selon les genres littéraires.
La Bible de Jérusalem, dans l'Introduction aux Psaumes, indique une division selon les genres littéraires, sans toutefois lui conférer un caractère d'exhaustivité. En effet, après avoir distingué les hymnes, les supplications, les actions de grâces, elle fait la remarque que certains psaumes sont, en fait, une combinaison de plusieurs genres, d'où la création d'une quatrième catégorie, celle des genres aberrants ou mélanges de genres.
Classement selon l'historicité.
Au sein du Psautier, certains psaumes ont été identifiés à des "chants royaux" qui seraient des poèmes anciens datant de l'époque monarchique et reflétant le langage et le cérémonial de la cour, voire des cérémonies d'intronisation. Par ailleurs, vingt-quatre psaumes comportent un titre mentionnant un fait particulier rattaché à l'histoire du règne de David (ex: - Quand Saül envoya surveiller la maison de David pour le mettre à mort. - Quand Natân le prophète vint à David parce qu'il était allé vers Bersabée.,etc.).
Les Psaumes et le culte d'Israël.
Le Psautier estle recueil des chants religieux d'Israël dont certains, selon les compléments apportés aux titres, correspondaient à des célébrations particulières:
29: Chant pour la dédicace de la maison de David[xxi].
66: Prière collective après la récolte annuelle.
73: Lamentation après le sac du Temple.
80 et 117: Pour le fête des Tentes.
83: Chant de pèlerinage (Yahvé Sabaot).
91: Cantique du juste (pour le jour du sabbat).
99: Appel à la louange (pour l'action de grâces).
119 à 133: Cantiques (ou chants) des montées (soit 15 psaumes).
Les titres.
Les titres figurant au Psautier hébraïque rapportent 73 psaumes à David,12 à Asaph,11 aux fils de Coré[xxii], et quelques autres à Etân(ou Yedutûn),à Moïse(Ps.,89),et à Salomon(Ps.,71 et 126). 35 psaumes restaient sans attribution. La version grecque, quant à elle, attribue 82 psaumes à David et ses titres ne coïncident pas toujours avec ceux de l'hébreu. La version syriaque est encore plus différente.
Bien que la tradition ait eu tendance à attribuer à David la composition de tout le Psautier, le témoignage important et ancien qu' apportent les titres des psaumes ne saurait être négligé.
"Il est raisonnable d'admettre que les recueils d'Asaph et des fils de Coré aient été composés par les chantres du temple.Semblable- ment le recueil davidique doit de quelque manière se rattacher au grandroi. A bien considérer ce que les livres historiques rapportent de son talent de musicien et de poète[xxiii],comme de son goût pour le culte[xxiv], il est plus que raisonnable de reconnaître qu'il doit y avoir dans le Psautier plusieurs pièces qui ont David pour auteur.
De fait,le Ps.,17 reproduit dans une autre recensionun poèmeattribué à David par 2Sam.,22.
Tous les psaumes du recueil davidique ne sont pas de lui, sans doute, mais ce recueil n'a pu se former qu'à partir d'un noyau authentique.L'impulsion donnée par David a continué et le Psautier résume plusieurs siècles d'activité poétique"[xxv].
Ces titres ont-ils pu jouer un rôle chez les Pères, dans leurs exégèses? Une réponse affirmative peut être donnée pour ceux d'entre eux qui nous ont laissé des exemples bien précis. Pour beaucoup d'autres, faute de preuves, le doute est permis. Grégoire de Nysse se situe sans conteste dans la première catégorie. Très éclairante, en effet, est son exégèse du Ps.,89, qui porte en titre: "Prière. De Moïse, homme de Dieu". L'évêque de Nysse a retenu cet intitulé pour faire de Moïse l'auteur de ce psaume,où est sensée se répercuter son expérience "aux limites" caractérisée par le rôle de médiateur qu'il a joué entre Dieu et les hommes. En éclairant cette expérience et ce rôle par le Ps.,89, et en établissant des passerelles avec le Ps.,72,Grégoire a pu légitimement considérer que Moïse non seulement prononce mais personnifie en quel- que sorte cepsaume.Ilnous donne donc,dans ce contexte bien précis un abrégé de la vie de Moïse en relevant les traits qui l'apparentent au Ps.,72[xxvi] et ceux qui font deluile symboledu Ps.,89[xxvii]:Moïse est le visionnaire quise meut dans la lumière (Ps.,72), mais aussi l'homme muable qui manifeste Dieu par des traits d'immutabilité (Ps.,89).
Celui qui est arrivé à cette hauteur se dresse en quelque sorte aux confins de la nature muable et de la nature immuable. Il médiatise les extrêmes (cf.Ga.,3,19-20), présentant les supplications pour ceux qui sont aliénés par le péché et transmettant la miséricorde de la puissance d'en haut à ceux qui ont besoin de pitié, de sorte que nous apprenons aussi par lui que plus on s'écarte de ce qui est terrestre et bas, plus on s'apparente à la nature qui surpasse toute intelligence. Il imite par la bienfaisance la divinité, faisant ainsi ce qui est propre à la nature divine, je veux dire combler de largesses, tout ce qui a besoin de largesses, autant qu'il est besoin de bienfaisance. Voilà, tel que nous l'avons compris, le sens de ce Psaume intitulé: Prière pour Moïse, homme de Dieu.
C'est ainsi que Grégoire de Nysse nous fait passer de l'union à Dieu souhaitée au v.28 du Ps.,72, à la méditation sur la mutabilité humaine du v.5 du Ps.,89, face àl'immutabilité divine,objet du même psaume (v.2 et 4) dans le contexte moïsien. Raisonnementpleinement justifié concernant Moïse,l'homme des "confins".
En outre, selon le principe d'ascendance(akolouthia), peut-on constater un progrès entre ces deux psaumes? La réponse est oui: du Ps., 72 au Ps.,89, on s'élève d'une vision des choses offertes au choix de l'homme(vanité des biens mondains,beauté des biens célestes[xxviii]) à une perception dela différence d'être radicale qui sépare l'homme de Dieu.
A travers cet exemple, nous voyons Grégoire faire application de sa méthode fondamentale exposée dans son traité In Inscriptiones Psalmorum selon laquelle "les titres des Psaumes[...] auraient une signification destinée à notre profit spirituel". Cette vue est d'ailleurs conforme à la position prise par la Commission biblique de 1910 sur les titres des Psaumes (DS3522-3523) qui a vu dans leur ancienneté (antériorité par rapport à la version des Septante) une raison de soutenir leur authenticité. C'est aussi de cette manière que la question avait été résolue à l'époque patristique. Ainsi, quand aucune raison sérieuse ne s'y oppose, ces titres, témoins de la tradition judaïque, ne peuvent être mis en cause. La position doctrinale prise par saint Thomas d'Aquin, n'y contrevint d'ailleurs pas, l'Aquinate souhaitant surtout éclairer le sujet par rapport à "l'inspiration" dont avaient bénéficié les psaumes. Du fait que ces titres ne faisaient pas corps avec les psaumes eux-mêmes,on ne pouvait les considérer comme nécessairement inspirés; l'Eglise, du reste, ne les a jamais regardés comme tels[xxix].
Nous verrons,un peu plus loin,que l'aide conférée au progrès spirituel par les titres, a encouragé bien des auteurs religieux à établir des "chaînes de titres" pour l'ensemble du Psautier.
Valeur spirituelle des psaumes.
<En premier lieu, ils ont été la prière de l'Ancien Testament où Dieu lui-même a inspiré les sentiments que ses enfants doivent avoir à son égard et les paroles dont ils doivent se servir en s'adressant à lui. Ces mêmes psaumes ont été récités par la Vierge Marie, par les Apôtres et les premiers martyrs. L'Eglise chrétienne en a fait, sans changement, sa prière officielle. Sans changement ces cris de louange, de supplication ou d'action de grâces, arrachés aux psalmistes dans les circonstances de leur époque et de leur expérience personnelle, ont un sens universel car ils expri- ment l'attitude que tout homme doit avoir en face de Dieu. Sans changement dans les mots, mais avec un considérable enrichisse- ment du sens dans l'Alliance Nouvelle où le fidèle loue et remercie Dieu qui lui a révélé le secret de sa vie intime, qui l'a racheté par le sang de son Fils, qui lui a infusé son esprit, et, dans la récitation liturgique, chaque psaume s'achève par la doxologie trinitaire du Gloire au Père au Fils et au Saint-Esprit. Les supplications anciennes deviennent plus ardentes depuis que la Cène, la Croix et la Résurrection ont appris àl'homme l'amour infini de Dieu, l'universalité et la gravité du péché, la gloire promise aux Justes[xxx]. Les espérances chantées par les psalmistes se réalisent, le Messie est venu, il règne et toutes les nations sont appelées à le louer[xxxi].>
"Cette prière de l'Eglise, à laquelle il nous faut communier, ne peut être vivante, et donc vraiment une prière, que dans la mesure où elle sera justement une sorte de "relecture", dans les perspectives ouvertes à la suite du renouveau biblique. C'est d'ailleurs ce qu'a réalisé,sans l'exprimer explicitement lapiété médiévale qui"vivait" les psaumes sansl'ombre d'une difficulté.Ces psaumes,nousneles vivrons vraiment que si chaque gémissement, chaque supplique, chaque action de grâce, devient notre gémissement, notre supplique, notre action de grâce[xxxii]. Il n'y a pas de dilemne entre une lecture historique et eschatologique: les critiques qui veulent obstinément choisir entre l'une et l'autre oublient cette communauté vivante à qui, comme à Ezéchiel, fut remis le Livre pour qu'elle s'en nourrit"[xxxiii].
