LA SOCIÉTÉ LIBRE VUE DE LEXTÉRIEUR (DYNAMIQUEMENT)
Jusquici, dans notre présentation synthétique du livre de Henri Hude intitulé « La Force de la liberté[1]», la SOCIÉTÉ LIBRE a été considérée de façon statique. Même quand il a été parlé de croissance et de strates, il a été fait abstraction des processus effectifs. Nous allons maintenant cesser de faire abstraction du mouvement de sorte que laSOCIÉTÉ LIBRE, étant replacée dans le cours de lhistoire et le flux de la vie, sera étudiée dynamiquement. À chaque fois, la constitution sera considérée non plus en tant que structure installée vue de façon universelle et intemporelle mais alors comme un processus singulier, constituant, et qui dure. Du point de vue dynamique, ce qui a jusqualors été appelé SOCIÉTÉet SOCIÉTÉ LIBRE prendra les noms de PEUPLE et de PEUPLE LIBRE. Et la question « Quest-ce quune SOCIÉTÉ LIBRE ? » devient « Quest-ce quun PEUPLE LIBRE ? » qui fera lobjet des deux chapitres qui suivent. A/ CARACTÉRISATION DUN PEUPLE LIBRE Les deux sens du mot « peuple » Il désigne soit le tout de la société soit une partie de ce tout (à savoir : les classes moyennes et populaires le Démos , la partie la plus importante en nombre, la partie complémentaire de la partie dirigeante), Le contexte suffit pour savoir de quoi il est question, mais en général ici cest le PEUPLE pris comme un tout. Caractérisation générale dun PEUPLE LIBRE Un PEUPLE LIBRE et développé reste une société civilisée, autour dun POUVOIR et dun ÉTAT, mais cette union y est comprise de préférence à la façon dun PACTE SOCIAL. est doté dune économie de marché originale, combinant linitiative libre et la société privée, avec des structures solidaires, mutuelles et communautaires. est aussi une NATION civilisée et une PATRIE, qui doit se sentir responsable du bien commun universel et être ouvert à létablissement dunions de Nations sans que cela puisse porter préjudice à la distinction légitime et à la pluralité nécessaire des communautés politiques. possède une certaine forme de représentation démocratique effective. est animé par une culture de paix, comme tout PEUPLE civilisé, mais aussi par une culture de liberté juste. Aussi universelle que puisse être cette dernière, elle fait aussi de chacun de ces PEUPLES LIBRES, un PEUPLE singulier, particulier, au sein dune SOCIÉTÉ des NATIONS, et parfois dunions de NATIONS. Commentaires sur la caractérisation du PEUPLE LIBRE 1. Un PEUPLE LIBRE est doté dune économie libre et populaire Lavenir de la démocratie, entendue ici en son meilleur sens, celui de RÉGIME MIXTE dépend de sa capacité de se doter dun nouveau modèle économique mondial, efficace et juste, non oligarchique et non impérial, par suite non belligène et respectant et la liberté des Nations et lautorité des États. Pendant toute lépoque postmoderne, on a cru à la fin des Peuples, des Nations et des États et à leur remplacement par la créativité des grandes sociétés internationales. Lexpérience de la Crise mondiale est en train [2013] de balayer ces vues néolibérales, come lHistoire a balayé les kolkhoses. En situation dhumanité développée, sans vrai PEUPLE il ny a pas dÉTAT légitime ; et sans ÉTATS légitimes, le monde nest pas gouvernable. Sans vrai PEUPLE, avec vraie CULTURE, il ny a pas de DÉMOCRATIE et sans DÉMOCRATIE, la SOCIÉTÉ développée vit dans un état dimposture et de violence. De fait, les ÉTATS, pour être ce quils ont à être, doivent être plusieurs et indépendants, comme les peuples[2]. Cela rend bien sûr possible la guerre entre les NATIONS, comme le pétrole rend possible la guerre pour le pétrole. Mais les facteurs de guerre en lHomme sont si profonds quaucune structure utopique ne nous en protègera jamais. En dehors de toutes les formes de guerre (privée, civile, sociale, de sécession) le monde de lOLIGARCHIE, des mafias, et de lIMPÉRIALISME, retournant à létat de nature, devient un chaos. On sent venir [2013] la fin dun monde structuré par laction des multinationales et par lidéologie postmoderne. Les individus, en tant que rationnels, aspirent à la renaissance de vrais PEUPLES et dÉTATS solides, de préférence dans des UNIONS des NATIONS et dans des zones économiques cohérentes, avec un sens de la responsabilité universelle de chacun. Ils demandent pour cela une finance et des régimes de propriété exprimant dabord la confiance mutuelle et la solidarité à lintérieur de chaque PEUPLE LIBRE, de chaque zone économique et de chaque union entre NATIONS civilisées. Ce sont là les dimensions, pour ainsi dire socialistes, au sens rationnel et non idéologique du terme, de la NATION civilisée. Une NATION civilisée respecte par définition la loi naturelle, qui, nétant pas limitée à une nation, mais sappliquant à tout individu de nature humaine, à tous groupes de tels individus, prescrit aussi justice et amitié entre peuples et respect de tout être humain vivant en étranger, dans quelque peuple que ce soit. Cette NATION assume, dans le concert, léquilibre et la sécurité des NATIONS, sa propre charge, variable, du bien commun universel ce quon peut appeler la « fonction de paix », ou la « fonction dempire ». 2. Un PEUPLE LIBRE est une NATION dotée de trois grandes LIBERTÉS celle des individus et des groupes dans le tout social en particulier les libertés économiques (DROITS DE LHOMME); celle du tout qui sautodétermine lui-même à lintérieur de lui-même (DÉMOCRATIE) ; celle du peuple qui sautodétermine au sein de la société des nations (INDÉPENDANCE NATIONALE). Ce sont là les dimensions libérales, au sens rationnel du terme, dune NATION civilisée. LINDÉPENDANCE NATIONALE a une valeur authentique si la conduite de la NATION à lextérieur relève dans lensemble dune liberté pratique. La NATION se conduit alors de manière civilisée, selon une loi de paix, acceptant les égaux, cultivant léquilibre et pratiquant la modération. Par contre, si lINDÉPENDANCE NATIONALE relève de la liberté pathologique, la souveraineté devient une tyrannie, lindépendance un égoïsme arbitraire. 3. Un PEUPLE LIBRE est une PATRIE Loin dêtre de purs esprits, ce sont des êtres qui naissent dun père et dune mère, et normalement sont éduqués au sein dune famille et dun corps social. Ce corps social est appelé PATRIE parce quil est en général celui de leur père. Leur vie intellectuelle, spirituelle et morale se développe à partir de la langue quils apprennent quand ils sont enfants et qui est dite maternelle, car elle est celle de leur mère. Le sentiment de la patrie peut envelopper aussi la conscience dintérêts calculés[3]. Une PATRIE moderne [2013] doit tenir compte aussi de la globalisation Le sentiment de la réduction des espaces par les techniques de communication permet plus aisément de former lidée du genre humain comme dune seule famille, habitant de la Terre entière, issue de premiers parents communs. Mais ce sentiment qui évite à lindividu de senfermer dans sa seule PATRIE, ne sait cependant la remplacer, ainsi que tous les émigrés le savent. Le besoin de PATRIE est donc aussi universel et durable que la nature conjointe de notre nature sociale, de nos origines familiales et de nos traditions culturelles. Quand une PATRIE semble presque dissoute, elle peut toujours se reformer, en se rénovant, autour dun nouveau POUVOIR et dans un nouveau pacte social. Pour que la liberté de la NATION soit pratique et non pas pathologique sage, juste, exempte dune passion démesurée, qui est matrice didéologie lindividu doit savoir assumer avec raison les liens de sa liberté avec sa nature et sa famille, sa tradition et son histoire au sein du PEUPLE qui est le sien. Ce sont là les racines ces dimensions conservatrices, au sens rationnel du terme dune NATION civilisée. 4. Un PEUPLE LIBRE possède une CULTURE commune, une solidarité puissante, une affection de société Ses membres qui affectionnent la liberté ne sauraient vivre sans elle. Ce sentiment peut et sans doute doit se fonder dans une conviction commune relative à la valeur de la liberté, cultivée par ce PEUPLE. Cette affection de société se trouve traversée de tensions inévitables, car lindividu doit adhérer à la culture commune et cependant, dans le même temps, forger son propre jugement. Peut-être convient-il de se servir de ces tensions pour sélever, sans division injustifiée, vers des compréhensions communes plus profondes. 5. Un PEUPLE LIBRE et développé possède un organe de pouvoir démocratique, une représentation politique effectivement démocratique La représentation démocratique risque de nêtre quun faux-semblant, faute dune démocratie économique effective et originale (respectant la république, lÉtat et les nations), dune constitutionnalisation du Léviathan médiatique, dune transmission sérieuse de la culture de liberté pratique. 6. Les conditions à remplir pour quon puisse reconnaître lexistence dun organe de POUVOIR effectivement démocratique. sil favorise lélection par le peuple de individus qui reçoivent pouvoir pour orienter les flux financiers dont dépendent linvestissement et le travail des gens. sil prend effectivement en compte la volonté générale objective et les intérêts collectifs dun peuple, son droit au travail et la liberté daction de ses classes moyennes entrepreneuriales, socle de tout régime démocratique. sil permet, au-delà de lopinion publique irrationnelle et instantanée, la formation dune volonté sérieuse et durable de bien commun, autour de têtes solides. si les représentants ne « vendent » pas le peuple[4] à loligarchie financière mondiale. Sils sont loyaux à leur nation, à leur peuple et notamment aux classes moyennes ; si notamment ils cultivent un modèle agricole et industriel respectant les exigences politiques et culturelles dune société libre. si le système savère apte à sélectionner des personnalités qui ont de la culture et du courage, une éthique solide, et qui ont une pratique autre que celle de gérer des partis politiques. si les partis, les candidatures, les sondages, les élections et les élus ne sont pas manipulés ou financés par les oligarques, ou les agents de lempire. si cet organe est en mesure de mener une politique de bien commun, et non pas une politique servant seulement les intérêts de loligarchie et de lempire. si le régime a le pouvoir dorienter fermement le capital, de telle sorte que linvestissement et lemploi soient assurés ; en un mot, sil est en mesure de faire appliquer une politique prenant effectivement en compte les citoyens dans leurs nations. si