Les thèmes spirituels des Psaumes.
"Les thèmes spirituels sont en petit nombre, serrés autour de deux pôles: grandeur divine et petitesse humaine, entre lesquels circule ce courant qui, du point de vue divin est amour bienfaisant, du point de vue humain, soumission confiante...C'est qu'il s'agit là de ces vérités élémentaires qui "grandissent" avec l'âme comme s'exprimait saint Irénée...Quand on arrive à goûter les psaumes et à redécouvrir les formules dans le mouvement spontané de sa vie religieuse, c'est que cette vie a toute sa santé...Que les psaumes redisent toujours la même chose, qu'importe, s'ils redisent l'essentiel, le petit nombre de choses que l'homme a perpétuellement besoin de se redire et de redire à son Dieu?...L'amour ayant toujours besoin de redire les mêmes choses sans jamais se répéter, selon l'admirable mot de Lacordaire"[xxxiv].
Le schéma spirituel et ascendant des psaumes.
Plusieurs Pères de l'Eglise ont vu dans les Psaumes un schéma spirituel et ascendant, et, pour nous faire toucher du doigt cette ascendance, ils ont eu recours à un certain type de partition du Psautier. Nous exposerons ceux retenus par Hilaire de Poitiers et Grégoire de Nysse.
SAINT HILAIRE.
Les Tractatus sur les Psaumes d'Hilaire furent écrits, selon toute vraisemblance, au cours des trois dernières années de sa vie (v.364-367). Seuls 48 Tractatus sont accessibles de nos jours.
Pour Hilaire, le Psautier, ordonné par les Septante, se trouvent divisé en trois parties de cinquante psaumes chacune. Toutes tendent au même but:l'union au Christ. Mais chacune a son caractère particulier. La première vise notre affranchissement du péché; la seconde inculque la pratique des vertus; la troisième fait pressentir l'exaltation de l'homme après la mort[xxxv]. Cette tentative tout à fait originale, même si l'accès à son oeuvre nous est rendu très limité, nous permet de constater qu'il a vu dans le Psautier, non seulement la description vers la plénitude du Christ, mais encore une prophétie de l'incarnation, de la passion, de la résurrection du Seigneur, ainsi que de notre glorification par la foi en lui. Dans les Tractatus super Psalmos, la christologie, qui regarde en arrière vers les Prophètes, regarde surtout en avant vers l'eschatologie, qu'elle pénètre totalement. La glorification des justes et la perdi-ion des impies est vue comme une conséquence de la glorification du Christ, son abaissement.
SAINT GREGOIRE DE NYSSE.
Sans doute légèrement plus tard, sans qu'il y ait eu semble-t-il de connexions entre elles, intervint la proposition de Grégoire de Nysse.Cettenouvelle proposition de division du Psautier par le nysséen comprenait non plustrois mais cinq sections.Commesaint Hilaire, il avait attribué une valeur significative à cette division en fonction d'un schéma spirituel ascendant. La lecture sapientielle
qu'il fit du Psautier fut en effet propre à fonder l'intelligibilité, c'est-à-dire cette voie qui mène à la béatitude, terme de la vie ver- tueuse[xxxvi]. Il définit ainsi les cinq grandes étapes de la progression rigoureusement logique vers ce but suprême, dont il a fait le fond de son enseignement.
Pour définir le contenu des cinq sections, considérées chacune comme une unité homogène, l'évêque de Nysse a eu recours à un présupposé implicite: le début d'une section d'œuvre doit être à même de présenter un caractère déterminant,contenant en germe toutle développement subséquent de la section; c'est dire que le Psaume initial de la section doit fonctionner comme une cellule-mère capable de la déterminer.
Grégoire de Nysse réussit-il à faire la preuve du bien-fondé de ce présupposé pour les cinq sections dont les psaumes initiaux de chacune avaient, en outre, jusqu'au psaume final, la charge de représenter les degrés successifs d'une ascension spirituelle? Il vit dans le Ps.,1 une invitation à renoncer au mal et à adhérer au bien; dans le Ps.,41, l'expression du désir ardent de la participation à Dieu. Au Ps.,72, l'homme, d'abord scandalisé par le malheur des bons et la réussite des méchants, discerne d'un oeil visionnaire où est le vrai bien. Le Ps.,89 est une méditation sur lanature changeante del'homme etla natureimmuable de Dieu.Le Ps.,106 récapituleles étapes du dessein divin du salut d'Israël; par les facettes de développements successifs identiquement structurés, il dévoile les misères de l'homme, les miséricordes de Dieu et l'action de grâce de l'homme sauvé. Au Ps.,150, enfin, c'est la louange universelle de Dieu par toutes les créatures,"hommes et anges en un seul chœur".
"Il faut néanmoins reconnaître, avec le P.Bertrand de Margerie[xxxvii], les limites de cette exégèse des Psaumes. Sélective, elle dégage et souligne seulement le thème fondamental du Psaume considéré. Commentant à grands traits, Grégoire laisse tomber tout ce qui l'intéresse moins. Mais la sélection n'est pas arbitraire: ce qu'il retient est vraiment l'essentiel. Sa méthode consiste à focaliser le tout dans la partie (le Ps.,72 dans un mot de son premier verset, le Ps.,89 dans son titre, le Ps.,106 dans son schéma strophique).
L'idée directrice de Grégoire de Nysse dans l'In Inscriptiones Psalmorum, à savoir l'identité foncière entre le dynamisme du Psautier et celui de la vie spirituelle, sauve l'œuvre, à condition d'accepter de faire abstraction de l'ordre numérique des Psaumes[xxxviii]. Comme le Christ ressuscité, Grégoire a lu l'Ancien Testament à la lumière du mystère pascal."
Les Psaumes dans l'office divin.
Dans l'office divin, c'est du Psautier que sont normalement tirés l'introït, le graduel, le verset de l'alleluia, le trait (s'il y en a un), les antiennes del'offertoire et dela communion.Ainsi,même àla sainte messe sejustifielatriadeattribuéeà saintJean Chrysostome:primus (introït) et medius (graduel, alleluia) et novissimus (communion) est David! C'est David qui, à l'office divin comme dans tous les monastères, est le premier, le milieu et le dernier. Si, du missel, on passe au rituel, les Psaumes spiritualisent chacun des gestes de l'Eglise, dans sa mission sanctificatrice et réconciliatrice. Quand l'Eglise veut prier, c'est le Psautier qu'elle ouvre.
La voix du Christ et de l'Eglise.
<La voix qui chante dans les psaumes, c'est la voix d'un être mystérieux, qui dépasse de beaucoup les auteurs historiques de ces poèmes, puisqu'aussi bien toutes les générations d'humains s'y reconnaissent."Nous devons comprendre et découvrir à travers ces psaumes, notre personne, la personne de notre Eglise, la personne du Corps du Christ",dit saint Augustin."Puisque le Christ entier est la tête et son corps, écoutons parler la tête de telle manière que nous entendions aussi parler le corps...Il n'a pas voulu parler séparément pas plus qu'il n'a voulu exister séparé- ment. S'il est avec nous, il parle en nous, il parle de nous, il parle par nous, et nous aussi nous parlons en lui". Telle est l'intuition magistrale de l'évêque d'Hippone, celle qui est à la base de son interprétation du Psautier, et qui n'a rien perdu de sa valeur et de son actualité.
Le Logos en devenant chair, a récapitulé dans sa propre vie l'histoire d'Israël et l'histoire des psalmistes, et loin d'amener une disparition, une absorption de cette histoire, il lui donne par là-même une consistance plus grande encore. Une vraie typologie, au lieu d'amener l'oubli des psalmistes et de leur existence réelle, doit au contraire amener à mieux les connaître. Et en les retrouvant dans leur réalité humaine, dans leur existence, nous comprendrons mieux qui fut Jésus-Christ...C'était l'intuition profonde des Pères etdelapiétémédiévale,ainsi qu'entémoignentces TituliPsalmorum, que le Père Abbé de Saint-Jérôme in Urbe, Dom Salmon, a publiés en 1959. La simple évocation de l'une ou l'autre de ces listes recueillies dans les manuscrits médiévaux nous met dans l'atmosphère qui doit être celle de notre recherche à travers l'univers du Psautier.>
Parmiles six séries publiées,Jacques Goldstain,a choisila première et la cinquième, comme tendant à une plus grande unité et faisant déjà preuve d'une certaine cohérence et harmonie d'ensemble. La première surtout, dite de saint Colomban[xxxix] (et c'est celle que nous retiendrons pour ce livre), lui a paru constituer une synthèse magistrale de l'interprétation augustinienne qui vient d'être évoquée: la voix du Christ Total, Tête et Corps.