lidéologie, ou un juridisme purement formel, ou la propagande, ou une « science de paille » nétouffent pas la pensée classique et la volonté dune politique de bien commun. Car dans une SOCIÉTÉ LIBRE, cest au nom de la « liberté » et par labus du droit quon peut détruire le POUVOIR et la LOI, autrement dit lÉTAT de DROIT. Le PRINCIPE LIBERTAIRE (LIBERTARISME) est destructeur du régime mixte qui est le vrai concept de la DÉMOCRATIE : les concepts plus absolus et libertaires de celle-ci ne servent jamais que lOLIGARCHIE, via la destruction du POUVOIR. possède trois grands points dapplication : le sexe (libertinage), largent (oligarchie, prolétarisation) et le pouvoir (totalitarisme). Ces trois orientations sont solidaires en profondeur, étant toutes des expressions de la LIBERTÉ pathologique. Toutes leurs traductions relèvent donc de létat de nature et de la société non-libre. En général, un parti populaire empreint de dignité (appelé souvent travailliste ou socialiste) a pour vocation de contrer le LIBERTARISME concernant largent. Mais il nest jamais exclu quil trahisse la cause du peuple, quil livre sans défense aux politiques oligarchiques, tout en lui donnant gratis du sexe en compensation. Cest pourquoi un parti populaire non postiche est familialiste ou nest pas. Des dirigeants populaires libertins sympathisent toujours avec lOLIGARCHIE libertaire, même sils la détestent par ailleurs. Si jamais lOLIGARCHIE parvenait à détruire la famille, elle transmettrait au peuple la mentalité propre à le replonger dans lesclavage par labjection. Cest à cela quaboutissent les partis socialistes par trahison de la cause du peuple. En ce cas, ce serait à un parti conservateur dynamique et audacieux, quil reviendrait dassumer la défense des intérêts populaires. 7. Comment lOLIGARCHIE peut subsister sous une façade démocratique Il est possible de faire élire et réélire à lenvi (démocratiquement, somme toute) des responsables qui mèneront tous, au nom du peuple et avec au moins son consentement tacite une politique OLIGARCHIQUE quels que soient leurs partis, leurs promesses et leurs discours. Les conditions de cette captation de DÉMOCRATIE sont les suivantes : a. diffuer une culture commune de liberté pathologique mettant à bas la loi naturelle, la connaissance de lhistoire et le sens commun. b. au nom dune légitimité démocratique, imposer la volonté oligarchique, même si elle savère contraire aux intérêts du peuple. c.relâcher la pression de temps à autre, en versant opportunément des compensations financières. d. disposer surtout dun outil de propagande efficace. Une fois la liberté définie pathologiquement, il est aisé de tirer tout ce quon veut de la souveraineté populaire, y compris son abdication entre les mains de César, ou des oligarques[5], ou de leurs représentants. 8. La rhétorique oligarchique use de trois moyens (lieux communs idéologiques). Le premier consiste à faire lamalgame de lidée du POUVOIR avec la TYRANNIE. Il sagira donc pour elle de détruire indirectement le DROIT pratique en détruisant le POUVOIR au moyen dun continuel abus du DROIT. Cest possible, si le peuple, par appréhension dun tyran imaginaire fabriqué par la propagande, détruit de ses propres mains le solide POUVOIR qui serait seul susceptible de réguler lOLIGARCHIE à son profit et de la contrebalancer. Toute résistance à lOLIGARCHIE suppose donc le rétablissement dun DROIT pratique, en restaurant la confiance entre le PEUPLE et le POUVOIR. Le deuxième consiste, pour les partis au service de lOLIGARCHIE (les « républicains sans démocratie »),à se présenter comme les véritables DÉMOCRATES, plus libéraux, plus universalistes, plus rationnels, etc.et à présenter les DÉMOCRATES effectifs, forcément attachés à des intérêts locaux et nationaux, comme des esprits étroits, craintifs, rétrogrades, etc. Le troisième moyen, indispensable, est de se servir du pouvoir de la propagande pour pousser en avant des politiciens excessifs, dont le discours sans nuance de faire lamalgame de toute politique non OLIGARCHIQUE à un particularisme irrationnel et violent. Ces politiciens présenteront limage dont la propagande a besoin. Et cependant en RÉPUBLIQUE sans DÉMOCRATIE, il nest pas toujours approprié de parler dimposture. Nombre doligarques pensent de bonne foi quils sont démocrates et nombre de politiciens de tous bords vivent en paix dans une fausse conscience démocratique. La notion postmoderne de la liberté est en effet si antinomique, et la notion postmoderne de la justice si complaisante, quil est toujours possible, sous leurs auspices, de présenter une politique (ou presque nimporte laquelle), dun point de vue qui la fera passer pour un progrès de LA liberté et de La justice. B/ LE PEUPLE LIBRE ET SON POUVOIR, LE PACTE SOCIAL Dans un PEUPLELIBRE, la relation entre le POUVOIR et le PEUPLE se noue à partir dun PACTE SOCIAL. Le PACTE SOCIAL, dans ce quil est à la fois, « volontaire, non arbitraire et selon la nature »,ressort directement de lanthropologie. Les raisons profondes de ces qualifications seront réservées à « Lavenir de lhumanisme » et se trouvent donc exclues du présent chapitre. Le noyau dur du PACTE SOCIAL et la CONFIANCE Cest toujours par la CONFIANCE quune société