Elle constitue un exemple de ce qu'on a pu appeler la double "christologisation", soit par "en haut", soit par "en bas", avec l'intervention, en alternance, de deux voix différentes: par en bas, Vox Christi ad Patrem, c'est le Christ qui parle de son oeuvre et se révèle à nous par lesexpressions mêmes du psaume; par en haut, Vox Ecclesiae ad Christum, c'est la personne du Christ et ses mer- veilles, que le psaume nous fait célébrer.
"Il va sans dire, souligne J.Goldstain, que nous nous trouvons ici dans un domaine en grande partie laissé à l'inspiration personnelle. Mais un contact avec ces suggestions n'est certainement pas sans fruit, pour stimuler notre dévotion et nous suggérer au moins une perspective hautement profitable".
Pour transcrire cette série[xl], nous la superposerons à la division en trois parties retenue par saint Hilaire:
-du psaume1à49, Règne terrestre du Fils, qui nous enseigne l'affranchissement du péché.
-du psaume50à99, Règne céleste du Fils, qui nous incite à la pratique des vertus.
-du psaume100à150, Règne éternel du Père, qui fait pressentir à l'homme son exaltation après la mort.
Règne terrestre du Fils.
(1) A propos de Joseph [d'Arimathie], qui ensevelit le corps du Christ.
(2) Voix du Père, des Apôtres et du Christ. A lire [en tête] en référence à l'Evangile de Luc[xli].
(3) Voix du Christ parlant des Juifs à son Père.
(4) Le prophète s'en prend aux Juifs.
(5) Voix du Christ au Père.
(6) Voix du Christ au Père.
(7) Le prophète parle au Christ des Juifs hostiles et du diable.
(8) Voix de l'Eglise chantant les louanges du Christ.
(9) L'Eglise loue le Christ. Au sujet des Juifs et du prince des démons.
(10) Voix du Christ au Père.
(11) Le Christ parle des souffrances de ses saints. Au sujet des Juifs.
(12) Voix du Christ au Père.
(13) Paroles du Christ au riche qui l'interroge. Au sujet du peuple juif.
(14) Parole du Christ aux fidèles. Il interroge le Père.
(15) Voix du Christ au Père.
(16) Le Christ parle des Juifs à son Père.
(17) David parle comme figure du Christ.
(18) Prophétie du Christ de son avènement.
(19) Le prophète encourage celui qui oeuvre.
(20) Prophéties du Christ.
(21) Voix du Christ durant sa Passion.
(22) Voix de l'Eglise après le baptême.
(23) Voix du Christ s'adressant à ceux qui l'aiment. Pour conforter le peuple des croyants. Les portes sont les péchés ou les portes de l'enfer.
(24) Voix du Christ au Père.
(25) Le prophète se porte témoignage à lui-même.
(26) A ceux qui entrent en premier dans le domaine du Seigneur. A lire en rapport avec le prophète Isaïe (65,13): Ceux qui te servent mangeront.
(27) A lire à propos du prophète Daniel.
(28) Pour la transmutation du jour du sabbat et de la Pâque après la consommation[xlii](l'établissement) de l'Eglise du Christ.
(29) Le prophète le dit au Père et au Fils au sujet de la future Pâque du Christ. L'Eglise prie et loue.
(30) Voix du Christ souffrant sa passion,au sujet des Juifs. C'est la profession de foi de ceux qui croient en Dieu.
(31) Voix des pénitents après le baptême.
(32) Le prophète exhorte le peuple en louant Dieu.
(33) Voix de la Foi. Pour le jeûne.
(34) Voix du Christ durant sa Passion.
(35) Le prophète tout en louant Dieu, dit les oeuvres de Judas Iscariote.
(36) Ici, il exhorte Moïse à la foi en montrant le salut par l'Eglise; il avertit le croyant pour affermir sa foi.
(37) Ici, aveu d'exaltation, une force pour le salut.
(38) Le prophète s'en prend aux Juifs qui ont des richesses et ne savent à qui ils les laisseront.
(39) Voix du Christ déclarant qu'il est en tête de l'Ancien Testament.
(40) Voix du Christdurant sa Passion;àlire à propos des prophéties d'Isaïe.
(41) Voix du Christ avant son baptême.
(42) A ceux qui sont parvenus à la foi.
(43) Le prophète s'adresseau Seigneur,faisantpénitencepour lesoeuvresdupeuple juif.Confession à lire en référence à l'épître de Paul aux Romains.
(44) A lire à propos de la reine de Saba dont il est question dans Matthieu.
(45) Voix des Apôtres après l'Ascension.
(46) Voix des Apôtres après l'Ascension.
(47) A lire en référence à l'Apocalypse de saint Jean. Figure de l'Eglise: Jérusalem future.
(48) Voix de l'Eglise à propos de Lazare et du mauvais riche.
(49) Le prophète parle de l'avènement du Christ et du jugement futur. Reproches aux Juifs. A lire en référence à l'Evangile de Matthieu.
Règne céleste du Fils.
(50) Voix du Christ au Père. A lire à propos des prophéties d'Isaïe.
(51) Voix du Christ au Père à propos de Judas.
(52) Il attaque les Juifs incrédules qui nient Dieu par leurs actes. A lire en référence à l'Evangile de Matthieu.
(53) Voix du Christ au Père.
(54) Voix du Christ contre les grands du peuple juif, et sur le traître Judas.
(55) Voix du Christ au Père.
(56) Voix de Paul après la Résurrection.
(57) Le prophète parle des anciens des Juifs.
(58) Voix du Christ au Père, au sujet des Juifs.
(59) Voix des Apôtres durant la Passion.
(60) Voix de l'apôtre Paul au sujet du Christ.
(61) Voix de l'Eglise.
(62) Voix de l'Eglise chantant la louange du Christ.
(63) Voix de Paul sur la Passion du Christ.
(64) Voix de l'Eglise avant le baptême de la vigile pascale.
(65) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(66) Voix des Apôtres. Le prophète avertit les croyants.
(67) Prophéties du Christ sur son avènement.
(68) Voix du Christ durant sa Passion.
(69) Voix de l'Eglise.
(70) Voix du Christ au Père.
(71) Voix de l'Eglise chantant la louange du Christ.
(72) Voix de l'Eglise parlant des Juifs.
(73) Voix du Christ au Père.
(74) Voix du Christ au Père.
(75) Voix de l'Eglise au Christ.
(76) Voix du Christ au Père.
(77) Voix de l'Eglise parlant des Juifs.
(78) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(79) Voix des Apôtres au Seigneur au sujet de l'Eglise.
(80) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(81) Voix de l'Eglise parlant des Juifs.
(82) Voix de l'Eglise parlant des Juifs.
(83) Voix du Christ au Père au sujet de l'Eglise. A ceux qui sont parvenus à la foi. A lire en référence à l'Evangile de Matthieu.
(84) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(85) Voix du Christ au Père.
(86) Voix de l'Eglise aux Apôtres.
(87) Voix du Christ au Père, au sujet de sa Passion.
(88) Voix du Christ au sujet des Juifs.
(89) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(90) Voix de l'Eglise au Christ.
(91) Voix de l'Eglise.
(92) Voix du Christ parlant de sa Résurrection.
(93) Voix de l'Eglise parlant des Juifs.
(94) Voix du Christ aux Apôtres.
(95) Voix de l'Eglise appelant les peuples.
(96) Voix de l'Eglise à l'avènement du Christ. Prophétie pour la confession (= louange, cf.verset 13 du psaume).
(97) Voix de l'Eglise au Seigneur et aux Apôtres.
(98) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
Règne éternel du Père.
(100) Voix du Christ au Père.
(101) Voix du Christ à l'Eglise.
(102) Voix de l'Eglise à ses fidèles.
(103) Voix de l'Eglise au Père.
(104) Voix du Christ aux Apôtres au sujet des Juifs.
(105) Voix du Christ aux Apôtres.
(106) Voix du Christ au sujet des Juifs.Alire en référence aux Juges et aux Nombres.
(107) Voix de l'Eglise pour imposer le tribut, les redevances.
(108) Voix du Christ au sujet des Juifs.
(109) Voix de l'Eglise au sujet du Père et du Fils.
(110) Voix de l'Eglise chantant la louange du Christ.
(111) Voix de l'Eglise chantant la louange du Christ.
(112) Voix de l'Eglise à ses fidèles.
(113) Voix des Apôtres invectivant les idoles avec les Juifs.
(114) Voix du Christ parlant de lui-même.
(115) Voix de l'Apôtre Paul.
(116) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(117) Voix du Christ parlant de lui-même.
(118) Voix du Christ au Père.
(119) Voix de l'Eglise.
(120) Voix de l'Eglise aux Apôtres.
(121) Voix de l'Eglise aux Apôtres.
(122) Voix du Christ au Père.
(123) Voix des Apôtres.
(124) Voix de l'Eglise.
(125) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(126) Voix du Christ à la future Eglise.
(127) Le prophète parle du Christ et de l'Eglise.
(128) Voix de l'Eglise.
(129) Voix des Apôtres après la Pentecôte,à lire à propos de Jonas.
(130) Voix de l'Eglise.
(131) Le prophète parle à son Père au sujet du Christ.
(132) Voix de l'Eglise.
(133) Voix de l'Eglise.
(134) Voix de l'Eglise.
(135) Voix des Apôtres à la Synagogue.