humaine fait corps en LIBERTÉ. La CONFIANCE est toujours dabord le fruit dactes vertueux tels que : dire la vérité, tenir ses promesses, être juste, exemplaire et courageux. Des institutions fonctionnelles et des techniques peuvent toutefois stabiliser la CONFIANCE, dont elles sont la cristallisation. Du fait quon fait confiance à quelquun ou à quelque chose, le rôle du chef est fondamental et fondateur dans sa constitution de la CONFIANCE. Un « quelque chose », en effet, ne marche que par « quelquun » qui le met en uvre et à ce « quelquun », il faudra pouvoir se fier ? Sans quoi, il va falloir le surveiller, surveiller le surveillant et ainsi de suite. Quelle que soit lefficacité de ce contrôle, les contournements restent toujours possibles. Dans tous les cas, il faut en revenir au facteur éthique, premier et inaliénable, à des personnes physiques objectivement fiables et à des principes pratiques objectifs. Ainsi, dans une SOCIÉTÉ LIBRE, le PACTE SOCIAL est dabord un PACTE DE CONFIANCE autour dun chef. Pour examiner comment il se constitue, usons de lanalogie des dunes. Analogie des dunes. Au départ un petit caillou fait face au vent dominant. Un cône de sable se forme derrière lui ; apportées par le vent, dans ce cône, viennent germer des graines de plantes à longues et minces racines, aptes à y vivre. Ainsi saccroît la taille de lobstacle, et la masse du sable accumulé derrière lui. Dautres graines viennent y germer, renforçant la stabilité et le volume de lobstacle et ainsi de suite. À la fin, une dune sélève là où sétait immobilisé le petit caillou dorigine. Linterprétation de cette image naturelle, aide à comprendre la CONSTITUTION de la Cité. Les vents dominants ne sont autres que les facteurs de la méfiance qui maintiennent le genre humain dans l« état de nature ». La Cité se constitue toujours face à des puissances dinjustice et de transgression combattant pour imposer leur domination. Le caillou qui leur résiste et sert de point de fixation pour le sable, cest un chef ou un groupe de chefs dotés dune sorte de masse morale supérieure, décidés à respecter et à faire respecter la LOI de paix, cest-à-dire la loi naturelle. Cette force juste va faire passer un groupe humain à létat civil, cest-à-dire le civiliser. Le POUVOIR combat donc la violence (forces de guerre) et les ruses (forces de fausse paix), les réduit à lobéissance, impose la LOI de paix, la loi naturelle de confiance, lordre juste. Les graines qui viennent fixer le cône de sable, ce sont les meilleures traditions dune civilisation de LIBERTÉ juste. Quand elles ont poussé, les chefs justes et forts sont devenus pleinement légitimes. Les individus qui, dans le chaos, nétaient que grains de sable imparfaits, ne pouvant même jouir de leur solitude, deviennent membres dun CORPS SOCIAL uni par la CONFIANCE en sa Tête. Sous sa garantie, ils se font confiance entre eux. À son tour, le Corps fait confiance au chef et lui permet davoir confiance en son Corps. De bonnes idées saccréditent. La CONFIANCE installée, la LIBERTÉ juste se déploie. De bonnes murs de LIBERTÉ pratique sont cultivées. La SOCIÉTÉ devenue LIBRE et fonctionnelle, peut alors se définir comme « un Corps formé de membres confiants ». Et cette SOCIÉTÉ LIBRE mérite le nom de PEUPLE LIBRE, parce quelle est une formation singulière, finie et contingente (comme une dune à la surface de la Terre). Ainsi lexpression « CONSTITUTION de la Cité » désigne dabord un processus réel, éthique et social et non pas seulement une simple structure, encore moins un simple agencement de pouvoir décrit et prescrit par des textes. À ce point de lexposé, Henri Hude précise que le système hobbésien ne comporte, à ses yeux, que deux éléments valides : 1° le couple paradoxal « LOI NATURELLE/état de nature » ; 2° lidée que la LOI est naturelle dabord, parce que cest une LOI de paix, dont lapplication met fin à la guerre. Cest à partir de ces deux éléments quon redécouvre avec certitude la LOI NATURELLE. Les couches périphériques du PACTE SOCIAL Dans le monde, autour du noyau central, sont pluriels, non seulement les PACTES SOCIAUX, mais également les CONTRATS PARTIELS. Pluralité des PACTES SOCIAUX : en chaque pays, à chaque rendez-vous de lhistoire, un PACTE SOCIAL particulier est proposé de fait à lindividu, ou aux groupes : une culture commune, une idée du BIEN, une structure de la JUSTICE, un projet collectif, une façon de vivre et une place particulière pour chacun dans ce Corps. Ce pacte est plus ou moins acceptable, sil est de fait situé à plus ou moins grande distance de la JUSTICE bien structurée. Pluralité de CONTRATS PARTIELS qui sorganisent, tels des couches périphériques, pour former à chaque fois un pacte complet, plus ou moins satisfaisant, JUSTE et stable. Les théories du PACTE SOCIAL sont dune immense variété, qui sexplique en premier lieu par la partialité de leurs auteurs. Chacune de ces théories favorise un des organes ou un des parties de la société. Mais plus on veut garantir une LIBERTÉ absolue à lun, plus on se rend intolérable aux autres. Tel veut assurer la LIBERTÉ absolue du peuple, tel la LIBERTÉ des aristocraties, tel autre la LIBERTÉ absolue du chef, ou de lÉTAT