(136) Voix de l'Eglise.
(137) Voix du Christ au Père.
(138) Voix de l'Eglise au peuple pour louer Dieu.
(139) Voix du Christ au Père.
(140) Voix du Christ au Père à propos de Judas.
(141) Voix du Christ au Père durant sa Passion.
(142) Voix du Christ au Père durant sa Passion.
(143) Voix de l'Eglise luttant contre le diable et ses suppôts.
(144) Voix de l'Eglise au Christ.
(145) Voix de l'Eglise à ses fidèles.
(146) Voix de l'Eglise à ses fidèles.
(147) Voix du Christ à l'Eglise.
(148) Voix des Apôtres après la Pentecôte.
(149) Voix du Christ au Père.
(150) Voix du Christ dans la joie de son royaume, après avoir vaincu le monde.
EXEGESE PATRISTIQUE
ORIGENE
Psaume 38.
Introduction.
Origène a beaucoup écrit et prêché sur les Psaumes. Eusèbe de Césarée, dans son Histoire Ecclésiastique, mentionne pour la première partie de sa vie à Alexandrie, un commentaire sur les trente cinq premiers psaumes. Jérôme, qui, de son côté a répertorié les livres et les homélies consacrés aux psaumes, nous montre que leur liste couvre pratiquement tout le Psautier, ce qui représente un effort tout particulier au milieu de l'œuvre exégétique exceptionnellement importante d'Origène. Malheureusement il ne nous reste qu'une partie infime de sestravaux.Commeleconstatent H.Crouzel etL.Brésard[xliii],"en dehorsd'innombrablesfragments dont l'authenticité pose bien des problèmes, ne subsistent dans leur entier que neuf homélies sur les psaumes 36,37,et 38, conservés dans une traduction latine de Ruffin".
Dans son "Prologue", l'Aquiléen, après avoir dédié sa traduction à un proche parent de Mélanie l'Ancienne[xliv], présente le contenu de ces homélies comme étant tout entier d'ordre moral. Voici ce qu'il écrit notamment au sujet de l'homélie concernant les huit derniers versets du Ps.,38, que nous relatons ci-après:
<L'homme est dans cemonde enimage,imagedu céleste ouimage du terrestre; nos vertus ne sont que des images de vertus. Les biens matériels passent et les spirituels demeurent. Nos actes, bons et mauvais, sont inscrits sur nous. Il faut garder le silence sur les diffamations. Le péché épaissit l'âme, rend charnel, la vertu affine. Le chrétien est dans le monde un paroikos, c'est-à-dire un homme qui vit en étranger dans un autre pays que le sien, à la fois citoyen et étranger, à mi-chemin entre les deux>.
Dans son "Introduction",Henri Crouzel nous fournit de précieuses indications sur la doctrine de l'image si représentative de l'enseignement d'Origène:
<Cette doctrine de l'image, d'origine à la fois biblique et platonicienne apparaîtsurtout dans cette dernière homélie.Ellese présente sous plusieurs formes. D'abord la création de l'homme suivant l'Image de Dieu qui est le Verbe, le "selon l'image", comme dit Origène, appelée à grandir par la grâce divine et le progrès spirituel jusqu'à la ressemblance finale avec Dieu. Ensuite, l'idée inspirée par le platonisme, que tous les êtres de ce monde sont les images des Idées, ou plutôt pour Origène des mystères divins. Puis une doctrine à trois degrés, venant de l'exégèse de Hébr.,10,1, concernant les trois époques de l'histoire chrétienne. Les biens de l'Ancien Testament ne nous présentent que "l'ombre" des biens célestes, c'est-à-dire le désir ou le pressentiment mais non une participation réelle. Ceux de la Nouvelle Alliance nous donnent beaucoup plus, l'image, dans l'Evangile temporel, c'est-à-dire tel qu'il est vécu ici-bas; l'image connote ici une participation réelle, quoiqu'elle reste "à travers un miroir, en énigme",[1Cor.,13,12], et imparfaite. Cette affirmation contient en germe la doctrine du sacramentalisme chrétien livrant le divin à travers des choses ou des gestes sensibles. Mais dans la béatitude céleste, dans l'Evangile éternel ou spirituel, nous jouirons pleinement des réalités>.
Deuxième homélie sur le Psaume 38.
Texte appelé:
(7)Bien que l'homme marche dans l'image,
il entasse des trésors et ne sait pas pour qui il les rassemble.
(8)Et maintenant quelle est mon attente?
N'est-ce pas le Seigneur? Et mon être vient de Toi.
(9)A toutes mes iniquités, arrache-moi!
Tu m'as donné en opprobre à l'insensé.
(10)Je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche,
car c'est toi qui l'as fait.
(11)Détourne de moi tes coups;
sous la force de ta main, j'ai défailli.
(12)Par des réprimandes pour son iniquité, tu as instruit l'homme;
et tu as dissous son âme comme une toile d'araignée.
Vraiment tout homme est vanité!
(13)Ecoute ma prière et ma supplication:
prête l'oreille à mes larmes et ne garde pas le silence loin de moi!
car je suis auprès de toi un étranger de passage, comme tous mes pères.
(14)Lâche-moi, pour que je reprenne haleine
avant que je m'en aille, et je ne serai plus.
Image dans l'Ecriture.
"Bien que l'homme marche dans l'image",uneimage est forcément l'image de quelqu'un. Or, l'Ecriture Sainte aussi, quand elle parle d'image, parfois précise et dit de qui est l'image, mais parfois elle met:"image"sans aucuneprécision.Ainsiquand elle dit du Sauveur: "Qui est l'image", elle n'a pas passé sous silence de qui il est l'image, mais elle a ajouté:"Qui est l'image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature(a)". Et d'autre part, quand elle nous instruit sur les diverses images et que chacun porte quelqueimage,
elle dit:"Comme nous avons porté l'image du terrestre, nous porterons aussi celle du céleste(b)". Elle fait mention de l'image avec l'ajout, soit du "terrestre" soit du "céleste". Mais ailleurs, elle en parle sans aucune précision, comme elle dit en ce passage:"Bien que l'homme marche dans l'image". Mais dans l'image de qui? De Dieu, ou dans l'image du terrestre, ou dans l'image du céleste? Comment saurais-je ici ce que veut nous apprendre l'Ecriture divine qui dit sans aucun ajout:"Bien que l'homme marche dans l'image", je ne sais de qui?
Certes, si elle avait parlé des justes seuls, sans aucun doute elle aurait dit:"Bien que l'homme marche dans l'image du céleste". Ou si elle avait parlé seulement des pécheurs, elle aurait dit assurément: "l'homme marche dans l'image du terrestre". Mais elle s'ex- primede manière générale à propos del'ensemble des mortels dont les uns portent l'image du céleste, tous ceux qui vivent selon la loi de Dieu, les autres l'image du terrestre, ceux qui vivent de façon charnelle. Aussi a-t-elle passé nécessairement sous silence une désignation particulière de l'image et a-t-elle présenté une formule générale s'appliquant à tous les hommes: tout homme marche dans une image.
Image du céleste ou image du terrestre.
A toi maintenant d'examiner ou de rechercher d'après la foi et les oeuvres de chacun, d'après sa conduite et ses actes, d'après ses pensées et ses paroles, et de considérer s'il marche dans l'image du céleste ou dans l'image du terrestre[xlv]. Si tu es miséricordieux comme ton Père céleste est miséricordieux(c), sans aucun doute l'image du céleste est en toi. Si tu fais du bien non seulement à tes amis, mais si, même à tes ennemis tu rends le bien pour le mal, comme le Père céleste "fait lever son soleil sur les bons et les méchants et tomber sa pluie sur les justes et les injustes"(d), l'image du céleste est en toi. Et si en tous points tu es parfait comme ton Père céleste est parfait(e), l'image du céleste est en toi.
Et à l'inverse, si tu n'es pas l'imitateur du Christ ou de l'Apôtre Paul qui dit:"Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ(f)",
mais si tu imites les oeuvres du diable qui fut homicide dès le commencement(g), et si tu goûtes les choses de la terre et parles des choses de la terre(h), et si ton trésor et ton cœur(i) sont dans la terre, tu portes l'image du terrestre.
Mais puisque nous nous trouvons en ce passage où le texte porte sur l'image, il semble nécessaire d'avancer encore le verset de ce psaume où il est écrit des pécheurs:"Seigneur, dans ta cité, tu réduiras à rien leur image(j)". Il est donc bien certain que Dieu réduit à rien l'image des pécheurs dans sa cité; mais l'image des justes, sans aucun doute, il la protège et la conserve. C'est donc l'image du terrestre, c'est-à-dire des pécheurs, que Dieu "réduit à rien dans sa cité". C'est dire que lorsque quelqu'un sortira de ce monde et qu'il emportera avec lui l'image du terrestre, en raison d'une telle image, il sera réduit à rien dans cette cité de Dieu et n'aura pas rang parmi les habitants de cette cité céleste, lui qui ne porte pas les signes de l'image céleste(k).
(a)Col.,1,15;(b)1Cor.,15,49;(c)Lc.,6,36;(d)Matt.,5,45;(e)Matt.,5,48;(f)1Cor.,11,1;(g)Jn.,8,44;(h)Phil.,3,19;(i)Matt.,6,21;(j)Ps.,72,20;(k)1Cor.,15,49.