De là le choc entre ces théories qui se rapportent à la relation qui sétablit entre le PEUPLE ou les élites avec la Tête, le POUVOIR : Le pacte monarchique : pacte entre le PEUPLE et son chef, à partir dune condition de relatif chaos. La légitimité est ici descendante, le PEUPLE existant grâce au chef autour duquel les individus font peuple en venant se rallier tels les grains de la dune. Le PACTE SOCIAL selon Hobbes, ou certaines traditions féodales ou germaniques, ou encore celui dIsraël dans la Bible correspondent à cette forme que lon peut appeler pacte monarchique, bien que le monarque puisse aussi être un collectif, comme une famille, ou un Sénat. Le pacte étatique : la relation se conserve substantiellement tout en se modifiant lorsque le PEUPLE prend davantage confiance et que le POUVOIR sentoure de l ÉTAT ou le devient. Le pacte démocratique : lorsque le PEUPLE apprend à vivre solidairement, grâce à la Tête mais sans penser à elle. La Tête est tutélaire mais peu envahissante, surtout aux temps prémodernes. Ainsi se constitue le pacte démocratique implicite entre membres par lequel les membres dun Corps consentent dêtre ensemble dans ce Corps avec leurs familles. Ceci est surtout vrai des classes populaires. Le pacte aristocratique particulier ou pacte républicain : lorsque les élites, dans le même esprit que dans le pacte démocratique, les élites apprennent à exister dans lordre et la LIBERTÉ et développent une SOLIDARITÉ interne et passent ce nouveau type de pacte. Le pacte aristocratique ou pacte républicain de gouvernement : lorsque les élites solidarisées senhardissent et décident de passer un pacte nouveau avec le POUVOIR oulÉTAT. Cest ce genre qua théorisé Locke dans son traité[6]. Le pacte social : celui qui se trouve établi (en un sens particulier) entre une classe populaire et ses élites. Le pacte politique intégral : celui que passe lensemble des classes populaires et des élites avec le POUVOIR et lÉTAT. Récapitulant tous les autres, le PEUPLE se constitue comme Corps pleinement organisé et pleinement LIBRE. Dans le rapport et le pacte du Corps avec la Tête, il faut aussi distinguer le pacte constitutif, dans la confiance fondamentale et fondatrice, et les pactes constitués. Ces derniers se passent par exemple lorsquintervient une élection, conformément à des règles et au sein dinstitutions établies. Les pactes constitués réactivent le pacte constituant. Le POUVOIR PERSONNEL en bref Cest la primauté reconnue au pacte de pouvoir monarchique, noyau créatif de la confiance, qui nous conduit à faire plusieurs remarques au sujet de cette notion de POUVOIR PERSONNEL. (a) Seule une personne (ou un groupe cohérent de personnes) peut inspirer confiance et créer la confiance. À lintérieur de lÉTAT, le POUVOIR doit toujours demeurer, car un ÉTAT est dabord un POUVOIR, sans lequel règne létat de nature et sans lequel le PEUPLE est en état de dispersion. Dans toutes les organisations économiques, le rôle du leader en personne est absolument fondamental. À plus forte raison dans les corps politiques. Il ny a donc pas lieu de reprocher à lÉTAT dêtre dabord un groupe de personnes autour dun chef. (b) En un second sens, lexpression « pouvoir personnel », signale en général les tentations du pouvoir, et dabord celle de se lapproprier, alors quil est une fonction au service du BIEN commun. Elle signale aussi, en particulier, la conduite de dirigeants qui refusent de céder ou de partager le pouvoir lorsque ce serait juste et raisonnable. Ainsi lexpression « POUVOIR PERSONNEL» désigne-t-elle tantôt un fait naturel et légitime (1er sens), et tantôt un abus (2e sens). (c) Lexpression « pouvoir personnel », quand elle est prise en un sens systématiquement péjoratif(3esens), nest quun thèmed e propagande oligarchique (pour une république sans démocratie). Les oligarques, en diabolisant le POUVOIR et les personnalités courageuses qui pourraient lincarner, visent à discréditer par avance les chefs qui pourraient brider leurs abus. Il sagit, pour eux, dempêcher lémergence des personnes autour desquelles se dissoudrait lidéologie et qui refonderaient le pacte social. (d) Que faire, après les temps de «République sans démocratie », pour rétablir (sil se peut) une société libre ? Quand lÉTAT et la RÉPUBLIQUE sont abusifs et que la DÉMOCRATIE nest plus quune façade, il y a comme un retour à lorigine de la SOCIÉTÉ LIBRE. Le PEUPLE a été méthodiquement divisé, au profit de lOLIGARCHIE (petits et moyens patrons contre salariés, masse du PEUPLE contre prolétariat, anciens citoyens contre immigrés ; et aussi idéologie vide contre idéologie creuse, extrémisme contre extrémisme, etc.). Après de tels temps, ce PEUPLE a besoin de sunir de nouveau dans la confiance, et de passer un nouveau PACTE SOCIAL, autour dun POUVOIR. Que cela signifie-t-il concrètement ? Dans le meilleur des cas, le PEUPLE LIBRE se reconstitue derrière le POUVOIR du leader juste et fort avec lequel se passe le nouveau PACTE SOCIAL. Dans le pire des cas, la TYRANNIE dun aventurier démagogue vient profiter de la situation pour se saisir du POUVOIR ; il le fait contre lOLIGARCHIE, ou en entente avec elle, voire dans léquivoque. Reste à savoir comment éviter que la première formule ne dérive dans la seconde ? Car la TYRANNIE, selon Britannicus (Racine), a dheureuses prémices. (e) Il existe deux grandes tactiques des OLIGARCHIES pour préserver la «RÉPUBLIQUE sans DÉMOCRATIE» : ou bien résistance au changement, ou bien précipitation du changement et corruption. Dans la première dentre elles, il est assez clair de voir comment les groupes ou les classes qui voudraient continuer à concentrer trop de pouvoir résistent à lévolution, y compris par lusage de DICTATURES. Dans la seconde, on voit lintervention de démagogues, dutopistes ou didéologues tentant daccélérer, outre mesure, le cours des changements tout en affaiblissant la LIBERTÉ par la négation des règles (corruption). Tel se croit maître des autres et de leur acceptation est en réalité plus esclave queux plus pathologique. Du point de vue pratique, une liberté individuelle est toujours une responsabilité, une charge confiée à une autorité personnelle, celle de lindividu, qui doit en être digne. La LIBERTÉ pratique est une AUTORITÉ, et si elle est effective un POUVOIR. (f) Comment déterminer une politique prudente ? À ce stade, il convient de prêter attention à un principe et à un fait. o Un principe : la croissance générale, intellectuelle ou économique va normalement dans le sens dun accroissement des prérogatives de lindividu ? Cest une donnée certaine, et cela est JUSTE en principe. o Un fait : quand lindividu se met à exister librement, il abuse souvent de sa LIBERTÉ égoïste, fait fi de la LOI NATURELLE et nuit ainsi au CORPS SOCIAL, qui se corrompt et se décompose. Et ceci est une injustice. o Applications possibles : les progressistes verront spontanément le principe, les conservateurs le fait. Le risque de la LIBERTÉ sans règle, de la corruption, est certain. Les risques concernant le blocage ne le sont pas moins. o Doù la différence légitime entre des « opinions politiques censées », entre les jugements prudentiels sur les situations et sur les politiques les plus opportunes. o De là aussi des politiques extrêmes, soit de blocage de la croissance ou de réaction, soit dutopie, de démolition et de transgression. Il se peut que le membre agisse comme sil voulait détruire le POUVOIR, abolir la LOI et revenir à létat de nature. Ou que le Corps en vienne à se méfier du membre, cherchant à le détruire en tant que membre pensant ou même en tant quindividu réel, libre dexister et de prendre des initiatives. De ces incertitudes naissent les désaccords politiques entre citoyens sérieux, au sein même dune SOCIÉTÉ LIBRE. Le complexe anti- POUVOIR en bref Deux fausses suspicions sont fréquemment établies : la première selon laquelle la FORCE et le POUVOIR seraient injustes en eux-mêmes, la seconde sopposant à la première selon laquelle « létat de nature est un ordre spontané, juste et apaisé ». Vraisemblables sans doute si lhomme ne fréquentait pas la démesure et la transgression alors même que « lhomo sapiens, sapiens en est pourvu[7] ». Et cette tendance empêche létat civil dexister, tant quelle nest pas réprimée, ni lindividu soumis au respect des nécessités de lordre par la contrainte ou le dressage, ou la pression, ou laspiration et lamour. De là, sans doute, le complexe anti-POUVOIR, obstacle au renouvellement du PACTE SOCIAL dans les «RÉPUBLIQUES sans DÉMOCRATIE». Les mobiles du complexe anti- POUVOIR : (a) Dans la mesure où les détenteurs du POUVOIR en abusent, ils détruisent le POUVOIR en tant que POUVOIR authentique (POUVOIR juste et fort) et ils érigent leur TYRANNIE, instaurant un autre état de nature : un état doppression qui suit une victoire brutale. Le désir de JUSTICE et détat civil devrait demander alors, non pas la fin du POUVOIR (qui a dégénéré) mais son rétablissement dans létat ante, la fin de la TYRANNIE et du nouvel état de nature. Cela supposerait laction dun POUVOIR plus fort que la puissance tyrannique et malhonnête dont on a lieu de se plaindre. « Quiconque juge le POUVOIR souverain trop grand et cherche à le réduire doit se soumettre lui-même à un POUVOIR plus grand[8] ». La critique dun POUVOIR devenu tyrannique est donc souvent fondée, mais le tir contre la TYRANNIE du POUVOIR appui du DROIT, non seulement manque sa cible, mais favorise lemprise dun autre état de nature anarchique ou oligarchique. LOLIGARCHIE abusive est toujours lhéritière désignée dune critique inconsidérée du POUVOIR. (b) Dans la mesure où la paix règne grâce au POUVOIR et grâce à une culture fonctionnelle de LIBERTÉ pratique, certains esprits transgressifs se mettent à désirer la LIBERTÉ pathologique. Ils haïssent le POUVOIR tout simplement parce quil fait obstacle à leurs désirs injustes. Et en ce cas, cest le POUVOIR qui a raison et ce quon voudrait appeler LIBERTÉ devient INJUSTICE. (c) Dans la mesure enfin où un POUVOIR en partie abusif se heurte à des membres eux aussi abusifs en partie, on rencontre des citoyens qui combinent inséparablement quatre éléments de mentalité : 1° une aversion compréhensible à lencontre de tout POUVOIR abusif ; 2° un amour excessif de la LIBERTÉ sans savoir quelle peut être pathologique ; 3° la conviction erronée que la LIBERTÉ, telle quil la pense, a sa place de plein droit dans toute culture de LIBERTÉ ; 4° une méfiance hostile envers le POUVOIR