Marcher dans l'image.
De plus, ce verset me semble contenir un autre mystère: la vie de ce monde , et ce qu'on y fait, est quelque chose d'imaginaire, une image, tandis que la vie future n'est pas imaginaire mais vraie. Et c'est ce qu'on dit: chacun a une image de la vertu, mais ne vit pourtant pas, à proprement parler et franchement dans la Vertu elle-même. Je m'explique: la sagesse et la science sont une part importante des vertus; mais dans la vie présente si quelqu'un pense qu'il a connu, il n'a pas encore connu comme il convient de savoir, car celui qui connaît, connaît "en énigme". Nous marchons donc dans l'image de la science, et non dans la science elle-même par laquelle on connaît face à face(a).
De même également,nous marchons dansl'image de la Sagesse et pas encore dans la Sagesse elle-même, car nous ne contemplons pas encore à visage découvert la gloire du Seigneur(b)".
J'ose dire la même chose de la justice de Dieu: nous marchons dans l'image de la justice, et nous n'avançons pas encore dans cette Justice que l'on voit face à face(c). Car elle ne pouvait la saisir, la nature humaine vêtue de peau et de chair, tissée d'os et de nerfs(d), elle ne pouvait porter la vérité elle-même, nue et pure, de la Justice, ni la supporter dans la puissance et la force de sa nature, puisqu'assurément le Christ lui-même est la nature des vertus: lui-même en effet, est la Justice qui ne vient pas au genre humain dans la plénitude de sa splendeur, puisque Jésus-Christ s'est dépouillé lui-même de la forme divine pour revêtir la forme d'esclave(e).
Ombre, image, réalité.
Et si vraiment la parole de l'Ecriture n'avait parlé que des seuls Juifs, elle aurait dit peut-être:"Bien que l'homme marche dans l'ombre". Mais parce que, je pense, l'expression vise des gens meilleurs que ne l'étaient ceux qui vivaient selon l'ombre de la Loi(f), il est écrit:"Bien que l'homme marche dans l'image(g)".
Ceci deviendra plus évident pour l'intelligence à partir des paroles de l'Apôtre Paul qui note dans la Loi trois sortes de caractères, parlant d'ombre, d'image et de vérité. Il dit en effet:"Car la Loi possède l'ombre des biens à venir,non pasl'image même des réali- tés: chaque année, par ces mêmes sacrifices que l'on offre sans cesse,elle nepeut jamais rendre parfaits ceux quis'approchent(h)".
"La Loi possède donc l'ombre des biens à venir et non pas l'image même des réalités", montrant , sans aucun doute, que l'image des réalités est autre que ce qu'on appelle"ombre de la Loi". Et si quelqu'un peut décrire cette observance du culte juif, qu'il remarque que ce temple n'a pas eu l'image des réalités, mais l'ombre; qu'il voie aussi que l'autel est une ombre, qu'il voie les boucs et les veaux amenés pour le sacrifice: tout cela c'est une ombre selon ce qui est écrit:"Car c'est une ombre, notre vie sur la terre(i)"[xlvi].
Mais si quelqu'un a pu aller au-delà de cette ombre, qu'il vienne à l'image des choses(j), et qu'il voie l'avènement du Christ accompli dans la chair , qu'il le voie, lui, le Pontife, présentant maintenant encore des victimes au Père(k), et devant en offrir par la suite; et qu'il comprenne que tout cela, ce sont des images des réalités spi- rituelles, et que par des fonctions matérielles on représente des fonctions célestes. On appelle donc"image"ce qui concerne le pré- sent et que peut apercevoir la nature humaine. Si tu peux, par la pensée et par l'âme, pénétrer dans les cieux et suivre "Jésus qui a pénétré dans les cieux(l) et se présente maintenant pour nous près du visage de Dieu, tu découvriras là ces biens dont la Loi eut l'ombre(m) et dont le Christ a présenté l'image dans la chair, qui sont préparés pour les bienheureux,"ce que l'œil n'a pas vu et l'oreille entendu,et quin'est pas monté au cœur del'homme(n)[xlvii]". Quand tu les verras, tu comprendras que celui qui marche en eux et persiste à les désirer et à les convoiter, celui-là ne marche plus dans l'image, mais déjà dans la Vérité elle-même.
Prenons garde à nous.
Donc, tout ce que nous faisons, à toute heure et à tout moment, façonne quelque image. C'est pourquoi nous devons scruter nos actions une à une, et nous examiner nous-mêmes: par cet acte ou cette parole est-il peint en notre âme une image céleste ou une image terrestre(n)? De plus, il ne semblera pas inutile de vous avertir que beaucoup en ce monde ont péri en raison d'images de mauvais rois ou plutôt de tyrans, simplement du fait que ces images de tyran ont été trouvées chez eux, et cela seul a suffi à les accuser. Donc, qu'à présent chacun de vous s'examine avec soin, qu'il scrute les recoins de son cœur et qu'il recherche avec attention quelles images il y porte. Si l'on découvre que tu as là les traits du diable et l'image de Satan, quel refuge auras-tu pour ta vie? Qui aura pitié de toi, quand du plus profond de la chambre de ton cœur on mettra au jour l'image du tyran?
Mais si tu veux que je te décrive par leur aspect de telles images, écoute. La colère est une image du tyran, l'avarice, la ruse, l'orgueil, la vanité, les gloires du monde, les envies, les beuveries, les débauches et autres choses semblables(o). Si tu ne les a pas rejetées au plus vite de ta demeure, si tu n'as pas ôté et gratté de tes pensées toute la teinte de cette peinture détestable, et si tu n'as pas effacé toute trace de cette couleur empoisonnée, ces images elles-mêmes te feront périr. Voilà pour ces mots:"L'homme marche dans l'image".
(a)1Cor.,13,12;(b)2Cor.,3,18;(c)1Cor.,13,12;(d)Job,10,11;(e)Phil.,2,7;(f) Hébr.,10,1;(g)Ps.,38,7;(h)et(j)Hébr.,10,1;(i)1Chr.,29,15;(k)1Pierre,2,5; (l) Hébr.,4,14;(m)1Cor.,2,9;(n)1Cor.,15,49;(o)Gal.,5,21.
Mon attente.
Vient ensuite:"Et maintenant, quelle est mon attente? N'est-ce pas le Seigneur?"Comme notre Sagesse est le Christ, et notre justice est le Christ, selon ce qui est écrit:"Qui a été fait pour nous par Dieu, Sagesse, Justice, Sanctification et Rédemption(a)", ainsi aussi notre Attente, c'est-à-dire notre Patience, c'est le Christ. C'est pourquoi:"Que le sage ne se vante pas de sa sagesse ni le brave de sa bravoure(b)", car nous avons tout dans le Christ. Et maintenant donc,quelle est Mon attente, c'est-à-dire ma Patience? Le Seigneur!
"Et mon être vient de toi(c)". Si je possède la substance des richesses spirituelles, cela vient de Dieu:"Dieu insuffla, en effet, sur le visage de l'homme un esprit de vie, et l'homme devint une âme vivante(d)".
Repentir et pardon.
"A toutes mes iniquités, arrache-moi(e)"! Il est nécessaire qu'il ait ajouté:"à toutes",pour quenulle iniquité ne nous tienne et ne nous enchaîne. Mais considérons comment Dieu arrache aux iniquités. Si, nous repentant des méfaits commis, nous nous tournons vers Dieu, Dieu accueille notre conversion et nous acquitte des iniquités selon la mesure de notre conversion. Car celui à qui l'on a remis davantage,aime davantage.Voilàpourquoiilest dit:"A cette femme il a été beaucoup remis parce qu'elle a beaucoup aimé(f)". Donc, selon la mesure de notre repentir est mesurée l'étendue du pardon, pour que nous ne nous égarions pas nous-mêmes en pensant qu'il n'est donné selon aucune règle, aucun jugement.
L'insensé.
"Tu m'as donné en opprobre à l'insensé".Tant quenous avons des péchés, il est forcé que nous soyons couverts d'opprobres par l'Insensé et notre accusateur, le diable. Et s'il se trouve que nos péchés n'ont pas été effacés, mais écrits en nous par le stylet du diable[xlviii], pour ces fautes elles-mêmes que nous avons commises, l'ennemi nous couvrira d'opprobres. De même en effet que toutes les bonnes actions sont dites "écrites non avec de l'encre, mais par l'Esprit du Dieu Vivant(g)", ainsi toutes les mauvaises actions sont écrites avec l'encre et le calame[xlix] du diable. C'est pourquoi notre Seigneur et Sauveur a effacé l'acte écrit de nos péchés, dressé contre nous, signé par le diable(h), comme il l'avait prédit auparavant par le prophète:"Voici que j'efface comme un nuage tes iniquités et comme une nuée tes péchés(i)", et je ne m'en souviendrai jamais plus(j).
Se taire.
"Je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche, car c'est toi qui l'as fait".Il semble sage de rechercher pourquoile prophète a dit:"C'est toi qui l'as fait", sans pourtant ajouter ce qu'il a fait. Mais l'enchaînement même de sa pensée nousl'apprend,puisqu'il décrit comme un combat entre nous et le pécheur qui se dresse contre nous: il montre cela même que Dieu a fait, c'est-à-dire que Dieu a fait ces combats pour nous exercer et nous faire progresser.
Aussi je me souviendrai que tu as fait ces combats et que tu nous as préparé ces exercices de patience. Car lorsque j'étais provoqué à la colère, harcelé par des insultes, pour ne pas franchir les bornes de la patience et ne pas laisser sortir de mes lèvres quelque parole qui ne te plairait pas,"je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche". Mais quand je serai capable de porter un coup plus fort, selon ce qu'a prescrit Paul, non seulement je me tairai et n'ouvrirai pas la bouche, mais quand on me maudira, je bénirai, et calomnié, je prierai(k).
(a)1Cor.,1,30;(b)Jér.,9,22;(c)Ps.,38,8;(d)Gn.,2,7;(e)Ps.,38,9;(f)Lc.,7,47; (g)2Cor.,3,3;(h)Col.,2,14;(i)Is.,44,22;(j)Jér.,31,34;(k)1Cor.,4,12.
L'âme s'épaissit.
"Par des réprimandes pour son iniquité, tu as instruit l'homme et tu as dissous son âme comme une toile d'araignée(a)".
L'âme qui pèche devient plus épaisse. Car telle est la nature du péché, c'est pourquoi il est écrit:"Le cœur de ce peuple s'est épaissi(b)". Mais comme le péché rend épais, ainsi au contraire, la vertu rend l'âme fine[l] et, pour chasser en quelque sorte ce que le mot a d'étrange, fait disparaître et enlève tout ce qu'il y a en elle de corporel et la rend purement incorporelle. Or, que l'âme du pécheur s'épaississe et qu'elle devienne pour ainsi dire de chair, c'est indiqué par ce qui est écrit:"Mon Esprit ne demeura pas dans ces hommes, car ils sont chair(c)". Sans aucun doute, il nomme "chair" les âmes plus épaisses et pécheresses.
Dieu y porte remède.
Si donc l'âme s'épaissit au point de devenir chair, le prophète nous apprend quel remède Dieu lui prépare:"Par des réprimandes pour son iniquité, tu as instruit l'homme et tu as dissous son âme comme une toile d'araignée(d)". C'est donc le travail de Dieu de liquéfier et de détruire tout ce qu'il y a de matière épaisse qui entoure l'âme, pour amincir et limer la sagesse de la chair(e), et finalement ramener ainsi l'âme à une fine intelligence des réalités célestes et invisibles.
Des toiles d'araignée.
Tout ce qu'ont tissé ces riches qui vécurent avant nous, eux qui amassaient des richesses par différents artifices et d'habiles inventions, eux qui recherchaient par différentes manières, ambition ou cruauté, qui une fonction publique, qui des honneurs, qui le consulat, tous ceux-là ont tissé des toiles d'araignée. Car aussi vain, aussi léger qu'une toile d'araignée fut tout ce qu'ils faisaient, et c'est pourquoi leurs âmes se dissolvèrent comme une toile d'araignée."Vraiment tout homme est vanité(f)"!
Ecoute ma prière.
"Ecoute ma prière, Dieu, et ma supplication, prête l'oreille à mes larmes(g)". Il faut de nouveau, et avec larmes, offrir une prière à Dieu(h) et, du plus profond du cœur, faire monter une prière au Seigneur, pour que l'intelligence, croyant au jugement futur, par- coure le souvenir de ses fautes non sans larmes et gémissements, avec celui qui, fondant en larmes, dit au Seigneur:"Je déverse en ta présence ma prière(i)".
"Prête donc l'oreille à mes larmes et ne garde pas le silence loin de moi(j)"!, dit-il, c'est-à-dire, quand je prie, ne garde pas le silence. Mais quoi? Alors que je parle encore, dis:Me voici(k).
Un étranger.
"Car je suis auprès detoi un étranger de passage,comme tous mes pères(l)"! Puisque je suis un passant, je suis aussi forcément un étranger, car je ne suis pas comme toi. Toi en effet tu es seul éternel,mais nous, autant qu'on le voit,nous avons un commence- ment. Or moi, si je deviens digne d'être auprès de toi, je suis pourtant un passant et un étranger auprès de toi: car tous mes pères aussi furent des passants et des étrangers auprès de toi. Abraham aussi est un étranger auprès de toi(m), car il n'existait pas toujours et il commença d'exister quand tu l'as voulu, comme Isaac, et Jacob, et tous les justes.
(a)Ps.,38,12;(b)Matt.,13,15;(c)Gn.,6,3;(d)Ps.,38,12;(e)Rom.,8,7;(f)Ps., 38,12;(g)Ps.,38,13;(h)Hébr.,5,7;(i)Ps.,41,3;(j)Ps.,38,13;(k)Is.,58,9;(l) Ps.,38,13;(m)Gn.,23,4.
Etre ou ne pas être.
"Lâche-moi, pour que je reprenne haleine, avant que je m'en aille, et je ne serai plus(a)", puisque je suis un étranger, tant que je suis près de toi, j'existe, mais si je vais loin de toi, j'ai perdu le fait même d'être, et je serai comme celui qui n'est pas. Ainsi l'on dit des pécheurs:"Et ils seront comme ceux qui ne sont pas(b)"; et ailleurs: Qui appela ceux qui ne sont pas(c)."Lâche-moi pour que je reprenne haleine avant que je m'en aille, et je ne serai plus(d)". Sachons toutefois qu'il tient à nous, ou d'être ou de ne pas être. Car tant que nous adhérons à Dieu et nous attachons à celui qui est vraiment,nous aussinous sommes.Mais sinousnous éloignons de lui et n'adhérons plus à notre Dieu, par le vice nous tombons dans l'état opposé. Ce n'est donc pas la mort de l'âme comme substance qui est signifiée par là, mais on dit que l'homme n'est pas lorsqu'il ne demeure pas en Celui qui est vraiment et toujours, celui de qui lui-même a son être.
S'attacher au Seigneur.
Voilà donc pourquoi la parole du prophète aussi nous exhorte par ces mots:Nous suivronsle Seigneur notre Dieu et nousadhèrerons à lui(e). Disons alors nous aussi:"Mon âme a adhéré à Toi(f)", dans le Christ Jésus, notre Seigneur, à qui sont honneur et gloire dans les siècles des siècles, Amen(g).
(a)Ps.,38,14;(b)Abd.,16;(c)Rom.,4,17;(d)Ps.,38,14;(e)Jos.,24,24;(f)Ps., 62,9;(g)Rom.,16,27.
Nous avons indiqué préalablement que Ruffin avait pris soin, dans son Prologue, de donner une synthèse des homélies d'Origène sur les Psaumes 36à38. Le lecteur trouvera ci-dessous ces écrits (à l'exception de ceux déjà fournis concernant la 2ème homélie sur le Ps.,38).
1ère homélie sur le Ps.,36: Il ne faut pas donner d'exemple mauvais ni suivre ceux des autres. La gloire humaine n'a guère de valeur et la chair doit être méprisée: la chair n'est pas pour Origène le corps, mais la partie inférieure de l'âme qui la tire vers le corps, appelée aussi d'une expression paulinienne, "la pensée de la chair". Un passage parle de l'exomologèse, c'est-à-dire de la confession des péchés.
2ème homélie sur le Ps.,36(versets 7à14): La soumission à Dieu et au Christ est présentée dans le contexte de 1Cor.,15,28: le Christ ne sera dit soumis à Dieu que lorsque son Corps tout entier lui sera soumis, ce Corps qui contient non seulement l'Eglise, non seulement tout le genre humain, mais encore "la totalité de la création", affirmation hardie qu'on ne trouve que là dans toute l'œuvre subsistante d'Origène, car il ne s'intéresse guère habituellement à ce qui est inférieur à l'homme. Il faut donc être soumis à Dieu et ne pas manquer d'examiner sa conscience à cesujet.La vie est un combat dont l'enjeu est la soumission à Dieu: si on cesse de pécher et si on se repent, on sera soumis à Dieu. Origène fait allusion une première fois au scandale soulevé par le bonheur des impies: il ne faut pas leur porter envie, car ce ne sera pas ainsi dans l'au-delà. Il faut se garder du vice de la colère, le plus difficile à éviter, et distinguer le peccator (le pécheur) du malignus (le méchant) car le second pèche volontairement, le premier par ignorance et faiblesse.
3ème homélie sur le Ps.,36(versets 14à22): Les justes veulent garder à tout prix la justice: ce concept de justice tient à la fois, comme c'est habituel chez les Pères,du senshébraïque du mot-les justes sont ceux qui évitent le péché et s'ouvrent à la volonté divine-et de la vertu cardinale des Grecs qui consiste à donner à chacun ce qui lui revient. Mieux vaut le juste pauvre en culture que l'injuste qui en est riche. Mais la richesse venant de l'étude de l'Ecriture est supérieure à tout. Ne pas mal parler des saints, c'est-à-dire des chrétiens: maîtriser sa langue.