en général. Ainsi se noue le complexe anti-POUVOIR, complexe confus, mental et affectif qui mélange à parts égales le désir de JUSTICE et lenvie dINJUSTICE, pétri dans un fond de méconnaissance de la DÉMOCRATIE et de la LIBERTÉ. Le rôle que le complexe anti-POUVOIR peut être amené à jouer dans le fonctionnement de lillusion démocratique (régime de «RÉPUBLIQUEsansDÉMOCRATIE») Ce rôle dans les trois grandes forces politiques : 1. Les partis démocrates ou socialistes, lorsquils cèdent tout à lOLIGARCHIE, sur le plan économique et politique, sans doute les formes de la DÉMOCRATIE ne sont-elles pas abolies, mais elles subsistent de plus en plus comme des formes vides. La DÉMOCRATIE est devenue fictive, et les partis peuvent continuer à donner limpression de lutter encore pour la LIBERTÉ du PEUPLE. En fait ils ne font que renforcer globalement le POUVOIR des individus financièrement transgressifs (promotion de la LIBERTÉ pathologique dindividus transgressifs), cest-à-dire celui des oligarques. Il suffit alors de faire fonctionner le complexe anti-POUVOIR pour donner limpression dêtre « à gauche ». Alors, « Être à gauche » ne signifie plus rien sauf à être « transgressif ». Lêtre cest bien, ne pas lêtre cest mal. Il ny a alors rien de plus à gauche que lOLIGARCHIE financière et on comprend quon la laisse libre. Le tour est joué et le PEUPLE se croit défendu tout en étant confondu. 2. Les libéraux, de leur côté, quand ils sont devenus des serviteurs cyniques de lOLIGARCHIE, sont ravis de pouvoir donner aux gens quelque chose qui ne grève pas le budget et qui affaiblit le POUBVOIR social de résistance au système oligarchique. Ainsi tout le monde est prêt à faire les mêmes bêtises. Cest ce quon appelle le pluralisme. De là, la place exceptionnelle que prend la LIBERTÉ sexuelle pathologique, dans la vie politique des sociétés postmodernes. Comme la transgression est devenue lessence de la LIBERTÉ, pour les socialistes comme pour les libéraux, il en résulte que les politiques, pour se sentir exister, nont plus de marge de manuvre que dans le domaine sexuel et sociétal. 3. Les conservateurs enfin, quand ils nont plus grand-chose à conserver, nont pas forcément envie de remettre en cause le désordre économique existant. Ayant perdu linitiative, ils vont alors se donner une morne identité par un combat rituel toujours perdu davance, contre le génie libertaire et sa transgression permanente. Au complexe anti-POUVOIR, ils opposent un complexe anti-anti-POUVOIR, sans audace économique ni politique mais qui leur sert malgré tout de strapontin à titre de supplétifs pour les libéraux. En fait leur position dopposant est garantie pour le long terme. Cest ainsi que perdure la RÉPUBLIQUE sans DÉMOCRATIE, jusquau moment où le PEUPLE retrouve la force et loccasion de « faire dune » derrière un juste POUVOIR (retour au RÉGIME mixte). Le complexe anti-POUVOIR contribue à retarder le nouveau PACTE SOCIAL, quand les RÉPUBLIQUES sans DÉMOCRATIE arrivent en fin de vie Force est de constater que les membres de la société postmoderne sont rarement capables danalyser et de critiquer le complexe anti-POUVOIR, lié à lidéologie dominante. Mettant en scène des combats dégos, les médias empêchent de bien comprendre et abaissent en-dessous du minimum vital le niveau de rationalité des discussions politiques, surtout dans les RÉPUBLIQUES sans DÉMOCRATIE dotées de classes politiques vraiment insuffisantes. Le complexe anti-POUVOIR empêche de comprendre quen cas de crise, le libéralisme postmoderne installe un processus de retour à létat de nature hobbésien, doù renaît le besoin détat civil et donc dePOUVOIR, de Loi naturelle, et de PACTE SOCIAL. De là limportance de se réapproprier la culture classique, force de LIBERTÉ. Le PACTE SOCIAL est ainsi, en son noyau, laccord qui se forme, autour du POUVOIR pour passer de létat de nature à létat civil en renonçant à la transgression, à la démesure, et en respectant la LOI de paix. Le POUVOIR en tant quil catalyse la confiance mutuelle, est POUVOIR constituant. Constituer, cest faire passer de létat de nature à létat civil. La politique et la guerre Bien que tout le monde répète, après Clausewitz, que la guerre est « la continuation de la politique par dautres moyens », sauf dans létat de nature où la ruse cède la place à la violence, quand elle échoue à atteindre son but injuste. La vérité, cest que : la politique est déjà guerre, car il faut toujours imposer la paix par la force ; ou parce que ce quon appelle politique nest parfois quune des formes de létat de nature ; étant véritablement paix grâce à la JUSTICE, la politique nest pas exclusivement guerre. Elle relève moins des pouvoirs constitués que du pouvoir constituant, au sens le plus fondamental : celui qui fait passer de létat de nature à létat civil. Si la guerre pouvait représenter la continuation de la politique, cest que lordre politique naurait pas encore été fondé, ou que les violents le parasiteraient. Ce rapport entre la politique et la guerre est cohérent avec une vision densemble équilibrée, sur « linsociable sociabilité de lhomme[9]». Tout désir humain peut devenir excessif (à partir dun fini ou un relatif recherche dun infini ou dun absolu) doù la démesure. Ce