4ème homélie sur le Ps.,36(versets 23à29): La chute du juste est différente de celle de l'injuste, car le juste se relève, l'injuste reste à terre. Il ne faut pas regarder en arrière comme la femme de Lot. L'image delalutte physique exprime le combat spirituel.David affirme n'avoir jamais vu de juste dans le besoin, mais Paul (en fait l' Epître aux Hébreux) dit le contraire: le juste dans ses épreuves est toujours protégé par Dieu et par ses anges.
5ème homélie sur le Ps.,36(versets 30à40): La sagesse est participation au Christ-Sagesse: elle se manifeste par des actes, par l' honnêteté de la vie, par la prière. Mais elle est aussi science: au ciel se trouve la science parfaite, mais il faut progresser ici-bas pour l'atteindre.Le jugement est àcomprendre en deux sens:parler avec jugement,c'est-à-dire raisonnablement;etvivre dans lapensée du jugement à venir. De nouveau est faite une allusion au scandale du méchant heureux: mais il passe, alors que les justes ont leur salut près du Seigneur.Le prince dece monde cherche danschaque âme qui sort d'ici-bas si elle a quelque chose qui lui appartient, à lui le diable.
1ère homélie sur le Ps.,37(versets 1à11): La médecine spirituelle appartient au Christ, Médecin-chef. Dans quelles conditions doit être faite la correction ou la réprimande? Le pécheur souffre de la conscience de son péché: mortification et pénitence.
2ème homélie sur le Ps.,37(versets 12à23): La pénitence fait souffrir mais elle donnera la joie au dernier jour: il vaut mieux subir ici-bas les châtiments de Dieu que dans l'au-delà. Il ne faut pas se cacher son péché,mais au contraire l'avouer à un médecin spirituel bien choisi.Ce passage comme plusieursautres d'Origène remet en question l'idée, aujourd'hui généralement admise, qu'il n'existait à l'époque que la pénitence publique. La pureté est nécessaire pour s'approcher de l'eucharistie.
1ère homélie surle Ps.,38(versets1à6):Ne pas pécher parlalangue, par ce qui est dit non seulement de mal,mais d'inutile.Savoir nous taire devant celui qui dit de nous du mal: le meilleur est de bénir celui qui nous maudit; le summum est de ne pas en être attristé. Vanité de la vie présente où l'on ne voit que les figures et les ombres des vraies réalités et qui n'est pas délivrée de la corruption: seule la vie éternelle sera heureuse et véritable.
Dysfonction érectile Ez.,14 :(12) La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes:(13) Fils d'homme, si un pays pèchait contre moi en m'étant infidèle et que j'étende la main contre lui, détruisant sa réserve de pain et lui envoyant la famine pour en retrancher bêtes et gens, (14)et qu'il y ait dans ce pays ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, ces hommes sauveraient leur vie grâce à leur justice, oracle de Seigneur Yahvé.


[i] Ez.,14 :(12) La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes:(13) Fils d'homme, si un pays pèchait contre moi en m'étant infidèle et que j'étende la main contre lui, détruisant sa réserve de pain et lui envoyant la famine pour en retrancher bêtes et gens, (14)et qu'il y ait dans ce pays ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, ces hommes sauveraient leur vie grâce à leur justice, oracle de Seigneur Yahvé.
[ii] A Edom.
Ainsi parle Yahvé Sabaot.
N'y a-t-il plus de sagesse dans Témân,
le conseil a-t-il disparu chez les gens intelligents;
leur sagesse s'est-elle évanouie?
[iii] Toutes ces indications sont extraites de l'Introduction au Livre de Job dans la Bible de Jérusalem (édition du Cerf, Paris 1998) pp.785 et 786.
[iv] H.Sorlin avecla collaboration de Louis Neyrandin Commentaire sur Job,Sources chrétiennes, au Cerf, Paris 1988, n°346 et 348.
[v] Dans les "jeux grecs", l'agonothète jouait le double rôle d'organisateur et d'arbitre suprême; il présidait toutes les cérémonies.
[vi] Analyse du Commentaire lui-même, accompagnée d'autres citations recueillies par l'abbé Sorlin dans des oeuvres de Chrysostome qui traitent du même sujet (textes relevés ici en plus petits caractères).
[vii] Cette exégèse de l'expression biblique "un homme", n'est pas sans rappeler celle d'Origène sur Elcana: "il y avait un seul homme"(v.p.128).
[viii] L'idée que Job a pratiqué la morale des béatitudes avant le Christ est familière au Commentaire et se retrouve encore ailleurs dans l'oeuvre de Chrysostome (Ad eos qui scandalizati sunt, Homélie VII sur la Pénitence,etc..).
[ix] Pour Chrysostome notamment, ce messager porteur de mauvaises nouvelles qui intervient à plusieurs reprises, n'est autre que Satan.
[x] Ce geste de déchirer ses vêtements qui,dans la Bible, est l'expression classique du deuil et de l'horreur, ne marque l'abattement de Job qu'en apparence. Il est destiné surtout à ne pas exposer Job au reproche d'insensibilité. Mais l'émotion qui le poussait à ce geste pathétique ne doit pas faire présumer de ses sentiments intérieurs. Job reste un sage, même dans la douleur.
[xi] Rappel de l'accord précédent donné par Dieu au diable:"Voici que je te le livre, à la seule condition que tu épargnes sa vie"(Job.2,6)
[xii] cf. également 28,3: "La craintedu Seigneur, c'estle commencement de la sa- gesse, et tous ceux qui la pratiquent ont une bonne intelligence"(Prov.,1,7ab).
[xiii] Dans la deuxième partie du VIème siècle, au temps de Grégoire, l'effroyable décadence de Rome avait englouti son glorieux passé. Lorsqu'il naît à Rome, vers 540, seul le pape compte encore dans la capitale romaine. "Ce n'est plus l'antiquité et ce n'est pas encore le moyen-âge occidental, c'est cette période éphémère de l'Italie que l'on peut appeler byzantine. Et, paradoxe de l'histoire, dans l'Italie que domine Byzance, l'hellénisme est mort, alors qu'il s'était mis à revivre magnifique- ment dans l'Italie au début du même siècle, avec Symmaque et son gendre Boèce, appelés tous deux auprès du roi goth Théodoric. C'est que la guerre de reconquête des Grecs sur les Goths avait achevé de ruiner et de désorganiser la péninsule."
Sans avoir pu mettre en oeuvre les richesses de la culture classique, Grégoire reste cependant le dernier représentant de la méthode théologique des Pères grecs et latins, toute fondée sur l'explication des textes sacrés. Sa volonté de diffuser la doctrine morale chrétienne semble avoir trouvé un terrain favorable<car c'est le cœur qui est pris à parti dans ce langage si éloigné des formes dialectiques, et le cœur de l'homme n'est pas toujours insensible> (V.Fèvre in Etude des Morales de saint Grégoire le Grand sur Job, p.26).
[xiv] C'est dire que le Commentaire de Chrysostome sur Job, datant du siècle précédent, n'avait pas été porté à sa connaissance.
[xv] Au sens allégorique, Job est en même temps la figure du Christ et de son Eglise (la Tête et le Corps). Du Christ d'abord, considéré comme chef du magistère qui nous enseigne ce que nous devons croire; de l'Eglise ensuite, réunion organique des membres du Christ.Au sens moral,Job est l'occasion pour Grégoire de montrer à ses auditeurs comment la foi doit se manifester dans les oeuvres. Dans les "Moralia in Job", les quatorze premiers paragraphes sont consacrés à l'explication "historique", mais déjà s'y glissent maintes considérations morales. Les quatorze paragraphes suivants exposent le sens allégorique de ces mêmes versets, et les paragraphes 34à56, le sens moral.
[xvi] Le texte qui suit est emprunté aux "Morales sur Job", traduit en français par Dom André de Gaudemaris et édité parleCerf,collection Sources chrétiennes n°32, pp.197 à 201.
[xvii] Dans cette même lettre, l'évêque d'Alexandrie semble encore réduire "ce qui suffit à notre instruction" à la lecture des Psaumes. Il y résume, pour les ascètes des cercles monastiques de l'Egypte et pour les vierges, voire pour tous les chrétiens, les principes qui devraient les guider dans leur étude de l'Ecriture. Pour lui, les Psaumes présentent une synthèse rêvée, à la fois objective et subjective, de la prière et de la vie spirituelle et chrétienne.
[xviii] Dom Jacques Godfrain in Le monde des Psaumes, aux éditions de la Source, Paris 1964,p.29.
[xix] Cela tient au fait que ces dernières (Vulgate et Septante) réunissent les psaumes 9 et 10 ainsi que les psaumes 114 et 115, mais coupent en deux parties les psaumes 116 et 117. Ainsi la numérotation est commune aux trois provenances du Ps.1 au Ps.8, ainsi que pour les Ps.149 et 150.
[xx] Notons au passage que les mots traduits de l'hébreu qui figurent dans la marge de certains psaumes ne constituent que des repères alphabétiques.
[xxi] Certains ont vu dans cette appellation le palais royal, d'autres le temple; dans les faits, la liturgie juive utilisera ce psaume pour la Hannouka, fête anniversaire de la dédicace de l'autel du temple (note TOB).
[xxii] Les psaumes "Aux fils de Coré" appartenaient au répertoire de cette famille de chantres. Origène a rappelé que certains de ses prédécesseurs avaient remarqué que ces psaumes (et eux seuls), ne renfermaient rien d'amer ou de sévère, mais que c'était par une sorte de faveur divine qu'il avait été accordé à ces poèmes
d'évoquer toujours des choses heureuses.
[xxiii]1Sam.,16,16-18;Amos.6,5;2Sam.,1,19-27;2Sam.,3,33.34.
[xxiv]2Sam.,6,5 et 6,15.16.
[xxv] Extrait de "Introduction aux Psaumes", traduction de la Bible de Jérusalem, édition du Cerf, Paris 1998, p.842.
[xxvi] Psaume 72:
(15) Si j'avais dit:"Je vais parler comme eux",
j'aurais trahi la race de tes fils.
(16) Alors, j'ai réfléchi pour comprendre;
quelle peine s'était à mes yeux!
(17) Jusqu'au jour où j'entrai aux sanctuaires divins,
où je pénétrai leur destin.
(23) Et moi, qui restais près de toi,
tu m'as saisi par ta main droite;
(24) par ton conseil tu me conduiras,
et derrière la gloire tu m'attireras.
(28) Pour moi approcher Dieu est mon bien
j'ai placé dans le Seigneur mon refuge,
afin de raconter toutes tes oeuvres.
[xxvii] Psaume 89:
(1) Seigneur tu as été pour nous
un refuge d'âge en âge,
(2) de toujours à toujours tu es Dieu.
(4) Car mille ans sont à tes yeux,
comme le jour d'hier qui passe.
(5) Ils seront le matin comme l'herbe qui pousse;
(6) le matin, elle fleurit et pousse
le soir elle se flétrit et sèche.
(17) La douceur du Seigneur soit sur nous!
Confirme l'ouvrage de nos mains!
[xxviii] Cf. Saint Grégoire de Nysse, In Inscriptiones Psalmorum I,5-6:"Celui qui a élevé son esprit et dont le regard s'étend au loin comme d'un observatoire éminent, voit en quoi consiste la différence du vice à la vertu, et que c'est en fonction des réalités dernières [Ps.,72,17], non des réalités présentes, que s'opère le discernement entre eux. En effet, par le regard visionnaire et pénétrant, de l'âme, il saisit comme présent ce qui est réservé aux bons en espoir [Co.,1,5], il dépasse en esprit le monde phénoménal, il pénètre dans les sanctuaires célestes [Ps.,72,17]."
[xxix] cf.E.Pannier, in La Sainte Bible, les Psaumes; Paris 1950,pp.16-18.
[xxx] Pour saint Athanase, la lecture des Psaumes rend le chrétien christoconforme; la psalmothérapie est christocentrique au point d'être intégrée dans le dessein salvifique du Christ Rédempteur. Elle est, dans l'Ancien Testament, ce qui dépasse la Loi tout en la récapitulant, pour toucher, atteindre, obtenir, dans la prière la grâce du Nouveau Testament. En elle et par elle, le Christ , qui est chanté et qui chante dans les Psaumes, guérit et sauve...Il y a plus pour Athanase, les Psaumes sont don et grâce du Christ, par lesquels Il a voulu à l'avance, nous donner une image de sa vie, et nous préparer à le rencontrer. Ainsi s'exprime-t-il dans sa lettre à Marcellin (chap.13):
Les législateurs chez les Grecs n'ont de grâce que pour légiférer; le Seigneur, en vrai Seigneur de l'univers, prenant soin de son oeuvre, non seulement légifère, mais se donne en modèle pour que ceux qui le désirent sachent comment agir. Aussi, avant même sa venue parmi nous, l'a-t-il fait entendre dans les Psaumes et nous a-t-il montré en lui l'homme terrestre et l'homme céleste, pour que chacun puisse dans les Psaumes connaître les mouvements et les dispositions de l'âme et y trouver comment les guérir et les rectifier.
[xxxi] "Introduction aux Psaumes"ibid.,p.843.
[xxxii] "Si le psaume prie, priez, s'il gémit, gémissez, s'il rend grâce, rendez grâce, s'il espère, espérez, s'il craint, craignez. Car tout ce qui est écrit là, c'est comme notre miroir"(Saint Augustin, in Ps.,30, Patrologie Latine, col.248).
[xxxiii] Dom J.Goldstain,in"Le monde des Psaumes",Edit. La Source,Paris,1964,p.72.
[xxxiv] ibid.,p.70.
[xxxv] DansInstructio Psalmorum11,Hilaire rattache ces3groupes de 50 Ps.aux règne terrestre puis céleste du Fils et enfin au règne éternel du Père: (1Co.,15,24-28).
[xxxvi] Certes, Eusèbe de Césarée, pratiquant une lecture prophétique du Psautier et concentrant son attention sur l'économie du salut, était parvenu à dégager l'ascendance(akolouthia) entre psaumes successifs.Mais il n'avait cependant pasenvisagé une ascendance pour le Psautier tout entier, en fonction d'un but unique (skopos).
[xxxvii] in IEPGO, pp.252-253. Plusieurs alinéas qui précèdent cette référence sont également dus à ce même auteur.
[xxxviii] Dans son exégèse,le Nysséen a admis que le Psautier ne suivait pas l'ordre his- torique de la vie de David; il avait résolu la difficulté classique de ce manque de corrélation en disant que le Saint-Esprit ne peut se soucier de chronologie mais de progrès spirituel, les Psaumes étant disposés selon l'ascendance, la progression du sens (akolouthia) qui va du moins bon au meilleur.
[xxxix] Colomban (540env.à615): un des plus grands missionnaires de l'Eglise celte à la fin du VIème siècle, saint Colomban est à l'origine d'un renouveau de la vie monastique et de la spiritualité laïque sur le continent. Elevé au monastère de Bangor (comté de Down) en Irlande, il quitte ce pays à l'âge de cinquante ans avec douze autres moines pour s'installer dans les Vosges. Ils construisent le monastère de Luxeuil, qui donnera naissance à ceux de Fontaines, Remiremont, Jumiège, St Omer, entre autres. Devenu impopulaire à cause de ses attaques contre les mœurs dissolues de la cour de Bourgogne et du clergé local, il est accusé de célébrer la messe de Pâques suivant l'usage celtique et est traduit en 603 devant un synode d'évêques. Il écrit alors au pape Grégoire Ier pour obtenir son appui. Une puissante conspiration est alors ourdie contre lui à la cour du roi Théodoric II; la régente Brunehaut le contraint d'abandonner son monastère de Luxeuil en 610. Il se rend de ce fait en Suisse avec plusieurs moines, prêchant l'Evangile aux Alamans, puis fonde un monastère sur les bords du lac de Constance. Il doit partir à nouveau pour l'Italie où il fonde le monastère de Bobbio qui allait être le centre de prédications pour les Lombards. Son influence s'étend et de nombreux miracles lui sont attribués. Ecrivain, Colomban a laissé des poèmes, des lettres et des sermons, où il se révèle homme de savoir, ayant fréquenté les classiques grecs et latins.
[xl] Traduction du texte latin de Dom Salmon par le P. de Bénouville, osb, Abbaye de la Source, ici remercié.
[xli] Il faut donc considérer que, selon St Luc, ce psaume est le premier du Psautier (Actes,XIII,32.33):
(32)Et nous, nous vous annonçons la Bonne Nouvelle: la promesse faite à nos pères. (33) Dieu l'a accomplie en notre faveur à nous, leurs enfants: Tu es mon fils, moi-même aujourd'hui je t'ai engendré.
[xlii] Traduction du latin"quostquam consummata est Ecclesiae...".Cette consommation est en rapport avec le titre du psaume:"Dans la consommation du tabernacle".Cf.l'explication du titre du psaume donnée plus loin par Claudel.
[xliii] Origène, Homélies sur les Psaumes 36 à 38, Sources chrétiennes, au Cerf, Paris 1995, n°411.
[xliv] Cette grande dame romaine, devenue veuve, l'avait précédé en Terre Sainte pour y fonder un couvent au mont des Oliviers, à proximité du monastère que lui-même dirigera.
[xlv] Cette opposition "image du terrestre-image du céleste" vient de Paul (1 Cor., 15,48-49). Mais alors que Paul la comprenait d'Adam et du Christ, Origène l'applique habituellement au diable et à Dieu.
[xlvi] Ce verset de Job,8,9 qui s'applique ici à l'Ancien Testament est cité à propos de notre vie actuelle à l'ombre du Christ.
[xlvii] Le texte, Hébr.,10,1, introduit chez Origène une triple graduation: l'ombre correspondant à l'A.T, l'image qui est déjà une participation à la réalité suprême: N.T ou Evangile temporel, et enfin les réalités divines correspondant à l'Idée platonicienne: l'Evangile éternel.
[xlviii] On trouve souvent chez Origène, l'idée annonçant la durée bergsonienne, que tous nos actes, bons ou mauvais, sont inscrits dans notre cœur, et qu'au jugement dernier nous les verrons.
[xlix] "Calame": le roseau dont se servaient les anciens pour écrire sur parchemin.
[l] Cette idée se retrouve chez Cassien:"Le jeûne et la prière ont pour but d'amincir tellement l'âme qu'elle perde le goût des choses terrestres et ne veuille plus contempler que les célestes".