même désir, déjà démesuré peut devenir transgressif, car lhomme désire être LIBRE pathologiquement, doù son aversion pour la LOI, civile ou naturelle, sauf si son arbitraire sy conforme ou sil peut y trouver un moyen de dominer les autres. Si elle est objective, il lui faut la violer pour affirmer son indépendance. Lessence de la LIBERTÉ devient alors la transgression. Et lhomme ainsi animé de ce genre de haine devient agressif, car il ne peut plus supporter les autres, dont il dépend, dont il veut être reconnu, mais dont il ne supporte plus de dépendre. De proche en proche, si lon ny prend garde, on risque de passer du régime libéral au régime libertaire et du régime libertaire au régime maffieux. En effet, lamour du gain devient âpreté au gain ; lâpreté au gain, la cupidité ; la cupidité, le pillage ; le pillage, la cruauté et loppression. Cest pour cela quun continuum sétablit si aisément de lOLIGARCHIE à la PLOUTOCRATIE, de celle-ci à la CORRUPTION, et de la CORRUPTION au régime semi-MAFFIEUX, puis carrément MAFFIEUX. Et lévolution se produit inévitablement quand lOLIGARCHIE détruit lePOUVOIR et sassure limpunité par labus du DROIT. Le comble de la transgression, ce sont en effet le cynisme et limpunité qui permettent lillusion dune toute puissance. Pour en jouir, il ne faut rien moins quun régime châtiant les manquements des petits, mais épargnant ceux des grands. Si, au sein du RÉGIME MIXTE, le POUVOIR, lÉTAT, la RÉPUBLIQUE et la DÉMOCRATIE ne se font pas contrepoids, on ne sort pas vraiment de létat de nature. Le désir transgressif et démesuré fait la loi de létat de nature[10] et il est guerre. Sous son emprise, la PAIX nest jamais authentique, mais effet de diktat ou de ruse. Létat civil suppose quune guerre a été faite et gagnée la guerre « pour la PAIX[11] », la guerre contre la guerre, limposition létat civil de et de la PAIX. Et la PAIX ne subsiste que si lindividu accepte, lui aussi, de se faire la guerre à lui-même et de combattre, par esprit de justice, ce désir transgressif pour le bien de la PAIX. Sil ne fait pas cette guerre, il fait la guerre aux autres. Il ne peut y avoir de société civile, sans culture commune deffort sur soi. Lhomme est loin de toujours présenter, des apparences aussi inquiétantes ; il est naturellement sociable, ami de la générosité, enclin à la sympathie. Quant au pacifisme, sest le témoignage dun désir dun autre monde, respectable dans la mesure où il ne se fait pas trop dillusion. Gouverner, cest contraindre, mais sur fond dautorité entraînante et convaincante. Avant toute institution, ou même au sein de tout système institutionnel, rien ne peut donc remplacer ce facteur éthique et caractériel premier : la force juste ou la JUSTICE forte, incarnée dans des leaders justes et forts, cest-à-dire, au besoin, usant de contrainte. Car gouverner cest contraindre (selon Georges Pompidou[12]), dans une communauté dindividus toujours tentés par la transgression, pour le plaisir de la transgression. Absolument tous les éléments du leadership sur un PEUPLE libre se ramènent, dune manière ou dune autre, à ces deux vertus fondamentales, la FORCE et la JUSTICE. Tout chef qui succède à la RÉPUBLIQUE sansDÉMOCRATIE, et qui rétablit le POUVOIR, rendant ainsi possible le retour vers la DÉMOCRATIE de RÉGIME MIXTE, aura probablement à sortir vainqueur, sinon dune guerre, du moins dune épreuve de force avec lOLIGARCHIE. Et toute SOCIÉTÉ LIBRE, à quelque niveau que ce soit de son développement, est débitrice de tels chefs et de leur décision énergique. Ces décideurs ne sont pas que forts ; ils méritent et conquièrent la confiance en eux et en leur vision inventive. Ils savent persuader. Ils catalysent ainsi leffort de tous en vue dun avenir crédible.
[1] ECONOMICA , fé»vrier 2013 [2] Ces raisons nécessaires ressortent dune étude à venir dans « Lavenir de lhumanisme ». [3] Cest le patriotisme réfléchi de la république,Cf. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835, 2e Partie, chap. 6, Flammarion GF 1985, p.331. [4] Cf. hostilité de Rousseau à la démocratie « représentative ». [5] Jérôme Carcopino, Jules César, fin. [6] John Locke, Second Traité du Gouvernement (1691), chap.8. [7] Selon Jean Guilaine et jean Zammit, lhomme est à la fois naturellement sociable et radicalement insociable (Le sentier de la guerre. Visages de la violence préhistorique), Seuil, 2000. Létat endémique de la Bible nest pas un état de nature mais un état surnaturel, dont létat de nature idyllique de certains penseurs du XVIIIe siècle, ou encore le mythe du bon sauvage semblent être des sécularisations. [8] Hobbes, Léviathan, Partie II, chap. 20,§ 18, édition Gaskin , p.168.. [9] Kant, Idée dune histoire universelle dun point de vue cosmopolitique, 4e proposition. [10] Il semble que les mêmes mécanismes égoïstes soient à la base à la fois de la jalousie ou de la démesure et de la pitié. Au sujet de celle dernière, voir Spinoza, Ethique, III, p. XXXII, Scolie et Définition, XVIII, pour qui elle nest pas une garantie de bonté humaine, bien quelle puisse faire contrepoids à dautres affects. [11] Expression de Paul Léon, La guerre pour la paix. 1740-1940, Fayard, 1950. [12] In Le nud gordien (1974), Flammarion, 1992.
|